Mme la présidente. L'amendement n° I-252, présenté par MM. Mézard, Requier, Collin, Barbier, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Castelli, Arnell et Bertrand, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II. – L’exonération prévue au I s’applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :

« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 241-16, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions du même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.

« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.

« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.

« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »

III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement quelque peu atypique repose sur une approche pragmatique et tend à revenir sur une décision qui ne nous semble plus pertinente dans le contexte actuel d’une amorce de reprise.

En effet, si défiscaliser les heures supplémentaires pourrait sembler injuste dans l’idéal, il en va différemment en l’état actuel de notre fiscalité et de notre économie.

Comme je l’ai exposé en défendant un précédent amendement visant à rétablir la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, les sénateurs du groupe du RDSE militent en faveur d’une grande réforme de la fiscalité des ménages. Ce n’est pas la voie qui a été choisie ; c’est la raison pour laquelle nous proposons une mesure alternative.

L’article 3 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 a supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires. Or il apparaît que cette disposition, dans le contexte d’une éventuelle fragile reprise, est de nature, même si elle n’est pas destinée à être permanente, à donner un coup de fouet à l’activité des entreprises, ainsi qu’au pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Je le répète, cet amendement n’est pas inspiré par un quelconque calcul politicien. Il résulte d’une analyse réaliste des besoins de nos entreprises et des Français, qui ont exprimé un « ras-le-bol » fiscal. Il est de notre devoir de les entendre. Nombre d’entre eux ont vu leur imposition augmenter alors que, dans le même temps, leur salaire stagnait.

Ce coup de pouce à la demande ne permettra pas, à lui seul, de relancer la croissance. Il constituera cependant une bouffée d’air pour de nombreux ménages.

Quant à nos entreprises, beaucoup sont confrontées à un ralentissement des prises de commandes ; d’autres, au contraire, constatent une amélioration de leur activité, fragile mais réelle. C’est à ces dernières que les dispositions du présent amendement tendent à redonner des marges de manœuvre.

Mes chers collègues, nous vous proposons d’exonérer à nouveau les heures supplémentaires d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a sans doute été une erreur. Elle a en tout cas représenté une perte de pouvoir d’achat pour les quelque 9 millions de salariés qui en bénéficiaient.

Nous avons tout à l'heure évoqué la hausse de 35 % du produit de l’impôt sur le revenu : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a très largement contribué à cet alourdissement, qui a induit une perte de pouvoir d’achat.

Néanmoins, la commission n’est pas favorable à cet amendement, pour deux raisons.

Tout d’abord, le rétablissement de l’exonération coûterait 1 milliard d’euros, auxquels s’ajouteraient 1,5 milliard d’euros de pertes de cotisations sociales, soit un coût total de 2,5 milliards d’euros pour nos finances publiques.

Au-delà, il convient surtout de s’interroger, me semble-t-il, sur la durée du temps de travail et la productivité dans notre pays. Ce serait sans doute plus pertinent et courageux aujourd’hui, compte tenu du déficit de compétitivité de la France.

Pour ces raisons, la commission n’a pas souhaité suivre les membres du groupe du RDSE, même si elle admet que supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires fut une erreur. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Était-ce une erreur de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires ? Pour notre part, nous ne le pensons pas, bien sûr.

Je dois dire que je suis un peu étonné de la tournure de ce débat. Tout à l’heure, on nous disait qu’il faudrait instaurer un impôt citoyen, qui soit payé par tout le monde, et voici maintenant que l’on suggère d’exclure certains revenus de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Pourquoi, d’ailleurs, cette exonération s’appliquerait-elle aux heures supplémentaires travaillées, et non pas aux cinq premières heures de travail, par exemple, comme l’avaient imaginé certains esprits créatifs pour inciter à la reprise d’activité ?

Personnellement, je ne vois pas au nom de quoi les salaires versés au titre des heures supplémentaires mériteraient davantage d’être exonérés d’impôt sur le revenu que d’autres ! Je ne comprends pas ce raisonnement. C’est une raison fondamentale qui m’amène à être défavorable à cette mesure, en dehors de son coût.

M. Jean-Claude Requier. Ce serait une mesure ponctuelle !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quant à l’argument relatif à l’assouplissement du droit du travail, il me semble que, depuis quelques années, beaucoup de flexibilité a été introduite dans celui-ci pour permettre aux entreprises de répondre à des besoins de pointe. D’ailleurs, rien n’interdit de recourir aux heures supplémentaires, bien au contraire ! Bien sûr, leur rémunération est encadrée, car le travail accompli au-delà de la durée légale doit faire l’objet d’une rémunération spécifique.

Je n’arrive vraiment pas à comprendre au nom de quoi on exonérerait ce type de revenus. Le Gouvernement, vous l’aurez compris, monsieur Requier, ne peut être favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je rejoins l’analyse de M. le secrétaire d’État : je ne vois pas non plus pourquoi les heures supplémentaires seraient défiscalisées.

J’aimerais d’ailleurs qu’une étude sur l’efficacité d’une telle mesure en matière d’emploi puisse être réalisée. Les propos de M. le rapporteur général sur la durée du travail en France font écho à ceux de M. Gattaz,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et de M. Macron !

M. Daniel Raoul. … mais j’aimerais que l’on regarde de plus près ce qui se passe en Allemagne. J’y ai effectué deux missions, en particulier dans le milieu industriel. Je peux témoigner que, même dans les grandes industries bien connues, qui exportent notamment des véhicules vers la France, le temps effectif du travail s’établit entre 29 et 32 heures par semaine au maximum, bien en deçà de la durée légale. Sachant cela, on ne peut que s’interroger sur l’opportunité d’augmenter la durée légale du travail.

Je le redis, j’aimerais beaucoup savoir si la défiscalisation des heures supplémentaires a eu un effet positif sur l’emploi dans la production.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’était une mesure de pouvoir d’achat !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je trouve que le débat prend une drôle de tournure…

Je voudrais rappeler que la défiscalisation des heures supplémentaires était une mesure de pouvoir d’achat ; elle ne visait pas à créer des emplois.

M. Pierre Charon. Exactement !

M. Philippe Dallier. Sur ce plan, nos positions sont assez éloignées, chers collègues de l’opposition. Nous ne pensons pas comme vous que le travail se partage et que, par conséquent, abaisser le temps de travail permet de multiplier les emplois. Si c’était vrai, nous ne serions pas dans la situation que nous connaissons aujourd’hui !

La défiscalisation des heures supplémentaires, qui a été adoptée en 2007, c’est-à-dire en un temps où la situation budgétaire était radicalement différente, était une mesure visant à améliorer le pouvoir d’achat. Les Français qui en bénéficiaient l’ont bien compris quand, à la suite de sa suppression, ils ont vu flamber le montant de leur impôt sur le revenu. Cela a d’ailleurs largement contribué au « ras-le-bol » fiscal, surtout parmi les plus modestes de nos concitoyens. Dès lors, ne nous trompons pas de débat ; il s’agissait d’abord d’une mesure de pouvoir d’achat.

Cela étant, rétablir aujourd’hui cette exonération coûterait 2,5 milliards d’euros. Nous n’en avons guère les moyens, c’est pourquoi le groupe UMP suivra la position exprimée par M. le rapporteur général.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-252.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-176, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du 2° du 3. de l’article 158 du code général des impôts, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. « En proposant, monsieur Foucaud, de ramener de 40 % à 20 % le taux de l’abattement applicable au montant des dividendes perçus soumis à l’impôt sur le revenu, vous abordez encore un vrai sujet.

« Le Conseil des prélèvements obligatoires, auquel vous avez fait référence, justifie cet abattement par le souci d’éviter une double imposition, mais son rapport ne fait état d’aucune corrélation arithmétique entre le taux de cet avantage fiscal et celui de l’impôt sur les sociétés réellement acquitté. »

C’est en ces termes que, voilà environ trois ans, durant l’automne précédant la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle et à la suite du changement de majorité au Sénat de septembre 2011, Nicole Bricq, alors rapporteur général du budget, avait commenté en séance publique la proposition que nous présentons de nouveau aujourd’hui et qui n’a rien perdu de sa pertinence. Le même jour, d’ailleurs, notre collègue François Marc, s’exprimant au nom du groupe socialiste, dont la composition était alors largement la même qu’aujourd’hui, avait tenu les propos suivants : « Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens. Il conviendrait de le faire vivre jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire. Le taux proposé pour l’abattement pourra alors être ajusté le cas échéant. »

Depuis, nous avons eu quelques confirmations que la prétendue double imposition des dividendes était une forme de mythe errant dans les limbes d’une fiscalité désuète. Si l’abattement sur les dividendes est censé récompenser le courageux investisseur d’avoir mis une partie de ses moyens financiers au service d’une entreprise, le montant de ces dividendes n’a parfois qu’un rapport assez lointain avec la situation financière de cette dernière… En effet, une société bénéficiaire peut très bien ne pas verser le moindre dividende, tandis qu’une entreprise déficitaire au plan fiscal et comptable peut parfaitement le faire.

Pour ne citer qu’un exemple, la société Radiall, dont le président du directoire est Pierre Gattaz, par ailleurs président du MEDEF, verse des dividendes à ses actionnaires alors même que l’entreprise continue de voir les déficits antérieurs reportables imputés sur son résultat fiscal. Au titre de 2013, selon les éléments fournis par M. Gattaz lui-même, Radiall lui aura versé rien de moins que 389 000 euros de dividendes, alors que 21,5 millions d’euros de déficits reportables sont encore imputables sur le résultat fiscal. M. Gattaz est dans une telle situation qu’il lui faudra probablement attendre 2017 pour commencer à mobiliser la créance CICE de 6 millions d’euros qui a commencé de se constituer depuis la création de la mesure l’an dernier.

Pour ce qui concerne la Banque nationale de Paris, malgré l’amende record infligée par la justice américaine, qui va absorber la quasi-totalité de ses résultats financiers de l’année, rien ne viendra remettre en question le versement d’un important dividende, offrant aux actionnaires un intéressant retour sur investissement.

Dans les faits, en l’état actuel des choses, les dividendes bénéficient d’un taux de prélèvements sociaux inférieur à celui qui est en général appliqué aux revenus salariaux.

Quant au taux de prélèvement libératoire de 21 %, qui tient lieu d’« acompte » sur l’impôt sur le revenu finalement exigible, il est assez éloigné du taux de 40 % pouvant frapper des revenus relativement élevés qui ne seraient que d’origine salariale…

Les 389 000 euros de dividendes perçus par M. Gattaz supportent certes 60 295 euros de prélèvements sociaux et 81 690 euros d’acompte au titre de l’impôt sur le revenu, mais ils bénéficient d’un abattement avant intégration dans le revenu global de 155 600 euros. Sachant qu’une partie des prélèvements sociaux est déductible au titre de la CSG, à un taux de 5,1 %, ce sont encore près de 20 000 euros qui doivent être retranchés.

L’abattement, dans ce cas précis, permet tout de même une économie d’impôt assez importante, que l’on peut estimer à 62 240 euros, eu égard au taux d’imposition de ce type de revenus.

C’est donc pour des raisons assez évidentes de justice fiscale que je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Outre le fait que ces dividendes sont soumis à l’impôt sur le revenu, après abattement, ils sont également assujettis à la CSG et à la CRDS, à un taux global de 15,5 %. Diviser par deux cet abattement aurait pour conséquence de dégrader l’attractivité de la France pour de nombreuses entreprises.

Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un dispositif bien connu, qu’il est régulièrement proposé d’adopter lors des débats budgétaires.

Cet abattement, on le sait, résulte de l’assujettissement antérieur des revenus distribués à l’impôt sur les sociétés. Il constitue une forme de compensation. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je trouve les réponses de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’État un peu courtes ! Nous souhaitons que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-176.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 28
Contre 314

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-239, présenté par MM. Mézard, Collin, Requier, Fortassin, Barbier, Bertrand, Collombat et Esnol, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Hue et Castelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 1 de l’article 195 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le mot : « distincte », la fin du a. est supprimée ;

2° Après le mot : « guerre », la fin du b. est supprimée ;

3° Après le mot : « ans », la fin de la seconde phrase du e. est supprimée.

II. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2014.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La « demi-part des veuves » fut instaurée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Inscrite dans la loi de finances pour 2009, la suppression progressive de la demi-part de quotient familial accordée aux parents isolés est devenue pleinement effective en 2014. De ce fait, dans l’opinion, Hollande a porté le chapeau pour Sarkozy…

Cette mesure a modifié les dispositions de l’article 195 du code général des impôts, qui ne concerne plus aujourd'hui que les contribuables veufs ayant « supporté à titre exclusif ou principal la charge » d’un ou plusieurs enfants « pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls ».

Monsieur le secrétaire d’État, vous arguerez sûrement que les effets de la suppression de la demi-part ont été atténués par plusieurs décisions du Gouvernement, notamment la réforme de la décote, l’indexation du barème de l’impôt sur l’inflation ou la suppression de la tranche à 5,5 %.

Toutefois, nous considérons que le seuil de cinq ans est injuste et inopportun. Nous proposons donc de le supprimer.

Mme la présidente. L'amendement n° I-175, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le mot : « distincte », la fin du a du 1 de l’article 195 du code général des impôts est supprimée.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Nous emboîtons le pas à nos collègues du RDSE.

La question du quotient familial est sans aucun doute ce qui fait obstacle à la mise en œuvre d’un certain choix de réforme fiscale, en particulier de réforme de l’impôt sur le revenu, puisque quelques âmes bien nées ou bien pensantes sont de plus en plus favorables à sa disparition et à une forme d’individualisation de l’impôt.

Pour des raisons diverses, le quotient familial d’un foyer fiscal peut connaître une majoration d’une demi-part, liée par exemple à la situation de santé du contribuable, aux services qu’il a rendus à la nation – c’est le cas des anciens combattants – ou encore au fait qu’il a assumé seul la charge de l’éducation d’un ou plusieurs enfants.

Les effets de telles majorations sont plafonnés. L’objectif affiché du Gouvernement est de réduire peu à peu le coût de la majoration pour charges de famille pour les finances publiques, un coût au demeurant assez modeste, puisqu’il s’élève à 470 millions d’euros pour plus de 3,8 millions de foyers fiscaux, soit une dépense fiscale moyenne de moins de 125 euros par contribuable. On voit bien là le caractère parfaitement exorbitant de la mesure, qui participe pourtant de la politique sociale de la nation, à en croire l’évaluation des voies et moyens…

Les majorations de quotient ne sont pas en soi un sujet. Ainsi, le bénéfice de la carte du combattant, que certains opposent au montant des prestations et allocations versées à ses détenteurs, représente le coût hallucinant de 700 euros en moyenne par foyer fiscal, soit un avantage fiscal compris entre 50 et 60 euros par mois.

Ces dispositifs constituent donc un élément de la politique sociale de la nation. Il faut le noter, pas plus que la suppression de l’exonération des majorations de pension, les mesures prises pour réduire leur coût ne se sont traduites par un renforcement des moyens de ladite politique.

L’extinction plus ou moins programmée du dispositif dit de la demi-part des veuves ne risque donc pas d’améliorer en quoi que ce soit la dépense sociale publique de la nation, outre le fait que, pour certains contribuables, la perte de la demi-part supplémentaire a signifié une majoration d’impôt. En toute objectivité, les ménages concernés ne roulent pas vraiment carrosse, et il nous semble assez logique de réduire le montant des impôts qu’ils sont appelés à payer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut avoir élevé seul ses enfants pendant cinq ans pour pouvoir bénéficier de la demi-part supplémentaire. Cette condition nous paraît raisonnable.

En outre, d’après les estimations qui nous ont été fournies, le coût fiscal de sa suppression serait supérieur à 230 millions d’euros. Il serait encore plus élevé si le bénéfice de la demi-part devait être intégralement rétabli.

Ces considérations budgétaires amènent la commission à solliciter le retrait de ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’amendement n° I-239.

M. Marc Laménie. J’entends bien les arguments de M. le rapporteur général quant au coût d’une telle mesure.

Cela étant, nous sommes souvent interpellés, dans nos départements comme au plan national, sur cette question de la demi-part supplémentaire, en particulier par les associations de veuves, dont les revendications sont tout à fait légitimes. Il en va de même de celles des anciens combattants, pour qui nous avons tous beaucoup de reconnaissance et de respect.

Certes, je me rallierai à la position de la commission, mais ces amendements ont le mérite d’attirer notre attention sur la solidarité due à chacun, et en particulier aux plus modestes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-175.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-178, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 199 quindecies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « d’une réduction d’impôt égale » sont remplacés par les mots : « d’un crédit d’impôt égal » ;

2° À la seconde phrase, les mots : « à la réduction » sont remplacés par les mots : « au crédit ».

II. - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Malgré nombre d’études et de rapports soulignant la tendance à l’accroissement de la population de « grand âge », avec les problématiques que cette évolution implique en termes d’intégration dans la vie collective, nous n’avons toujours pas mis en œuvre les indispensables réformes susceptibles de répondre à des besoins sociaux croissants.

En l’état actuel des choses, il existe deux dispositifs bien connus : la réduction d’impôt accordée au titre des emplois dits « familiaux » et la réduction d’impôt liée aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour.

Le premier de ces dispositifs intéresse plus de 2,3 millions de ménages, ce qui n’est pas du tout négligeable, et coûte 1 670 millions d’euros, soit une réduction d’impôt d’environ 720 euros par ménage et par an. Le second représente une dépense fiscale de 365 millions d’euros, au bénéfice d’un peu plus de 400 000 ménages, soit une réduction d’impôt moyenne de 900 euros par ménage et par an.

Par conséquent, nous avons, d’un côté, un dispositif plutôt sous-dimensionné au regard des besoins, avec une dépense annuelle moyenne d’environ 3 000 euros pour un plafond de 10 000 euros, et, de l’autre, un dispositif à l’inverse plutôt surdimensionné, avec moins de 1 500 euros de dépenses retenues pour un plafond minimal de 12 000 euros.

Mais les données sont sensiblement différentes si l’on se réfère aux sommes déclarées. Sans surprise, le montant des réductions d’impôt accordées au titre de l’emploi d’un salarié à domicile se révèle très proche de la réalité des dépenses exposées par les ménages. En effet, il s’élève à un peu moins de 10 milliards d’euros, pour une dépense moyenne de 2 800 euros environ pour un ménage salarié et de 2 400 euros pour un ménage de retraités. Dans les deux cas, la réduction d’impôt couvre donc plus de 50 % de la dépense.

En revanche, les dépenses d’hébergement en établissement de long séjour s’élèvent à plus de 6,7 milliards d’euros pour environ 400 000 ménages, soit une dépense moyenne de près de 16 700 euros par ménage, bien supérieure donc au plafond de 10 000 euros. Quant à la réduction d’impôt moyenne accordée, à savoir 900 euros, elle est, chacun le sait, très en deçà de la réalité des dépenses : elle en représente environ 5 %, et moins de 20 % de ce qu’il serait possible de prendre en compte au travers d’un crédit d’impôt.

Nous proposons donc de procéder à la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt relative aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour, eu égard au caractère aujourd’hui très imparfait de la solidarité nationale en la matière. Il s’agit d’ailleurs d’une proposition qui avait été retenue par la majorité du Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 ; à l’époque, elle avait été présentée par notre collègue François Marc.

Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement. Évidemment, cela n’épuisera pas, tant s’en faut, le débat sur les réponses collectives que nous devons apporter en matière de prise en charge du grand âge.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. S’il s’agit évidemment là d’une question essentielle, le coût du dispositif est déjà extrêmement élevé : 260 millions d’euros en 2013. Transformer la réduction d’impôt de 25 % en crédit d’impôt ne ferait que l’alourdir. C’est pourquoi la commission émet, à contrecœur, un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean Desessard. Tout amendement communiste est refusé ! (Sourires.)

M. Éric Bocquet. C’est presque systématique !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais non !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?