M. André Gattolin. Sans doute, la proposition que nous présentons par voie d’amendement au projet de loi de finances présente des limites. Peut-être aussi mes collègues rédacteurs de l’amendement ont-ils un peu forcé le trait en ce qui concerne le niveau d’imposition proposé. Ces points méritent d’être discutés.

En tout cas, les écologistes pensent qu’il faut fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ; il faut le faire sérieusement, en prenant le temps nécessaire, mais la réforme doit être engagée.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, nous sommes plutôt favorables à l’individualisation de l’impôt, les charges familiales devant être, dans notre esprit, compensées par les allocations familiales.

Mes chers collègues, figurez-vous que, depuis que je suis sénateur, je ne suis plus imposable sur le revenu ; je n’ai donc pas payé d’impôt l’an passé, non plus que cette année. Il faut dire que j’ai une charge de famille et que je suis parent isolé. J’ai même, cette année, reçu un chèque de remboursement de 33 euros, ce qui m’a fait soupçonner une erreur. Comme je suis un parlementaire consciencieux - je suis prêt à publier toutes les informations relatives à ma situation fiscale et à mes dépenses -, j’ai appelé le centre des impôts. On m’a répondu que je pouvais très bien refuser d’encaisser le chèque de remboursement du trop-payé - pour l’année où je n’avais rien payé ! -, ce que j’ai fait.

Sans doute les membres du groupe auquel j’appartiens reversent-ils une plus grande part de leur indemnité à leur parti, mais cet exemple assez étonnant montre à quoi peut conduire la prolifération des niches fiscales.

Cela étant, comme le disait notre collègue Jean-Claude Requier, l'impôt doit être payé par tout le monde, quand bien même il ne s’agirait que d’un euro symbolique. Même dans la misère, il importe que chacun puisse se dire que, oui, symboliquement, il participe à l’État.

Certaines situations aujourd’hui sont illisibles et incompréhensibles au regard de l’impôt sur le revenu, compte tenu de la manière dont il est calculé. Mais, pour en revenir à mon propre exemple, je paye heureusement de la TVA, de la CSG, des impôts locaux…

On peut toujours rechercher la justice sociale, mais on ne la trouvera pas à la lecture de l’impôt sur le revenu. Le système des tranches graduelles suscite, sinon de l’évasion, du moins de l’optimisation fiscale – je ne parlerai pas de la TVA qui, malheureusement, est relativement indolore.

Je veux bien qu’à une époque où tous les calculs se faisaient à la main ou à la calculette, le nombre de tranches ait été réduit, mais, à l’heure de l’informatique, on pourrait avoir un système plus régulier et plus ajusté. Aujourd'hui, de nombreux couples calculent au dernier moment le montant du don qu’ils feront à telle association ou non selon qu’ils seront susceptibles de changer ou non de tranche. Si cela n’est pas de l’optimisation fiscale – je veux bien que ce soit légal –, c'est quand même relativement inquiétant…

Je ne retirerai mon amendement, qui est un amendement d'appel, que pour nous exhorter à repenser très sérieusement l'impôt dans sa globalité, dans sa justice et sa continuité.

Oui, les tranches confèrent à l’impôt sur le revenu un caractère de plus en plus absurde au regard de la réalité des revenus et des besoins de redistribution. Et l’imposition par foyer n’est pas suffisamment individualisée ; cela pose également problème, et c'est pourquoi – si bizarre et étrange que cela puisse paraître – la CSG m'apparaît bien plus équitable que l’impôt sur le revenu. (M. Jean-Claude Requier acquiesce.)

Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l'amendement n° I-282 est-il maintenu ?

M. André Gattolin. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-282 est retiré.

L'amendement n° I-398, présenté par Mme N. Goulet et M. Delahaye, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 5 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont redevables d’une contribution de solidarité sur le revenu, les fonctionnaires internationaux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu. Cette contribution est fixée à 10 % du revenu des personnes assujetties. »

II. – Le Gouvernement remet avant le 1er juin 2015 un rapport au Parlement établissant la liste complète et l’affectation exacte des fonctionnaires internationaux de nationalité française.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement a vocation à soulever un problème spécifique d’équité fiscale.

Un certain nombre de conventions internationales prévoient de nombreuses exemptions fiscales. Ainsi, les fonctionnaires internationaux sont soustraits à l’impôt sur le revenu, ce qui peut apparaître comme une situation particulièrement privilégiée au regard de celle de l’ensemble de nos concitoyens en cette période de crise et de forte hausse des prélèvements obligatoires.

Bien évidemment, il s’agit d’un amendement d’appel. Une disposition législative ne saurait en effet aller à l’encontre d’un traité international. Nous avons toutefois souhaité revenir sur ce sujet puisque, l’an dernier, cet amendement avait déjà été déposé sur la première partie du PLF. Nous avions alors convenu que le Gouvernement nous fournirait un certain nombre d’informations quant à la typologie des exonérations existantes, au nombre des fonctionnaires concernés et à leur grille de rémunération.

Force est de constater que le rejet de la première partie du PLF pour 2014 a entravé la transmission de ces données. Aussi profitons-nous de cet amendement pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de nous renseigner plus avant sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vincent Delahaye vient d’indiquer qu’il s'agit d’un amendement d'appel, et il ne saurait en être autrement : les articles 34 et 38 de la convention de Vienne exonérant d’impôts les diplomates et un certain nombre de fonctionnaires internationaux, cette question ne peut être abordée que dans le cadre des traités que la France a signés.

Mais elle mériterait, pour le moins, une explication du Gouvernement sur les catégories de fonctionnaires concernés, le nombre de bénéficiaires, et sur une éventuelle volonté de parvenir, à leur endroit, à une certaine forme d’imposition.

Si la question ne se pose évidemment pas pour les diplomates, elle peut être posée pour un certain nombre de fonctionnaires internationaux, par exemple ceux qui sont installés à Paris – je pense aux fonctionnaires de l’OCDE, et de l’UNESCO. On peut en effet se demander si ces exonérations ont toujours un sens pour des personnes en poste dans leur propre pays…

Avant que l’auteur de cet amendement ne le retire, ce qu’elle lui demande, la commission souhaite entendre le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On nous a dit qu’il s'agissait d’un amendement d’appel : c’est chose faite, l’appel a bien eu lieu ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, communiquer la liste des fonctionnaires internationaux par organisation internationale ainsi que les dispositifs fiscaux les concernant présenterait des difficultés liées au secret fiscal, surtout eu égard au nombre de personnes concernées, parfois réduit.

En revanche, les commissions des finances – en la personne, au Sénat, de sa présidente et de son rapporteur général – peuvent évidemment demander ce type d’informations. Le Gouvernement fera en sorte qu’ils en disposent, lui qui s’efforce toujours, d’une façon générale, de répondre à chacune de leurs demandes.

Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l'amendement n° I-398 est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-398 est retiré.

L'amendement n° I-415, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, l'année : « 2014 » est remplacé par l’année : « 2015 ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-15, présenté par MM. Gorce, Aubey, Néri et Todeschini, Mme Emery-Dumas, MM. Masseret, Tourenne, Antiste, Lalande, Poher et Jeansannetas, Mmes Claireaux et Jourda et MM. Cabanel, Sueur et Courteau, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du a) du II de l’article 44 quindecies du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Cette exonération est limitée aux seules primo-installations dans les zones mentionnées au I. »

La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai ensemble les deux amendements nos I-15 et I-14.

Ces amendements visent à limiter les abus de certains praticiens qui, installés en zone de revitalisation rurale, la quittent pour une autre ZRR dans le seul but d’obtenir des exonérations d’impôt sur les revenus commerciaux.

Nous proposons, ici, de limiter ces exonérations d’impôt sur les revenus commerciaux des praticiens aux seules primo-installations. L’objectif est surtout, je vous le rappelle, de garantir l’équilibre des territoires et de lutter contre les « déserts médicaux ».

Mme la présidente. L'amendement n° I-14, présenté par MM. Gorce, Aubey, Néri et Todeschini, Mme Emery-Dumas, MM. Masseret, Tourenne, Antiste, Lalande, Poher et Jeansannetas, Mmes Claireaux et Jourda et MM. Cabanel et Sueur, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l’article 44 quindecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« c) si l’entreprise individuelle dont le siège social ainsi que l’ensemble de son activité et de ses moyens d’exploitation sont implantés dans les zones mentionnées au I déménage pour s’implanter dans une autre zone mentionnée au I dans un périmètre de moins de 100 kilomètres. »

La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Nous avons souhaité, avec cet amendement, attirer l’attention du Gouvernement sur le dispositif d’exonération d’impôt sur les revenus commerciaux des praticiens en zones de revitalisation rurale.

Comme vous le savez, ce dispositif permet aux praticiens de bénéficier d’une exonération de l’impôt sur le revenu à hauteur de 100 % les cinq premières années, puis de manière dégressive les trois années suivantes.

Cette exonération ne s’applique pas dans plusieurs cas : reprise d’activité par un conjoint, ascendant, descendant, frère, sœur ; extension d’activité ; transfert d’activité si le praticien a bénéficié d’une exonération au cours des cinq dernières années…

Or certains praticiens, installés depuis de nombreuses années en zone de revitalisation rurale, semblent avoir trouvé une faille dans le dispositif pour profiter d’un effet d’aubaine. Par exemple, mes collègues sénateurs de la Nièvre ont observé que des praticiens installés dans le nord de leur département avaient déserté certaines villes pour s’installer dans le département limitrophe de l’Yonne, à quelques kilomètres de leur ancien cabinet…

Au-delà de la difficile réorganisation sanitaire à laquelle les collectivités doivent faire face, cette nouvelle installation est apparentée à une primo-installation et permet à ces praticiens de bénéficier d’une défiscalisation sans, pour autant, perdre leur patientèle.

Je tenais à vous faire part de cette expérience précise, de manière à améliorer le dispositif, en particulier entre des territoires limitrophes. Dans cette perspective, mon amendement tend à interdire l’exonération fiscale au titre d’une ZRR pour toute nouvelle implantation d’un même praticien dans un périmètre de 100 kilomètres.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-15 et I-14 ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À écouter l’auteur de ces amendements, il me semble que le problème soulevé est plus celui de l’application de la législation dans quelques cas limités – ils ne sont d'ailleurs pas remontés à la commission – que celui du droit applicable lui-même.

C'est pourquoi la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement, pour savoir s'il y a lieu de modifier le dispositif existant. Si les cas évoqués sont extrêmement marginaux, il s’agira plutôt de savoir comment lutter contre les abus éventuels.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces deux amendements sont proches.

Je vous indique d'abord que le régime d’exonération d'impôt sur les bénéfices applicable dans les ZRR comporte déjà plusieurs mesures anti-abus.

Par exemple, le régime d’exonération mentionné à l’article 44 quindecies du code général des impôts permet d’éviter les reprises par soi-même, d’exclure les reprises d’entreprises individuelles par un membre du cercle familial et d’exclure les créations ou reprises d’activité consécutives à des transferts d’activité ayant précédemment bénéficié d’un dispositif de faveur, que ce soit dans une ZRR, une ZFU – zone franche urbaine – ou dans une zone de restructuration de la défense. Le contribuable ne peut alors bénéficier de l’exonération dans la nouvelle zone que pour la durée restant à courir.

Il ne semble donc pas, madame la sénatrice, que la situation que vous décrivez soit avérée.

Par ailleurs, je vous signale que le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoira de proroger d’un an le régime d’exonération visé. Il s'agira aussi de prendre en compte la refonte du zonage – ce sont les conclusions des assises de la ruralité. Cela permettra, je crois, une remise à plat des différents dispositifs d’aide.

Quoi qu’il en soit, il ne me paraît pas opportun d’adopter ces amendements – franchement, ils se rapportent à des cas marginaux – pour déboucher sur une disposition d’application exceptionnelle et, me semble-t-il, quelque peu étonnante.

Le dispositif anti-abus qui figure dans la loi et dans les instructions permet déjà d’éviter les situations que vous décrivez. Je demande donc le retrait des amendements nos I-14 et I-15, à défaut de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote sur les amendements nos I-15 et I-14.

M. Michel Bouvard. Après avoir entendu le Gouvernement, je pense que je voterai contre ces deux amendements. J’ai bien compris la position du secrétaire d’État : il y aura des dispositions dans le PLFR ainsi qu’une reprise du zonage, et c'est une bonne nouvelle.

En effet, monsieur le secrétaire d’État, deux problèmes se posent aujourd'hui sur les mesures en faveur des ZRR.

D'abord, on rencontre de nombreuses difficultés pour parvenir à une consolidation de ces mesures et à une appréciation de leur efficacité fiscale. Le rattachement d’un certain nombre de dépenses fiscales a ainsi été modifié l’an dernier au profit de la politique des territoires – c'est une bonne chose -, mais il reste encore à faire pour que ce soit le cas de la totalité de ces dépenses.

Surtout, je pense qu’il est temps qu’un dispositif qui date de la loi Pasqua de 1995, à laquelle j’ai d'ailleurs contribué, soit remis à plat pour être adapté aux circonstances, qui ont évolué.

Pour toutes ces raisons, et contrairement à mon intention première de renouveler mon vote de commission, je voterai contre les amendements nos I-15 et I-14.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-177, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° À l’article 80 quinquies, les mots : « de la fraction des indemnités allouées aux victimes d’accidents du travail exonérée en application du 8° de l’article 81 et des indemnités » sont remplacés par les mots : « des indemnités qui, mentionnées au 8° de l’article 81, sont allouées aux victimes d’accidents du travail et de celles » ;

2° Au 8° de l’article 81, les mots : « à hauteur de 50 % de leur montant ainsi que les » sont supprimés.

II. – Le I s’applique pour les rentes versées au titre de l’année 2014.

III. – L’article 85 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est abrogé.

IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Nul ne sera surpris que cet amendement exprime une position constante de notre groupe. Il concerne en effet la fiscalisation des indemnités versées aux accidentés du travail, à laquelle nous sommes radicalement opposés depuis qu’elle a été introduite par la loi de finances pour 2010.

Cette mesure, profondément injuste à nos yeux, et dont le produit est au demeurant minime – 355 millions d’euros –, continue logiquement de susciter l’indignation d’une très grande majorité de Français, toutes tendances politiques confondues.

Les accidentés du travail ne sont pas des privilégiés, et un accident du travail ne se produit jamais parce qu’on a décidé qu’il se produise.

Ces salariés, hommes et femmes, dont la vie bascule à la suite d’un accident survenu sur leur lieu de travail et qui en gardent trop souvent la trace dans leur chair, n’étaient pas les heureux bénéficiaires d’une niche fiscale qu’il fallait supprimer au nom d’un prétendu « rendez-vous d’équité » ou du faux argument de l’alignement du traitement de tous les revenus de remplacement.

Cette fiscalisation et le discours politique qui l’a accompagnée sont venus nier le statut de victimes de ces salariés dans le but de récupérer, sur leur dos, de bien maigres sommes.

L’argument suivant lequel il s’agit de traiter de la même manière tous les revenus de remplacement ne tient pas, ni juridiquement ni moralement : les indemnités journalières versées aux accidentés du travail et celles qui sont attribuées aux salariés en arrêt maladie ou en congé de maternité ne sont pas de même nature, eu égard au motif – appelé aussi « fait générateur » – qui en occasionne le versement. Le salarié victime d’un accident du travail n’a pas pu se soustraire à l’accident survenu « par le fait ou à l’occasion du travail ».

Enfin, rappelons que les indemnités versées en cas d’arrêt maladie ou de congé de maternité sont financées par des cotisations salariales et constituent donc une forme de salaire différé susceptible d'être fiscalisé en tant que tel – contrairement aux cotisations –, quand les indemnités d’accident du travail ne sont financées que par des cotisations patronales modulées à raison de la dangerosité de l’activité professionnelle exercée.

Le versement des indemnités pour accident du travail a donc un caractère effectif d’indemnisation et de réparation d’un dommage, quand bien même l’arrêt de travail ne serait que temporaire.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de justice sociale et fiscale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut saluer la constance du groupe CRC sur ce sujet.

Les malades ne sont pas davantage des privilégiés que les accidentés du travail, pourtant les indemnités journalières qu’ils perçoivent sont soumises à l’impôt sur le revenu.

Les indemnités journalières pour accident du travail sont déjà en partie défiscalisées, puisqu’elles sont imposables à hauteur de 50 % de leur montant. La suppression des dispositions introduites par la loi de finances pour 2010 entraînerait un coût trop important : la commission a émis un défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-236, présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Bertrand, Mme Laborde, M. Barbier, Mme Malherbe et MM. Fortassin, Castelli et Esnol, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux dont le revenu brut annuel n’excède pas 62 340 €. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent projet de loi de finances comporte un effort inédit de réduction des dépenses et des dotations aux administrations d’État, aux opérateurs de l’État et aux collectivités locales.

Dans ce contexte, il nous paraît approprié de s’interroger sur la pertinence de certaines niches fiscales, même si, comme l’affirmait l’ancien Président de la République Jacques Chirac, dans chaque niche se cache un chien méchant ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard. C’étaient les mots d’Alain Lambert !

M. Jean-Claude Requier. La multiplication de ces niches contribue en effet à la complexité et au manque de lisibilité de notre système fiscal.

Avec cet amendement, nous ambitionnons de réformer l’exonération partielle d’impôt sur le revenu dont bénéficient les journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux au titre du 1° de l’article 81 du code général des impôts.

Une telle disposition peut se comprendre pour les jeunes journalistes et les pigistes, soumis à une forte insécurité de l’emploi dans un secteur en difficulté. Cependant, son application automatique à l’ensemble des professionnels du secteur, quels que soient leurs revenus, est incompréhensible et particulièrement injuste.

Le présent amendement vise donc non pas à supprimer totalement cette niche, mais à en réserver le bénéfice aux personnes ayant des revenus peu élevés, c’est-à-dire dont la rémunération n’excède pas 4 000 euros nets par mois.

Un amendement identique avait été adopté par notre assemblée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014. Puisse le Sénat, dans sa sagesse, adopter de nouveau ce dispositif aujourd’hui !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un sujet que nous connaissons bien au Sénat et dont nous pourrions discuter longuement. S’agit-il de la prise en compte de frais professionnels, ou d’une forme d’aide à la presse ?

Réserver le bénéfice de l’exonération partielle aux titulaires de revenus mensuels inférieurs à 4 000 euros nets me gêne un peu, car cela risque d’entraîner des effets de seuil assez importants.

Comme je le disais, nous pourrions débattre longuement de la pertinence de cette niche, dont la portée a déjà été limitée par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. En tout état de cause, la commission a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce dispositif particulier a été instauré par l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 1998, en contrepartie de la suppression de la déduction forfaitaire supplémentaire de 30 % pour frais professionnels qui existait depuis 1934.

Cette exonération vise à prendre en compte de manière forfaitaire la spécificité de l’activité des journalistes, qui ne peuvent aisément faire état de leurs frais professionnels réels et justifiés.

Conditionner, comme il est proposé, le bénéfice de cette exonération à un seuil de revenus introduirait une rupture d’égalité devant les charges publiques. Pour cette raison, une telle mesure souffre, à mon avis, d’une fragilité constitutionnelle.

La sagesse du Sénat devrait donc le conduire à rejeter cet amendement : on ne peut conditionner une réduction d’impôt à un niveau de revenus. Cet argument de forme vient s’ajouter à celui de l’effet de seuil qu’évoquait le rapporteur général. Le Gouvernement est clairement défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je voterai cet amendement, même s’il présente un risque d’inconstitutionnalité. S’il est imparfait, la commission mixte paritaire pourra toujours en améliorer le dispositif. Il s’agit de lancer un signal.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-236.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-174, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le 2° bis de l'article 81 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les majorations de retraite ou de pension pour charge de famille ; ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de pension versées aux retraités ayant accompli une carrière professionnelle et élevé au moins trois enfants compte parmi les dispositions ayant été introduites en fin de course, si j’ose dire, dans la loi de finances pour 2014 – non pas par le Sénat, qui avait rejeté la première partie de ce texte.

Cette mesure représentait un coût fiscal de 1,2 milliard d’euros, pour pas moins de 3 millions de contribuables concernés, soit un montant moyen d’exonération atteignant la somme extraordinaire de 400 euros par foyer fiscal…

Si les intentions initiales de ceux qui mirent en place la mesure étaient assez éloignées de nos conceptions du monde, il est assez clair que, avec le temps, ce sont les femmes ayant accompli des carrières professionnelles complètes qui ont été les premières concernées par la mise en œuvre de ces dispositions particulières du code général des impôts.

En fait, la suppression cette exonération s’est conjuguée – et ce sera encore plus sensible demain, ce qui ne manquera pas d’anéantir les effets de l’aménagement du barème prévu à l’article 2 – à la hausse de la CSG pour les retraités, à la réduction du quotient familial et à la poursuite de l’allongement progressif de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Pour quelques dizaines d’euros en plus au titre de l’article 2 – pas plus de 220, ne l’oublions pas –, combien de CSG en plus, combien d’impôt en plus, combien de pension en moins dans quelques années ?

Par ailleurs, nous n’avons pas souvenir que les 1,2 milliard d’euros de dépense fiscale ainsi « économisés » aient profité dans une mesure quelconque aux publics visés. En effet, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont ils constituaient l’une des dépenses fiscales, n’augmenteront en 2015 que du fait d’un changement de nomenclature comptable du RSA…

Il s’agit donc d’une simple opération de récupération de recettes fiscales sur le dos de 3 millions de contribuables, souvent modestes, effectuée à l’issue de la promulgation de la loi de finances pour 2014.

Cet amendement tend donc à revenir sur ce choix particulièrement critiquable du point de vue de l’égalité fiscale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement, même si nous reconnaissons volontiers que la suppression de l’exonération en question a été beaucoup trop brutale et a pris de court près de 4 millions de foyers fiscaux. Cette décision a sans doute été insuffisamment préparée et mesurée.

Toutefois, peut-on aujourd’hui, au regard de la situation budgétaire dans laquelle nous nous trouvons, rétablir purement et simplement une dépense fiscale de 1,2 milliard d’euros ? La commission a estimé que ce ne serait pas raisonnable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement rejoint l’analyse du rapporteur général.

J’ai été surpris d’entendre M. Bocquet parler de hausse de la CSG pour les retraités. Je tiens à redire que les taux de CSG applicables aux pensions de retraite restent parfaitement identiques à ce qu’ils étaient. Il n’y a pas de hausse de la CSG pour les retraités, même si on ne cesse d’affirmer le contraire.

Le Gouvernement est défavorable au rétablissement d’une dépense fiscale de 1,2 milliard d’euros : ce n’est pas dans nos moyens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-174.

(L'amendement n'est pas adopté.)