Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre approche a évolué au cours de l’examen de ce texte. En première lecture, notre groupe avait retenu une approche différente, ayant en mémoire cette loi qui instituait le conseiller territorial, innovation encore plus importante que celle que vous nous proposez aujourd’hui. Nous avons donc bien témoigné, à travers cette loi, de notre volonté réformatrice. Oui, nous sommes des réformateurs !

M. René-Paul Savary. Par ailleurs, hier, le Premier ministre nous a invités à rechercher l’efficacité et la lisibilité, en même temps que des sources d’économies, dans le cadre du présent projet de loi. Pourtant, je ne suis pas sûr que le Premier ministre ait répondu à toutes nos interrogations.

Il semblerait que le projet de grandes régions s’appuyant sur des territoires restructurés ait évolué : si j’ai bien compris, on ne parle plus de big bang, de Grand Soir impliquant la disparition des départements. Il s’agirait maintenant d’avancer à petits pas, de manière constructive, en tenant compte des préoccupations des uns et des autres, notamment des territoires. C’est évidemment un élément très important.

Je me permettrai, monsieur le secrétaire d’État, de vous livrer mon point de vue à ce sujet. Si nous aspirons à bâtir de grandes régions stratégiques, nous ne devons pas confondre la taille et la puissance : c’est en effet une vision très masculine (Sourires.), qui ne correspond pas du tout aux réalités de l’aménagement du territoire. Je crois véritablement que, si nous voulons de grandes régions stratégiques pour demain, il nous faut en revenir aux principes de 1986, au temps des établissements publics régionaux, les EPR, où le budget d’une région était composé à 80 % de dépenses d’intervention et à 20 % de dépenses de fonctionnement. Ne mélangeons pas les genres !

Les régions doivent intervenir dans le développement économique, la recherche, l’enseignement supérieur, les grandes infrastructures, les TER, la politique de l’emploi, car celle-ci doit effectivement être décentralisée. En revanche, vous le savez bien, elles ne doivent pas s’occuper des routes et des collèges, qui sont des structures de proximité. De même, pour déployer, demain, des réseaux informatiques, la mutualisation au plan régional ne sert à rien. Faisons preuve de sens pratique ! Là, ce sont les collectivités de proximité qui réalisent véritablement les investissements dont nos concitoyens ont besoin ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

En revanche, une grande stratégie de développement tirée vers le haut par des régions un peu plus importantes peut être cohérente. Nous devons toutefois rester attentifs, car le développement concerne aussi des zones métropolitaines, et les budgets des métropoles sont, ne l’oublions pas, bien plus importants que les budgets des régions.

Sur les communes, les intercommunalités et la structuration du territoire, il semblerait que vous ayez avancé, monsieur le secrétaire d’État : en effet, si j’ai bien compris, le seuil de 20 000 habitants ne serait plus définitivement requis pour la construction intercommunale. Cette prise en compte des préoccupations rurales est opportune, et c’est vers cela qu’il faut tendre. Mais, dès lors, pourquoi avoir créé les binômes ?

M. Jacques Mézard. Bonne question !

M. René-Paul Savary. Nous sommes tous en train de procéder aux mariages nécessaires pour répondre à ces rapprochements d’intercommunalités, qui vont conduire des gens qui ne se connaissent pas aujourd’hui à se retrouver pour administrer des territoires comptant parfois plus de soixante-dix communes et s’étendant sur plus de 70 kilomètres. Des élus qui ne se connaissent pas vont être amenés à travailler ensemble. Est-ce vraiment cohérent d’aller vers de telles intercommunalités, dont les conseils seront peut-être encore plus importants que les conseils régionaux ? De pareilles évolutions risquent de compromettre le sentiment d’appartenance.

C’est la raison pour laquelle, si l’on veut respecter les territoires ruraux, il faut encore avancer et prendre en compte un certain nombre de critères.

Certes, la densité est importante, mais le nombre de communes l’est également. Je crois que c’est dans cette voie qu’il faut s’engager. Nous pourrons alors éventuellement trouver des solutions constructives qui répondront aux besoins de nos concitoyens.

Je voulais aussi vous alerter sur un autre point, monsieur le secrétaire d’État : nous devons veiller à ne pas organiser une France à deux vitesses. En effet, dans le schéma que vous nous proposez, certaines régions seront « génétiquement modifiées », d’autres non. Dans les cas de fusion entre régions dépourvues d’identité commune et qui n’avaient pas forcément la volonté de travailler ensemble, on va passer un certain temps à organiser et mettre sur pied la future grande région, avec par conséquent un handicap par rapport à des régions qui sont déjà organisées, qui ont l’habitude d’avoir un budget structuré, des relations interdépartementales, et qui seront efficaces dès le lendemain de l’élection.

Nous devons aussi tenir compte des départements qui abritent un chef-lieu de région. Je voudrais insister sur ce point, car il peut y avoir là une source de difficultés tout à fait réelles. Ainsi, la capitale administrative de la région Champagne-Ardenne, c’est Châlons-en-Champagne. Cette ville de 50 000 habitants vient déjà de perdre un régiment et, par voie de conséquence, 1 200 emplois. Demain, si elle n’est plus chef-lieu de région, ce sont 1 000 emplois de plus qui seront délocalisés dans une autre ville : tant mieux pour celle-ci, mais cette perte créera un certain nombre de difficultés dans le territoire d’origine qui méritent d’être prises en considération.

Enfin, toujours sur le chapitre de la France à deux vitesses, monsieur le secrétaire d’État, je veux évoquer la sous-représentation des départements ruraux qui, avec deux ou trois représentants, ne pourront pas se faire entendre comme ils le souhaiteraient dans la future organisation. Là aussi, nous devons réfléchir à des solutions. Si nous les trouvons ensemble, nous pourrons avancer sur cette réforme.

Permettez-moi maintenant de parler quelques instants de ma région, Champagne-Ardenne, qui a été ballottée au gré des vents, ou plutôt des personnalités politiques, tantôt à l’ouest, tantôt à l’est. Il n’y a là rien que de très normal puisqu’on veut la mettre sous la coupe de métropoles alors qu’elle est à trois quarts d’heure de Paris. Autrement dit, sa capitale métropolitaine, ce n’est ni Lille ni Strasbourg, c’est Paris !

M. André Reichardt. Très bien !

M. René-Paul Savary. Si ces balancements d’un côté et d’un autre sont donc compréhensibles, ils n’en demeurent pas moins parfaitement stériles.

Sur ce point, ma conception est très claire : quand il existe une grande métropole – je pense à Lille ou à Strasbourg –, il est tout à fait légitime qu’il y ait des petites régions. (M. Michel Delebarre fait un signe d’approbation.) Ce n’est pas du tout incompatible. Le budget est dans les métropoles, pas forcément dans les régions. Ces métropoles n’ont pas besoin de rayonner extraordinairement loin ! Et ce raisonnement s’applique aussi bien pour l’Alsace que pour le Nord-Pas-de-Calais.

M. Michel Delebarre. Absolument !

M. René-Paul Savary. Il me semble que certains élus ne sont pas insensibles à ces arguments de structuration autour d’une métropole, avec à la clé une rationalisation de la carte administrative, qui se calerait sur la réalité économique. Selon moi, c’est de cette manière qu’il faut voir les choses.

Derrière ces métropoles, il y a des no man’s land. C’est pourquoi ces grandes régions que sont la Picardie, la Champagne-Ardenne ou la Lorraine, qui sont dépourvues de métropoles, se trouvent en réalité placées sous le rayonnement de trois métropoles, Lille, Paris et Strasbourg. Elles ont des réalités économiques différentes, mais peuvent vivre sous le rayonnement de ces métropoles sans leur être directement associées.

En revanche, elles ont en commun une faible densité de population et un certain nombre de difficultés, et leur regroupement leur permettrait de créer une masse d’habitants plus significative.

Mais ne croyez pas, mes chers collègues, que le simple fait d’avoir une métropole puisse transformer une région. Il faut aussi tenir compte de la densité de population.

Dans des zones métropolitaines qui comptent 200 habitants au kilomètre carré, il est possible de rentabiliser un service avec les recettes des usagers. En revanche, dans des zones qui comptent 50 habitants au kilomètre carré, le moindre service représentera toujours un coût pour la collectivité.

Il faut aussi considérer l’endettement de ces régions. Dans la perspective d’un mariage, il convient de prendre en compte l’ensemble de ces difficultés.

Je conclurai en précisant que l’important réside dans les évolutions : à mon sens, cette carte doit devenir une véritable carte martyre ! Cela signifie qu’il doit y avoir des possibilités de détachement des départements pour assurer de la cohérence.

Par ailleurs, le Gouvernement doit accepter de maintenir un mandat de six ans pour les conseillers départementaux, ce qui sera considéré comme une avancée, démontrant que les assemblées départementales ont encore un certain avenir en tant qu’amortisseurs sociaux dans nos territoires.

Avec un tel engagement, en plus de celui de revenir sur le minimum de 20 000 habitants pour constituer une intercommunalité, nous pourrons dire qu’un pas est fait pour nos territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi en deuxième lecture s’inscrit dans un contexte reprécisé par l’intervention de M. le Premier ministre, à cette tribune même, hier après-midi.

L’architecture territoriale proposée est resituée par rapport aux objectifs qui la sous-tendent : clarté, rationalisation de la dépense publique, efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens et du redressement du pays.

Un terme est enfin mis, et il le fallait, aux multiples annonces et contre-annonces de ces derniers mois. À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la clarté des propos du Premier ministre, même si, naturellement, la voie reste ouverte pour le nécessaire débat parlementaire.

Des régions plus grandes, dotées d’une force de frappe économique leur permettant de faire face et de faire entendre leur voix dans la grande compétition européenne et mondiale ; des régions aux compétences centrées sur l’économie, la stratégie, la prospective, l’établissement de grands schémas de formation, de déplacement : tout cela fait sens, monsieur le secrétaire d’État, dès lors qu’il est clair que ce qui relève des politiques de proximité doit se situer à un autre niveau.

En effet, comment envisager la gestion des collèges depuis Bordeaux dans le cadre d’une grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, d’une superficie de près de 85 000 kilomètres carrés, avec une population de plus de 5,5 millions d’habitants, ce qui représente quelques milliers de collèges à gérer ?

Comment imaginer la mise en œuvre de politiques de solidarité tant entre les habitants qu’entre les territoires dans le cadre de ce très grand espace, alors même que, par essence, ces compétences doivent être conjuguées dans la proximité ?

Le temps qui m’est imparti ne permet pas de développer mon propos, mais nous aurons tout le loisir de le faire lors de l’étude du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe. Je dirai simplement, pour être brève, que l’émergence de ces grandes régions, à laquelle je souscris totalement, a immanquablement pour corollaire l’impérieuse nécessité de garder un échelon chargé de la proximité, de la solidarité et de la péréquation, rôle parfaitement assumé, à ce jour, par les conseils généraux, demain conseils départementaux, qui sont des maillons totalement indispensables entre ces grandes régions et le bloc communal,…

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … la commune devant rester la pierre angulaire de note architecture territoriale. Ainsi, l’intercommunalité, aussi incontournable soit-elle pour porter des projets structurants et pour mutualiser, n’est, à mes yeux, que le prolongement du fait communal.

En incidente, monsieur le secrétaire d’État, qu’il me soit permis, après certains de mes collègues, d’insister sur l’importance de s’abstenir de fixer de seuils dogmatiques en termes de démographie pour les communautés de communes, le vécu des territoires devant l’emporter sur toute autre considération. Il peut s’agir d’un objectif, mais cela ne doit pas être un dogme. À ce sujet, il me semble que M. le Premier ministre, hier après-midi, a fait des ouvertures extrêmement intéressantes, attestant la capacité d’écoute de ce gouvernement, dont je me félicite.

Pour en revenir à la délimitation des régions qui nous est proposée, et plus précisément à celle qui me concerne le plus directement, je dirai que le regroupement de l’Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes me semble frappé au coin du bon sens.

Certes, d’aucuns auraient préféré l’idée de coopération ou d’association à celle de fusion, mais ne jouons pas sur les mots : il s’agira bien d’une fusion et, puisque fusion il va y avoir, l’analyse des flux économiques, migratoires, routiers, culturels montre que le rapprochement de ces trois régions est extrêmement pertinent.

Dans cet ensemble bénéficiant d’une très grande façade atlantique, ce qui est un atout incontestable, doté de l’évidente métropole de taille européenne qu’est Bordeaux, Limoges et Poitiers devront être confirmées comme des métropoles d’équilibre.

À ce propos, et au-delà de l’exemple que je viens de citer, il conviendra d’être particulièrement attentif à la représentation politique de chacune des ex-régions, singulièrement les plus petites, ce qui passe non seulement par l’instauration d’un nombre d’élus minimum par département, mais aussi par le maintien d’une représentation régionale qui ne se limite pas aux seuls bâtiments. Pour reprendre mon exemple, cette exigence doit s’appliquer tant à Poitiers qu’à Limoges.

Monsieur le secrétaire d’État, les agents territoriaux, que vous connaissez bien, s’inquiètent légitimement de ces bouleversements. Il importe donc de les rassurer rapidement sur le fait que la prise de décision politique au niveau de la grande région ne signifie pas la fin de leur application au niveau actuel, la vision globale n’empêchant pas l’action locale. (M. Jacques Mézard fait une moue dubitative.)

Chacune des régions existantes a une identité à laquelle ses habitants sont légitimement attachés, et le nier serait faire le jeu des idéologies les plus détestables, qui gagnent chaque jour du terrain dans notre pays. Surtout, cela ne contribuerait pas à écrire l’avenir de façon positive.

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons pouvoir compter, comme le Premier ministre nous l’a prouvé hier, sur le sens du dialogue du Gouvernement, sur sa capacité d’écoute, pour que l’année 2015 voie se lever les hypothèques qui pèsent encore.

En ce qui concerne les modifications du calendrier électoral, autant on ne peut qu’adhérer au report des élections régionales en décembre 2015, précisément pour que le nécessaire débat auquel je viens de faire allusion ait lieu, autant on peut regretter – c’est mon cas – que les élections départementales aient été avancées à mars 2015,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Non, elles sont juste maintenues à la date initialement prévue.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … alors même qu’il ne sera techniquement pas possible d’avoir étudié totalement le projet de loi NOTRe, puisqu’il n’aura pas encore fait l’objet d’une deuxième lecture.

Néanmoins, quel que soit le chemin, l’important est d’arriver, et nous allons arriver ensemble.

J’ai bien entendu l’impossibilité constitutionnelle devant laquelle vous vous êtes trouvé sur ces impératifs de dates, mais cette situation me conforte dans l’idée qu’il aurait sans doute été préférable de commencer cette réforme territoriale par le volet des compétences. (Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent.) Le choix a été différent, mais on ne pleure pas sur le lait renversé !

Permettez-moi de vous dire en conclusion, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes très attachés à ce que le prochain mandat départemental, qui va débuter en 2015, trouve son terme non pas en 2020, mais en 2021, confirmant la réalité d’un mandat de six ans pour les élections départementales. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Pour l’heure, je voterai bien sûr le texte que vous nous proposez, car il concrétise un rêve que beaucoup ont fait pendant longtemps, à savoir une nouvelle carte régionale avec des régions plus fortes, mais qu’ils n’ont pas osé réaliser, peut-être par manque de courage. Quoi qu'il en soit, face à la difficulté, ils ont reculé. Or, demain, ce rêve sera devenu réalité grâce à la volonté de l’actuel gouvernement, qui a par ailleurs su entendre que, à côté de ces grandes régions, il fallait conserver un bloc local.

Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, le chantier reste ouvert, et je me prépare, avec beaucoup de mes collègues, à intervenir de façon positive, mais offensive, dans le débat sur le projet de loi NOTRe, pour que le nouvel acte de décentralisation que nous souhaitons poser en soit véritablement un. C’est ce que nous avons entendu dans les propos de M. le Premier ministre, et nous y serons très attentifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est quinze heures vingt.

Je vous rappelle que se déroulent en ce moment, en salle des conférences, le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République et les deux scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Il vous reste donc quinze minutes pour voter.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, M. Jean-Claude Luche, qui devait intervenir au nom du groupe UDI-UC, avait préparé quelques notes que je vais vous résumer.

Notre collègue souhaite que nos collectivités puissent intervenir dans un cadre non pas de concurrence, mais de complémentarité. Il souhaite également que nous puissions concentrer nos efforts sur la question des compétences, sur les conséquences de la mise en œuvre des transferts pour les finances et les personnels avant de redécouper la carte territoriale. Il est donc plus favorable à un travail sur les compétences que sur les seules questions périmétriques.

Enfin, selon lui, les régions doivent avoir des missions transversales, sur des équipements structurants, sur les solidarités avec l’ensemble de leurs territoires et, particulièrement, les territoires ruraux, qui ne pourront survivre si les métropoles leur tournent le dos.

Vous avez compris que notre collègue est particulièrement attentif au maintien de l’échelon départemental.

Ces observations, auxquelles j’adhère, étant formulées, je souhaiterais intervenir essentiellement sur la proposition de la commission spéciale concernant le secteur sud-ouest et l’autonomie de chacune des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon par rapport aux deux autres.

Comme nous avons préparé, avec mes collègues de Midi-Pyrénées, un amendement à l’article 1er qui me permettra d’intervenir de nouveau sur la question, je vais très brièvement vous exposer notre point de vue.

Nous sommes partis de la situation de ces trois régions : l’Aquitaine compte 3 206 137 habitants sur une surface de 41 283 kilomètres carrés, contre respectivement 2 862 707 habitants et 45 347 kilomètres carrés pour Midi-Pyrénées, et 2 670 046 habitants et 27 375 kilomètres carrés pour Languedoc-Roussillon.

Première observation : les deux premières régions ont une superficie très supérieure à celle de la Belgique, à savoir 30 528 kilomètres carrés, tandis que Languedoc-Roussillon a une superficie quasiment équivalente.

Deuxième observation : chacune de ces régions dispose d’une métropole. Pour l’Aquitaine, il s’agit de Bordeaux, avec, au 1er janvier 2015, 727 256 habitants ; en Midi-Pyrénées, Toulouse compte 714 332 habitants ; en Languedoc-Roussillon, Montpellier abrite 409 000 habitants.

Vous voyez donc qu’il serait cohérent, au regard des principes de la loi dite MAPAM – modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles –, que ces trois régions puissent poursuivre leur action de façon autonome.

De surcroît, chacune de ces régions a une identité forte, une histoire commune et une géographie « vécue ».

Hier soir, M. le ministre de l’intérieur nous a indiqué qu’il n’approuvait pas cette proposition en développant trois arguments.

Tout d’abord, il a estimé que nous devions prendre en compte l’ouverture avec l’Espagne et les liens avec la Catalogne, liens que partagent Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Certes, mais il faut bien voir que ces liens existent pour les trois régions qui se partagent les Pyrénées. Nos régions sont limitrophes de la Catalogne, mais aussi de l’Aragon et du Pays Basque. D’ailleurs, l’État structurait le travail entre toutes ces régions au travers de la communauté de travail des Pyrénées.

M. Cazeneuve nous a également expliqué que Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon avaient des pôles de compétitivité communs. C’est vrai avec DERBI – Développement des énergies renouvelables dans le bâtiment et l'industrie – sur la mobilité et le pôle EAU, mais c’est inexact en ce sens que les pôles de compétitivité principaux de nos régions sont entre Aquitaine et Midi-Pyrénées : il y a un pôle de compétitivité de rayonnement mondial avec l’aéronautique, à savoir Aerospace Valley, l’aéronautique militaire étant sur le Bordelais, tandis que l’aéronautique civile se trouve sur la région toulousaine ; il y a également un pôle agroalimentaire commun à ces deux régions.

Enfin, M. Cazeneuve a déclaré que, démographiquement, il fallait unir les deux régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon pour atteindre une population de 5,7 millions d’habitants. C’est vrai, mais il faut savoir que la seule région Languedoc-Roussillon, avec 2,670 millions d’habitants, a une population supérieure à la région Centre, qui en compte 2,56 millions, et encore n’ai-je pas pris la moins peuplée des régions pour établir ma comparaison.

Vous l’aurez compris, nous demandons que soit respectée la cohérence régionale en permettant à Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon de poursuivre leur trajectoire. Tenez compte de l’avis de nos collègues de Languedoc-Roussillon, qui ont une position très tranchée sur la question. À cet égard, rappelons-nous que notre assemblée a rendu hommage, hier, à l’ancien président de cette région, dont chacun d’entre vous connaissait le point de vue sur ce sujet.

Je terminerai en évoquant un possible amendement de repli, auquel je prie le Gouvernement de réfléchir en vue de la discussion qu’il aura avec l’Assemblée nationale.

Dans cette assemblée, nous ne sommes pas passéistes et nous pouvons entendre la nécessité d’aller vers de grandes régions de taille européenne. Mais, à ce moment-là, créons la région Sud-Ouest, composée de l’Aquitaine, de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.

Le Sud-Ouest existe autour de la vallée de la Garonne et du canal du Midi, que nous nous partageons, de même qu’une histoire commune depuis la période romaine ; nos activités économiques sont imbriquées ; notre culture et notre mode de vie sont très proches. Nous sommes les pays du rugby, de la tauromachie, des langues occitano-romanes. Nous partageons exactement la même culture et vous ne faites guère de différence, malgré de petites nuances, entre des Landais, des Béarnais, des Gascons, des Audois, des Héraultais, des gens du haut pays ou du bas pays, comme on dit chez nous.

Cela signifie, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes les enfants du même territoire, le Sud-Ouest. Si, demain, vous deviez faire un choix différent de celui que propose notre commission spéciale, ou si l’Assemblée nationale devait envisager le choix d’une grande région, ce serait une faute historique de casser notre appartenance commune au Sud-Ouest.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de suivre la position de la commission spéciale. Toutefois, si vous préfériez retenir une approche privilégiant de grandes régions de taille européenne ou des régions encore plus grandes – dans l’hypothèse où nous engagerions une course à la taille avec nos partenaires européens –, ne nous enlevez pas le Sud-Ouest : c’est notre vie, c’est notre culture ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Mme Catherine Troendlé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une réforme territoriale est nécessaire, tout le monde en convient. Cependant, la méthodologie utilisée, consistant à procéder au découpage des régions avant de légiférer sur les compétences de ces nouvelles entités, n’est pas cohérente. Elle a été dénoncée avec force par les sénateurs, toutes sensibilités politiques confondues.

Monsieur le secrétaire d’État, il aurait été plus aisé d’expliquer la démarche alsacienne si notre projet de conseil unique d’Alsace avait pu être validé en premier lieu dans un texte traitant des compétences. Cela aurait conduit tous nos collègues à admettre, en bonne logique, le maintien du périmètre actuel de notre région. Mais, pour cela, il aurait fallu procéder en sens inverse. Nous aurions pu, en outre, éviter certaines réactions parfois violentes.

Certains de nos collègues ont affirmé que le détachement de l’Alsace de la grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, ou ALCA, procédait d’un repli sur soi, d’un rejet de ses voisins. Loin de nous toute idée de rejet ou de repli !

Les Alsaciens défendent, depuis plusieurs années maintenant, un projet ambitieux : la création, en Alsace, d’une collectivité territoriale unique, fusionnant les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avec le conseil régional d’Alsace, et cela au nom de la modernité. Comme l’a exprimé à juste titre le président de notre groupe, Bruno Retailleau, nous voulons penser la diversité dans l’unité française, au nom d’une meilleure efficacité recherchée.

Notre projet reviendrait à supprimer un niveau de collectivité, à simplifier l’organisation administrative et politique et à faire des économies dans une région dont la taille, l’identité, mais aussi l’ouverture sur le monde, le justifieraient pleinement.

Non, l’Alsace n’est en rien repliée sur elle-même ! Non, l’Alsace ne refuse pas de mutualiser ses moyens avec ses voisins ! Oui, l’Alsace est résolument tournée vers les autres, avec une coopération transfrontalière extrêmement dynamique ! En témoignent le Conseil rhénan, la Conférence du Rhin supérieur, la Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur : autant d’institutions synonymes et gages d’une véritable coopération transfrontalière de proximité, avec les eurodistricts et les coopérations interrégionales intra et extracommunautaires. En témoignent aussi les relations avec la Suisse, l’Allemagne, la Russie, mais également la Chine ou la Corée du Sud.

Enfin, notre région a démontré que le conseil régional d’Alsace pourrait expérimenter positivement la mise en œuvre de compétences nouvelles, par exemple dans le domaine ferroviaire ou encore dans celui de la gestion de crédits européens.

Pour la mise en œuvre de notre projet, un référendum a été organisé au printemps 2013. La question posée a obtenu 58 % de suffrages positifs, mais seuls 35 % des électeurs se sont déplacés, ne permettant pas au « oui » de réunir 25 % au moins du corps électoral.