Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Jacques Lozach. Lors du congrès de l’Assemblée des départements de France, le Premier ministre a confirmé sa volonté de procéder à de nouveaux transferts de l’État vers les collectivités territoriales. Le texte soumis à notre examen aujourd’hui ne peut être qu’une étape dans un processus encore loin d’être achevé.

Par ailleurs, il me paraît essentiel d’appréhender très concrètement les nouvelles régions à travers des problématiques majeures, comme les relations entre villes et campagnes, métropole et espaces interstitiels, centre et périphérie, ou bien encore l’équilibre entre politiques d’infrastructures et politiques territoriales.

De même, une évolution de la fiscalité locale et des dotations de l’État ne pourra pas être éternellement retardée, tant pour les régions, en raison de leurs nouvelles prérogatives, que pour des départements, aux finances particulièrement malmenées.

Enfin, qu’il me soit permis de rappeler ces quelques mots de René Char : « Toute l’autorité, la tactique et l’ingéniosité ne remplacent pas une parcelle de conviction [...]. » Cette conviction, c’est celle d’une République décentralisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a déjà fait beaucoup parler : ce soir, dans cet hémicycle – je suis le quarantième orateur ! –, mais aussi dans de nombreuses collectivités, en particulier lors de la campagne pour les élections sénatoriales.

Cela montre que son impact dans la vie de la Nation est bien réel, et non fictif. En effet, malgré les évolutions technologiques des dernières années, les notions de « région », de « département » et de « terroir » ont conservé leur signification profonde, et profondément ressentie. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les récentes réticences épidermiques de certaines régions face aux modifications proposées par l’État.

Et c’est encore plus vrai dans notre assemblée, comme l’a fort bien dit notre collègue Alain Bertrand voilà quelques semaines, lors du débat sur la ruralité. De nombreux sénateurs sont, en effet d’abord des élus locaux issus de ces territoires ruraux, confrontés chaque jour, et depuis des années, à la réalité du terrain et à la complexité du fameux « millefeuille territorial ». Je note d’ailleurs que cette dernière expression manifeste un préjugé quelque peu condescendant à l’égard d’une organisation territoriale jugée désormais inutile, budgétivore, obsolète et, comme telle, destinée à disparaître, au nom d’une présumée « modernité » devenue le prétexte commun, et même facile, justifiant tous les abandons.

C’est dire si beaucoup d’entre nous ont été surpris par ce texte – le troisième en deux ans ! –, lequel comporte, malgré les effets d’annonce et les inévitables slogans, un certain nombre d’ambiguïtés ou d’imprécisions qui font que l’on n’en comprend pas toujours exactement l’esprit et la substance.

Loin de transférer des compétences de l’État vers les collectivités territoriales, ce projet de loi a pour but, finalement assez flou, de faire adopter une organisation et une carte régionales, sans que l’on sache véritablement quelles seront les compétences régionales et jusqu’où ira l’État dans la mise en œuvre d’une décentralisation toujours annoncée et sans cesse remise à plus tard.

Ce texte arrive au terme de revirements dont la compréhension nécessiterait un effort pédagogique.

Je citerai un seul exemple : au mois de janvier de cette année, le Président de la République a annoncé publiquement dans le chef-lieu de mon département, à Tulle, que les départements demeuraient utiles pour assurer la cohésion sociale et la solidarité nationale. « Je ne suis donc pas favorable à leur suppression », avait-il alors affirmé, sous les applaudissements.

Trois mois plus tard, la fin des départements était actée par le Gouvernement. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, annonciez votre intention de les dévitaliser.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’a jamais dit ça !

M. Daniel Chasseing. Puis, en ces derniers jours d’une année pour le moins fertile en rebondissements, les départements retrouveraient, si j’en crois les déclarations du Premier ministre devant le Sénat, un certain lustre, en particulier en matière de protection des populations les plus fragiles et de soutien aux communes.

Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention : tout le monde peut changer d’avis... Mais on aurait pu demander leur sentiment aux élus territoriaux. Ceux-ci ne sont nullement des mineurs placés sous tutelle pour gérer les affaires locales, comme certains le croient, mais bien les acteurs d’une gestion qui représente tout de même 70 % de l’investissement public en France !

J’ai toujours défendu, pour ma part, le maintien de cet échelon départemental que vient de redécouper le Gouvernement.

Le département est en effet considéré, au même titre que les communes et les communautés de communes, comme l’incontournable garant du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur son territoire. Plus de neuf élus sur dix sont foncièrement favorables à son maintien !

Cette conviction n’est pas fondée sur une nostalgie passéiste, mais bien sur la constatation que le département est indispensable au maintien de la cohésion sociale, de l’aide aux communes et de l’exercice harmonieux d’une véritable administration de proximité – à condition que l’État ne l’abandonne pas ! –, et ce surtout en milieu rural, soit une grande partie du territoire de la Nation. Je signale, à cet égard, que la Corrèze, dont je suis l’élu, va se retrouver intégrée dans la très grande région d’Aquitaine, à plusieurs heures de route de la capitale régionale !

L’hyper-ruralité, soit 30 % du territoire national, est, hélas ! la grande absente de ce texte. Je le regrette. Je constate en effet, comme d’autres collègues, qu’il n’y a jamais eu de politique spécifique du monde rural, contrairement à ce qui existe pour la ville.

Je souhaite donc qu’un volet spécifique en faveur de l’hyper-ruralité soit introduit dans ce projet de loi et que soit établi, s’il le faut, un pacte national garanti par l’État. Cela pourrait passer par le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, élaboré par la région, mais avec l’implication forte de l’État.

Cela pourrait passer, aussi, par l’établissement d’un guichet unique au niveau des préfectures ou des sous-préfectures, selon les cas, sur ces territoires concernés. Ce guichet serait chargé de l’accueil, de l’information, de l’expertise, de la recherche de financements et de la mise en œuvre des projets élaborés par les acteurs du développement local : communes, communautés de communes et même opérateurs privés. Seul l’État, en effet, est en mesure de jouer ce rôle.

Si une conférence territoriale, présidée par M. le préfet, doit être prévue dans chaque département, il est impératif que l’État ait le poids suffisant pour faire en sorte que la région n’oublie pas les territoires ruraux, notamment en lui permettant de réduire la fracture numérique et en apportant une aide économique efficace et adaptée.

Changer l’espace politique français sans tenir compte de l’impérieux besoin d’aménagement du territoire et du développement social et économique ne revient-il pas à mettre la charrue devant les bœufs, comme dit l’adage populaire ? « Un habit mal coupé se corrige difficilement à l’habillage », a récemment écrit Bruno Rémond, professeur à Sciences Po, parlant de cette réforme.

Chacun le sait sur ces travées, nous sommes tous confrontés depuis quelques années non seulement à l’effet de ciseaux - des dépenses qui augmentent, des recettes qui baissent -, mais aussi au coût croissant des normes et des nouvelles charges pesant sur les collectivités, ainsi qu’à la réduction drastique – 25 milliards d’euros en quatre ans, soit la moitié du pacte de responsabilité ! – des enveloppes annuelles des concours de l’État aux collectivités.

L’État doit se ressaisir pour permettre l’aménagement du territoire, de tous les territoires. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les départements continuent d’exister, qu’ils soient soutenus par l’État pour pouvoir jouer leur rôle et exister au-delà de 2020, que leur soient toujours confiées les questions sociales d’aide aux communes, les missions de service public et au public, notamment les SDIS, ces services d’incendie et de secours garants de la sécurité des personnes dans les territoires très ruraux, ou la gestion des routes départementales. Le plateau de Millevaches, qui jouxte la « petite Montagne limousine », est tout de même beaucoup mieux géré par Tulle que par Bordeaux !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. Il paraît logique qu’il en soit de même pour les lycées et collèges, de même que pour tout ce qui relève du tourisme, la région ayant des compétences économiques - emploi, formation professionnelle, etc.

Enfin, je souhaite que les communautés de communes ne se voient pas imposer un seuil de 20 000 habitants, mais puissent privilégier une communauté de communes de projets, de bassins de vie et de proximité, les services publics et le développement économique étant partagés avec le département, la région, l’État. Il faut un relais pour permettre des investissements adaptés.

Enfin, le bloc communal – communes et communautés de communes – doit conserver l’ensemble de ses compétences.

En conclusion, je souhaite que ces propositions soient prises en compte. Une clarification nette des compétences s’impose, avec une présence forte de l’État, dans le cadre de principes républicains d’égalité et de solidarité. Ce sont des éléments indispensables au maintien de la vie dans nos territoires, notamment les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je veux profiter de l’occasion qui nous est aujourd’hui donnée de débattre de l’organisation territoriale de la République pour témoigner, en tant qu’élu d’un département rural et de montagne, l’Ariège, de la nécessité de tenir compte des spécificités de ces territoires. La rationalisation de la carte intercommunale constitue en cela un aspect essentiel du texte.

Les élus de nos territoires très ruraux sont convaincus de l’intérêt d’une montée en puissance et en taille des regroupements de communes. Un changement de braquet doit nous permettre de répondre aux attentes légitimes de nos administrés et, ainsi, conforter l’attractivité de nos territoires.

À cet égard, je ne souscris pas à la décision qui a été prise en commission des lois d’entériner le statu quo sur les seuils appliqués aux intercommunalités. L’écueil dont nous devons nous garder, au cours de la discussion de ce texte, serait de ne considérer que le critère démographique. Celui-ci doit, en effet, être pondéré par la prise en compte d’un autre critère, lié à d’espace, celui-là.

L’éloignement est une caractéristique essentielle de nos territoires de montagne : éloignement vis-à-vis des services publics, des zones d’activité économique, des équipements, éloignement, tout simplement, des citoyens entre eux... C’est précisément cet éloignement qui coûte cher.

Les routes et les câbles doivent être plus étendus pour relier les habitations et les entreprises ; les collectivités doivent suppléer les opérateurs, qui n’assument plus de réelle couverture internet ou mobile lorsque la densité démographique s’affaiblit ; les établissements scolaires doivent avoir des effectifs plus resserrés qu’ailleurs pour ne pas contraindre les élèves à des temps de trajet trop élevés ou, pis, à résider en internat...

Dès lors que la décision publique et le travail des élus sont à ce point structurés par la géographie humaine, il est indispensable de laisser à ces derniers la faculté d’en tenir compte pour bâtir des intercommunalités qui coïncident avec les bassins de vie. L’évolution des schémas régionaux doit, de même, être l’occasion d’y organiser une meilleure prise en compte des territoires hyper-ruraux.

La seule affirmation du principe d’égalité des territoires, madame la ministre, dans ce texte comme dans l’ensemble des lois relatives à l’organisation territoriale, n’est pas un rempart suffisant face au creusement, toujours plus profond, de la fracture avec les territoires urbains et plus densément peuplés. Les retards s’accumulent en termes de mobilité, d’accès aux soins, de couverture en téléphonie mobile et numérique...

Cette situation tend à condamner un grand nombre de territoires à perdre tout attrait, pour les habitants comme pour les entreprises. Elle est renforcée par la faible représentation dont disposent les zones démographiquement faibles, représentation qui accentue l’abandon dans les projets politiques, et ce dans le contexte de concurrence forte entre territoires que nous connaissons tous.

C’est pourquoi, avec le soutien du groupe socialiste, je défendrai un amendement visant à assurer que les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable des territoires intègrent un volet d’orientations spécifiques en matière de désenclavement et d’amélioration de l’offre de services dans les territoires qui en sont insuffisamment pourvus.

Le caractère prescriptif des schémas doit être utilisé comme un levier majeur pour assurer un juste rééquilibrage de l’action publique en leur direction. Il peut être utilisé comme un outil efficace de péréquation, en conduisant l’ensemble des parties associées au schéma à prendre leurs responsabilités, tout en laissant la coordination de l’exécution à l’échelon de proximité.

Bien que ce texte fasse, depuis le début, l’objet d’âpres discussions, et nous en avons encore la preuve aujourd’hui, je suis convaincu que, en raison de la vocation institutionnelle qui est la sienne, cette assemblée, que j’ai rejointe le 1er octobre dernier, sera en mesure de converger vers une meilleure considération de territoires habituellement délaissés, pour que nous puissions construire ensemble une véritable solidarité des hommes et des territoires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Gremillet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Gouvernement a raison. (Applaudissements amusés sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Très bien !

M. Michel Raison. Oui, il a raison de vouloir réformer la gouvernance de notre pays.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est bien dit !

M. Michel Raison. En effet, nous déplorons tous la situation : trop de complexité, trop de croisements de compétences entre les collectivités, mais aussi avec l’État.

Cependant, le Gouvernement, par ses revirements successifs dans une confusion et un désordre inégalés jusqu’alors, risque de rater cette réforme décisive pour les décennies à venir.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ah !

M. Michel Raison. J’ai même parfois eu du mal, lorsque je suis devenu sénateur, à m’endormir lorsque je pensais aux difficultés de cette réforme des collectivités territoriales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Aïe !

M. Alain Néri. N’en rajoutez pas !

M. Michel Raison. Dans l’exposé des motifs, il est précisé à juste titre que le périmètre des régions est né d’un aménagement administratif en 1950 et qu’il est incohérent. Pourtant, on n’a fait que fusionner les incohérences, dans la précipitation d’ailleurs, et en les aggravant. Il semble aussi que les grands penseurs de notre haute administration parisienne, grâce à leur influence grandissante, tentent, par le biais de ce texte, d’exaucer un vieux rêve, supprimer les communes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ah non !

M. Michel Raison. Lorsque je lis que « la légitimité des communautés de communes devra s’exercer », je suis en droit de me faire un peu de souci…

Au-delà de l’attachement identitaire aux communes, ces collectivités, un certain nombre d’entre vous le savent bien, sont une addition incroyable d’actions bénévoles permanentes. Au moment où le peuple doute des femmes et des hommes politiques, il ne doute que très rarement de ses élus municipaux, parce que nos concitoyens savent que ces élus ont, eux, la compétence pour gérer la proximité. Combien de maires de petites communes vont eux-mêmes faucher le cimetière en cas de décès inopiné, tondre la pelouse pour remplacer un employé municipal, ou même pour se substituer à lui quand il n’y en a pas ? Tout cela représente une richesse extraordinaire pour notre pays.

Alors, faites confiance aux élus locaux !

Je remercie la commission des lois d’être revenue sur ce seuil de 20 000 habitants, qui fait tant parler, ici et ailleurs : c’est une erreur monumentale. Vous auriez peut-être imaginé – c’était la volonté initiale du Gouvernement – de supprimer les départements et de remplacer le relais avec les conseils régionaux par des communautés de communes. Pensez-vous qu’une communauté de communes de 20 000 habitants ait la force nécessaire pour assurer les solidarités sur un aussi petit territoire ?

Il n’est qu’à voir ce qui se passe dans un petit département comme le mien, celui de la Haute-Saône. Avec 220 000 habitants et un chef-lieu de 17 000 habitants, ce département a bien du mal à assumer la solidarité qui lui incombe. Des communautés de communes de 20 000 habitants y parviendront encore moins. Cela ne sert donc strictement à rien. Laissons donc les élus locaux faire montre de leur intelligence.

Je remercie également la commission d'avoir supprimé la compétence obligatoire « tourisme » conférée à la communauté de communes. Ce faisant, je veux faire passer un message fort : confier la compétence « tourisme » à une communauté de communes, comme le prévoit l’exposé des motifs, c’est tout simplement faire de l’aménagement administratif.

M. Michel Raison. Or, on le sait, le tourisme se développe dans des territoires de destination qui n’ont strictement rien à voir avec le contour des communautés de communes. (M. Michel Bouvard applaudit.)

Qui plus est, une commune dynamique en matière de tourisme au sein d’une communauté de communes pourrait mourir si cette compétence était confiée à la communauté de communes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut faire confiance aux élus !

M. Michel Raison. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous en prie, ne faites pas revenir les députés sur ce qu’a décidé le Sénat en la matière. Ce serait une grave erreur pour le développement de cette activité économique primordiale. Il n’est qu’à regarder les derniers chiffres : le tourisme est en plein déclin dans notre pays !

Je tiens également à insister sur la dotation globale de fonctionnement améliorée lorsque la communauté de communes prendrait de nouvelles compétences, celle dont je viens de parler ou d’autres.

L’Association des maires ruraux de France est tout à fait contre. Ce n’est pas pour cela que j’y suis moi-même hostile, mais je suis d’accord avec elle sur cette position ! Quelle ironie, au moment où l’on fait un véritable hold-up sur les différentes dotations globales de fonctionnement, de vouloir faire croire que l’on va en bonifier une, parce que telle collectivité prendrait une compétence supplémentaire. C’est une plaisanterie !

Par ailleurs, pour qu’une communauté de communes assume parfaitement sa compétence, il faut que l’ensemble des élus soient convaincus de son bien-fondé. Si on les incite financièrement – comme cela s’est produit dans le passé –, ils risquent de ne l’accepter que pour cette raison et ne joueront pas forcément leur rôle.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’appelle également votre attention sur la volonté, justifiée en partie, de supprimer ou, en tout cas, réduire de façon drastique les syndicats de communes. Attention : nombreux sont les syndicats de communes qui ont été constitués autour d’une compétence précise et qui rendent à ce titre des services considérables. Là encore, ne croyons pas aveuglément que l’on ferait systématiquement des économies en supprimant les syndicats de communes.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, tels sont les messages que je souhaitais vous adresser ce soir. Je suis convaincu que vous les aurez entendus et que vous prendrez les mesures en conséquence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean-Marc Gabouty applaudit également)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce volet de la réforme territoriale lancée par le Gouvernement traduit la volonté d’introduire plus de cohérence et plus de lisibilité dans notre organisation territoriale, il est vrai complexe. Il s’attache à clarifier les responsabilités des différents niveaux de collectivités, notamment en supprimant la clause de compétence générale et en renforçant les attributions de nos futures grandes régions.

En tant qu’élue du plus grand département de France, le Nord, dont le budget s’élève à près de 4 milliards d’euros, je veux témoigner que la collectivité départementale, intermédiaire entre les grandes régions et les intercommunalités, est un échelon indispensable. Elle est le pivot du développement des territoires ruraux et de la lutte contre les inégalités territoriales.

Bien qu’il soit souvent considéré comme un département urbain, le Nord compte également de nombreuses communes rurales et des territoires parmi les plus défavorisés.

Compte tenu de ces particularités, partagées par bien d’autres départements, il faut veiller à ne pas accroître les difficultés existantes et à ne pas aboutir à une fracture irréparable avec, d’un côté, la métropole et ses services et, de l’autre, le reste du territoire, voué à l’oubli.

De nombreux habitants, déjà frappés par le retrait de services publics imposé par la RGPP, se sentent oubliés de la République.

Les départements mettent en œuvre, dans la proximité avec les citoyens, un projet partagé de développement, avec des objectifs de cohésion sociale et territoriale. Ils doivent continuer à jouer leur rôle incontournable, surtout après le changement de dimension des régions, afin de ne pas éloigner les instances de décisions des citoyens et de ne pas renforcer davantage le sentiment d’abandon.

La France n’est pas le seul pays à compter plusieurs niveaux de collectivités et il n’y a pas de raison de se plier à l’orthodoxie européenne en la matière, car il n’existe pas de modèle unique européen.

Cependant, il est important aujourd’hui de faire évoluer notre pays vers une plus grande efficience des politiques publiques locales et vers plus de solidarité entre les territoires. C’est bien en ayant à l’esprit cette recherche d’efficacité et de cohérence que doit être abordée la nouvelle organisation territoriale de notre République.

Je tiens à saluer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté d’entendre nos préoccupations. Les avancées déjà annoncées contribueront sans aucun doute à rationaliser l’action des collectivités, tout en favorisant un travail de coconstruction, lequel permet des approches transversales et la cohérence à l’échelle des territoires.

La question de l’égalité républicaine reste majeure dans la nouvelle organisation territoriale, qui ne peut ignorer le fait urbain et la fragilisation concomitante des espaces périphériques et ruraux.

En effet, au temps de sa splendeur, l’État répartissait depuis Paris des moyens sur tout le territoire et ses engagements passaient, tout au plus, par les préfectures. Certes, ces modalités constituaient un véritable carcan pour les collectivités, mais elles avaient le mérite de traduire une préoccupation égalitaire en direction des territoires.

Loin de moi le souhait de revenir en arrière, je vous rassure, mais on peut se demander si la décentralisation n’a pas créé des déséquilibres entre régions, entre départements et à l’intérieur même des territoires qui les composent.

Aujourd’hui plus que jamais, les citoyens ont besoin de se sentir traités de manière équitable sur l’ensemble du territoire national, quel que soit leur choix de vie ou leur lieu de résidence.

Dans cet esprit, les départements proposent, du fait de leurs politiques de solidarité et de proximité, une répartition de leurs engagements plus équitable en direction des territoires ruraux. En effet, bien souvent, l’espace rural ne bénéficie pas des grandes réalisations conduites à l’échelon régional, lesquelles donnent du prestige aux métropoles, et ne voient pas de retombées concrètes des crédits investis.

Le texte qui nous est soumis doit aussi s’attacher à garantir un État éclairé plutôt que des féodalités locales. Le principe d’égalité ne doit pas être le grand oublié de cette nouvelle étape de la décentralisation. Il faudra donc veiller à ce qu’aucune disposition ne vienne renforcer le sentiment d’iniquité et d’oubli, qui se développe parfois injustement, mais qui n’en reste pas moins bien répandu dans la population rurale de certains territoires et contribue à développer des comportements antirépublicains.

Nous ne voulons plus de territoires perdus de la République. Nous avons besoin, aux côtés d’un État fort, d’une organisation territoriale de coopération et de solidarité qui apporte plus d’efficacité à l’action publique, plus de justice entre les territoires et qui redonne aux acteurs locaux la liberté d’avancer des réponses innovantes, adaptées à leurs spécificités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, en tant qu’avant-dernier intervenant, permettez-moi de saluer la patience et la sérénité du Gouvernement, car, tout au long de ce débat, nos collègues de la majorité sénatoriale ont dit tout le mal qu’ils pensaient du projet de loi qu’il présente.

M. Didier Marie. Ils nous ont décrit l’apocalypse territoriale : fin de la proximité, perte désastreuse pour les territoires de la compétence générale, affaiblissement des communes, des départements, mise sous tutelle des collectivités par la région, et j’en passe.

Mais comment, mes chers collègues, parvenez-vous à faire une telle galipette vous qui, de 2007 à 2012, avez voté tous les textes qui ont organisé l’asphyxie financière des départements – transferts insuffisamment compensés, solidarité nationale oubliée, suppression de la taxe professionnelle –, vous qui avez ensuite décidé de créer le conseiller territorial, lequel préfigurait la fusion entre les départements et la région, vous qui avez voté la suppression de la clause de compétence générale,…(Protestations sur les travées de l'UMP.)