M. le président. La parole est à M. François Aubey, pour la réplique.

M. François Aubey. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Effectivement, notre autre souci majeur était l’engagement de la région d’Île-de-France. Je suis donc rassuré sur ce point.

Malgré tout, nos trains ne démarrent plus, et il est urgent de mettre l’accent sur le matériel et la ponctualité.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne un sujet trop souvent délaissé à mon goût, celui des transports collectifs entre le continent et nos îles.

L’actualité troublée de mon département, le Morbihan, rappelle une nouvelle fois les difficultés politiques, institutionnelles et culturelles rencontrées par notre pays pour assumer vraiment son destin maritime. Nous savons défendre la spécificité de la montagne, de la ruralité – et encore pas plus tard qu’hier –, mais demeurons trop souvent silencieux sur les atouts et contraintes de nos territoires littoraux et insulaires, comme s’ils se réduisaient à des espaces naturels protégés pour touristes privilégiés. Eh bien non, monsieur le secrétaire d’État, telle n’est pas la réalité ! Et telle n’est pas notre ambition.

Nous avons déjà échangé sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, et je vous sais sensible à nos préoccupations, car vous êtes bien conscient que nos concitoyens insulaires n’ont pas la liberté de choix du mode de transport. Pourtant, ces territoires offrent de formidables potentiels de croissance et de développement.

Dans ce contexte, le Parlement et le Gouvernement doivent assumer leurs responsabilités et se donner les moyens de faire vivre les principes républicains de continuité territoriale et d’égalité d’accès aux services publics à des tarifs raisonnables, c’est-à-dire normaux.

Je souhaite donc que la desserte des îles métropolitaines fasse l’objet de mesures de soutien fortes et rapides, notamment dans le cadre de l’examen du projet de loi NOTRe, que nous allons prochainement entamer.

Les régions devraient être identifiées comme chefs de file, à condition de bénéficier d’un accompagnement financier approprié – je pense aux contrats de plan État-région, aux fonds européens, etc.

L’urgence de la situation commande que nous agissions vite, monsieur le secrétaire d’État : nos îliens le méritent bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous m’interrogez en fait sur les conséquences de la décision prise par le conseil général du Morbihan de réduire et de renchérir les rotations de la desserte maritime des passagers entre le continent et Belle-Île-en-Mer, ainsi que les îles de Groix, Houat et Hœdic. Cette question relève de la compétence exclusive du conseil général, qui est organisateur, au sens de l’article L. 5431-1 du code des transports.

Lorsque les élus se sont mobilisés, à la suite des protestations émises par les habitants, nous avons accepté de recevoir une délégation, dans le respect, bien sûr, du principe de libre administration des collectivités territoriales. Nous avons également indiqué au préfet qu’il devait engager un travail de médiation. En effet, sans vouloir m’exprimer à la place du conseil général du Morbihan, je dois rappeler que la chambre régionale des comptes de Bretagne avait formulé des observations qui sont à l’origine de cette décision.

Quoi qu’il en soit, votre question a le mérite d’attirer notre attention sur les conditions de vie des insulaires. À cet égard, des travaux ont été entrepris, notamment par le Comité des régions de l’Union européenne, dès 2002. Au-delà de la solidarité avec les habitants, au-delà de la mobilisation à laquelle vous avez participé et de ce que l’État essaie de faire pour apporter des réponses satisfaisantes, par l’intermédiaire du préfet, il nous faut travailler, y compris à l’échelon européen, pour résoudre ce problème, car la rigidité des décisions qui ont été prises ne me paraît pas répondre de manière satisfaisante aux particularités de la situation des habitants de ces îles.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour la réplique.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais je continue de penser que l’avenir de nos îles passe par des évolutions institutionnelles, telles que la contractualisation entre la région, l’État et l’Union européenne ou la reconnaissance des handicaps naturels liés à l’insularité.

Il est donc important, à ce titre, que les régions concernées bénéficient d’un droit à la différenciation et à l’expérimentation. Des solutions nouvelles devront être imaginées, monsieur le secrétaire d’État, à l’exemple de ce qui a été fait sur l’île néerlandaise de Terschelling, qui a mis en place un système d’autopartage de voitures électriques, réduisant les coûts directs et induits de la mobilité, tant sur le territoire de l’île qu’entre l’île et le continent.

Dans l’intérêt de notre pays, de nos littoraux et de nos îles, nous devons assumer nos atouts maritimes et j’espère que nous saurons être créatifs, monsieur le secrétaire d’État, mais aussi responsables, et surtout solidaires !

M. le président. Et donc attentifs aux îles du Ponant !

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur : « Quel financement pour transports collectifs en France ? »

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Je souhaite faire une rectification au sujet du vote qui a eu lieu sur le scrutin n° 30, portant sur l’ensemble de la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines : M. Yves Pozzo di Borgo s’est abstenu ; il souhaitait en fait voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point.

Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

6

Candidatures à deux commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion :

- du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière ;

- et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Ces listes ont été publiées et les nominations des membres de ces commissions mixtes paritaires auront lieu conformément à l’article 12 du règlement.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2015

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Question préalable (début)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour l’année 2015, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, est résumé par de petites phrases prononcées par de très grandes personnalités et qui en disent long sur la vérité de la situation.

Ainsi, selon Didier Migaud, « la prévision de croissance de 1 % est optimiste » et « l’effort en dépense [a] un caractère relativement modéré ».

Pour Pierre Moscovici, les « circonstances économiques exceptionnelles, disons-le, elles n’ont pas été considérées comme existant ».

Au sujet de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, Jean-Marc Ayrault a déclaré : «Je ne dis pas que c’est une erreur pour les gens qui vont en bénéficier, je dis simplement qu’on voit bien que par petits bouts, ça ne fait pas une politique globale, une politique cohérente. Il faut, au contraire, faire attention à ce que l’impôt sur le revenu, qui est payé par de moins en moins de Français, qui repose sur 48 % des contribuables, ça finit par créer un malaise et une incompréhension. » Je ne saurais mieux dire !

Le même a aussi précisé, à propos de la « remise à plat de notre système fiscal » : « Je regrette qu’on ne le fasse pas. » C’est à croire qu’il parle à notre place !

François Rebsamen, parlant du chômage : « Soyons honnêtes : nous sommes en échec. »

Et je terminerai par le Président de la République, François Hollande : « À un moment donné, la classe moyenne supérieure ne peut plus accepter d’augmentation d’impôt. » Tout est dit !

Auditionné par notre commission des finances, le 15 octobre dernier, Didier Migaud, encore lui, a indiqué : « La prévision de croissance de 1 % est optimiste. »

Il est vrai que la tendance à la surestimation des hypothèses de croissance a été constante, quels que soient les gouvernements. Mais, très franchement, au regard de la situation catastrophique dans lequel se trouve aujourd'hui notre économie, une plus grande prudence se justifiait particulièrement, car le budget tout entier se fonde sur cette hypothèse.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que nous battons tous les records, qu’il s’agisse d’endettement, de niveau des prélèvements obligatoires, de niveau de la dépense publique, de faiblesse du taux des marges des entreprises, de faillite de PME et TPE, d’expatriation des forces vives et des capitaux, de chômage. Je pourrais même y ajouter le record d’impopularité du chef de l’État !

Ce projet de loi de finances pour 2015 ne respecte aucun de nos engagements européens. Il consacre un très grave dérapage de notre trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics puisque les mesures proposées vont réduire le déficit public d’un dixième de point seulement, après un creusement, inédit depuis la crise, du déficit en 2014, preuve de l’échec complet de la politique économique du Gouvernement.

François Hollande avait prévu un retour aux 3 % de déficit en 2015 : il l’avait dit, il l’avait promis. Mais le déficit public de la France devrait s’élever à 4,3 % du PIB en 2014. Ce n’est donc pas ce nouvel objectif de 4,15 % en 2015 qui va changer quelque chose ! Au dernier moment, on a sorti du chapeau 3,6 milliards d’euros pour éviter que Bruxelles n’émette sur le budget de la France un avis négatif, dont on n’est d’ailleurs pas encore sûr qu’il ne tombera pas quand même ce qui prouve le manque de sérieux du Gouvernement dans la préparation de son budget.

Oui, ces 3,6 milliards d’euros qui, au passage – mais nous en reparlerons lors de la discussion du collectif budgétaire –, ne sont que des effets d’aubaine et des hausses de fiscalité sur les entreprises, vont à rebours de la promesse de pause fiscale. En tout cas, il n’y a aucune économie de dépenses nouvelles !

Vous justifiez cet écart avec la trajectoire initiale par des circonstances économiques exceptionnelles : faible croissance et faible inflation. Pierre Moscovici, qui parle beaucoup depuis qu’il est commissaire européen, et qui siégeait à votre place, monsieur le ministre, il y a quelques mois seulement, réfute cet argument, estimant que les « circonstances exceptionnelles, disons-le, n’ont pas été considérées comme existant pour l’ensemble de la zone euro, et c’est pour l’ensemble de la zone euro qu’elles doivent être appréciées ».

En fait, la faible croissance en France est largement imputable à votre action depuis deux ans, bien plus qu’à des facteurs extérieurs.

Les effets sur la croissance des quelques mesures en faveur du pouvoir d’achat et de la baisse des charges des entreprises n’auront qu’un impact limité.

D’une part, la montée en puissance du CICE, dispositif mal calibré qui s’apparente à un pis-aller puisque le Président de la République a annoncé, le 6 novembre dernier, sa suppression en 2017, est plus lente que prévue.

D’autre part, ces mesures ne feront que compenser le matraquage fiscal des ménages et des entreprises opéré en 2012 et en 2013 – plus de 40 milliards d’euros d’augmentation d’impôts et taxes divers –, qui a eu un effet récessif important : diminution du pouvoir d’achat et donc de la consommation des ménages, induisant de moindres investissements et une fragilisation des entreprises, dont les marges n’ont jamais été aussi faibles.

Tout cela survient alors même que les réformes structurelles ne cessent d’être reportées, provoquant un effondrement des recettes, notamment de TVA et d’impôt sur les sociétés : 15 milliards d’euros de moins que prévu en 2013 et 11 milliards d’euros en 2014.

Certes, vous nous proposez dans ce projet de loi de finances une mesure en faveur du pouvoir d’achat : la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu et la hausse de la décote. Si cette mesure est séduisante au premier abord, nous émettons néanmoins quelques réserves, parfaitement résumées par Jean-Marc Ayrault le 29 octobre dernier dans ces propos que je tiens à citer à nouveau : « Je ne dis pas que c’est une erreur pour les gens qui vont en bénéficier, je dis simplement qu’on voit bien que par petits bouts, ça ne fait pas une politique globale, une politique cohérente. Il faut au contraire faire attention à ce que l’impôt sur le revenu, qui est payé par de moins en moins de Français, qui repose sur 48 % des contribuables, ça finit par créer un malaise et une incompréhension. »

Nous ne voterons pas contre cette mesure, qui va redonner du pouvoir d’achat aux Français les plus modestes, mais nous dénonçons le fait qu’elle renforce encore l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que 10 % des foyers fiscaux paient 70 % de cet impôt.

La suppression de la première tranche fait porter l’effort fiscal davantage sur les classes moyennes et supérieures, qui sont, avec les familles, les grandes oubliées et sacrifiées de ce quinquennat.

François Hollande l’a lui-même admis dans son interview télévisée du 6 novembre dernier en reconnaissant que, « à un moment donné, la classe moyenne supérieure ne peut plus accepter d’augmentation d’impôt ».

C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la proposition de notre rapporteur général tendant à redonner du pouvoir d’achat aux familles des classes moyennes et supérieures à travers la hausse du plafond du quotient familial.

Après tous les cafouillages du Gouvernement sur la prétendue « pause fiscale », la réalité est que le taux de prélèvements obligatoires ne diminuera quasiment pas dans les prochaines années. Il se stabilise à un niveau très élevé, plus de 44,5 % du PIB, au-dessus de la moyenne des pays européens.

Car ce que vous ne dites pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, c’est que, si vous baissez les impôts pour quelques-uns en 2015, vous prévoyez d’augmenter de très nombreuses taxes l’année prochaine pour une grande partie des Français !

On peut faire le compte : alourdissement de la fiscalité sur le diesel, hausse des cotisations retraite pour les salariés, hausse des cotisations aux retraites complémentaires, hausse de la contribution au service public de l’électricité, hausse du tarif réglementé de l’électricité, hausse du prix du gaz, et j’en passe ! J’en ai comme ça une page complète !

Le total de ces hausses se chiffre à environ 3 milliards d’euros, sans même intégrer la fiscalité locale ! Or la hausse de cette fiscalité locale est inévitable pour compenser la baisse des dotations de l’État qui, elle, est estimée à 5 milliards d'euros par le Gouvernement sur la programmation triennale !

De la même façon, il est faux de prétendre que les entreprises ne subiront aucune hausse de fiscalité en 2015, car elles vont être également impactées en 2015 par l’effet de mesures antérieures.

Le CICE n’a pas l’efficacité attendue : évalué à 13 milliards d’euros dans les prévisions initiales de 2012, son montant au titre de 2013 ne devrait être finalement que de 10,8 milliards d’euros. Ce sont donc près de 3 milliards d’euros qui ne seront pas rendus aux entreprises. La prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés va coûter aux entreprises 2 milliards d’euros en 2015 et la moindre déductibilité des frais financiers représente 1,3 milliard d’euros. Quant à l’impact du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les bénéfices, il est de 800 millions d’euros et la hausse des cotisations retraite représente 500 millions d’euros.

Là encore, le groupe UMP soutiendra la mesure proposée par notre rapporteur général en faveur des entreprises, notamment pour soutenir les investissements productifs.

Nous soutiendrons aussi sa proposition de moindre baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales par la prise en compte des normes imposées aux collectivités. Nous irons au bout de cette logique en proposant de défalquer également les autres dépenses contraintes que sont les coûts de la réforme des rythmes scolaires.

Nous dénoncerons l’insincérité de certains budgets, comme celui des infrastructures de transport, celui de la défense, mais nous voterons en seconde partie les propositions d’économies de dépenses de notre rapporteur général et de nos rapporteurs spéciaux, adoptées en commission des finances.

Que dire, mes chers collègues, sinon que tant que le Gouvernement ne proposera pas de réelles et courageuses réformes de structure, qu’il est, rappelons-le, techniquement, le seul capable d’engager, la France demeurera dans une impasse.

Des réformes de structure, c’est ce qu’attendent de ce gouvernement Bruxelles et les marchés financiers, qui préservent encore notre pays du décrochage – mais jusqu’à quand ? –, et c’est surtout ce qu’attendent les Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, dans un contexte de sortie de crise économique difficile dans toute l’Union européenne, avec une croissance très faible et un endettement public élevé, notre pays doit, à la fois, encourager l’activité économique pour permettre la préservation des emplois existants et la création de nouveaux emplois, assurer un haut niveau de service de la part de la puissance publique et freiner la dépense publique pour maintenir la dette à un niveau acceptable pour nos créanciers.

Réduit à sa plus simple expression, l’enjeu est de ne pas étouffer l’économie en réduisant trop la dépense publique ni de l’étouffer en ne la réduisant pas assez, par un poids trop élevé de prélèvements pesant sur la compétitivité de nos entreprises.

Nous ne sommes pas en récession, mais il nous faut absolument retrouver un niveau de croissance qui permette de relancer l’emploi.

Je salue, au nom du groupe socialiste, le travail du Gouvernement, qui nous propose une diminution raisonnée de la dépense, à un rythme adapté aux négociations au sein de l’Union européenne. J’ai bien conscience que cette politique qui cherche un juste milieu n’est pas la plus spectaculaire. Elle est ainsi plus facile à critiquer par certains, qui disent que l’effort demandé est insuffisant – j’y reviendrai –, ou par d’autres, selon lesquels il serait, au contraire, trop important.

Sortir de l’euro, sortir de l’Europe, sortir de la mondialisation... Et pourquoi pas du système solaire ? (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Chacun conviendra que ce n’est pas très facile !

Dans ce projet de loi de finances, qui n’est, certes, guère « sexy » – mais nous sommes tout de même dans une période particulière –, le Gouvernement propose un certain nombre de mesures précises, notamment des mesures qui visent à faire des économies, comme nous l’avons vu voilà quelques jours lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. Il fait également des propositions fiscales, concernant l’impôt sur le revenu, ainsi que, par exemple, en faveur de la transition énergétique. On peut approuver ou non ces propositions, mais elles ont le mérite d’exister.

Le Gouvernement fait en outre des propositions en matière de logement, sur la rétention foncière, sur la TVA dans les zones urbaines sensibles, et il améliore un certain nombre de dispositifs.

Enfin, le Gouvernement tient bon sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ce qui est selon moi une bonne chose, car ce genre de politique a besoin de durer pour aboutir à des résultats.

Nous essaierons de démontrer sans relâche que notre position est guidée par le souci d’une répartition équitable de l’effort demandé, avec cependant des priorités dans la recherche de l’efficacité de l’action publique, à travers quelques leviers essentiels : l’éducation nationale, la justice, la sécurité, ainsi que l’investissement au plus près des besoins du terrain, qui est assuré par les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, sur ce dernier point, qui préoccupe tout particulièrement notre assemblée, je veux dire quelques mots au nom du groupe socialiste.

Les appels des élus locaux sont forts et ils doivent être entendus. Il y va de la crédibilité du pacte républicain : les responsables élus par nos concitoyens doivent avoir les moyens d’exercer les responsabilités qui leur sont doublement confiées par la loi et par les électeurs.

Il faut rappeler qu’entre 2002 et 2012 l’endettement de notre pays a doublé. Dans une perspective d’assainissement de nos comptes publics, un effort historique est demandé à l’ensemble des administrations, et les collectivités territoriales ne souhaitent pas s’en exonérer. Toutefois, il convient de ne pas oublier que l’évolution de leurs budgets est importante pour amorcer une reprise économique encore trop modérée. C’est en tout cas notre conviction.

Nous n’ignorons pas les difficultés actuelles, mais lorsqu’un cri se fait entendre, en provenance d’un peu partout, il convient de l’écouter. Le groupe socialiste espère donc vous convaincre, au cours des débats à venir, d’atténuer la contribution qui sera demandée aux collectivités en 2015.

Notre groupe propose d’y parvenir en lissant sur quatre ans au lieu de trois l’effort des 11 milliards d’euros sur les dotations : la DGF diminuerait de 2,75 milliards d’euros par an entre 2015 et 2018, au lieu de 3,67 milliards d’euros entre 2015 et 2017, comme il est aujourd’hui prévu. Bien entendu, cette souplesse sera gagée pour rester dans les cadres que nous nous sommes fixés, il y a dix jours, lors du débat sur la programmation des finances publiques, et elle n’entraînera ni suppression de dépenses ni augmentation de la fiscalité ; sur ce dernier point, nous sommes certes contraints, mais c’est aussi une volonté de notre part.

Il nous semble qu’il s’agit là d’un ballon d’oxygène nécessaire au regard des différents objectifs que l’on se fixe : poursuivre la réduction des inégalités territoriales, donc continuer à renforcer la péréquation ; ne pas entraver la reprise économique en risquant de porter un coup à l’investissement local.

Nous adhérons à la logique d’une répartition équitable des économies à réaliser entre l’État, la protection sociale et les collectivités locales, et nous assumons les conséquences de ce choix. Dire ou faire croire que les collectivités locales pourraient, même pour partie, être exonérées de cet effort n’est ni réaliste ni raisonnable. Ce n’est pas non plus conforme à l’idée de la décentralisation fondée sur le principe de subsidiarité : si les élus locaux sont les mieux placés pour savoir ce qu’il faut pour leurs territoires, ils sont alors les mieux à même de conduire dans leurs collectivités les politiques qui réduiront l’impact négatif des efforts demandés à l’ensemble de la nation, et aux administrations en particulier.

Mais la spécificité des collectivités locales doit également être prise en compte. La rigidité de leurs dépenses de gestion tout comme les réformes territoriales en cours impliquent de « laisser du temps au temps » : l’amendement que nous présenterons est destiné à donner des marges de manœuvre supplémentaires aux élus locaux, afin qu’ils s’adaptent au mieux à cette nouvelle donne, plus contrainte pour les deniers publics.

Globalement bien gérées et faiblement endettées, les collectivités locales assument la nécessité de contribuer de manière solidaire à l’effort engagé par le pays. Le groupe socialiste souhaite se faire le porteur de ce message de responsabilité et de la nécessité de donner plus de temps aux territoires, pour que l’effort d’économie ne se traduise pas par un repli important de l’investissement local.

J’en reviens à la critique selon laquelle les efforts d’économies prévus ne seraient pas suffisants.

Là où, globalement, le Gouvernement annonce une diminution de 50 milliards d’euros d’économies sur toute la dépense publique, d’aucuns en réclament, dans leurs meetings, au moins le double, soit 100 milliards : qui peut croire que cela n’emporterait pas des conséquences désastreuses pour nos territoires, notre économie et la nation ?

Comme la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de programmation des dépenses publiques, le « Sénat d’opposition constructive » avance là encore masqué, sans détailler ses intentions. La majorité sénatoriale de droite ne construit que très peu. On est alors en droit de se demander si, au-delà de l’exercice imposé de la critique, l’absence de véritable contre-proposition ne constitue pas, de la part des auteurs du rapport, une approbation tacite de la politique du Gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Comme vous y allez ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jean Germain. On voit bien, finalement, la limite du maniement des chiffres comme argument d’autorité dans le discours politique. Dans les meetings, on réclame 120 milliards d’euros d’économies et, au bout du compte, que trouvons-nous ? La suppression de postes dans l’éducation nationale et celle d’un certain nombre d’emplois aidés, la diminution de 1,2 milliard d’euros de la contribution des collectivités territoriales, le rehaussement du quotient familial, la limitation de la baisse de l’impôt sur le revenu pour les plus faibles revenus et une imputation de l’aide médicale d’État.

Au total, monsieur le rapporteur général, je pense que nous atteindrons au maximum 2 ou 3 milliards d’euros, et même plutôt moins, sans compter les augmentations...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais cela vous fait déjà hurler !

M. Jean Germain. Nous avons quelques jours encore pour faire les comptes, et nous en reparlerons. Nous verrons quel équilibre vous aurez finalement trouvé. Ce sera très loin des économies que vous réclamez dans les meetings !

Pour conclure, je tiens à le dire, ce n’est pas parce que nous avons trop d’Europe que les choses avancent moins vite, mais parce que nous n’en avons pas suffisamment ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.) Cela peut en hérisser certains, mais c’est la réalité.

Une Europe qui fonctionne avec une monnaie commune sans la créer véritablement elle-même et qui n’est pas en capacité de coordonner ses politiques fiscales, c’est une Europe incomplète, nous en sommes tous désormais convaincus. Nous aurons l’occasion, au cours du débat, de montrer que nous devons aussi avancer dans ce domaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)