M. René-Paul Savary. C’est la raison pour laquelle je soutiens la réduction de l’effort demandé aux collectivités territoriales : il faut tenir compte des dépenses supplémentaires qui leur ont été imputées par la majorité actuelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On peut répéter en boucle les mêmes propos…

Je souhaite d’abord répondre sur un point précis et technique soulevé par Mme Goulet, pour qui la lutte contre la fraude ne représente pas grand-chose dans ce projet de loi de finances.

Je rappelle que le STDR a été à l’origine de 1,8 milliard d’euros de recettes en 2014, et que nous demandons d’inscrire 400 millions d’euros supplémentaires à ce titre pour 2015. Nous avons la certitude que cette somme sera atteinte, et nous espérons même qu’elle sera dépassée. La cellule de régularisation mise en place par M. Woerth en son temps avait rapporté 1 milliard d’euros ; nous en sommes donc à plus du double. En outre, la lutte contre la fraude dans son ensemble –le STDR n’assure qu’une partie de l’action en la matière – procure tous les ans une quinzaine de milliards d’euros de ressources. Vous le voyez, il ne faut pas minimiser l’action de l’ensemble de notre administration en matière de lutte contre la fraude.

Enfin, puisque j’entends déjà les discours s’aiguiser avant les explications de vote sur la première partie, je voudrais redire, avec une certaine solennité, que le Sénat n’a pas fondamentalement remis en cause les grands principes d’élaboration de ce projet de budget.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas ce qu’a dit François Marc !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il n’y a pas eu de majoration de TVA, de suppression de l’ISF…

M. Éric Bocquet. Ce n’est pas faute de l’avoir demandé !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce n’est ni un regret ni un reproche. J’ai tout à l’heure souligné que la réduction d’impôt en volume n’a pas été remise en cause, même si la méthode a été modifiée. Vous avez accepté le principe de la baisse des dotations aux collectivités territoriales : vous en avez juste réduit l’ampleur, mais dans une proportion qui n’est finalement pas énorme, puisqu’elle est de l’ordre d’un tiers.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis contente de vous l’entendre dire ! Ce n’est tout de même pas rien !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, si nous avions proposé d’emblée de diminuer les dotations aux collectivités territoriales de 2,2 milliards d’euros, comme l’a décidé le Sénat, je pense que vous nous auriez tenu le même discours. Mais je peux me tromper…

M. Jean-Louis Carrère. Non, c’est bien ça !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous n’avez pas non plus fondamentalement remis en cause le volume des prélèvements opérés sur un certain nombre de trésoreries, notamment sur les chambres de commerce et d’industrie, sujet qui a donné lieu à de grands débats. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Dans la période économique et sociale où nous sommes, il vaut mieux, à mon avis, rechercher des points d’accord plutôt que des points de division.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Honnêtement, je pense que le Sénat a sinon validé – ce n’est pas nécessairement son rôle –, du moins suivi sans trop s’en écarter le chemin proposé par le Gouvernement au travers de ce projet de loi de finances. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout va bien, alors !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans ces conditions, il faudra peut-être mettre vos discours préélectoraux en accord avec vos propositions.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je tenais à vous dire. Puisque je ne reprendrai sans doute plus la parole avant la fin de cette séance, je voudrais vous remercier de m’avoir accueilli dans cet hémicycle pendant plusieurs jours et plusieurs nuits de débats. Nous nous retrouverons bientôt pour la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions de votre présence et de votre courtoisie, soulignée par les présidents de séance qui se sont succédé, ainsi que par l’ensemble de nos collègues.

Je mets aux voix l'amendement n° I-431.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 38 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 189
Contre 142

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix, modifié, l’ensemble constitué de l'article 31 et de l’état A annexé.

(L'article 31 et l’état A annexé sont adoptés.)

M. Éric Doligé. Heureusement que nous soutenons le Gouvernement à fond ! (Sourires.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles constituant la première partie du projet de loi de finances pour 2015.

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi

Article 31 et état A annexé
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie (interruption de la discussion)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2015, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l’ont demandée pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut se féliciter qu’il y ait eu une majorité du Sénat pour soutenir l’amendement du Gouvernement sur l’article 31.

M. Jean-Louis Carrère. Il y a eu 142 frondeurs ! (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet, autant l’article d’équilibre a une connotation politique, en ce qu’il tire les conséquences des différents votes du Sénat, autant l’amendement du Gouvernement a une portée technique, notamment en ce qu’il vise à proposer un certain nombre d’ajustements classiques en matière de recettes.

Monsieur le président, je me réjouis que la nouvelle majorité du Sénat ait ouvert la voie à un examen du projet de budget dans sa globalité. En effet, nous avions tous été frustrés, ces deux dernières années, de ne pas pouvoir mener cet examen jusqu’à son terme.

Le vote que nous venons à l’instant d’émettre sur l’article 31 augure d’un vote positif, dans quelques instants, sur l’ensemble de la première partie.

Ce vote ne vaut pas, pour autant, approbation de la politique économique et fiscale du Gouvernement : nous avons souhaité, sur un certain nombre de points, apporter des modifications importantes par voie d’amendements. Je pense en particulier à la politique fiscale à destination des familles, que la nouvelle majorité sénatoriale a souhaité faire évoluer dans une mesure non négligeable. En effet, les familles ont été victimes de deux abaissements successifs du plafond du quotient familial et de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus.

M. Didier Guillaume. C’est de la justice sociale !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les votes que nous avons émis rétablissent quelque peu la situation de ce point de vue.

Nous avons également souhaité porter une attention toute particulière à l’investissement des PME, en adoptant un amendement proposé par le groupe UDI-UC et soutenu par le groupe UMP, ainsi qu’un amendement de nos deux rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Économie » : monsieur le secrétaire d’État, le vote unanime du Sénat constitue un signal qui devra être pris en compte lors de la navette budgétaire.

Concernant les collectivités territoriales, nous avons, après un long débat, émis un vote tout à fait significatif, au moment où se tient le congrès de l’Association des maires de France.

Le Sénat a adopté, selon moi, une position de responsabilité : nous considérons que, dans l’état actuel de dégradation des finances publiques, nous ne pouvons refuser toute participation des collectivités territoriales à l’effort de redressement des comptes publics. Cependant, dans le même esprit de responsabilité, l’État ne doit pas imposer en permanence aux collectivités des normes et des dépenses nouvelles. C’est la raison pour laquelle les groupes majoritaires du Sénat ont amendé l’article 9 pour défalquer du montant de la réduction des dotations proposée le coût des normes et des dépenses nouvelles supportées par les collectivités.

Un autre choix a été proposé, qui nous aurait conduits à étaler l’effort sur quatre ans, mais la solution que nous avons retenue me paraît beaucoup plus responsabilisante. Elle est, à mon sens, de nature à mettre un frein définitif à cette inflation des normes dénoncée en permanence, vainement jusqu’à présent, faute de mesure ayant une incidence sonnante et trébuchante. La position adoptée par le Sénat sur l’article 9 représente à mon avis une véritable avancée pour éviter de créer, demain, de la dépense publique nouvelle.

Oui, monsieur le secrétaire d’État, à l’issue de nos votes, le solde budgétaire se trouve dégradé de 470 millions d’euros. Tous les groupes politiques du Sénat ont leur part de responsabilité. Ainsi, le groupe socialiste a présenté un amendement relatif aux collectivités d’un coût de 950 millions d'euros, des amendements portant sur le domaine culturel ou sur l’extension des crédits d’impôt, notamment outre-mer.

C’est un choix que nous assumons pleinement ; nous l’avons fait, notamment, à l’égard des collectivités et des entreprises. Il ne s’agit évidemment que d’une étape dans l’examen de ce projet de loi de finances : si le débat s’arrêtait là, notre vote sur la première partie du projet de loi de finances n’aurait aucun sens et ne serait pas responsable. Or nous avons fait le choix de la responsabilité, qui nous amènera, lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, à proposer un certain nombre de mesures d’économies sur les crédits des missions.

M. Sapin et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez exprimé, tout au long des débats, votre impatience d’entendre les propositions de la majorité sénatoriale en matière d’économies sur les crédits des missions. Soyez satisfait : dès vendredi, lorsque débutera l’examen de la seconde partie, la nouvelle majorité sénatoriale fera au Gouvernement des propositions d’économies. Vous avez déjà connaissance des amendements adoptés par la commission : nous aurons alors l’occasion d’en débattre.

J’entends déjà les critiques que certains nous adresseront, parce que nous proposerons 100 milliards d'euros d’économies. Le Gouvernement, qui annonce un plan de 50 milliards d'euros d’économies, considère que l’effort doit être fait sur une base pluriannuelle et reconnaît qu’un certain nombre de mesures nécessitent des évolutions législatives. Si l’on doit demain agir sur les régimes de retraite, par exemple, cela participe de l’équilibre général des finances publiques et ne relève pas du seul projet de loi de finances. Il en ira de même si des mesures de réforme structurelle en matière de prestations sociales doivent être prises : des modifications législatives seront parfois nécessaires, excédant le seul cadre du projet de loi de finances.

Nous aurons donc l’occasion, tout au long de l’année prochaine et au-delà, de documenter des réformes et des économies qui devraient contribuer à améliorer significativement le solde de nos finances publiques. S’il était possible, monsieur le secrétaire d'État, d’accomplir ce travail dans un temps plus limité, vous l’auriez fait et vous auriez proposé autre chose que la mesure de rabot sur les crédits des différentes missions, visant à économiser 800 millions d'euros supplémentaires, qui a fait l’objet de la seconde délibération à l’Assemblée nationale.

En dépit des contraintes imposées par la LOLF et par un calendrier qui limite à vingt jours la durée de l’examen par le Sénat du projet de loi de finances, nous répondrons à votre impatience, monsieur le secrétaire d'État, en proposant, à partir de vendredi, des économies. Certaines mesures auront une incidence très significative dès l’année 2015, d’autres monteront en puissance progressivement, et nous aurons sans doute l’occasion, lors de l’examen des crédits des missions, d’exposer de vraies divergences de fond.

Cela suppose évidemment d’adopter la première partie du projet de loi de finances, qui retrace en quelque sorte les vœux émis par notre assemblée. Je vous y invite, mes chers collègues, car un vote négatif nous priverait de l’examen de la seconde partie. Le Sénat aura alors à cœur de formuler des propositions utiles et d’examiner de manière très approfondie les crédits des missions.

Je voudrais saluer l’état d’esprit dans lequel se sont déroulés nos travaux, notamment en commission, madame la présidente. Nous avons eu des débats de très grande qualité, tout à fait dépassionnés, constructifs, en rupture avec les postures politiques traditionnelles.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En tout état de cause, la nouvelle majorité sénatoriale, loin de s’opposer systématiquement au Gouvernement, a choisi d’adopter une position de responsabilité. Nous aurions pu élaborer un faux contre-budget, en rabotant de 20 % les crédits de toutes les missions et en proposant une baisse des impôts de 100 milliards d'euros, mais cela n’aurait pas été sérieux. Nous aurions pu aussi, arguant d’un désaccord fondamental avec le Gouvernement, tout rejeter, mais, je le répète, nous avons voulu faire preuve de responsabilité.

Je pense, monsieur le président, que les débats sur la première partie du projet de loi de finances ont fait honneur au Sénat. J’espère que l’examen de la seconde partie continuera à démontrer l’utilité de la Haute Assemblée, en particulier l’apport de sa commission des finances, dont je salue la présidente et tous les membres, ainsi que les collaborateurs.

Je remercie M. le secrétaire d'État et M. Sapin de leur participation à nos travaux. Nous avons eu des échanges de qualité, souvent très approfondis, parfois sans concession, mais toujours empreints de respect mutuel. Je remercie la présidence, qui nous a permis de débattre sereinement. Enfin, je remercie tous nos collègues qui ont pris part à ce débat ; ce n’est pas fini ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’opposition sénatoriale sera constructive mais déterminée.

Tout à l’heure, j’ai senti beaucoup de retenue et de tristesse dans les propos de notre collègue Capo-Canellas. (M. Vincent Capo-Canellas s’étonne.)

Après avoir remercié le rapporteur général de la façon dont s’étaient déroulés les travaux sur la première partie du projet de loi de finances, il a souhaité que les choses aillent un peu plus loin lors de la discussion de la seconde partie. On peut le comprendre, et c’est ce que comprendront les Français.

Qu’entend-on, que lit-on tous les jours dans les différents médias ? Une partie de l’opposition nationale réclame plus d’économies, accusant le Gouvernement et le Président de la République de ne pas en faire assez.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On demande surtout de la cohérence !

M. Jean Germain. On nous dit que 50 milliards d'euros d’économies, ce n’est pas suffisant, qu’il en faudrait 110 ou 120. Nous y reviendrons, mais cela ne peut être passé sous silence, puisque le rapporteur général, véritable Raminagrobis, semble dire que nous sommes à peu près tous d’accord sur tout. Que nenni ! Il faudra montrer, lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, où seront trouvés ces 110 ou 120 milliards d'euros d’économies.

J’en viens aux recettes. Que lit-on, qu’entend-on tous les jours ? « Au secours, la France étouffe, il faut absolument un allégement fiscal immédiat ! »

M. Jean Germain. Je vous renvoie, mes chers collègues, au manuel fiscal de mars 2013 signé par Hervé Mariton et le président du groupe UMP.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx Attendez dimanche !

M. Jean Germain. Ce manuel fiscal comporte un certain nombre de promesses, mais vous n’en mettez pratiquement aucune en application, chers collègues de l’UMP, au moment de l’élaboration du budget pour 2015 !

Les Français, qui ont une certaine distance à l’égard de la politique, en concluront que, contrairement à ce que vous prétendez, vous ne feriez pas mieux que le Gouvernement si vous étiez au pouvoir. Je comprends que notre collègue Capo-Canellas en ressente quelque tristesse.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Arrêtez ! C’est un grand garçon, il peut parler pour lui-même !

M. Jean Germain. S’agissant de la politique générale en faveur de l’économie, il est exact que nous avons voté avec vous des amendements relatifs à l’investissement des PME, parce que les socialistes ne sont pas les ennemis des entreprises ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela va mieux en le disant !

M. Éric Doligé. Parlez un peu avec les Français !

M. Jean Germain. Après avoir demandé à M. Dassault de renoncer à son amendement tendant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, parce que vous avez compris que ce ne serait pas convenable, comme aurait dit M. Balladur, vous avez décidé d’être vous-mêmes, de vous lâcher un peu. Alors que le Gouvernement avait proposé de diminuer l’impôt sur le revenu des ménages les plus modestes, vous avez décidé de redéployer une partie de cet allégement au profit des ménages plus aisés, au nom de la politique familiale. C’est l’éternel retour du bouclier fiscal : changez le naturel, il revient au galop ! Je pense que, en matière de recettes, c’est ce que l’on retiendra de vos choix : taper toujours plus sur les plus faibles, pour redonner de l’argent aux plus aisés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées du groupe UMP.)

Je terminerai, monsieur le secrétaire d'État, par un regret : le groupe socialiste vous a proposé la sanctuarisation de certaines taxes locales et un étalement de la baisse de la DGF, et il a voté, avec le Sénat unanime, la suppression des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Nous n’avons eu en retour aucun signe de la part du Gouvernement, et nous le déplorons. Il ne faut jamais désespérer Billancourt ! Cela étant, nous savons que le Premier ministre se rend demain au congrès de l’Association des maires de France : peut-être ne vous était-il pas forcément facile de nous répondre avant qu’il ne s’exprime. C’est pourquoi nous ne vous en voulons pas. En tous cas, nous voterons résolument contre cette première partie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme j’avais eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, ce projet de loi de finances ne recelait pas de quoi susciter, de prime abord, l’enthousiasme des écologistes.

Sans même parler de nos doutes, partagés par le Haut Conseil des finances publiques, quant au réalisme de la trajectoire des finances publiques, il nous semble que la démarche consistant à faire payer aux ménages et au service public des baisses de cotisations sociales et d’impôts pour les entreprises, sans véritables contreparties, ne permet pas de conduire notre économie sur la voie d’une réelle transition écologique. C’est donc sans surprise, quoique avec un peu de regret, que nous avons essuyé des avis défavorables du Gouvernement sur l’ensemble de nos amendements.

Néanmoins, sur la question plus précise de la déductibilité de la contribution des banques au fonds de résolution unique, nous avons bien noté l’engagement pris par M. le secrétaire d’État de traiter ce problème dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative. Nous nous en félicitions et nous serons très attentifs à la proposition que fera le Gouvernement.

Les débats du Sénat ont été riches et, comme à l’accoutumée, de bonne tenue. Je dirais même qu’ils ont été, à différents égards, empreints de cette sagesse que l’on reconnaît traditionnellement à la Haute Assemblée.

Un large consensus s’est en effet dégagé pour rétablir un certain nombre de taxes, qualifiées de « petites », venant abonder le budget des collectivités locales. Les écologistes sont très attachés au principe de subsidiarité et considèrent que, sans réelle autonomie financière des collectivités locales, la décentralisation n’est qu’un vain mot. Nous nous félicitons donc de la position du Sénat sur ce sujet.

Nous nous félicitons également que la majorité sénatoriale n’ait pas suivi le rapporteur général dans sa volonté de réduire le crédit d’impôt sur la transition énergétique. À quelques mois de l’examen par notre assemblée du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, nous y voyons un signe plutôt encourageant.

Nous nous félicitons enfin que le rapporteur général n’ait pas non plus été suivi dans sa volonté de rétablir, pour l’aide juridictionnelle, un droit de timbre dû par le justiciable. L’accès à la justice doit être le même pour tous, sans discrimination de moyens, et le Sénat ne s’y est pas trompé.

En ce qui concerne le niveau des efforts demandés aux collectivités locales, dans la mesure où les écologistes contestent les grands choix en matière de dépenses que sont le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, et les baisses de cotisations, ils ne voient pas nécessairement d’un mauvais œil la limitation de la baisse de la DGF adoptée par le Sénat. En revanche, ils considèrent que la réduction de la péréquation qui l’accompagne est particulièrement inopportune. En effet, lorsque l’on traverse une période difficile, comme c’est le cas actuellement, il faut accroître la solidarité au lieu de la réduire.

L’autre modification majeure opérée par le Sénat consiste en une hausse, à l’article 2, du plafond du quotient familial. Comme l’a longuement expliqué mon collègue Jean Desessard lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le quotient familial est un dispositif profondément injuste, qui profite très majoritairement aux foyers les plus aisés : le renforcer aura donc nécessairement un effet antiredistributif tout à fait malvenu. Il existe bien d’autres moyens, comme le versement d’une allocation universelle dès la naissance du premier enfant, pour soutenir la famille de manière équitable.

Enfin, je ne peux pas ne pas dire un mot de l’amendement, adopté hier soir, instaurant une baisse d’un centime de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur les agrocarburants, au motif, d’ailleurs assez amusant, de « redonner du pouvoir d’achat aux Français ». Mes chers collègues qui avez défendu cet amendement, si vous avez dans votre département des excédents de betteraves, je vous suggère de recommander à vos agriculteurs de passer d’une production de masse subventionnée et excédentaire à l’agriculture biologique locale : il y a actuellement un déficit d’offre par rapport à la demande dans ce domaine !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est au bénéfice de cette analyse que les écologistes s’opposeront au texte qui nous est proposé à ce stade de la procédure. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.

M. Éric Bocquet. « Je suis le dernier des grands présidents. Après moi, il n’y aura plus que des financiers et des comptables. »

M. Philippe Dallier. Mitterrand !

M. Éric Bocquet. Cette formule, quelque peu lapidaire, d’un de nos anciens présidents de la République, aujourd’hui décédé, reflète assez bien l’impression que laisse le débat que nous venons de mener sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015.

S’il fallait d’ailleurs rechercher une preuve de la dérive du débat d’idées politiques vers la controverse sur des chiffres, des bilans, des comptes et des indices, nous la trouverions aisément dans ces explications de vote au terme de l’examen de la première partie. Dans un quasi-consensus, sur l’essentiel au moins – vous l’avez parfaitement démontré, monsieur le secrétaire d’État –, la majorité sénatoriale issue du scrutin de septembre dernier, le Gouvernement et le groupe parlementaire qui le soutient en toutes circonstances vont donner leur aval à la discussion de la seconde partie du projet de budget, après l’adoption de la première partie, certes modifiée par l’adoption de quelques amendements, mais dont les grandes lignes n’ont pas varié.

Après avoir refusé pendant deux ans de s’appuyer sur la diversité, la richesse et les propositions d’une majorité de gauche au Sénat dans toutes ses composantes, parfois même rejointe par des élus venus d’autres horizons, attachés à certaines valeurs, le Gouvernement en vient à accepter de débattre de manière somme toute urbaine de l’amertume de la potion austéritaire dont la Commission de Bruxelles attend l’administration aux Françaises et aux Français.

Outre que le citoyen peut dès lors s’interroger sur le sens de son propre vote, notamment en faveur des candidats partisans d’un certain changement, cette situation illustre, hélas, la convergence de vues qui existe sur bien des points entre le Gouvernement et la majorité du Sénat. Ne l’oublions pas, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, avatar d’une constitution européenne que le peuple français avait majoritairement rejetée le 29 mai 2005 – ce n’est pas si vieux –, a été ratifié, dans notre Haute Assemblée, par ceux-là mêmes qui s’apprêtent ainsi à continuer de « débattre ».

Sur le plan formel, la tenue d’une partie de la discussion du projet de budget samedi dernier a d’ailleurs conduit à confiner celle-ci à un débat entre spécialistes, loin des yeux d’une opinion publique, et même d’élus, qui auraient pu s’interroger sur certains votes.

En effet, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, qu’avez-vous retenu des 13 000 motions relatives à la baisse des dotations votées par les conseils municipaux et les conseils communautaires, en soutien à la proposition de l’Association des maires de France, qui tient son congrès en ce moment ? Pendant que les maires de certains de nos départements visitaient les locaux du Sénat, qu’avez-vous accepté, qu’avez-vous voté ?

Vous avez accepté l’essentiel de la baisse des dotations, en limitant vos efforts à la seule prise en compte de ce qui est appelé « l’inflation normative ». Il ne vous a donc pas paru anormal que, dix ans après l’absorption de la part « salaires » de la taxe professionnelle par la dotation globale de fonctionnement, le Parlement soit amené à voter pour revenir sur ce principe ! Avec la baisse des dotations à partir de 2015, mes chers collègues, c’est la réforme de la taxe professionnelle qui n’est plus respectée. Le groupe CRC, pour sa part, est fier de s’en être tenu à ses principes sur cette question essentielle.

À la vérité, l’examen des données de la discussion de cette première partie révèle d’autres éléments instructifs.

La commission des finances s’est certes penchée sur la question délicate du quotient familial, mais force est de constater que les efforts de la majorité sénatoriale ont, d’abord et avant tout, tendu à faire reposer les pseudo-économies sur les seuls salariés et à épargner les autres.

Le débat sur la situation des chambres d’agriculture et des chambres consulaires en général qui a animé le Sénat montre que certaines positions sont spontanément mieux défendues que d’autres.

Nous avons, pour notre part, fait valoir qu’il ne nous paraissait pas normal que l’État, pour résoudre ses problèmes de fins de mois parfois difficiles – alors même que nous émettons des bons du Trésor portant intérêt négatif depuis le 25 août dernier –, « fasse les poches » du Centre national du cinéma et de l’image animée, des agences de l’eau, des chambres consulaires, du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, et j’en passe, tout en se dispensant, une fois encore, de rembourser à la sécurité sociale tout ce que coûte la politique forcenée d’exonérations et d’allégements de cotisations sociales.

Il faut, d’une part, changer les règles fiscales applicables aux taxes dédiées, et, d’autre part, aller chercher des ressources là où elles sont ! Demandez donc à votre candidat à la présidence de la Commission européenne, M. Juncker, de rendre l’argent que des cabinets de conseil bien en cour ont distrait des recettes fiscales des États de l’Union pour le planquer au Luxembourg ! Le retour des « repentis helvétiques » ne suffira pas, à nos yeux, à régler radicalement le scandale de l’évasion fiscale !

Le projet de loi Macron, que nous examinerons prochainement, va d’ailleurs plus loin, menaçant une bonne partie des garanties sociales acquises par le passé, notamment grâce à la lutte et à l’engagement de dévoués et courageux militants progressistes. Serait-il le second bras d’une politique qui joindrait à l’austérité budgétaire une « flexibilité » du travail limitée à la souplesse du dos des travailleurs et à leur capacité à tout accepter, y compris le travail de nuit et du dimanche ? On ne favorisera pas la croissance en France, pas plus que la transition énergétique, en développant l’insécurité sociale.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à entendre et à méditer ces paroles du Président de la République qui fut élu un certain 10 mai 1981 : « Il n’y a et ne peut y avoir de stabilité politique sans justice sociale. Et quand les inégalités, les injustices ou les retards d’une société dépassent la mesure, il n’y a pas d’ordre établi, pour répressif qu’il soit, qui puisse résister au soulèvement de la vie. »

Nous ne voterons évidemment pas la première partie du projet de budget, telle qu’elle a été modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)