M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Desessard, vous ne lisez pas dans mes pensées…

Cela dit, sachez que la transformation de la réduction d’impôt en faveur des personnes hébergées en maison de retraite en un crédit d’impôt représenterait un coût de 600 millions d’euros.

M. Michel Bouvard. Excusez du peu !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela irait à l’encontre de notre politique de réduction des dépenses fiscales, contre lesquelles vous vous éleviez tout à l’heure.

Des mesures plus adaptées qu’un crédit d’impôt dépendance existent en faveur des personnes les plus modestes. Une des raisons pour lesquelles cette aide fiscale prend la forme d’une réduction d’impôt, et non d’un crédit d’impôt, tient à la variété des autres aides accordées aux personnes dépendantes, telles que les allocations à caractère social versées par l’État et les collectivités territoriales – je pense notamment à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

Ce type d’aide sous forme de prestations est mieux adapté à la situation des contribuables les plus modestes, puisqu’il les dispense d’une avance de trésorerie. Il n’est pas nécessaire d’y ajouter une nouvelle dépense publique en transformant une réduction d’impôt en crédit d’impôt. Sous le bénéfice de ces précisions, le Gouvernement demande au Sénat de bien vouloir rejeter cet amendement s’il devait être maintenu.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Desessard. Pour 1 milliard, on n’a plus rien… (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-103 rectifié est présenté par MM. Kern, Médevielle, Cadic et V. Dubois, Mme Goy-Chavent, MM. Jarlier, Longeot et Bockel et Mme Morin-Desailly.

L'amendement n° I-268 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Requier, Mézard, Barbier, Bertrand, Collombat, Arnell, Castelli, Esnol et Fortassin et Mme Malherbe.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié : 

1° Au premier alinéa, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € » ;

2° Au deuxième alinéa, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € » et le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;

3° Au troisième alinéa, le montant : « 20 000 € » est remplacé par le montant : « 13 333 € » ;

4° Le quatrième alinéa est ainsi modifié : 

a) le montant : « 12 000 € » est remplacé deux fois par le montant : « 8 000 € » ;

b) le montant : « 1 500 € » est remplacé deux fois par le montant : « 1 000 € » ;

c) le montant : « 15 000 € » est remplacé deux fois par le montant : « 10 000 € » ;

d) le montant : « 18 000 € ».

II. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 14-10-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° La part du produit de l’impôt sur le revenu correspondant à l’abaissement des plafonds de l’article 199 sexdecies du code général des impôts. » ;

2° L’article L. 14-10-5 est ainsi modifié :

a) Au a du II, après les mots : « 4° du même article », sont insérés les mots : « , 70 % du produit des contributions visées au 6° du même article » ;

b) Le a du III est complété par les mots : « et 30 % du produit des contributions visées au 6° du même article ».

La parole est à M. Vincent Dubois, pour présenter l’amendement n° I-103 rectifié.

M. Vincent Dubois. Le soutien à l’emploi à domicile est l’une des priorités du groupe UDI-UC. Ce n’est pas la première fois que les sénateurs de mon groupe interviennent sur ce sujet, ce ne sera pas non plus la dernière !

En l’espèce, le présent amendement, déposé par notre collègue M. Kern, vise à assurer un minimum d’équité dans la mise en œuvre des dispositifs fiscaux de soutien existants, en adéquation avec les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2014, intitulé « Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie ».

En l’état actuel des choses, l’avantage fiscal lié au recours à l’emploi à domicile ou à un prestataire de services à la personne se concentre majoritairement sur les foyers aux revenus fiscaux les plus élevés. Ce n’est pas une surprise, mais la situation est problématique dès lors que, comme le révèlent les travaux de la Cour des comptes, dix-huit mois environ s’écoulent entre la dépense exposée par le particulier et le versement de l’aide publique, du fait de la formule du crédit ou de la réduction d’impôt.

La nécessité de consentir une telle avance de trésorerie, si l’on peut dire, pénalise surtout les ménages les plus fragiles et les évince, de fait, du bénéfice du dispositif.

Sous un angle plus législatif, cet amendement prévoit l’abaissement du plafond des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt, assorti du maintien de plafonds plus élevés pour les services destinés aux enfants en bas âge et aux publics vulnérables. C’est une mesure d’équité et de solidarité, sachant que l’abaissement du plafond proposé demeure limité.

Adopter cet amendement serait un moyen simple de limiter le coût de la dépense de l’État sans réduire l’efficacité de l’aide apportée. En effet, selon les estimations de la Cour des comptes, la mise en œuvre de ce dispositif permettrait de dégager 178 millions d’euros.

Dans l’idéal, nous souhaiterions que cette somme contribue à la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, afin de garder une cohérence d’ensemble au dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-268 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Comme l’a indiqué notre collègue du groupe UDI-UC, cet amendement vise à redéployer les dépenses liées à l’avantage fiscal accordé pour le recours à l’emploi à domicile.

En effet, cet avantage fiscal profite essentiellement aux ménages les plus aisés. Il nous est apparu juste d’abaisser le plafond des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt.

Notre amendement prévoit que les sommes ainsi économisées, estimées par la Cour des comptes à 178 millions d’euros, pourraient être réaffectées au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, destinée aux personnes âgées et dépendantes, et de la prestation de compensation du handicap.

J’ajoute que le versement de ces deux prestations a été mis à la charge des départements, sans transfert de ressources pour un montant équivalent. Nous le savons, ces deux postes de dépenses pèsent lourdement sur les finances des conseils généraux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Plusieurs éléments ont conduit la commission à émettre un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Il s’agit d’abaisser le plafond de dépenses éligibles à la réduction d’impôt sur le revenu pour l’emploi d’un salarié à domicile et d’affecter les économies ainsi dégagées à la CNSA. Certes, cette mesure correspond à une recommandation de la Cour des comptes, mais est-ce bien le moment de fragiliser le secteur de l’emploi à domicile, qui connaît déjà un recul historique du nombre d’heures travaillées, à hauteur de 6 % ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le nombre de particuliers employeurs à diminué d’environ 70 000, et 7 200 emplois ont disparu. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène, notamment la suppression du régime du forfait pour le paiement des cotisations sociales – un système simple et acceptable par les particuliers – et son remplacement par le régime du réel, ce qui a entraîné mécaniquement une baisse du nombre de cotisants et un recul de l’emploi à domicile. C’est la raison pour laquelle le Sénat avait prévu d’augmenter de 0,75 euro à 1,5 euro la déduction forfaitaire de cotisations sociales pour l’emploi de salariés à domicile. Mais il semble que le débat ne soit pas encore complètement clos.

En tout état de cause, la mise en œuvre de la mesure proposée fragiliserait le secteur de l’emploi à domicile. On peut juger trop élevé le plafond actuel de dépenses éligibles, mais l’abaisser risquerait d’entraîner un développement du travail non déclaré.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est perplexe. Vous nous aviez dit précédemment qu’il fallait absolument relever de 0,75 euro à 1,5 euro de l’heure le montant de la déduction forfaitaire. Aujourd'hui, vous proposez d’abaisser le plafond : c’est totalement contradictoire !

Le Gouvernement, afin de prendre au mieux en considération les recommandations de la Cour des comptes, aurait préféré un meilleur ciblage des aides.

Je rappelle que les particuliers employeurs de salariés à domicile ne bénéficient pas des allégements Fillon.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh non !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Un abattement de cotisation de 15 points compensait cette exclusion du bénéfice des allégements Fillon, mais il a été supprimé sous la présidence de M. Sarkozy, ce qui a eu un effet massif !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais qui a supprimé le forfait ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais le forfait était une ânerie, monsieur le rapporteur général ! On faisait cotiser un salarié au forfait, c'est-à-dire sur la base du SMIC, même si son salaire était plus élevé ! Une telle mesure n’était concevable que pour inciter à recourir au travail déclaré, mais le système du forfait débouchait, pour les salariés concernés, sur des indemnités journalières de maladie au rabais et, surtout, sur une pension de retraite au rabais : leurs droits n’étaient pas à proportion du salaire perçu si celui-ci était supérieur au SMIC. Cette situation était aberrante ! Monsieur le rapporteur général, la vraie mesure qui a pénalisé le secteur, ce n’est pas la suppression du forfait, c’est la suppression de l’abattement de 15 points !

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-103 rectifié et I-268 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-203, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 34 % ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur une question essentielle en matière de rémunération des dirigeants d’entreprise.

M. le ministre de l’économie s’est récemment avancé à annoncer la fin des « parachutes dorés », ces dispositifs de retraite particuliers dont bénéficient, depuis plusieurs années, les dirigeants de nos plus grandes entreprises.

À l’heure où les salariés de droit commun – si je puis m’exprimer ainsi – sont condamnés à cotiser plus longtemps pour une retraite sans cesse moins importante, les décisions de conseils d’administration conduisant au provisionnement de rentes confortables pour les dirigeants retraités posent question.

Par exemple, GDF Suez a provisionné pas moins de 21 millions d’euros de retraite chapeau sur une durée de vingt-cinq ans environ pour son P-DG, Gérard Mestrallet, qui a piloté la hausse du prix du gaz domestique dans notre pays. Il percevra ainsi une pension annuelle dépassant les 800 000 euros…

M. Jean Desessard. C’est scandaleux !

M. Thierry Foucaud. Ces situations ne sont pas illégales : elles procèdent des droits accordés aux assemblées générales d’actionnaires ou aux instances dirigeantes d’une entreprise par délégation de l’assemblée ordinaire. Néanmoins, elles présentent un caractère de profonde injustice aux yeux des salariés de l’entreprise concernée et, par-delà, de l’opinion publique.

Le projet d’Emmanuel Macron semble être de faire de ces « retraites chapeaux » et « parachutes dorés » un objet du droit commun, c’est-à-dire de banaliser la pratique en la rendant parfaitement légale, tout en l’assortissant de quelques menues contraintes. C’est en somme la mise en œuvre du vieux principe selon lequel, pour sortir une pratique de l’illégalité, de l’illégitimité ou du régime dérogatoire, le mieux est encore de la codifier légalement !

Pour notre part, nous estimons qu’il faut puissamment décourager la pratique des retraites chapeaux. C’est le sens de cet amendement, qui vise à relever sensiblement, au bénéfice de la sécurité sociale, le taux de contribution appliqué aux rentes servies aux amis !

M. Jean Desessard. Bravo ! Et encore, 34 %, c’est faible !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission est défavorable, non pour des raisons de fond, mais simplement parce que le Conseil constitutionnel a censuré, par sa décision du 29 décembre 2012, le taux proposé de 34 %, au motif que le cumul avec les autres impositions amènerait à une taxation excessive de ce type de revenus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces retraites dites « chapeaux » portent en réalité le nom de « retraites à versement différé », ou quelque chose d’approchant.

Quoi qu’il en soit, parmi elles, il faut distinguer les cas bien connus que vous avez évoqués, qui se multiplient à l’excès, et ceux qui relèvent d’une tradition, dans certaines professions ou certaines régions, consistant à verser, après discussion entre les organisations syndicales et les employeurs, des retraites de ce type à tous les salariés. Cependant, les uns et les autres entrent fiscalement et légalement dans la même catégorie.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Étant Lorrain, je pense notamment au secteur de la sidérurgie en Lorraine : des retraites chapeaux, d’un montant bien entendu très éloigné de celui que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, sont attribuées à des salariés tout à fait modestes, ordinaires, « normaux ». C’est pourquoi ce problème doit être traité de façon prudente. (M. Jean Desessard s’esclaffe.)

Cela vous faire rire, monsieur Desessard ? J’essaie d’expliquer les choses ! Si vous voulez que je me contente de dire « défavorable », je vais le faire sur chaque amendement !

M. Jean Desessard. J’aime vous entendre, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous vous moquez de moi, comprenez que je réagisse de manière un peu vive !

La loi prévoit déjà trois taux différents de taxation : 7 % pour les retraites chapeaux de faible montant que perçoivent les salariés modestes de certaines catégories d’entreprises, 14 % pour les retraites chapeaux de montant moyen et 21 % pour les autres. (M. Michel Bouvard acquiesce.) Ce dernier taux n’est pas appliqué, parce que le Conseil constitutionnel a estimé que, conjuguée à un taux de 45 % pour l’impôt sur le revenu et à la majoration pour les hauts revenus, sa mise en œuvre rendrait l’impôt confiscatoire. Le Conseil constitutionnel a donc décidé, comme il peut le faire, de neutraliser la taxation de 21 % sur les retraites chapeaux les plus importantes, plutôt que de supprimer la tranche à 45 % du barème de l’impôt sur le revenu, qui, à l’évidence, est de portée beaucoup plus générale.

Bien que le Conseil constitutionnel ait pris cette décision, vous proposez de faire passer le taux de 21 % à 34 %... Il me semble préférable d’attendre les conclusions du rapport sur la fiscalisation ou l’interdiction des retraites chapeaux commandé à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires sociales. Laissons les choses se faire. La volonté du Gouvernement a été clairement exprimée. Si le Sénat souhaite adopter un amendement parfaitement inconstitutionnel, il a tout à fait le droit de le faire. Cependant, je tenais à souligner ce caractère inconstitutionnel, parce que lorsque le Conseil constitutionnel censure un texte, c’est souvent le Gouvernement que l’on accuse d’avoir mal travaillé. J’indique donc nettement que le Gouvernement ne souhaite pas l’adoption de cet amendement, évidemment inconstitutionnel. Mes propos figureront au compte rendu de nos débats. (M. Michel Bouvard applaudit.) 

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. M. le rapporteur général a affirmé que le Conseil constitutionnel – qui lui sert bien – censurerait un taux de 34 %. Que propose-t-il pour mettre fin à ce que l’on appelle, dans le jargon populaire, les retraites chapeaux ?

Je maintiens cet amendement par principe, même si je peux comprendre les arguments avancés par M. le secrétaire d’État. Nous sommes prêts à réfléchir avec lui aux moyens de mettre un terme à la pratique des retraites chapeaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. D’abord, je ne comprends pas pourquoi M. le secrétaire d’État s’est fâché.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il ne faut pas me prendre pour un imbécile !

M. Jean Desessard. Il nous a appelés à la prudence, mais je pense que parfois la prudence nous empêche d’avancer. Je sais que M. le ministre de l’économie a lancé une grande attaque contre les retraites chapeaux. Là, je dis « bravo » !

MM. Vincent Capo-Canellas et Philippe Dallier. Chapeau ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Chapeau bas !

M. Jean Desessard. Celle-là, je la gardais pour un peu plus tard… (Nouveaux sourires.)

Donc, bravo au Gouvernement de s’attaquer aux retraites d’un montant disproportionné !

Souvent, on entend dire, à droite, que les patrons méritent de gagner beaucoup d’argent parce qu’ils investissent, prennent des risques avec leur argent. Or beaucoup de hauts dirigeants bénéficiant de retraites chapeaux ne risquent rien ! Ce sont quasiment des fonctionnaires ! Que dis-je ? Leur sort est encore meilleur que celui des fonctionnaires : ils ont la garantie de l’emploi et, le jour où ils quittent leur poste, ils touchent une retraite chapeau d’un montant considérable, cumulable avec un salaire. Voilà qui est formidable ! Et les mêmes se permettent de dire que le pays doit faire des efforts… Ils considèrent sans doute que, au-delà d’un certain niveau de revenus, on n’est pas concerné, ou peut-être jugent-ils qu’ils ont fait suffisamment d’efforts durant leurs études ! Chapeau, les patrons ! Il fallait tout de même être très malins pour obtenir de tels avantages !

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous expliquez qu’il est difficile de modifier la taxation des retraites chapeaux parce que les mineurs lorrains bénéficient de retraites de ce type.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jean Desessard. Heureusement, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez précisé que les montants en jeu ne sont pas les mêmes, sinon je ne sais pas comment votre analogie entre les retraites des mineurs et celles des hauts dirigeants aurait été accueillie en Lorraine !

M. Foucaud a raison de maintenir cet amendement : il est temps d’en finir avec cette pratique, dans la difficile période que nous connaissons.

La droite a dit…

M. Roger Karoutchi. La droite n’a rien dit !

M. Jean Desessard. Elle ne dit rien, elle attend. Elle est en embuscade !

Mme Sophie Primas. Elle dit : « Avançons ! »

M. Roger Karoutchi. La droite, elle vous regarde !

M. Jean Desessard. Où en étais-je ?

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, et M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concluez !

M. Jean Desessard. La droite disait, à une époque, que si l’économie va mal, c’est parce que les patrons sont mal payés : pour motiver les plus compétents, attirer les meilleurs, il faut mieux les rémunérer. Or, depuis dix ans, on constate que plus leur rémunération est importante, plus l’économie va mal, et ce que ce soit sous la droite ou sous la gauche !

M. Jean Desessard. Cela veut dire que ce n’est pas en payant plus les dirigeants que l’on réussira à redresser l’économie ; au contraire, même ! En fait, plus il y a d’inégalités, plus l’économie va mal.

L’amendement communiste donne un signal : il faut faire quelque chose. En période de crise, il n’est pas normal que des multinationales déclarent leurs bénéfices au Luxembourg pour ne pas payer d’impôts. Il n’est pas normal que certains dirigeants perçoivent des salaires exorbitants, ni que, après avoir géré plus ou moins bien une entreprise, sans avoir contribué à redresser l’économie, ils bénéficient de retraites chapeaux. (M. André Gattolin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.

M. Jean Germain. Tout le monde est sensible à cette question, mais le « contrat de retraite à prestation définie », puisque telle est la dénomination juridique de ce que l’on appelle les « retraites chapeaux », concerne à peu près un million de personnes.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean Germain. On peut envisager le sujet de différentes façons. On peut faire du cinéma en surfant sur l’actualité, mais il n’empêche que, pour changer les choses – ce qui va être fait –, il faut modifier le régime des retraites inscrit à l’article 39 du code des pensions.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean Germain. Ce que dit le secrétaire d’État est juste. On ne peut pas, de but en blanc, prendre une décision qui, de toute façon, serait censurée par le Conseil constitutionnel, et causerait en outre du tort à un grand nombre de personnes.

Notre position est connue. Il ne faut pas laisser entendre que nous resterions au milieu du gué et que nous refuserions d’avancer.

M. Thierry Foucaud. Il est plus facile de voter le CICE que de mettre un terme aux retraites chapeaux !

M. Jean Germain. Mais ce n’est pas le même problème ! Comme je l’ai dit hier, vous avez le droit d’estimer qu’il ne faut pas améliorer la compétitivité des entreprises, qu’il faut sortir de l’Union européenne, qu’il faut sortir de l’euro et même – pourquoi pas ? – du système solaire ! (M. Philippe Dallier rit.)

M. Roger Karoutchi. On y travaille, mais c’est difficile ! (Sourires.)

M. Jean Germain. C’est extrêmement difficile !

Puisque le cas des ouvriers de la métallurgie a été évoqué, je rappellerai que si l’on avait accepté de moderniser la sidérurgie en Lorraine, au lieu de tout bloquer, on aurait évité sa délocalisation.

Pour reprendre la formule d’un humoriste, c’est notre position et nous la partageons, mais on ne peut pas la railler à ce point. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ne souhaitant pas que l’on travestisse mes propos, je vais me répéter.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, les contrats de retraite à prestation définie – merci, monsieur Germain, de nous en avoir donné la dénomination exacte – sont de deux natures, selon le moment où ils ont été signés. C’est un problème plutôt complexe, qui concerne en effet près d’un million de personnes. Le résumer à des cas faisant la une de l’actualité serait grotesque. Il avait d'ailleurs commencé à être réglé à l’Assemblée nationale,…

M. Michel Bouvard. Oui, je m’en souviens !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … lors d’une suspension de séance : sur proposition du rapporteur général de l’époque, Gilles Carrez, un accord « transcourants », si j’ose dire, avait posé le principe des trois taux de taxation. Nous étions tous tombés d’accord pour dire qu’il fallait appliquer une fiscalité dissuasive aux grosses retraites chapeaux, mais elle l’est tellement que le Conseil constitutionnel l’a censurée, la jugeant excessive !

Monsieur Desessard, vous avez laissé clairement entendre que je serais en train de défendre les retraites chapeaux en m’appuyant sur le cas des mineurs – j’ai en fait évoqué les sidérurgistes, et non les mineurs. Étant élu d’une ville minière, et ayant des parents qui sont morts au fond de la mine, je connais ces métiers. Je dis simplement qu’il faut prendre garde à ne pas traiter de la même façon des salariés modestes, « normaux », pour reprendre un mot que j’ai déjà utilisé, de certains secteurs de notre industrie traditionnelle et les bénéficiaires de retraites chapeaux exorbitantes. Il faut bien distinguer les situations.

Voilà ce que je souhaitais préciser, monsieur Desessard. Comprenez que j’aie pu marquer quelque irritation en vous entendant insinuer que j’étais en train de défendre l’indéfendable, d’autant que c’était la deuxième fois ! (Applaudissements sur plusieurs travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-203.

(L'amendement n'est pas adopté.)