M. Hervé Maurey. Il a raison ! Tous les Normands la connaissent !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. … ainsi que de la réalisation d’une liaison fluviale directe à travers une chatière pour le port du Havre qui permettrait d’en améliorer considérablement la desserte pour un montant peu élevé au regard des enjeux.

Si Charles Revet observe un début de déblocage administratif sur ces dossiers, nous sommes encore loin du compte. Il ajoute que les importateurs français préfèrent souvent transiter par Anvers pour bénéficier du mécanisme d’autoliquidation de la TVA qui leur offre un avantage en termes de trésorerie. En France, il faut d’abord s’acquitter de cette taxe auprès de l’administration douanière avant de pouvoir la déduire.

M. Revet se félicite de constater, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que ce dispositif va figurer dans le collectif budgétaire de fin d’année, comme cela avait été annoncé par vos services. Il s’agit d’un premier pas – modeste, puisqu’il ne concerne que les 300 entreprises bénéficiant aujourd’hui de la procédure de dédouanement simplifiée avec domiciliation unique –, afin de réduire les risques de fraude au carrousel. Charles Revet se demande, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous comptez faire au-delà d’une simple campagne de promotion de cette procédure.

Quant à notre flotte de commerce, elle subit de plein fouet la concurrence internationale, avec une inquiétante accélération des dépavillonnements et faillites d’entreprises. Alors qu’elle se situait en quatrième ou cinquième position mondiale dans les années quatre-vingt, elle est désormais reléguée à la trentième place. À l’exception de quelques activités de niche – croisière, pose de câbles sous-marins ou prospection sismique et pétrolière –, le pavillon français est littéralement en danger de mort : il n’enregistre que des sorties et aucune entrée ; les armateurs ne viennent plus s’immatriculer dans notre pays. C’est toute une filière qui se déconstruit peu à peu. Le financement n’est plus là et même la Banque publique d’investissement refuse d’apporter son soutien. Les chantiers disparaissent et, avec eux, le savoir-faire en matière de construction de navires.

Les deux dernières années ont été particulièrement rudes, avec la sortie de 30 navires. Un seuil psychologique a été atteint : désormais, notre flotte compte 181 navires, alors que, pendant longtemps, il était considéré comme impensable de descendre sous la barre des 200. Charles Revet nous rappelle que, voilà dix ans, on s’alarmait à l’approche des 230 navires !

Il n’y a qu’à observer l’actualité pour se convaincre du naufrage – si l’on peut dire – qui nous guette : après la liquidation d’entreprises historiques comme SeaFrance ou le pétrolier Maersk Tankers France, c’est désormais la SNCM qui vient de déposer son bilan, au terme d’une longue agonie pendant laquelle se sont multipliés les effets d’annonce non suivis dans les faits.

Notre pavillon a un problème de compétitivité, comme le souligne le récent rapport sur la compétitivité des services et transports maritimes de notre collègue député Arnaud Leroy : il supporte des coûts supérieurs de 20 % à 40 % à ceux d’autres pavillons ; les exonérations de charges sont insuffisantes par rapport à l’agressivité de nos concurrents britanniques ou danois, qui ont mis en place des exonérations totales ; l’organisation du temps de travail et des congés n’avantage pas non plus notre pays, puisqu’il faut en France trois équipages – contre deux au Danemark – pour faire fonctionner un navire.

À défaut de réforme, Charles Revet se félicite au moins de l’adoption, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative par l’Assemblée nationale, d’un amendement de M. Leroy visant à exonérer d’imposition la plus-value de cession d’un navire. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

Pour le reste, nous savons que la France dispose d’atouts maritimes indiscutables : deuxième zone économique maritime au monde, juste derrière les États-Unis, notre pays occupe une place au cœur de l’Europe de l’Ouest, ouverte sur quatre façades maritimes. À l’heure où 90 % du commerce mondial transite par la mer, il devrait pouvoir redevenir une grande puissance maritime, conclut Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la tenue de ce débat sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est particulièrement importante, tant 2015 sera une année structurante pour les politiques publiques concernées.

Nous regrettons bien évidemment la nouvelle baisse des crédits ; je ne m’attarderai pas sur les chiffres, ils ont déjà été largement rappelés. Je reviendrai plutôt sur les trois enjeux majeurs des mois à venir : l’adoption de deux lois, attendues depuis longtemps, relatives à la transition énergétique pour la croissance verte et à la biodiversité, et l’accueil de la vingt et unième Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite « COP 21 ».

J’ai déjà eu l’occasion, lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État », de me féliciter de l’inscription du programme 341, consacré à l’organisation de cette conférence ; je n’y reviendrai donc pas davantage.

Pour ce qui concerne le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le Gouvernement a affiché une véritable ambition quant au chemin à prendre. L’enjeu est maintenant de veiller, dans le présent projet de budget et au-delà, à assurer les investissements nécessaires à la réussite de cette transition. Si toutes nos inquiétudes ne sont pas levées, des mécanismes de financement très intéressants ont néanmoins été annoncés.

Il s’agit d’abord du crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui permet le remboursement de 30 % des dépenses de rénovation énergétique engagées par les ménages, soit 900 millions d’euros de dépenses pour l’État n’apparaissant pas dans ce budget.

Il s’agit ensuite de la ligne de financement de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, de 5 milliards d’euros pour les travaux de performance énergétique engagés par les collectivités territoriales.

Il s’agit enfin de la mise en place du fonds de financement de la transition énergétique, doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, géré par la CDC, alimenté à la fois par les crédits du programme d’investissements d’avenir, la valorisation des certificats d’économie d’énergie et de nouveaux crédits de la CDC. Ce fonds devrait notamment financer le doublement du fonds chaleur, la prime à la conversion des véhicules diesel vers des véhicules propres, les appels à projets portant sur les 1 500 méthaniseurs, ainsi que la dynamique des territoires à énergie positive – les TEPOS – pour la croissance verte et celle des territoires zéro gaspillage zéro déchet.

Ces trois opportunités de financement intéressantes permettent à la dépense publique d’avoir un effet de levier tout en mobilisant l’épargne privée ; dans le même temps, elles stimulent la création d’emplois dans les secteurs de la rénovation et sensibilisent les Français sur ces problématiques.

Nous savons que l’État a vocation non pas à financer entièrement la transition énergétique, mais à créer les conditions et les garanties nécessaires pour enclencher un mouvement. Des outils financiers existent, nous devons maintenant veiller à ce que les particuliers, mais surtout les collectivités territoriales, s’en saisissent.

Notons aussi la préservation, sur la période 2015-2017, du budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui doit également contribuer à atteindre l’objectif de doublement du fonds chaleur.

Toutefois, je souhaite exprimer notre inquiétude sur trois points majeurs.

Premièrement, pour ce qui concerne le programme « Paysages, eau et biodiversité », si nous avons bien noté que ses crédits sont maintenus à hauteur de 276 millions d’euros – condition indispensable à la mise en place de l’agence française pour la biodiversité, une fois le projet de loi relatif à la biodiversité adopté –, nous regrettons beaucoup que les agences de l’eau subissent de nouvelles coupes dans leurs budgets : 175 millions d’euros par an seront prélevés entre 2015 et 2017. Je tiens à rappeler que les écologistes défendent le principe selon lequel « l’argent de l’eau va à l’eau », et ce particulièrement quand certaines agences se trouvent déjà dans une situation financière difficile.

Deuxièmement, la taxe poids lourds constitue l’une de nos grandes préoccupations. Si l’on peut se féliciter du fait que la perte de recettes liée à son abandon soit compensée par le relèvement de la taxation du diesel, laquelle rapportera 1,14 milliard d’euros au budget de l’AFITF, nous tenons à souligner le caractère antisocial de ce nouveau mécanisme. En effet, cette taxe, destinée à financer nos infrastructures de transport, concerne l’ensemble des véhicules, notamment ceux des ménages modestes, tandis que la taxe poids lourds ne visait que ceux qui utilisent et dégradent le plus ces mêmes infrastructures.

Le principe pollueur-payeur est inscrit dans la Constitution, madame la ministre, et la hausse de la taxation sur le diesel ne doit pas permettre d’enterrer définitivement le principe d’une taxe poids lourds, assurément plus juste socialement. Nous espérons donc beaucoup des récentes déclarations du Président de la République en faveur d’une expérimentation en région.

Troisièmement, nous exprimons notre grand désarroi face à l’exclusion par le Gouvernement d’un certain nombre d’acteurs du domaine santé et environnement. Voilà un an, votre prédécesseur, Philippe Martin, avait déjà délibérément écarté les lanceurs d’alerte et les ONG spécialisés dans le dialogue environnemental au profit, je vous le rappelle, d’une ONG… de surfeurs.

Cette année encore, mis à part quelques places réservées aux personnalités qualifiées, ces mêmes ONG ont été tenues à l’écart de la conférence environnementale – qui s’est déroulée la semaine dernière –, alors même qu’elles sont largement soutenues par l’opinion française. Je pense tout particulièrement au Rassemblement pour la planète, qui réunit une trentaine d’ONG spécialisées dans la pollution de l’air, les antennes relais, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les déchets…

Ces associations, madame la ministre, représentent le cœur de la démocratie. Elles constituent en effet des contre-pouvoirs indispensables aux puissants lobbies qui gangrènent l’action de l’État et des collectivités.

Devant le déficit, l’échec, voire l’absence de dialogue, elles en sont réduites à protéger et défendre nos concitoyens devant les tribunaux. Souvent peu aidées, sinon abandonnées, par les institutions et les pouvoirs publics, elles tirent leur force et leur crédibilité d’un militantisme exemplaire et de leurs compétences.

Lors de son discours d’ouverture de la conférence environnementale, le Président de la République a annoncé le lancement d’un chantier pour promouvoir précisément un nouveau modèle de « démocratie participative ». Dont acte ! En effet, que serait une démocratie sans ces contre-pouvoirs ? Comment comptez-vous les aider, madame la ministre ?

Nous regrettons, une fois encore, la baisse du budget de l’écologie malgré l’augmentation des défis environnementaux et énergétiques qui se posent à la France. Au-delà des financements, une volonté politique forte est nécessaire pour répondre aux crises environnementales, énergétiques et climatiques. Le temps n’est plus aux paroles ; il est aux actions. Dans un monde déstabilisé, l’urgence environnementale et climatique ne nous permet plus de tergiverser. Le rendez-vous de la COP 21 ne peut être manqué ; la contribution essentielle de la France pour sa réussite doit être exemplaire. En ce sens, le Président de la République et le Gouvernement peuvent compter sur le soutien infaillible des écologistes.

Malgré un certain nombre d’engagements allant dans le bon sens, de nombreuses interrogations persistent. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, le groupe écologiste s’abstiendra aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en vue des prochains débats sur la transition énergétique – le projet de loi portant sur ce sujet sera discuté au Sénat en début d’année prochaine –, ou encore dans le cadre de la préparation de la conférence Climat que la France accueillera l’an prochain, l’examen du budget de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est l’occasion pour nous d’évaluer nos moyens au regard de ces ambitions.

Pour 2015, votre ministère, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, voit de nouveau son budget raboté. Il connaît en effet une diminution de ses crédits de 5,8 %, passant de 7,1 milliards d’euros en 2014 à 6,7 milliards d’euros.

Comme les orateurs précédents, je désire vous interroger sur la baisse des crédits du programme « Infrastructures et services de transports », lesquels, pour 2015, s’élèvent, hors fonds de concours et attributions de produits attendus, à 3,22 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,24 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 11,4 % par rapport à 2014.

Ces crédits sont en baisse constante depuis 2013. Cela se justifiait jusqu’alors par la progressive affectation à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France de ressources propres provenant, pour l’essentiel, des produits de l’augmentation de deux centimes d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, et de la mise en œuvre des péages de transit au 1er janvier 2015.

Or, pour des raisons que nous connaissons bien, la situation a quelque peu changé. En effet, le 9 octobre dernier, vous annonciez, madame la ministre, la suspension sine die de cette écotaxe. Dès lors, comment comptez-vous assurer le financement pérenne de l’AFITF et a fortiori des infrastructures de transport qui constituent un enjeu crucial pour l’aménagement durable et équilibré de nos territoires ?

M. Louis Nègre. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Quelle sera la suite des contrats de projets État-région, notamment pour ce qui concerne le désenclavement routier des secteurs ruraux encore délaissés ?

De même, les crédits du programme 217, « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », connaissent eux aussi une diminution. Or, nous le savons, les transports sont l’une des principales sources d’émission de gaz carbonique et de particules fines ou ultra-fines, plus peut-être que la combustion de bois dans une cheminée.

À un an de la vingt et unième Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui doit aboutir à un accord contraignant sur la réduction des gaz à effet de serre – objectif qui peut rester une priorité internationale, même si le rôle de ces gaz dans le dérèglement climatique peut être discuté –, je constate un écart manifeste entre les ambitions affichées par le Gouvernement et les moyens qu’il mobilise pour les atteindre.

Selon Sun Tzu, auteur de L’Art de la guerre, « celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre ». Mais afficher des objectifs ne suffit pas non plus. Aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’attends des précisions sur la manière dont le Gouvernement entend défendre une politique ambitieuse et audacieuse, favorisant la mobilité durable sur notre territoire, et donnant les moyens aux régions d’assumer leurs nouvelles missions en la matière.

Parmi les investissements des filières d’avenir, je voudrais insister sur le nécessaire développement du véhicule à hydrogène.

Partout dans le monde, les gouvernements et les entreprises sont constamment invités à investir massivement dans les énergies solaire, éolienne et géothermique. Mais les débats sur l’hydrogène et les piles à combustible font curieusement défaut lorsqu’il est question de politiques énergétiques. Cette situation devrait pouvoir changer : cette énergie propre et renouvelable promet non seulement une électricité de base à émission zéro, mais aussi un carburant à émissions nulles pour les voitures et les camions, principaux responsables de la pollution.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, le groupe du RDSE est très attaché au dossier de l’économie de l’hydrogène, sur laquelle se base la « troisième révolution industrielle » défendue par l’économiste Jeremy Rifkin.

Comprenant l’intérêt de l’hydrogène, l’Allemagne a clairement orienté sa politique énergétique en établissant une véritable stratégie. Dès 2011, elle s’est dotée de sa première centrale hybride associant énergie éolienne, biomasse et hydrogène. Dans le domaine des transports, l’Allemagne, toujours, prévoit également de s’équiper de cinquante stations avec bornes de recharge d’hydrogène d’ici à 2015.

Au regard des avantages que présente cette énergie, nous serions bien inspirés de développer ce secteur d’avenir. Aussi pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement concernant le développement d’une filière française de l’hydrogène ?

J’en viens aux milieux naturels. Les crédits du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », sont préservés pour 2015. Ils s’élèvent à 277 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 275 millions d’euros en crédits de paiement. Ils sont essentiellement consacrés à l’action n° 7, Gestion des milieux et biodiversité – action représentant en effet près de 96 % des crédits du programme –, alors que nous devrions prochainement être amenés à travailler sur le projet de loi relatif à la biodiversité. À ce propos, madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les échéances concernant l’examen de ce texte au Sénat ?

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le groupe du RDSE est conscient que, malgré les baisses de crédits de la présente mission, le budget affecté à votre ministère est l’un des plus préservés. C’est la raison pour laquelle il votera pour les crédits de cette mission, même si, pour ma part, compte tenu des nombreuses interrogations que je viens de vous énoncer, je m’abstiendrai.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux dire quelques mots d’introduction sur les conditions d’examen de cette mission.

Alors qu’il s’agit d’une mission essentielle, traduisant des objectifs politiques fondamentaux, le temps imparti à son examen est, à nos yeux, bien trop court pour traiter de l’ensemble des sujets. En effet, la plupart des interventions l’ont montré, la problématique relative aux transports prend le pas sur l’ensemble de la mission, bien que tous les programmes soient importants. Une telle situation est frustrante pour nous et pour les agents responsables de ces sujets. Malheureusement, donc, il ne sera pas possible de traiter l’ensemble des programmes et des actions : la prévention des risques, dont les crédits sont trop faibles, la voie d’eau, confrontée à des enjeux stratégiques, l’« après-mines », sujet qui me touche particulièrement, les paysages, la biodiversité bien sûr, l’aérien, la météorologie, l’information géographique et cartographique et le maritime. Tous ces sujets sont importants, mais, je le répète, le temps manque pour les examiner.

Nous aurions a fortiori aimé pouvoir évoquer les projets d’avenir qui concernent votre ministère, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et que nous étudierons bientôt.

Par conséquent, et pour simplifier les choses, nous proposons que, à l’avenir, le programme relatif aux transports redevienne, comme c’était le cas auparavant, une mission autonome.

Cela étant, le projet de loi de finances pour 2015 marque une nouvelle fois une réduction des moyens financiers et humains. Après une baisse de 6,5 % l’an dernier, les crédits diminuent encore de 5,81 %, passant de 7,065 milliards d’euros à 6,65 milliards d’euros. Le plafond d’emplois accuse, quant à lui, une baisse de 735 équivalents temps plein. De surcroît, les projections budgétaires pour les années 2016 et 2017 confirment durablement cette tendance, puisque les crédits envisagés diminueront pour s’établir, chaque année respective, à 6,588 milliards d’euros et 6,558 milliards d’euros. Le cadre est posé !

J’en viens plus particulièrement au programme « Infrastructures et services de transports ».

Le report, que nous souhaitons, du transport routier vers d’autres modes, notamment pour les transports longs, devrait constituer l’objectif premier. Le « tout routier » est en effet une aberration sur le plan de l’émission des gaz à effet de serre, de la sécurité et de la dépense publique.

Pourtant, au sein de ce programme, seuls les crédits relatifs aux infrastructures routières sont en hausse, de 12 %, provenant de fonds de concours. Parallèlement, les crédits affectés aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires diminuent de 14,8 %. Cette baisse est certes essentiellement due à la suppression de la subvention d’équilibre à l’AFITF, mais elle résulte aussi de la diminution de 2,9 % des concours à Réseau ferré de France, ou RFF, alors même que les besoins de régénération sont immenses.

Depuis de trop nombreuses années, ce désengagement de l’État du financement de RFF, notamment de sa dette, s’est traduit mécaniquement par une augmentation des péages ; et cela va continuer. Augmenter les péages ferroviaires, c’est augmenter les prix pour les usagers et contribuer, malheureusement, à rendre le rail moins compétitif.

Pour ce qui est des aides de l’État à la SNCF, nous sommes opposés à la baisse de la compensation au titre des tarifs sociaux nationaux de l’État à la SNCF, compensation qui devrait s’établir à 30 millions d’euros en 2015, alors qu’elle atteignait 66,5 millions d’euros en 2011. Une telle diminution pourrait remettre en cause les missions de solidarité. Pourriez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des précisions sur la manière dont ce sujet va être traité ?

Le système ferroviaire reste donc, malgré la réforme ferroviaire, lourdement endetté, disposant d’une infrastructure dégradée, mis dans l’incapacité de concurrencer la route, laquelle continue de bénéficier d’un régime fiscal et social des plus favorables.

En 2012, la part du rail dans le transport intérieur du fret s’élevait à 10 %. Elle a baissé en 2014 pour s’établir à 9,7 % ; il est prévu pour 2015 qu’elle atteigne 9,8 %, et légèrement plus à l’horizon 2017. Comment nous en satisfaire ?

Pourtant, l’AFITF, créée en 2004, devait tenir un rôle décisif pour l’investissement dans le report modal, grâce aux ressources liées à l’exploitation des autoroutes. Comme nous le savons, la privatisation malheureuse des autoroutes a conduit le Gouvernement à proposer un autre financement, qui devait assurer 800 millions d’euros par an. La résiliation du contrat conclu avec Ecomouv’, le 30 octobre dernier, a sonné le glas de l’écotaxe, faisant ainsi peser les plus grandes craintes sur l’avenir de l’AFITF, qui accuse déjà un retard de paiement inquiétant.

Pour compenser ce manque à gagner, ce sont les taxes sur le gazole qui augmentent – article 20 du présent projet de loi de finances –, créant ainsi une recette supplémentaire de 807 millions d’euros perçue sur les particuliers, et de 332 millions d’euros sur les camionneurs. Notons que cette ressource n’est prévue que pour l’année 2015. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’il adviendra ensuite ?

Comme nous, la Cour des comptes reste sceptique sur ce remplacement. Elle indique dans son rapport du mois d’octobre dernier sur le sujet : « le risque existe désormais que les projets nouveaux soient lancés tout en étant sous-financés et que l’État fasse le pari à la fois d’un étalement dans le temps de la réalisation des projets et d’une participation accrue des collectivités territoriales ». Tout cela nous confirme l’urgence de doter l’AFITF de ressources pérennes.

Par ailleurs, nous avons été extrêmement surpris de constater que le budget pour 2014 de l’AFITF fait état de crédits équivalents pour la route et pour le rail. Pouvez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous donner plus de précisions sur ce point ?

Nous regrettons également que les éléments de langage fournis à l’appui des bleus budgétaires confirment l’abandon du wagon isolé – vous savez que nous y tenions beaucoup – au profit des autoroutes ferroviaires. Sans offre « multi-lots multi-clients », le fret est placé dans une démarche purement concurrentielle, sans que soient prises en compte les exigences d’aménagement du territoire.

Concernant les transports collectifs, nous déplorons la suppression de l’article 16 de la loi portant réforme ferroviaire qui instituait un versement transport interstitiel, permettant aux régions de financer le développement de l’offre de TER. Une telle mesure, après le passage à 10 % de la TVA appliquée aux transports urbains, pénalise les collectivités et les usagers. Nous proposerons donc son rétablissement lors de l’examen des articles non rattachés.

Du reste, nous sommes particulièrement inquiets de la volonté affichée par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique de libéraliser les liaisons par autocar, qui pourront clairement constituer une concurrence déloyale pour les TER, comme le déplorent les régions, voire pour les TGV, dont l’équilibre économique reste fragile. Dans l’objectif d’un report modal, cette mesure ne peut pas nous convenir.

Dans le peu de temps qui me reste pour mon intervention, je voudrais revenir sur deux points qui me semblent importants.

L’eau, tout d’abord. En 2014, les agences de l’eau ont dû acquitter une contribution exceptionnelle de 210 millions d’euros. Ce n’était pas, d’ailleurs, la première fois qu’elles le faisaient. Il est désormais prévu que les six agences fassent l’objet d’un prélèvement annuel de 175 millions d’euros, de 2015 à 2017, pour alimenter le budget de l’État. Chacun sait pourtant combien les financements des agences de l’eau sont nécessaires, notamment pour que les collectivités rurales se dotent des équipements d’assainissement adaptés aux normes. Une fois encore, les collectivités seront touchées, et, par contrecoup, les habitants aussi.

La politique de gestion et de prévention des déchets, ensuite. La proposition de directive européenne dite « paquet déchets » comme le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte fixent de nouveaux objectifs en matière de prévention, de réduction de la production des déchets ou de valorisation. Cette politique appelle un renforcement des moyens alloués à la politique de gestion des déchets, sans pour autant conduire à augmenter les coûts supportés par le contribuable et par la collectivité, ce à quoi nous souscrivons.

À ce titre, je regrette que l’amendement déposé par le groupe CRC tendant à revenir à un taux de TVA réduit de 5,5 % n’ait pas été adopté ; il s’agit pourtant d’un service de première nécessité. Au moment où le déchet devient une marchandise à forte valeur ajoutée, la manne ainsi produite doit permettre de stabiliser, voire de réduire, la facture pour les particuliers.

Ces quelques exemples illustrent au fond la distance entre les objectifs et la réalité budgétaire. Comme un symbole de ce décalage, les crédits de l’action n° 5, Lutte contre le changement climatique, sont en baisse, alors même que, nous le savons, un événement majeur doit se tenir à Paris au mois de décembre 2015, la COP 21.

Compte tenu de ces éléments, nous voterons contre ce budget, afin de protester contre une austérité qui reporte les effets de la crise sur les particuliers et les collectivités, et qui compromet, madame la ministre, les objectifs en matière de transition écologique que vous défendez et que nous soutenons. (M. Michel Le Scouarnec applaudit.)