Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est le moins que l’on puisse dire ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh bien, je relis la fin du texte proposé par votre amendement : « À défaut d’accord, les orientations adoptées par la métropole concernée prennent en compte le schéma régional. »

La commission a approuvé une élaboration et une adoption conjointes du schéma par la région et la métropole pour ce qui concerne le territoire de la métropole, mais nous avons décidé qu’en l’absence d’accord le schéma régional ne devait pas s’arrêter aux portes de la métropole. Avec une simple prise en compte, une métropole pourrait parfaitement refuser de discuter avec la région. Tel n’est pas, me semble-t-il, l’objectif que nous poursuivons.

Cette situation nuirait à un développement économique harmonieux de l’ensemble du territoire régional. Une règle de compatibilité ne remet pas en cause les compétences économiques des métropoles, qui ne sont pas modifiées par le projet de loi et n’instaurent aucune tutelle mais définissent simplement un cadre général à respecter.

Le projet de loi prévoit que les actes de toutes les autres collectivités et de leurs groupements, y compris les communautés urbaines et d’agglomération, doivent être compatibles avec le schéma régional. Et l’on ne parle pas de tutelle dans ce cas. Ce n’est pas méconnaître le rôle économique majeur des métropoles que de les inciter à s’entendre avec la région pour élaborer conjointement un schéma de développement économique.

La commission des lois a essayé d’être cohérente : ou bien il y a un schéma régional ou bien il n’y en a pas. La compatibilité sur les orientations qui est exigée des uns doit être exigée des autres, aussi éminents soient-ils !

J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 1013.

S’agissant de l’amendement n° 834, monsieur Favier, j’ai déjà dit que la compatibilité – et une compatibilité qui concerne tout le monde, y compris les métropoles – valait mieux que la prise en compte. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement est en accord avec toutes les positions du rapporteur, sauf, naturellement, avec celle qui concerne l’amendement du Gouvernement (Sourires.), et cela pour une raison qui n’est pas anodine.

Si la compatibilité est exigée s’agissant des métropoles, une métropole qui voudrait soutenir un laboratoire travaillant sur les nanotechnologies, alors que la région rejetterait l’idée de tels travaux, pour reprendre l’exemple très pertinent évoqué par M. Collomb, ne pourra pas le faire.

C'est la raison pour laquelle nous avons préféré la prise en compte, ce qui rend à la métropole l’autonomie de sa décision. Ainsi, la métropole pourra aller au bout de son projet. Cela signifie, en revanche, je ne vous le cache pas, qu’une intercommunalité de petite taille – celle de Morlaix, par exemple – qui souhaiterait développer les nanotechnologies, ne pourra pas le faire à supposer que le conseil régional de Bretagne n’en veuille pas. La métropole de Lyon, elle, le pourra.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En fait, si une région ne s’intéresse pas à ce qui est de la compétence de la métropole, rien n’empêchera la métropole de continuer à agir puisqu’elle a des compétences propres qui ont été définies par la loi de décembre 2014. Si la région ne propose rien dans ce domaine, si elle n’a pas défini d’orientations incluant les nanotechnologies, la métropole a toute qualité pour agir.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’est donc pas interdit d’agir.

Je pense qu’il y a une confusion depuis le départ : on a donné des compétences propres aux métropoles, notamment à la métropole de Lyon, de manière spécifique. La région ne pourra pas imposer à la métropole de Lyon de ne pas agir. La métropole est totalement autonome dans ses actions, mais il est évident que l’efficacité sera beaucoup plus grande s’il y a coordination entre la région et la métropole pour conduire des actions, car chacune s’appuiera sur l’autre.

C’est la raison pour laquelle nous maintenons que la compatibilité est préférable et incite plus que la seule prise en compte à agir de concert.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Pour ma part, j’évoquerai la métropole de Grenoble, où nous avons développé de nombreux projets autour des microtechnologies et des nanotechnologies.

Imaginons qu’un schéma de développement économique élaboré par la région prévoie expressément que celle-ci s’oppose pour des raisons « idéologiques », pour reprendre les termes de Gérard Collomb, au développement des nanotechnologies.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est effrayant !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Cela peut arriver : je connais des forces politiques qui s’opposent totalement aux nanotechnologies.

Dans ce cas, la métropole doit pouvoir malgré tout développer les nanotechnologies. Or, si les orientations de la métropole doivent être compatibles avec le schéma régional, elle ne le pourra pas. En revanche, si ces orientations doivent seulement prendre en compte le schéma, elle pourra néanmoins conduire ses projets.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat. La métropole prendra en compte ce que dit la région, mais elle n’en tiendra pas compte ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1107.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, à la suite des explications données par M. le rapporteur de la commission des lois, je vais rectifier mon sous-amendement n° 407 rectifié.

J’insiste sur le fait que, selon moi, le risque juridique d’instauration d’une tutelle est plus grand de la région sur les autres collectivités locales que l’inverse, et je tiens à ce que cela figure au compte rendu. Cependant, puisque vous nous garantissez, monsieur le rapporteur, que le dispositif envisagé prévient tout risque de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre, je suis d’accord pour écrire que la mise en œuvre du schéma régional « peut faire l’objet » – au lieu de « fait l’objet » – de conventions territoriales d’exercice concerté, ainsi que vous l’avez suggéré.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 407 rectifié bis, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :

Amendement n° 1023

Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :

« La mise en œuvre du schéma régional peut faire l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Sans préjudice des paragraphes 1° à 5° de l’article L. 1111-9-1, la convention territoriale d’exercice concerté des compétences de développement économique détermine les orientations et les règles que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires s’engagent à respecter au titre de l’exercice de leurs compétences exclusives ou des compétences partagées. 

« Dans le cadre de leurs actions de développement économique reconnues d'intérêt communautaire et de leurs compétences d'aménagement de l'espace, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires de la convention territoriale d'exercice concerté, s'engagent à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies compatibles avec les orientations du schéma régional. »

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’avais émis un avis favorable sur l’amendement n° 687 de Michel Mercier. Le sous-amendement de Mme Létard est plus complet. À partir du moment où il ne prévoit plus une obligation, je ne saurais m’y opposer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 407 rectifié bis.

M. Ronan Dantec. Je note que, à la fin du deuxième alinéa de ce sous-amendement, il est toujours question de compatibilité entre les stratégies définies par les EPCI à fiscalité propre et les orientations du schéma régional.

Or, avec cette exigence de compatibilité, et je rejoins sur ce point Mme la ministre et M. le secrétaire d’État, on renforce le poids de la région dans les stratégies des intercommunalités. Je suis donc assez surpris, compte tenu de l’essence de notre débat depuis hier, que l’on conserve ici le mot « compatibles ». Il serait plus logique de le remplacer par « tenant compte ». Comme l’a dit Mme la ministre en citant l’exemple de Morlaix, cela n’empêcherait pas que la région définisse un schéma s’imposant à la majorité des territoires, lesquels devront s’inscrire dans une dynamique régionale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Ronan Dantec. Je soutiens tout à fait cette vision, qui est l’une des avancées de ce texte.

En conservant le mot « compatibles », le risque de conflit avec les métropoles et les grandes agglomérations est important, alors que l’expression « prenant en compte », ou « tenant compte », serait suffisante. Pour une fois, je rejoins donc plutôt ceux qui défendent l’assouplissement, et je suis étonné qu’il n’y ait pas de consensus entre nous sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je suis d’accord avec Ronan Dantec. L’ajustement dont il parle était d’ailleurs présent, en filigrane, dans les propos du rapporteur. Le deuxième alinéa du sous-amendement n’a effectivement plus sa place dans le texte, et il convient de le supprimer.

Madame la présidente, je rectifie donc mon sous-amendement en ce sens.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 407 rectifié ter, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :

Amendement n° 1023

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

« La mise en œuvre du schéma régional peut faire l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Sans préjudice des 1° à 5° du V de l’article L. 1111-9-1, la convention territoriale d’exercice concerté des compétences de développement économique détermine les orientations et les règles que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires s’engagent à respecter au titre de l’exercice de leurs compétences exclusives ou des compétences partagées. »

Je le mets aux voix.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1023, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 687, 832, 981 rectifié et 698 n’ont plus d’objet.

La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote sur l’amendement n° 1013.

M. Gérard Collomb. Je le disais hier, une partie importante du développement de notre pays se fera demain dans les métropoles que nous avons bâties.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas seulement !

M. Gérard Collomb. On ne peut donc pas les mettre sur le même plan que l’agglomération de Morlaix, pour reprendre l’exemple évoqué par Mme la ministre. Elles ne sauraient avoir exactement le même statut ; sinon, cela ne servirait à rien d’avoir créé des métropoles.

La « prise en compte » permettrait à une métropole, en cas de désaccord avec la région – j’ai cité l’exemple des nanotechnologies –, de continuer à conduire ses projets. En revanche, avec la compatibilité, elle ne pourra pas le faire parce que le schéma s’imposera.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si, elle le pourra !

M. Gérard Collomb. C’est parfaitement clair sur le plan juridique, car les notions de compatibilité et de prise en compte ont été précisées des milliers de fois par les tribunaux administratifs et le Conseil d’État.

Il faut donc que nous disions nettement ce que nous voulons. Sinon, nous régresserons.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

M. Philippe Kaltenbach. Je soutiens la position de la commission, qui a voulu faire en sorte qu’un couple région-métropole travaille de concert et co-élabore les documents dans une logique de coopération, de coordination, de mise en commun des énergies, pour assurer le développement économique. Dès lors, le schéma issu de ces travaux doit fixer de réelles orientations.

Gérard Collomb l’a rappelé, il y a, en droit administratif, plusieurs degrés en matière d’urbanisme : la « conformité », qui signifie que l’on ne peut déroger aux règles ; la « compatibilité », qui suppose qu’un document fixe des règles auxquelles on peut déroger lorsqu’il n’existe pas d’interdiction claire ; la « prise en compte », qui est une notion très lâche, puisque le juge ne peut sanctionner que les erreurs manifestes de prise en compte.

Il est bien certain qu’un schéma régional qui, après avoir été co-élaboré, devrait simplement être pris en compte aurait très peu d’impact et affaiblirait ce couple région-métropole créé pour assurer le développement économique.

M. Gérard Collomb. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Kaltenbach. Les régions et les métropoles ont tout intérêt à travailler ensemble. Au reste, je le dis franchement, j’imagine mal une région interdire telle ou telle politique de développement.

M. Bruno Sido. Cela peut arriver !

M. Philippe Kaltenbach. Je ne connais pas d’exemple ! Mais peut-être y a-t-il une spécificité en région Rhône-Alpes...

M. Gérard Collomb. Il ne s’agit pas de Rhône-Alpes !

M. Philippe Kaltenbach. En tout cas, à ce niveau de responsabilité, et alors qu’il y a 4 millions de chômeurs, cela me semble surréaliste !

Nous devons donc suivre la logique ambitieuse de la commission, qui a beaucoup travaillé et réfléchi : il faut une co-élaboration, un travail en commun, un document un tant soit peu orienté et le maintien de la compatibilité. Pour ma part, je soutiens cette position. On ne peut à la fois vouloir donner un rôle fort aux régions en matière économique et se contenter d’un schéma qui serait simplement « pris en compte ».

Nous sommes face à un tournant : soit on donne la compétence économique à la région et les orientations de la métropole doivent être compatibles avec le schéma, soit on en reste à la prise en compte et la région sera affaiblie.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je ne suis pas suspect de soutenir le Gouvernement (Sourires.), mais je considère, comme Gérard Collomb, que, si l’on a créé les métropoles, c’était bien pour leur donner des compétences et pour qu’elles organisent le territoire selon certaines orientations. L’amendement du Gouvernement est tout à fait cohérent avec cette volonté, et il faut le voter. À défaut, il n’y aurait plus aucune raison d’avoir des métropoles !

Un conflit comme celui que l’on a évoqué peut effectivement se produire ! Cet amendement règle le problème en prévoyant que, dans ce cas, la métropole, sans s’affranchir de la position de la région, la prend simplement en compte. C’est pourquoi je le voterai.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Il y a quatre façons de traiter un document : la conformité, qui s’applique par défaut en l’absence d’autre disposition ; la compatibilité ; la prise en compte ; la prise de connaissance.

Quelle est la différence entre compatibilité et obligation de prise en compte ?

La compatibilité signifie que l’on définit une politique, mais non des règles pour l’appliquer. On ne peut pas s’écarter du document, même pour un motif d’intérêt général. Le Conseil d’État a ainsi établi qu’une différence entre le plan d’occupation des sols et le schéma directeur était acceptable si elle ne remettait en cause ni les options fondamentales du schéma ni la destination générale des sols qu’il prévoit.

S’agissant de l’obligation de prise en compte, le Conseil d’État a jugé que, lorsqu’une norme doit prendre en compte une autre norme ou en tenir compte, cela signifie que la norme inférieure ne doit pas, en principe, s’écarter des orientations fondamentales de la norme supérieure, sauf sous le contrôle du juge, pour des motifs déterminés par l’intérêt général et dans la mesure où ces motifs le justifient. Ce rapport normatif fait l’objet d’un contrôle approfondi par le juge administratif.

Je crois qu’il faut avoir à l’esprit cette distinction au moment de se prononcer sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.

M. Michel Delebarre. Je me demande si nous allons réussir à mettre en œuvre les mesures que nous sommes en train de décider. Ce n’est pas certain ! (Rires.)

Les amendements ont été discutés en commission, le rapporteur fait son travail : je suis donc plutôt enclin à suivre ses avis. Cependant, j’ai écouté ce qu’a dit Gérard Collomb. Il est vrai qu’on peut se retrouver dans un cas de figure un peu délicat. Imaginons que la région – et ce serait une erreur de sa part ! – ne manifeste pas la volonté de développer, à Lyon, les nanotechnologies, qui habitent les rêves nocturnes de Gérard Collomb. (Sourires.) Eh bien, il pourra malgré tout conduire sa politique en la matière : la métropole n’a pas besoin de la bénédiction de la région pour agir !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, mais il n’aura pas son financement.

M. Michel Delebarre. Sans doute, mais, de l’argent, nous le savons bien, il n’en a pas besoin ! (Rires.) Regardez la réalité : rien ne l’empêche de faire ce qu’il veut ! (Mêmes mouvements.)

En revanche, si la région adopte une position de principe contre les nanotechnologies dans son schéma de développement, la situation sera différente. Vous allez me dire qu’un tel cas de figure ne se présentera pas. Moi, je pense que si.

M. Michel Bouvard. Absolument !

M. Michel Delebarre. Il peut y avoir des élus régionaux bornés ou complètement désaxés ne voulant pas des nanotechnologies !

M. Bruno Sido. Principe de précaution !

M. Michel Delebarre. Une agglomération ou une métropole se verra-t-elle alors interdire d’agir pour respecter une position générale ? Nous irions vers l’obscurantisme à grands pas ! Existe-t-il un moyen de contourner cette difficulté ? Je n’en vois pas aujourd'hui dans le texte. Je souhaite donc qu’on y fasse figurer un tel moyen.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a le préfet !

M. Michel Delebarre. Je suis d’accord, mais méfiez-vous, car, dans quelques mois, les régions pourraient être animées par des élus refusant certaines recherches. Que fera alors la métropole ou l’agglomération concernée ? On ne peut pas dire que cela n’arrivera pas.

M. Pierre-Yves Collombat. Avec les biosciences, par exemple !

M. Michel Delebarre. On pourrait prévoir que l’État a une responsabilité et que, en pareil cas, le préfet n’agréerait pas le schéma, mais il faut le dire au cours de notre débat. Madame la ministre, vous devez nous donner une garantie. Sinon, nous irons dans le mur.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Les positions des uns et des autres fluctuent selon les moments. Pour ma part, ayant la particularité d’être à la fois un régionaliste convaincu et l’élu d’une métropole, je tenterai de faire une synthèse.

L’avancée majeure de ce projet de loi, c’est le schéma régional de développement économique, lequel prévoit que les moyens de la région sont concentrés sur un certain nombre d’axes privilégiés, mais aussi qu’ils sont répartis entre les territoires, l’enjeu étant l’égalité des territoires.

Toutefois, ce projet de loi ne doit pas être un nid à contentieux et entraîner une opposition entre la métropole et la région. Ces deux collectivités sont en fait quasiment condamnées à s’entendre, compte tenu des enjeux financiers d’aujourd'hui. La logique veut qu’elles parviennent à un accord.

Néanmoins, il ne faut pas que l’on se retrouve dans une situation de blocage. À cet égard, la prise en compte est suffisante. La compatibilité posera, elle, à mon avis, de réels problèmes. La prise en compte ne dépouille pas le schéma régional de son caractère planificateur. Et je le dis en tant que planificateur et en tant que défenseur du niveau régional. La notion de prise en compte me paraît de nature à apaiser et je pense qu’elle pourrait faire consensus.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Notre collègue Michel Delebarre pose bien le problème : une soupape de sécurité est nécessaire afin d’éviter une situation de blocage.

Si une région ne veut pas intervenir dans certains secteurs – les nanotechnologies, par exemple –, les collectivités pourront le faire à condition qu’elles soient de taille suffisante, c'est-à-dire les métropoles ou les agglomérations.

À certains endroits, des actions sont déjà engagées. Ainsi, la Savoie a développé un parc d’activité dédié à la cristallogenèse, bien entendu en collaboration avec les communes du secteur, qui portent le projet, et grâce à l’appui massif du département, sans lequel le travail lancé avec la plate-forme universitaire de Lyon 1 ne pourrait pas se poursuivre. Que se passera-t-il demain si la région refuse de prendre le relais ou, pis encore, si elle déclare refuser d’investir dans ce secteur d’activité ?

Nous devons donc prévoir un dispositif de sécurité et envisager le cas de figure dans lequel l’idéologie pourrait l’emporter sur l’intérêt économique, car ce n’est pas totalement exclu. Une fois que le texte aura été voté, nous pourrions nous trouver face à des situations inextricables si nous ne prévoyons pas une soupape de sécurité.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La question soulevée est effectivement importante.

Nous avons une Constitution qui pose le principe de l’autonomie des collectivités territoriales. Le rôle du préfet de région est important, mais il est limité par la Constitution. Si le schéma régional a été établi dans les règles, s’il ne porte pas atteinte à l’intérêt général et s’il n’entre pas en contradiction avec les compétences de l’État, la notion même de tutelle ayant disparu de la Constitution, le préfet de région ne pourra pas désapprouver ledit schéma. Là se situe le problème, et nous devons faire avec la Constitution telle qu’elle est, quoi que nous puissions en penser par ailleurs.

Si le Gouvernement a déposé cet amendement, c’est parce qu’il pense que des situations telles que celles qui viennent d’être décrites peuvent effectivement se produire. J’entends dire ici ou là qu’elles seront rares, mais le fait est qu’elles pourront advenir. Le rôle du Gouvernement est donc de proposer au législateur d’inscrire dans le texte un dispositif permettant de répondre à ce type de situations. Tel est l’objet de l’amendement qu’il a déposé.

Monsieur Delebarre, il est vrai que, voilà sept ou huit ans, le préfet de région aurait pu s’opposer au schéma, mais il ne le peut plus aujourd'hui, ce qui justifie notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand on dit que cela concerne les métropoles, il ne faut pas oublier que, pour l’instant, il n’en existe que deux.

M. Pierre-Yves Collombat. Il y aura dix métropoles !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est encore théorique. Pour l’instant, seules deux métropoles sont opérationnelles.

La situation est certes différente pour les intercommunalités.

Cela étant, je veux bien que l’on examine ce texte en envisageant systématiquement les cas pathologiques, en ayant en permanence dans l’esprit que les collectivités ne parviendront pas à s’entendre, sans tenir compte de leur volonté de travailler en commun, mais cela me désole profondément. Faut-il vraiment considérer que les élus ne sont pas capables d’aller au-delà de leurs petits intérêts ou des petites polémiques politiques, qu’ils ne peuvent pas travailler pour l’intérêt général ? Vous rendez-vous compte de ce que pensent nos concitoyens de ces basses querelles entre élus ? Vous savez bien de qui elles font le terreau !

Si un problème survenait, nous pourrions toujours adopter un tel amendement. Mais, pour l’heure, les schémas ne sont même pas encore mis en œuvre. Attendons donc un peu, et faisons preuve d’un peu d’optimisme et d’espoir au lieu de dire que ça ne va pas marcher !

En outre, il faut faire une différence entre les compétences économiques spécifiques attribuées à la métropole de Lyon – elles figurent dans le texte sur les métropoles – et les compétences spécifiques des autres collectivités. N’y aura-t-il pas un problème d’égalité entre collectivités, voire un problème constitutionnel au motif que ce qui se fait pour les métropoles ne se fait pas pour les communautés d’agglomération ou les communautés urbaines ?

Il est préférable que ceux qui travaillent ensemble aient des projets compatibles.

En tout cas, j’espère sincèrement que nous n’allons pas persister à considérer, jusqu’à la fin de l’examen de ce texte, que la méfiance préside en permanence aux relations entre les collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Hyest, alors qu’on parlait déjà d’économie hier après-midi et qu’on a évoqué l’éventuel conflit qui pourrait surgir entre telle ou telle métropole et telle ou telle région, j’ai dit ce que vous venez de dire : il faut faire confiance aux élus, qui travaillent dans l’intérêt général, quel que soit leur bord politique. En outre, les élus sont sous le contrôle des citoyens et des médias. Comme vous, monsieur le rapporteur, je pense que nous ne devons pas légiférer en ne pensant qu’aux éventuels conflits et querelles entre élus.

Toutefois, les sujets que nous évoquons n’ont rien à voir avec les querelles entre élus, avec des querelles d’ego. Nous parlons de l’opposition politique, au sens noble du terme, de certains mouvements politiques à tel ou tel secteur d’activité économique. On a évoqué les nanotechnologies, mais on pourrait également parler des OGM ou d’autres secteurs économiques. Des blocages pourraient surgir dans certaines régions et empêcher une métropole d’agir. C’est le seul objet de cette discussion, qui n’est pas médiocre.