M. Roger Karoutchi. C’est sûr !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Tout d’abord, s’agissant de la LGV Toulouse-Bordeaux, je voudrais dire à M. Collin qu’il m’était difficile de savoir que je devais répondre à une question qui ne m’avait pas été posée… (Sourires.)

Le versement transport est extrêmement important pour notre pays : il représente plus de 7 milliards d’euros, dont à peu près la moitié est dévolue à la région d’Île-de-France.

Le versement transport interstitiel visait à faire participer au financement des infrastructures certaines entreprises – notamment celles de plus de neuf salariés – situées hors d’un périmètre de transport urbain. Ce prélèvement devait rapporter aux régions environ 400 millions d’euros.

Or la rédaction retenue dans la loi posait un problème technique : le dispositif manquait en effet son objectif en ne visant que les villes de plus de 10 000 habitants situées hors d’un périmètre de transport urbain. De ce fait, le rendement attendu tombait à 75 millions ou 80 millions d’euros. Il fallait donc de toute façon, pour cette raison, revenir sur ce dispositif.

Quand a été présenté l’amendement dont l’adoption a supprimé le dispositif, le Gouvernement n’a nullement prétendu que le débat était clos ; il a simplement dit, comme vous l’avez fait vous-même, monsieur Dantec, qu’il était lié à la question des compétences. Il paraît assez cohérent – quand nous ne sommes pas cohérents, vous nous le faites remarquer – de discuter à la fois des compétences et des moyens d’exercer ces compétences lors de l’examen du texte sur les compétences des régions.

C’est le seul message que le Gouvernement a voulu faire passer : il a simplement rectifié une erreur et renvoyé le débat au cadre qui lui convient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui a le mérite de nous donner une perspective.

Si j’ai bien compris, vous n’êtes pas opposé par principe au versement transport interstitiel. Vous souhaitez simplement que nous prenions quelques semaines pour y réfléchir, en attendant l’examen du projet de loi NOTRe. J’entends votre proposition de travail. J’espère que vous nous inviterez à discuter autour d’une table afin d’améliorer le dispositif.

Derrière cette question – mais vous n’aviez pas le temps de traiter l’ensemble du sujet –, se pose celle de l’autonomie fiscale des régions au regard de leurs nouvelles compétences en matière d’infrastructures et de transports collectifs. Il faut envoyer des signaux clairs pour que les régions sachent quelles seront demain leurs recettes propres. On leur donne plus de compétences, ou du moins on toilette leurs compétences, mais on ne règle pas ce vieux tabou français qu’est la question de l’autonomie fiscale des régions. Puisque vous êtes ouvert au débat, nous vous ferons des propositions lors de l’examen du projet de loi NOTRe. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais prolonger le propos de Ronan Dantec.

Depuis 2004, les régions sont devenues autorités organisatrices de transports, mais elles n’ont pas reçu de juste compensation financière, alors même qu’elles ont fortement développé l’offre. La réforme territoriale en cours de discussion renforce cette compétence, mais sans que des moyens nouveaux soient identifiés. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que le débat était en cours, mais, pour le moment, je ne vois pas de moyens attribués aux régions. La situation est d’autant plus problématique que l’environnement financier est peu propice aux investissements nouveaux du fait de la réduction des dotations de fonctionnement.

Parallèlement, le Gouvernement semble s’orienter davantage – des annonces ont été faites en ce sens – vers le transport routier, notamment par bus, qu’il juge plus compétitif en vertu d’un raisonnement économique qui nous semble tronqué et à courte vue : tronqué parce qu’on ne se pose pas la question de la sécurité ni celle de l’environnement, et à courte vue parce que, à terme, le réseau routier devra lui aussi être rénové et que cela coûtera beaucoup d’argent, si l’on en juge par l’état du réseau, qui s’est dégradé depuis quelques années.

Les infrastructures constituent l’un des points forts de notre pays, l’un de nos « atouts compétitifs », pour employer votre vocabulaire. Ne pas garantir des financements adéquats, c’est perdre cet atout ou apporter de mauvaises réponses par la privatisation des réseaux et le choix de la route au détriment du train.

Nous avions proposé en 2012 une attitude plutôt offensive : instauration d’un livret d’épargne pour financer les transports, généralisation de la taxe poids lourds, nationalisation des autoroutes et participation renforcée des entreprises par le versement transport.

Vous tournez le dos à ces propositions, comme en témoigne votre position sur le versement transport interstitiel. Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de nous dire que la porte n’était pas fermée. Je m’en réjouis ; nous verrons ce qu’il en sera lors du prochain débat.

Pouvez-vous nous donner dès à présent des compléments d’information ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous contestez certains aspects, ceux qui sont relatifs au développement du transport par autocar, du projet de loi pour la croissance et l’activité, qui vise à améliorer notre compétitivité. Je veux être très clair : il ne s’agit pas – le texte mettra les verrous nécessaires – d’organiser ni même de prendre le risque que s’organise une concurrence avec les lignes ferroviaires gérées par les régions, et notamment les transports express régionaux, les TER. Cela n’a strictement rien à voir.

Qu’on le veuille ou non, un modèle de transport par autocar sur de longues distances – plus de 200 kilomètres – à l’intérieur d’un même pays se développe actuellement en France et plus encore en Europe. On peut faire tous les discours qu’on veut, mais le constat est là.

Nous avons d'ailleurs eu un débat similaire lors de l’apparition du transport aérien low cost : certains ont dit que ce n’était pas pour nous, mais ce moyen de transport correspond aux besoins de gens que leur situation sociale empêche de voyager autrement. Leur permettre de voyager de cette manière, non seulement ce n’est pas réactionnaire, mais c’est même assez progressiste.

La France pâtit du retard qu’elle a pris en matière de transport aérien. Elle doit regarder le développement du transport par autocar avec lucidité. Il y a là des gisements d’emplois. Il faut bien sûr prendre des précautions, nous en sommes d'accord. Il s’agit non d’organiser la concurrence avec le rail, mais de nous permettre, en simplifiant les formalités administratives, d’être au rendez-vous du transport par autocar. Telle est la réponse que je voulais apporter à votre interrogation légitime.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le secrétaire d'État, je prends note de vos propos, qui sont très intéressants. Je me permets toutefois de souligner qu’il n’existe pas d’égalité de traitement entre le rail et la route. Les compagnies qui transportent des voyageurs ou du fret par rail doivent louer des sillons à RFF – Réseau ferré de France. Les entreprises de transport routier par bus ou par camion ne supportent pas cette charge. Il y a donc une distorsion de concurrence, comme nous ne cessons de le rappeler. Je rappelle aussi que les routes sont entretenues par les collectivités. C'est pourquoi nous souhaitons qu’un rééquilibrage soit opéré.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question du financement des transports collectifs se pose alors que de nombreuses interrogations sont formulées à tous les niveaux de responsabilité : la Commission européenne, le Gouvernement et les différentes strates de collectivités territoriales, qui assument leur part de transport collectif sur le territoire national, dans des conditions qui méritent d’être revues ; d’où notre débat.

Le transport collectif est financé plus par l’impôt que par la contribution personnelle des usagers. Dans le contexte actuel, c’est un sujet qui appelle une discussion. À titre personnel, je crois en la nécessité d’un rééquilibrage. Toutefois, lorsqu’on dit cela, sont aussitôt avancées toutes sortes de raisons de ne toucher à rien !

Pour les élus, les autorités organisatrices de transport et les exploitants des réseaux, l’objectif est donc de trouver de nouvelles sources de financement afin de poursuivre le développement de l’offre de transport public et de faciliter le report modal.

Les collectivités font face, dans ce domaine, à des dépenses croissantes, qui n’ont pas été suivies d’une hausse équivalente de leurs recettes. Les usagers ne supportent en moyenne qu’un cinquième des coûts d’exploitation des réseaux de transport en commun qu’ils utilisent.

Faute de temps, je ne couvrirai pas l’ensemble de la problématique. Je souhaite simplement revenir sur un dispositif qui nous a beaucoup intéressés, au Sénat : le versement transport interstitiel. Ce dispositif a été « refoulé », si je puis dire, par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. À nos yeux, cela pose problème, car nous comptions sur les 400 à 450 millions d'euros qu’il devait rapporter.

Monsieur le secrétaire d'État, comment comptez-vous aider les régions – je précise que je ne suis pas conseiller régional – à assumer leur compétence en matière de TER ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je ne reviendrai pas sur le versement transport interstitiel dans la mesure où je l’ai déjà largement évoqué.

Vous avez insisté sur un élément qui doit imprégner notre débat, car il soulève des questions politiques extrêmement lourdes. Le financement du transport est effectivement assuré aujourd'hui à 70 % par le contribuable et à 30 % par l’usager. Cela n’a pas toujours été le cas : voilà quelque temps, c’était plutôt 50/50.

Nos compatriotes doivent comprendre que les prix des transports sont extrêmement bas en France. J’invite ceux qui ont des doutes à acheter un ticket de métro à Paris, puis à Londres : le prix varie du simple au double ! Monsieur Karoutchi, je vois que vous ne semblez pas convaincu… Eh bien, je vous suggère de prendre aussi le train, en France, puis au Royaume-Uni : vous aurez la confirmation que ce que je dis est la stricte vérité !

Au-delà de la question du financement, il s’agit d’un choix de société. Les gens ont besoin de se déplacer, ils ont besoin de mobilité, notamment pour aller travailler. Le coût de la mobilité ne doit pas être prohibitif si l’on veut que les gens utilisent les transports collectifs.

Votre interrogation est légitime et juste, monsieur Filleul. Il faut probablement un réajustement. Cependant, ce ne doit pas être la seule réponse politique. La réponse du Gouvernement ne consiste pas à faire payer l’usager de manière beaucoup plus importante, car, socialement, ce n’est pas possible. Il existe malgré tout une marge de manœuvre.

En tout cas, vous avez eu parfaitement raison de soulever ce problème ; nos réflexions futures devront partir du constat que vous avez établi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour la réplique.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le secrétaire d'État, je ne doutais pas de votre lucidité sur cet important problème. Vous nous avez apporté des éléments de réponse. Il faudra encore travailler sur la question du financement du transport collectif. Avec le versement transport interstitiel, nous pensions – nous sommes sans doute allés un peu vite en besogne – avoir trouvé une solution. Le débat est lancé. Notre discussion de cet après-midi nous permettra de le poursuivre dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe UDI-UC.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question du financement des transports collectifs est naturellement essentielle pour les représentants des territoires que nous sommes. En effet, parler du financement des transports collectifs, c’est parler du financement des infrastructures qui doivent permettre leur développement.

Or la situation de nos infrastructures de transport est doublement préoccupante.

D’une part, cette problématique touche directement à l’aménagement du territoire. Nous le rappelions mardi, lors du débat sur l’hyper-ruralité, l’État se désengage de plus en plus, notamment en matière de transport, des territoires éloignés des centres urbains et des métropoles. Investir dans les infrastructures de transport, c’est – comme pour le numérique – investir dans l’avenir, améliorer la vie quotidienne des Français et remettre un peu d’égalité entre les territoires.

D’autre part, même si vous essayez de nous démontrer le contraire, le Gouvernement abandonne jour après jour les éléments de financement qui devaient permettre les investissements dans les infrastructures. En octobre, c’était la suspension pure et simple de l’écotaxe, qui devait financer l’AFITF ; il y a quelques jours, c’était la suppression du versement transport interstitiel, qui avait été introduit par le Sénat dans la réforme ferroviaire. Tout cela met un coup d’arrêt au financement des routes, des nouvelles lignes ferroviaires et de l’accompagnement des TER.

Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d'État : en renonçant à toutes ces sources de financement, allez-vous abandonner toute idée d’investissement dans les transports ? Comment allez-vous participer au désenclavement de certains de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’ai indiqué que, pour la période 2015-2017, l’AFITF serait dotée des fonds attendus, c'est-à-dire de 1,9 milliard d'euros. De nouvelles ressources remplaceront en effet les ressources initialement prévues.

Si nous avons choisi de recourir en 2015 à l’augmentation de 4 centimes du prix du diesel pour les transporteurs routiers, c’est parce qu’il fallait apporter une réponse en urgence.

Nous avons mis en place un groupe de travail avec les associations de transporteurs. J’étais ce matin devant le congrès de la Fédération nationale des transports routiers, la FNTR. Depuis le début – il faut leur rendre cet hommage –, les transporteurs admettent la nécessité de participer au financement des infrastructures. Leurs critiques portent sur les modalités. Nous sommes en train de débattre.

Une association suggère de créer une vignette, ce qui aurait l’intérêt, par rapport à la taxe sur le diesel, de faire payer aussi – mais pas exclusivement, car ce n’est pas possible – les camions étrangers. Nous réfléchissons à ce système.

En tout cas, nous sommes d'accord pour mettre en place un nouveau système à partir du 1er janvier 2016, et, quel que soit celui qui sera retenu, l’AFITF sera dotée des fonds attendus.

Vous me dites que vous en doutez. Le conseil d'administration de l’AFITF se réunira début décembre : il pourra alors prendre acte de ce qu’il reçoit bien 1,9 milliard d'euros afin de financer les infrastructures !

J’ajoute, car il me semble que, les uns et les autres, nous ne le disons pas assez souvent, que cette agence a vocation non seulement à financer, mais également à agir dans le sens du report modal. En effet, si une grande partie de ses ressources provient de la route, ses dépenses sont principalement orientées vers le financement du rail, mais aussi du fluvial.

Certes, nous pouvons débattre sur les moyens de l’AFITF en volume, mais, en tout état de cause, cette agence joue un rôle central, auquel vous êtes tous très attachés. C’est également le cas du Gouvernement, comme il l’a montré en pérennisant ses recettes.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien entendu que vous alliez réfléchir à une solution permettant de faire participer également les camions étrangers, mais il me semble que nous avions un outil qui aurait pu fonctionner : l’écotaxe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Charles Revet. Eh oui !

M. Jean-François Longeot. Il est dommage que vous n’en ayez pas parlé, d’autant qu’elle est non pas supprimée, mais simplement suspendue. Il faudra sans doute qu’une décision définitive soit prise dans ce dossier.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour le groupe UMP.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le modèle actuel atteint ses limites et s’effondre sous nos yeux : je veux parler du financement des transports publics, qui n’est plus assuré en France.

Je sonne donc le tocsin, en espérant ne pas avoir à sonner le glas bientôt ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Pourtant, le tableau qui suit n’invite pas à l’optimisme.

Le déficit du ferroviaire est de l’ordre de 2,5 milliards d’euros par an, dont 1,5 milliard de déficit structurel, tandis que la dette cumulée de la nouvelle SNCF, qui dépasse les 40 milliards d’euros, ne cesse de progresser, et c’est bien le plus grave. Le réseau des infrastructures ferroviaires continue de vieillir malgré des investissements majeurs. Quant au fret, qui devrait être un outil privilégié de la politique de transition énergétique, il s’effondre à son tour. Notre industrie ferroviaire, la troisième au monde, annonce la fermeture prochaine de sites industriels, alors que l’emploi est la priorité des priorités dans notre pays.

Quant au réseau routier non concédé, il se dégrade également.

Dans le domaine du transport urbain, la progression rapide des dépenses n’est plus compensée par l’évolution des recettes tarifaires, et le versement transport a atteint lui aussi ses limites. Il s’agit du seul service public où le prix, en euros constants, diminue d’une année sur l’autre. Là encore, l’actuel système de financement est à bout de souffle.

Autre mauvaise nouvelle : la suppression de l’écotaxe. D’ailleurs, à ma connaissance, monsieur le secrétaire d’État, l’indemnité de résiliation, de l’ordre de 1 milliard d’euros, n’est pas financée.

M. Louis Nègre. Peut-être pourrez-vous nous livrer des informations à ce sujet.

Quoi qu'il en soit, comme vous le constatez, mes chers collègues, la situation est grave.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous fais une proposition : qu’on réunisse un « Grenelle 3 », associant l’ensemble des acteurs, afin de trouver un financement stable et pérenne de la mobilité.

Pour ma part, j’ai quelques pistes à avancer : l’augmentation de la productivité du système, la lutte contre la fraude, l’ouverture à la concurrence.

Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État, que proposez-vous pour sauver la mobilité dans notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je n’oublie pas que vous êtes aussi président du Groupement des autorités responsables de transport et je connais naturellement la solution que vous souhaitez voir mettre en œuvre pour améliorer le bilan que vous venez de dresser : vous privilégiez l’ouverture à la concurrence et la libéralisation.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je sais que vous attendez des miracles de cette solution, qui a été appliquée peu ou prou dans un certain nombre de pays ; mais les comparaisons internationales montrent que les choses sont un peu plus compliquées…

Cela a déjà été dit, une évolution de la répartition de la charge entre le contribuable et l’usager n’est pas un sujet tabou. Cependant, il est également nécessaire d’analyser les dysfonctionnements actuels pour essayer d’améliorer le système.

Dans le déficit courant de la SNCF, il y a aujourd’hui 300 millions d’euros qui proviennent des TET, les trains d’équilibre du territoire. Rien n’a été fait pour rénover ce système totalement hétéroclite, auquel on ne comprend rien : il y a des trains de nuit, des trains qui ressemblent à des TER, d’autres à des TGV ratés…

J’ai mis en place hier une commission, composée d’un certain nombre de sénateurs représentant tous les groupes, dont M. Filleul, de députés et d’experts. Je leur ai donné six mois pour redéfinir ces TET. L’objectif est de maîtriser les dépenses et d’apporter une réponse correspondant aux attentes des usagers.

Le fret appelle le même constat, monsieur Nègre. J’irai plu loin dans le détail que vous ne l’avez fait à ce sujet : nous avons un énorme problème avec le fret capillaire, c’est-à-dire les lignes classées 7 à 9, qui ne sont pas ouvertes aux voyageurs, mais qui sont utilisées pour le transport de marchandises, et dont la maintenance est totalement déficiente.

Il faut que nous trouvions une réponse et je suis ouvert à toutes les réflexions. Nous aurons donc un débat lors de la conférence sur le fret, y compris sur les pistes que vous avez évoquées, à l’exception de celle, très politique, de l’ouverture à la concurrence, qui n’est certainement pas la panacée.

Vous avez raison, il faut à la fois maîtriser les coûts, peut-être trouver des ressources supplémentaires et clarifier les compétences. Ces chantiers sont ouverts et le Gouvernement y travaille concrètement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour la réplique.

M. Louis Nègre. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez presque répondu, sauf à ma question sur l’indemnité de résiliation du contrat relatif à l’écotaxe.

Vous brocardez ma proposition d’ouverture à la concurrence. Je crois simplement que le plus important n’est pas que le chat soit noir ou blanc, mais qu’il attrape les souris ! (Sourires.)

Quand je passe la frontière avec l’Allemagne, pays équivalent au nôtre, je constate que l’ouverture à la concurrence – n’est-ce pas, monsieur Hue ? – permet un service en moyenne 20 % moins cher pour le contribuable et pour la collectivité. Ce sont ainsi des services supplémentaires qui sont offerts aux usagers.

M. Dominique Watrin. Et les accidents ?

M. Louis Nègre. Ce n’est donc pas politique ; c’est concret, c’est pratique, c’est pragmatique.

M. le président. Mon cher collègue, il ne reste que quelques secondes au chat pour attraper la souris ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. Je vais donc m’en tenir là, monsieur le président, non sans demander à M. le secrétaire d’État de bien vouloir aussi engager la lutter contre la fraude et faire en sorte d’accroître la productivité, des actions qui me paraissent susceptibles d’être approuvées par tous.

M. le président. La parole est à M. François Aubey, pour le groupe socialiste.

M. François Aubey. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite d’abord évoquer la situation d’une ligne que je connais bien : la ligne Paris-Caen-Cherbourg. Je pourrais en évoquer d’autres, tant notre territoire souffre d’un déficit d’investissement en la matière.

Trains bondés, conditions de voyage déplorables, incidents techniques à répétition, trains annulés : tel est le quotidien des usagers de la ligne Paris-Caen-Cherbourg.

M. Charles Revet. Toute la Normandie en est au même point !

M. François Aubey. Début 2011, la SNCF classait pourtant cette ligne parmi les douze lignes dites « malades » du réseau national. Dans la foulée, elle annonçait le lancement d’un plan d’urgence pour améliorer la régularité des horaires. Presque quatre ans plus tard, sur cette ligne fréquentée chaque jour par 7 000 personnes, et qui fait partie des plus rentables du réseau français, on ne peut pas dire que la vie des usagers, au premier chef des travailleurs, se soit améliorée. Les abonnés qui empruntent cette ligne ont d’ailleurs entamé une grève symbolique du titre de transport en signe de protestation.

Monsieur le secrétaire d’État, personne ne comprend, à l’heure où les grandes métropoles mondiales choisissent l’ouverture maritime, que la Normandie voie ses perspectives de développement freinées par un réseau ferré inadapté et vieillissant.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. François Aubey. Quand on pense qu’il y a quarante ans, c’est-à-dire dans les années soixante-dix, le turbotrain nous permettait de rejoindre la capitale en une heure vingt, alors qu’il faut aujourd’hui une heure quarante, au mieux, au départ de Lisieux.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais donc connaître l’engagement du Gouvernement sur l’absolue nécessité et l’urgence de desservir efficacement la Normandie. Plus précisément, pouvez-vous adresser un message aux usagers de la ligne Intercités Paris-Caen-Cherbourg ?

J’en viens à la ligne nouvelle Paris-Normandie, dont le principal objectif est de relier le Grand Paris à sa façade maritime. Au lancement du projet, les temps de parcours annoncés étaient réduits à quarante-cinq minutes entre Paris et Rouen, et à une heure quinze entre Paris et Caen. Ces temps de parcours ne sont malheureusement plus d’actualité…

Lancé en 2009, ce projet n’est déjà plus en adéquation avec les promesses faites à la Basse-Normandie. À la fin du mois de septembre dernier, la concertation sur le projet a pris une nouvelle ampleur avec les premiers comités territoriaux.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collège.

M. François Aubey. Monsieur le secrétaire d’État, quels sont les engagements que le Gouvernement peut tenir pour améliorer la desserte ferroviaire en Normandie ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, à qui est demandée une attention particulière pour la Normandie.

MM. Jean-Claude Lenoir et Charles Revet. Merci, monsieur le président. (Sourires.)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. J’y suis naturellement très attentif, monsieur le président !

Monsieur le sénateur, votre question est légitime, mais on peut l’élargir à d’autres lignes, notamment les TET, que je viens d’évoquer.

S’agissant des TET, vous le savez, RFF a engagé, à la demande de l’État, un grand plan de modernisation, en cours de réalisation, qui vise les lignes structurantes, notamment celle qui vous intéresse.

Pour vous dire le fond de ma pensée, je suis persuadé que le travail confié à Philippe Duron et à la commission sur les trains du quotidien, qu’il préside, va permettre d’apporter des réponses extrêmement précises à cette situation. Il lui appartiendra de nous proposer une définition de ce que doit être le TET de l’avenir.

Vous me demandez aussi ce qu’il en est de la ligne nouvelle Paris-Normandie, dite LNPN, notamment au regard de son financement.

Vous le savez, nous avions engagé des débats, et l’une des pierres d’achoppement était la signature de la convention avec la région d’Île-de-France, laquelle attendait que l’État remplisse ses obligations sur les 140 millions d’euros. Cela étant fait aujourd’hui, je peux vous annoncer que le président Huchon soumettra la convention d’étude à la délibération de la première commission permanente du mois de janvier. Ainsi, nous serons entièrement opérationnels pour passer aux travaux pratiques sur cette ligne.