Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Il est heureux que tous les républicains se rassemblent pour lutter contre le terrorisme. Les esprits évoluent… Souvenons-nous de ce que nous avions vécu en mars 2012, après l’affaire Merah. Je ne nourris aucun regret à cet égard ; je veux juste exprimer ma satisfaction devant cette prise de conscience du vrai risque que le terrorisme fait courir à nos institutions, à la République et à la liberté.

Ce texte permettra de mieux armer l’État dans sa lutte contre le terrorisme, même si nous savons bien que l’imagination des terroristes est sans fin et que, un jour ou l’autre, un autre texte sera probablement nécessaire pour tenir compte des évolutions, le plus souvent technologiques. À défaut, ce serait refuser de mieux s’armer.

Pour l’heure, les mesures contenues dans ce texte nous satisfont, car elles parviennent à conserver un bon équilibre entre respect des libertés publiques fondamentales dont jouissent nos concitoyens qui mènent une existence normale et nécessaire protection de ces derniers.

Cela étant, l’idée de mettre en balance les libertés publiques et le terrorisme me semble un peu bizarre, pour ne pas dire plus. C’est le terrorisme qui est la négation de la liberté et l’on ne peut pas mettre sur le même plan libertés publiques et terrorisme : on doit combattre le second pour garantir les premières. Je veux le dire très clairement devant la Haute Assemblée.

Les mesures prévues par ce texte répondent à la situation dans laquelle nous nous trouvons, et notre République en a besoin : les forces de police ou de gendarmerie pour prévenir le terrorisme, les magistrats pour pouvoir poursuivre et condamner les auteurs d’actes de terrorisme. J’évoquerai simplement quelques-unes de ces mesures.

L’article 1er vise à permettre à l’État d’interdire le départ de France d’un ressortissant français lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes.

Le texte crée par ailleurs de nouvelles incriminations plus dissuasives et une procédure permettant de poursuivre les auteurs de pareils faits. Ainsi, il était important de reconnaître le délit d’entreprise individuelle terroriste. Cette incrimination manquait à notre code pénal : les actes de terrorisme pouvaient être combattus dès lors qu’ils étaient perpétrés par des groupes mais pas par des individus isolés. Or on sait bien que, de nos jours, les phénomènes de radicalisation sont la plupart du temps individuels et apparaissent souvent en prison.

Je veux également souligner l’effort qu’a fait la majorité sénatoriale d’accepter de déplacer de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – qui n’a pas pour but la lutte contre le terrorisme – vers le code pénal l’incrimination des délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme. C’est une mesure que j’avais déjà demandée dans d’autres circonstances… Que tous ensemble, Assemblée nationale, Sénat, majorité et opposition, nous acceptions une procédure claire pour engager dans tous les cas les poursuites à l’encontre d’auteurs de tels actes constitue un progrès important pour l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.

Oui, cette loi nous permettra de garantir les libertés publiques, parce que nous pourrons combattre plus efficacement le terrorisme ! C’est la raison pour laquelle notre groupe votera ce texte à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une nécessité impérieuse et – chacun aura eu l’occasion de le signaler – les progrès irrésistibles de l’implantation de « l’État islamique » sur le terrain, dans une région à feu et à sang depuis des années, ainsi que l’insupportable assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel en Algérie et les différentes décapitations d’Occidentaux sont venus nous rappeler notre vulnérabilité face à cette barbarie.

Le groupe écologiste, que je représente aujourd’hui, a pleine conscience du devoir qui est le nôtre de mener un combat résolu contre toutes les formes de terrorisme et de violence. Toutefois, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, nous sommes également convaincus que la volonté de rendre plus efficace notre légitime lutte contre le terrorisme ne justifie assurément pas qu’on brade les libertés individuelles.

Je veux également réaffirmer ici, comme je l’ai fait il y a deux ans, comme je l’ai fait il y a quelques semaines, qu’il est surtout urgent de s’attaquer aux causes profondes de l’émergence d’un terrorisme désormais endogène. Peut-être faut-il légiférer, mais il est surtout urgent de travailler en amont, de tout faire pour tenter de comprendre pourquoi ces jeunes, y compris nombre de récents convertis à l’islam, se découvrent soudain une vocation de djihadiste.

Nous pouvons adopter toutes les lois, toutes les mesures dissuasives ou répressives, j’en suis convaincue, nous ne pourrons endiguer un phénomène que nous ne comprenons pas.

Comme en première lecture, la question qui se pose à nous est celle de savoir si le texte issu de la commission mixte paritaire parvient au juste équilibre entre efficacité de la lutte contre le terrorisme et protection des libertés individuelles, qui sont au fondement de notre démocratie.

Considérant que le projet de loi initial n’était pas satisfaisant du point de vue de la protection des libertés individuelles, le groupe écologiste s’y était opposé. Nous constatons à regret que le texte de la commission mixte paritaire ne l’est pas davantage. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures prévues, qui posent nombre de problèmes et constituent des atteintes à la liberté d’aller et venir, à la liberté de circulation dans l’espace Schengen, au principe du contradictoire, au principe de l’absence de répression des actes préparatoires, au principe de proportionnalité... La liste est longue !

Par ailleurs, si les lois antiterroristes sont nécessaires, elles ne doivent pas poursuivre d’autres objectifs que la lutte contre le terrorisme et ne doivent pas pouvoir être instrumentalisées à d’autres fins. Que penser, à cet égard, de l’article 1er bis introduit au Sénat par le biais d’un amendement du Gouvernement, qui ne crée rien de moins qu’une interdiction administrative du territoire français ? Il s’agit ici, n’en déplaise au principe de liberté de circulation, de pouvoir interdire l’entrée en France d’un ressortissant de l’Union européenne s’il représente « une menace » pour la sécurité publique. La menace, si elle doit être « réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », ne doit pas forcément être en lien avec une entreprise terroriste, le mot n’étant même pas utilisé.

Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, notre inquiétude – partagée par de nombreuses associations et défenseurs des droits des étrangers – quant à l’utilisation qui pourrait être faite de cette mesure. Cette définition bien trop large permet, en réalité, d’interdire l’accès au territoire à peu près à tout le monde. D’aucuns ont pu y voir un « amendement anti-Roms »,...

Mme Éliane Assassi. C’est vrai.

Mme Esther Benbassa. ... et je ne suis pas loin de partager cette vision. Peut-être cette mesure ne sera-t-elle pas appliquée à cette fin sous votre administration, mais elle continuera d’exister après vous et pourra être utilisée à des fins de gestion des flux migratoires au sein de l’Union européenne.

Dois-je vous rappeler, chers collègues, que le Conseil d’État a considéré, le 1er octobre dernier, que la « mendicité agressive » d’une famille rom constituait une menace touchant aux intérêts fondamentaux de la société ! En l’espèce, la femme concernée n’avait été ni condamnée ni même poursuivie pénalement. Cette mesure à elle seule et la manière dont elle a été introduite symbolisent l’esprit d’un texte dont les dispositions sont, au mieux, inefficaces, au pire, susceptibles de porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux que nous avons pour mission de protéger.

En toute cohérence, le groupe écologiste n’apportera pas son soutien au présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais moi aussi faire entendre une voix dissonante, ce qui ne surprendra personne.

Depuis plusieurs mois, des juristes, des associations de défense des droits de l’homme, des associations de simples citoyens, tous républicains, dénoncent ce projet de loi qui renforce les dispositions relatives à lutte contre le terrorisme, car ils considèrent, comme nous, qu’il contient des mesures attentatoires aux libertés individuelles et souvent dérogatoires au droit commun : interdiction administrative de sortie du territoire, création du délit d’entreprise individuelle terroriste, blocage administratif de sites internet, modifications substantielles de la procédure pénale au-delà des actes de terrorisme.

Le texte issu de la commission mixte paritaire confirme non seulement ces mesures mais en valide également d’autres, introduites par le Gouvernement par voie d’amendement au Sénat. Je pense bien évidemment à l’article 1er bis, qui prévoit un dispositif d’interdiction administrative du territoire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Je ne vais pas répéter ce qui est inscrit dans le texte, Mme Benbassa vient de le faire, mais vous conviendrez que les motifs invoqués ne sont nullement limités au terrorisme. Cette mesure, extrêmement large, permet d’interdire l’accès au territoire à peu près à n’importe qui ! Par exemple, aux manifestants ressortissants d’un État membre de l’Union européenne – d’autant que, vous l’avouerez, la situation économique européenne actuelle peut provoquer des mouvements sociaux contestataires –, mais également, et Mme Benbassa l’a dit à juste raison, aux populations roms largement stigmatisées, qui sont près de 6 millions à vivre sur le territoire de l’Union européenne.

À ce sujet, M. le ministre de l’intérieur s’est indigné d’un procès d’intention que nous lui ferions, en précisant qu’il appliquait en la matière la fameuse résolution des Nations unies du 24 septembre, qui vise à empêcher la circulation des groupes terroristes afin d’entraver les déplacements de ceux qui préparent des actes terroristes sur le sol français, qui mettent en danger les intérêts fondamentaux de la nation, comme le précise le texte.

Nous, nous ne le pensons pas ! Se cacher derrière la résolution des Nations unies est bien commode lorsque l’on sait, à la lecture du texte, que ces mesures peuvent toucher n’importe quel citoyen tant les éléments d’incrimination sont flous. En effet, cet ajout à l’article 1er bis du texte, d’une part, ne précise rien et, d’autre part, est d’une extrême gravité. Il constitue une très sérieuse entorse à la libre circulation des personnes garantie par l’article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L’entorse à cette liberté n’est pas proportionnée et est justifiée par une « menace » insuffisamment étayée, subjective et laissée à la seule appréciation du ministre de l’intérieur, par l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire, face à une sanction absolue, l’interdiction du territoire, et à une intervention trop tardive du juge – administratif, de surcroît. Nous ne sommes pas loin de l’arbitraire !

Sous couvert de motifs généraux et légitimes, tels que la lutte contre le terrorisme, est donc octroyée, de manière excessive et sans garanties, la possibilité au ministre de l’intérieur d’interdire l’entrée sur le territoire à un ressortissant européen. J’appelle votre attention sur le fait qu’elle est octroyée au ministre de l’intérieur actuel, mais aussi à celui de demain…

Jamais, madame la secrétaire d’État, je n’aurais imaginé qu’un gouvernement comme le vôtre ait recours à de telles méthodes. Je n’ose imaginer la réaction de mes collègues sur les travées de gauche de cette assemblée si la droite en avait usé…

M. Christophe Béchu. Ça, c’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Mais ça, c’était hier !

Je pense également à l’article 9, qui prévoit le blocage administratif de sites internet incitant à commettre des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. L’amendement introduit à la dernière minute par le Gouvernement confère à l’autorité administrative le pouvoir d’exiger des moteurs de recherche qu’ils déréférencent des sites sans intervention du juge. Ainsi, si l’autorité administrative estime qu’un site fait l’apologie du terrorisme – notion définie de manière vague –, il pourra ordonner à tous les moteurs de recherche de ne plus l’afficher sur leurs pages de résultats de recherche.

M. le ministre de l’intérieur a précisé que cette possibilité de déréférencement était déjà prévue par la loi concernant les jeux en ligne. Il a toutefois oublié de préciser que, pour déréférencer un site de paris en ligne illégal, l’Autorité de régulation des jeux en ligne doit impérativement passer par un juge, qui intervient alors en référé. Or, dans le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui, l’intervention du juge n’est pas prévue puisque c’est à l’administration qu’est conféré le pouvoir de censure. Celle-ci contacte directement le moteur de recherche. Voilà une « manipulation politique » exemplaire pour une mesure rajoutée à la volée !

Vous l’aurez compris, nous nous opposons fermement à ce projet de loi, qui sert de cheval de Troie à une législation sécuritaire, saupoudrée ici et là de prétendues garanties procédurales qui, sur le fond, ne changent rien à son caractère liberticide.

Entendez-le bien : comme tous nos collègues, nous sommes des républicains et aussi de farouches adversaires du terrorisme sous toutes ses formes. Nous ne nions pas et ne minimisons pas le risque terroriste. C’est d’ailleurs pour cela que nous participons activement à la commission d’enquête créée par notre assemblée sur les réseaux djihadistes ; nous le faisons pour comprendre, trouver des pistes, prévenir, dissuader avant – s’il le faut – de réprimer. Mais nous refusons de céder à la pression exercée par le Gouvernement pour mettre en scène un climat sécuritaire aggravé et instrumentaliser des risques terroristes afin de porter atteinte aux droits fondamentaux, à l’État de droit, dans des domaines qui vont au-delà de la seule lutte antiterroriste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons très majoritairement les conclusions de la commission mixte paritaire.

La lutte contre le terrorisme a toujours été un exercice difficile, la recherche d’un équilibre entre pragmatisme et défense des libertés individuelles se révélant toujours délicate.

Le texte que nous nous apprêtons à voter n’empêchera pas totalement la diffusion de la propagande terroriste sur internet ni sur les réseaux sociaux, qui constituent aujourd’hui l’outil majeur de sa propagation. Vous avez d’ailleurs rappelé, madame la secrétaire d’État, que le plan contre la radicalisation violente et les filières terroristes prévoit une série d’actions préventives, lesquelles sont absolument indispensables.

Ce texte ne révolutionnera pas non plus les moyens mis à la disposition des services de police et de renseignement. Le groupe du RDSE a eu l’occasion de le rappeler en première lecture, nous considérons qu’il serait souhaitable que le Parlement réfléchisse à une réforme en profondeur de nos moyens d’investigation ou encore de l’organisation des services de police et de renseignement. Le rapport du procureur Robert, qui a esquissé des pistes de réflexion intéressantes, a permis des avancées en la matière, comme en a témoigné l’adoption de l’article 10 bis issu d’un amendement proposé par notre groupe.

Il faut néanmoins reconnaître que ce texte constitue un début de réponse à ce nouveau terrorisme qui évolue en fonction des mutations techniques et sociologiques, à ce terrorisme qui essaime ses idées dans nos quartiers, sur les esprits les plus vulnérables. Ses différentes dispositions permettront de faire avancer positivement la situation – ce sera déjà un progrès.

Il en est ainsi de l’interdiction de sortie du territoire. Cette mesure permettra d’entraver le départ d’individus radicalisés par le retrait de la carte d’identité et du passeport, mais, comme nous l’avons indiqué en première lecture, elle est attentatoire à la liberté d’aller et venir. Elle devra donc être motivée et prise sur la base de faits circonstanciés. Notre groupe regrette cependant que le principe général du droit des droits de la défense n’ait pas trouvé sa place dans cette procédure de sanction administrative ; une dérogation à la norme du principe du contradictoire aurait pu être introduite en cas d’urgence. Ce n’est pas le choix du Gouvernement. Dont acte !

Les attentats perpétrés il y a deux semaines au Canada renforcent encore la pertinence d’une analyse qui met en évidence l’émergence d’un nouveau phénomène terroriste touchant l’ensemble des pays occidentaux. Ces actes ont été commis par de jeunes citoyens canadiens, qui sont nés et ont grandi au Canada, nouvellement radicalisés. L’un des présumés coupables, considéré comme un « voyageur à haut risque », s’était vu retirer son passeport. Le retrait du passeport n’a donc pas constitué une réponse suffisante.

L’interdiction administrative du territoire à destination de ressortissants étrangers potentiellement dangereux qui se verront interdire l’entrée et la circulation sur le territoire français permettra, dans un premier temps, de combler un manque bien connu du système Schengen. Nous espérons que les négociations autour d’une adaptation du code frontières Schengen aboutiront rapidement. Ce défi majeur du contrôle des frontières extérieures, terrestres et maritimes, de l’espace Schengen est aujourd’hui devenu une question fondamentale pour l’Union européenne et nos concitoyens.

Concernant le blocage des sites faisant l’apologie du djihad, un point doit être souligné, outre la question de son efficacité, qui peut être contestée au regard des renseignements comme des délais de blocage et du caractère transnational de ces problématiques : les outils numériques ne constituent que la partie émergée de l’iceberg terroriste. Sa partie immergée est celle du financement du terrorisme lui-même, des flux financiers et monétaires qui transitent. Le groupe djihadiste Daech est désormais l’organisation terroriste la plus riche de la planète avec une fortune estimée à plus de 2,3 milliards de dollars.

Nous ne pouvons occulter le fait que lutter contre le terrorisme, c’est aussi lutter contre son financement par le biais du blanchiment d’argent. Un rapport récent de TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – a mis en évidence la difficulté qu’il y a à repérer les manœuvres de blanchiment, s’agissant d’opérations répétées, fractionnées, de faible montant et parfois de compensations informelles à distance. Comme l’a souligné une note du ministère de l’économie sur le sujet, « bien que le secteur financier soit régulé depuis longtemps et soumis à la surveillance constante des autorités de contrôle, prenant la forme de contrôles permanents sur pièces et sur place, il demeure exposé à des risques spécifiques en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ».

Il faudrait s’interroger sur le rôle joué par certains pays du Golfe dans le financement du terrorisme. Le Trésor américain a apporté la première preuve que l’argent du Qatar avait bien permis à des individus, candidats au djihad, de rejoindre la Syrie. Daech en Irak et au Levant a bénéficié de la manne destinée aux différents groupes d’insurgés syriens luttant contre le régime de Bachar El-Assad, une enveloppe financée en grande partie par des acteurs étatiques, l’Arabie Saoudite et le Qatar, relayés par de riches donateurs de ces mêmes pays. Nous ne pouvons durablement tolérer que des investissements massifs dans nos pays occidentaux financent des crimes tout aussi massifs au Moyen-Orient.

D’autres pistes de réflexion devront donc être esquissées dans l’avenir.

Après ces propos prospectifs, qui me paraissent indispensables, je répète que nous voterons très majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Discussion générale (suite)

14

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Lors du scrutin n° 7 du 30 octobre 2014 sur les amendements identiques nos 2 rectifié, 48 et 144 à l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, j’ai été déclaré comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

15

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Discussion générale (suite)

Lutte contre le terrorisme

Suite de la discussion d’un projet de loi et adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Article 1er

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle satisfaction qu’un large consensus permette l’adoption d’un texte aujourd’hui indispensable pour compléter notre législation sur les dispositifs de lutte contre le terrorisme ! Sans revenir sur ces besoins réels, je concentrerai mon propos sur le texte que nous avons élaboré en commission mixte paritaire le 21 octobre dernier, notamment la disposition portant sur le délit d’entreprise individuelle terroriste.

Nous avons été nombreux à dire, dès le début de la discussion, l’importance de la création du délit d’entreprise individuelle terroriste. L’introduction d’un nouvel article dans le code pénal consistant à élargir la définition de l’acte de terrorisme était nécessaire face à l’évolution du terrorisme comme l’a démontré notamment « l’affaire Merah », qui a tragiquement inauguré l’ère nouvelle des « loups solitaires », ces individus marginaux et difficilement prévisibles.

De plus, la situation internationale impose que nous ayons des outils juridiques précis afin d’interdire la sortie du territoire à certains individus, lorsque des « raisons sérieuses » laissent penser que cette personne souhaite se déplacer à l’étranger, soit pour participer à des « activités terroristes », soit pour un déplacement sur « un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français ».

Malgré la critique de certaines associations, il est également pertinent de prévoir l’interdiction administrative d’entrée sur le territoire à l’encontre de ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne ou de tout membre de sa famille en cas de menace réelle pour l’intérêt fondamental de la société. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les combattants terroristes étrangers, qui prévoit notamment de lutter contre la mobilité internationale des terroristes en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des États membres de l’ONU.

Certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement en France peuvent représenter une menace grave pour la société, en particulier lorsqu’ils peuvent circuler librement au sein de l’espace Schengen. Tel peut être le cas de ressortissants d’États membres de l’Union liés aux mouvances radicales, voire à des organisations terroristes qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée. Or seules les personnes résidant en France peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion.

Je souhaiterais aborder l’un des principaux sujets de divergence que nous avons eu avec nos collègues députés. Il s’agit du régime des délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme.

Nous avions deux approches différentes : l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, avait « extrait » l’apologie et la provocation au terrorisme de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, afin de prendre en compte le fait que l’utilisation d’internet fait partie intégrante de la stratégie de plusieurs groupes terroristes. Au Sénat, nous avions en revanche suivi la proposition pertinente des rapporteurs qui n’introduisait dans le code pénal que l’apologie et la provocation au terrorisme via internet.

La décision de la commission mixte paritaire de déplacer ces deux délits de la loi sur la liberté de la presse vers le code pénal et d’aggraver leurs sanctions lorsqu’ils sont commis sur internet – sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende au lieu de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – est actée, mais nous aurons, dans un avenir proche, à réfléchir peut-être plus sereinement à ce que nous voulons donner comme avenir à la loi sur la liberté de la presse, celle-ci regroupant aujourd’hui un certain nombre de délits qui seraient commis dans des conditions bien éloignées de la presse au sens de la législation du XIXsiècle.

Enfin, je souhaiterais vous faire part de quelques regrets.

Même si je sais que le Parlement devrait être conduit prochainement à légiférer en matière pénitentiaire pour traiter la question de l’encellulement individuel, je trouve regrettable que le Gouvernement n’ait pas eu de position plus claire sur la question de l’encellulement des personnes condamnées pour terrorisme, alors que nous savons tous que la prison est l’un des lieux de recrutement du terrorisme. Le rapport élaboré par l’un de nos collègues dans le cadre du budget de l’administration pour 2015 tend à confirmer la radicalisation et le prosélytisme en milieu pénitentiaire. C’est pourquoi la lutte contre le prosélytisme en prison est un chantier urgent à ouvrir.

Par ailleurs, j’avais déposé un amendement avec mes collègues Frassa et Gournac sur le sujet de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. De la même manière, le Gouvernement est resté timoré sur ce plan. Certes, je le conçois, le sujet est extrêmement complexe et ne pouvait être abordé ainsi aussi rapidement sans perspective plus large ; mais ne nous cachons pas derrière cette réalité. Cette question mérite une réflexion approfondie, car les prestations sociales sont certes un droit, mais elles impliquent aussi des devoirs de celles et ceux qui les perçoivent envers la France.

Mes chers collègues, les dispositions adoptées dans le cadre de ce projet de loi vont contribuer à améliorer et renforcer le dispositif existant en matière de lutte contre le terrorisme. C’est donc sans aucune surprise que le groupe UMP votera ce texte, issu d’un consensus général, ce dont je me réjouis, car cela n’a pas forcément toujours été le cas lors des précédentes législatures, pourtant dans le même type de circonstances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)