Mme Éliane Assassi. Allons donc !

M. Michel Delebarre. En tout cas, mon cher collègue, vous allez être rassuré : vous avez en effet ouvert le débat, mais vous n’obtiendrez pas forcément satisfaction aujourd’hui.

M. Magras a pourtant déposé plusieurs amendements au texte de la commission visant à réintroduire dans la proposition de loi organique les dispositions supprimées par la commission. Celle-ci a émis au sujet de ces amendements un avis défavorable.

Le groupe socialiste souhaite que le Sénat confirme cette position cohérente. Il proposera même de pousser plus loin la logique de la commission en supprimant l’article 6, qui procède du même esprit que l’article 5. Je crois que plusieurs autres groupes soutiendront cette démarche.

Néanmoins, il convient de ne pas sous-estimer la réalité quotidienne vécue par nos compatriotes de Saint-Barthélemy dans leur relation avec les organismes chargés de la gestion des affaires sociales. Dans ce domaine, en effet, l’île dépend toujours de structures localisées en Guadeloupe, et il est vrai que le traitement des dossiers subit parfois quelques lenteurs en raison de l’éloignement des deux territoires.

C’est un point sur lequel je souhaite attirer l’attention du Gouvernement, ainsi que celle de notre assemblée, car on nous a rapporté qu’il était mal vécu par la population locale et demeurait une source de mécontentement et d’incompréhension. Madame la ministre, soyez tranquille : tant que la moindre inquiétude subsistera dans ce domaine, vous aurez des propositions de loi de Michel Magras… Alors, réglez les problèmes et nous en aurons terminé avec une partie de la démarche de notre collègue !

Dans la même logique, M. Magras a déposé des amendements visant à rétablir tout ou partie de l’article 2 de sa proposition de loi organique, que la commission a supprimé.

Nous nous félicitons de la position prise par la commission, car les modalités prévues dans la proposition de loi organique pour permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de participer à l’exercice des compétences de l’État en matière pénale, de procédure pénale et d’entrée et de séjour des étrangers ne pouvaient être adoptées en l’état sans méconnaître certains principes fondamentaux.

Nous reprendrons la discussion sur ce dernier point dans la discussion des articles, lorsque nous examinerons l’amendement n° 9 de Michel Magras sur lequel, à l’initiative de son rapporteur, la commission des lois a émis un avis favorable, sous réserve de plusieurs corrections. Le groupe socialiste souhaite d’ores et déjà attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de respecter les délais fixés par le législateur organique, car l’inertie des pouvoirs publics dans un certain nombre de cas revient à méconnaître le pouvoir d’initiative de la collectivité et à remettre en cause l’une des prérogatives de celle-ci.

Par ailleurs, je tiens à dénoncer les négligences dont font preuve la collectivité de Saint-Barthélemy et les services déconcentrés de l’État dans l’accomplissement de leurs obligations légales et réglementaires en ce qui concerne la production des rapports sur la situation de l’île et de la collectivité d’outre-mer. À Saint-Barthélemy, à l’évidence, on n’aime pas les rapports ! Aussi, madame la ministre, on se dispense de les faire chaque fois que cela est possible.

Dans ces conditions, il ne me semble pas pertinent de supprimer les dispositions existantes prévoyant la production de rapports annuels, sous prétexte que cette formalité n’est pas accomplie depuis plusieurs années. Puisqu’on n’aime pas les rapports, on ne les fait pas ; après quoi on soutient que, puisque les rapports n’existent pas, c’est qu’ils ne sont pas utiles… Je dois vous dire, monsieur Magras, que cette logique me paraît assez épouvantable !

Je le répète : ces manquements sont le fait de la collectivité de Saint-Barthélemy, mais aussi des services de l’État.

Quant à l’article 1er de la proposition de loi organique, il supprime la condition de résidence prévue dans le code général des collectivités territoriales pour permettre à la collectivité d’exercer son droit de préemption aux fins de sauvegarder ou de mettre en valeur des espaces naturels.

Lors de l’examen par le Sénat du projet de loi organique dont est issue la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, qui a érigé la commune de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie, Bruno Magras, alors maire de Saint-Barthélemy, avait expliqué au rapporteur, Christian Cointat, que l’attribution d’une telle compétence à la future collectivité constituait une condition essentielle du maintien de la qualité de vie sur l’île et, par conséquent, de son attractivité touristique. Le rapporteur avait soutenu d’autant plus fortement cette disposition qu’elle était assortie d’un régime de dérogation assurant la protection de la population de l’île en matière de patrimoine foncier.

Michel Magras et les autres signataires de la proposition de loi organique font valoir, dans leur exposé des motifs, que, à plusieurs reprises, les critères établis par le code général des collectivités territoriales « ont fait obstacle à la préemption, en particulier les conditions de résidence ». Ils soulignent que, « dans certains cas, l’échec de la préemption peut remettre en cause un projet de sauvegarde d’espaces naturels. » En conséquence, ils proposent de modifier la loi organique pour supprimer la condition de résidence lorsque le but de la préemption est la sauvegarde ou la mise en valeur d’espaces naturels « qui constitue un pilier de la politique environnementale locale ».

En revanche, lorsque la préemption est motivée par la préservation de la cohésion sociale ou la garantie de l’exercice effectif du droit au logement pour les habitants de l’île, les auteurs de la proposition de loi maintiennent la condition de résidence.

Le groupe socialiste avait déposé sur cet article un amendement permettant d’assouplir l’exercice du droit de préemption par la collectivité sur l’ensemble des propriétés foncières en vue de la préservation de la cohésion sociale de Saint-Barthélemy. Nous souhaitions ainsi étendre la portée de l’article 1er, qui ne prévoit la facilitation de l’exercice du droit de préemption que pour la sauvegarde ou la mise en valeur d’espaces naturels.

Las ! c’était sans compter sur la vigilance constante et rigoureuse de la commission des finances, qui a déclaré notre amendement irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. La justification donnée par la commission des finances est la suivante : « en ce qu’il étend un droit de préemption au profit de la collectivité de Saint-Barthélemy, le présent amendement doit être vu comme aggravant une charge publique ; les créations ou extensions de droits de préemption s’apparentent, d’un point de vue juridique, à une autorisation d’acheter un bien à laquelle est donc associé un “droit de dépenser”. » Certes, cette analyse juridique est imparable. Mais n’aurait-elle pas dû conduire la commission des finances à adopter le même raisonnement pour l’ensemble de l’article 1er de la proposition de loi ?

En tout état de cause, ainsi que le déclarait notre collègue Jacques Gillot à cette même tribune lors de l’examen de la loi organique qui a fait de Saint-Barthélemy une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, la République franchit un pas de plus vers la réconciliation de son unité et de sa diversité. Saint-Barthélemy a fait le choix d’un développement économique tourné vers le tourisme haut de gamme, choix qui lui a permis d’atteindre aujourd’hui le niveau de cohésion économique et sociale qu’elle connaît. Dès lors, la préservation de cet équilibre constitue indéniablement un enjeu vital pour l’avenir de l’île, et c’était là tout le sens de l’amendement déposé par le groupe socialiste, malheureusement déclaré irrecevable.

Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 4 relatif au transfert à la collectivité de la compétence en matière de réglementation économique de véhicules terrestres à moteur en raison du champ de compétence très étendu de la mesure de contrôle et du fait que, nous semble-t-il, la collectivité détient déjà des compétences normatives pour agir. Je constate que Michel Magras en convient lui-même, puisque son amendement n° 5 tend à limiter la portée de l’article 4 ; il a adopté une position de repli sur le type de véhicules.

Les ajustements équilibrés apportés aux dispositions relatives au fonctionnement des institutions de la collectivité n’appellent pas d’observations particulières. À cet égard, je voudrais saluer le travail de notre rapporteur, qui a amélioré la rédaction et la présentation du texte en le débarrassant des dispositions excessives qu’il pouvait comporter.

En tout état de cause, le groupe socialiste se félicite à l’instant de l’avis défavorable émis par la commission sur la création d’une caisse de prévoyance et de sécurité sociale, et sur la participation de la collectivité à certaines compétences qui nous semblent relever de l’État.

Nous n’en avons pas terminé et les allers-retours avec l’Assemblée nationale permettront peut-être d’améliorer encore ce texte, lequel, entre autres vertus, a déjà donné à l’intervenant que je suis l’envie de se rendre à Saint-Barthélemy, que je ne connais pas. Je voudrais voir si la réalité y est conforme à ce que l’on m'a dit ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Vous n’êtes pas le seul à vouloir y aller ! (Nouveaux sourires.)

(M. Thierry Foucaud remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur les travées de cette assemblée, nous avons sans doute tous envie d’aller dans ces paradis…

Huit années se sont écoulées depuis que, par la loi organique du 21 février 2007, Saint-Barthélemy a acquis un statut de collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution.

Cette évolution statutaire avait été préparée en douceur, depuis de nombreuses années, puisque la commune de Saint-Barthélemy exerçait auparavant, par le biais d’accords signés avec le conseil général et le conseil régional de la Guadeloupe, des compétences pérennisées par la suite. Le temps qui s’est écoulé a permis à cette toute jeune entité de se familiariser avec sa nouvelle organisation administrative et les prérogatives qui l’accompagnent.

Certaines difficultés se sont donc fait jour dans la gestion locale de cette île de Saint-Barthélemy. Le texte qui nous est aujourd’hui proposé par notre collègue Michel Magras a été longuement mûri et avait été esquissé lors de la visite du ministre des outre-mer en juin 2013 à Saint-Martin.

Un premier sujet traité par cette proposition de loi organique est celui de la préservation de l’environnement. Depuis les années 1960, le tourisme mondial a joué un rôle majeur dans l’intégration des petites îles tropicales au système-monde. Alors que l’île de Saint-Barthélemy vit essentiellement d’un tourisme haut de gamme en raison de ses paysages paradisiaques – dont nous rêvons tous – et de sa biodiversité, il est important de continuer sur la voie déjà tracée d’un développement touristique maîtrisé et respectueux. N’oublions pas que c’est précisément le choix d’un tourisme intégré mais très rémunérateur, à l’échelle de cette petite île escarpée, qui a permis d’éviter les dérives que l’on observe trop souvent dans d’autres espaces micro-insulaires.

Dans le droit fil de cette logique de développement, le texte prévoit de faciliter l’exercice du droit de préemption par la collectivité, ainsi qu’une régulation du parc automobile, ce qui constitue un véritable enjeu économique, social et environnemental pour un espace îlotier de vingt-quatre kilomètres carrés.

L’élargissement du pouvoir de sanction administrative pour l’ensemble des compétences exercées par la collectivité, à l’article 3, viendra au soutien de ce développement régulé.

Outre ce volet environnemental, le texte s’intéresse également au fonctionnement institutionnel de l’assemblée territoriale et lui apporte diverses améliorations qui me paraissent pertinentes : la possibilité pour le président du conseil territorial d’ester en justice, la consolidation de la pratique de transmission des projets de délibération du conseil exécutif, ou la précision des règles de convocation du conseil territorial en cas d’urgence... Autant de mesures de bon sens, affûtées par la pratique empirique des huit années écoulées.

Cela nous amène toutefois aux réserves que nous souhaitons exprimer. En dépit de notre adhésion bien connue à l’expression des libertés locales, nous mettons en garde les collectivités qui auraient la volonté d’exercer des compétences régaliennes pourtant considérées comme interdites de transfert pour l’avenir.

Je pense notamment à celles qui sont citées au quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie...

La République française est un État décentralisé, mais unitaire. Le « régime de l’Atlantique » ou le régime du « tout est applicable sauf... », en vigueur à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, préserve, me semble-t-il, le principe de libre administration. Mais si celui-ci a une valeur constitutionnelle, il ne saurait aboutir à ce que l’application d’une loi organisant l’exercice d’une liberté publique dépende de décisions des collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, dans cette logique qui est la nôtre, nous, les membres du groupe RDSE, approuvons l’équilibre auquel est parvenue la commission et nous voterons à l’unanimité ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est primordial pour l’équilibre démocratique du pays que nous, parlementaires, ne nous contentions pas d’interpeller le Gouvernement, de voter la loi ou de l’amender. Nous devons également initier, lorsque nous l’estimons nécessaire, certaines réformes au travers de propositions de loi.

C’est le cas avec ce texte, et je tenais ainsi à saluer le travail de mon collègue Michel Magras, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui a tenu, sept ans après le vote du nouveau statut de Saint-Barthélemy, à proposer des ajustements apparus, à l’usage, pertinents à ceux qui connaissent cette collectivité.

Pour appuyer cette démarche d’observation puis de proposition, je soutiendrai donc plusieurs dispositions de ce texte, notamment l’article 1er qui permettra l’exercice du droit de préemption par la collectivité sur l’ensemble des propriétés foncières pour la sauvegarde ou la mise en valeur d’espaces naturels – y compris, semble-t-il, celles qui sont détenues par des personnes résidant à Saint-Barthélemy.

Mes chers collègues, vous comprendrez bien que cette mesure, en tant qu'écologiste, me paraît très utile pour protéger la nature et la biodiversité, qui sont particulièrement fragiles dans un système insulaire. Cette biodiversité est l’un des atouts majeurs des territoires d’outre-mer et elle doit absolument être préservée.

Pour les mêmes raisons, je soutiendrai d’ailleurs l’amendement n° 2, déposé par l’auteur du texte, qui vise à inscrire dans la loi l’extension du rôle du conseil économique, social et culturel au domaine de l’environnement.

Pour autant, je ne soutiendrai pas toutes les dispositions de ce texte. Ne pouvant, faute de temps, les évoquer, je m'attarderai sur l’article 5, supprimé en commission, mais repris en partie à travers l’amendement n° 6 de notre collègue M. Magras. Deux questions semblent ici en jeu. D’une part, l’éloignement des habitants de Saint-Barthélemy d'une caisse de sécurité sociale, et, en conséquence, la piètre qualité du service rendu aux administrés : longs délais, dossiers perdus, éloignement physique de cette administration… En tant qu’auteur d’un rapport remis en 2013 au Premier ministre sur l’accès aux soins et aux droits sociaux, je ne peux qu’être sensible à cet argument. Madame la ministre, des solutions doivent être trouvées, car cette réalité, sur laquelle notre collègue insiste, n’est pas satisfaisante, et l’on ne peut plus attendre de nouveaux débats !

Autant il est intéressant de pouvoir mettre en œuvre localement le droit national pour être plus proche des citoyens, surtout pour appliquer la loi – une solution, dont j’entends qu’elle est débattue, consisterait peut-être à créer sur place un service d’accueil des populations de sorte que les dossiers ne traînent pas pendant des mois, il y a urgence ! –, autant il semble plus délicat de justifier cette demande d’évolution par le fait de vouloir mieux correspondre au contexte économique de l’île, en d’autres termes de diminuer les charges sociales. Sur ce point, il y a évidemment débat.

D’autre part, et c’est la seconde question qui est en jeu, cette disposition, je l’ai bien compris, viserait à permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de mettre en place un système différent de celui qui prévaut sur le reste du territoire national. Elle permettrait donc à l’État de déroger au taux de cotisation, et ce point nous pose bien sûr problème.

C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que l’article 6 du texte prévoit de supprimer la référence à l’analogie avec la Guadeloupe en matière de cotisations sociales et pour les autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l’amortissement de la dette sociale. Au-delà de la question du bien-fondé économique de cette mesure, se pose la question fondamentale de la solidarité nationale et de son articulation avec un territoire spécifique.

La solidarité nationale est le fondement de la sécurité sociale, notamment de sa branche maladie. À quel titre un territoire, Saint-Barthélemy, pourrait-il choisir de moins cotiser que d’autres ? Je sais que cette question délicate sera débattue tout à l'heure. Mais si tous les territoires tenaient le même raisonnement, où irions-nous ?

La question se pose d’ailleurs aussi à titre individuel de savoir quels sont les droits acquis par les uns et par les autres. Ceux qui viennent travailler à Saint-Barthélemy pendant quelques années avant de retourner en métropole ou ailleurs, obtiendront-ils les mêmes avantages en termes de retraite ou de chômage, alors qu’ils auront moins cotisé ? Je pense que nous en débattrons...

Le temps qui m’était imparti étant presque écoulé, je conclus. Nous, les écologistes, soutiendrons un certain nombre d'articles. Nous réservons cependant notre vote final sur ce texte en fonction des amendements qui seront ou non adoptés. Il est certain que, en l’état, l’adoption de l’amendement n° 6 nous poserait problème. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi organique de Michel Magras semble empreinte de bon sens dans sa volonté de procéder à des ajustements au statut de l’île de Saint-Barthélemy, collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie.

Cette volonté est d’autant plus méritoire que Saint-Barthélemy est la seule collectivité d’outre-mer ayant répondu à la demande de votre prédécesseur, madame la ministre, qui souhaitait dresser un bilan de l’application des différents statuts ultramarins créés par la loi organique de février 2007, afin de réformer ce texte.

Notre collègue Michel Magras a donc essentiellement repris, sous la forme de cette proposition de loi organique, les différentes propositions faites par le conseil territorial de l’île.

À nos yeux, cette démarche est réaliste, et il est tout à fait compréhensible que, après quelque huit ans d’usage, le statut de cette collectivité nécessite quelques adaptations.

Notre rapporteur, Mathieu Darnaud, a excellemment montré que, sur le fond, cette proposition de loi organique ne remettait en cause ni l’équilibre des institutions de Saint-Barthélemy ni son statut de collectivité d’outre-mer. C’est là l’essentiel.

Ainsi, globalement, en ce qui concerne la simplification du fonctionnement des institutions de l’île, les dispositions proposées sont positives.

C’est la raison pour laquelle notre commission n’a modifié le texte que sur quelques points, pour l’améliorer ou le préciser.

En revanche, le diable se cachant parfois dans les détails, les choses ont été plus délicates pour ce qui a trait à l’élargissement de certaines des compétences et prérogatives de la collectivité.

Deux points ont plus spécialement retenu mon attention.

En premier lieu, au prétexte, certes fondé constitutionnellement, d’une participation plus importante de la collectivité aux compétences de l’État dans certains domaines, le texte de notre collègue Michel Magras ouvrait la voie à une dépossession de l’État de certaines de ses compétences régaliennes.

J’ai notamment été particulièrement sensible, et vigilante, aux dangers que pourrait comporter la possibilité de fixer des règles en matière d’entrée et de séjour des étrangers.

Il faut en effet avoir présent à l’esprit le contexte de la région, caractérisé par ce qu’il est pudiquement convenu d’appeler une « pression migratoire » en provenance d’Haïti et de la Dominique. Cette pression s’exerce d’abord sur le département de la Guadeloupe et sur la collectivité territoriale voisine de Saint-Martin.

Je crains qu’en voulant prémunir Saint-Barthélemy des difficultés que provoque ce phénomène, notre collègue n’ait la tentation de fixer des règles spécifiques à cette collectivité. Au nom de l’unité de la République, sujet très en vogue ces temps-ci, il ne serait pas acceptable d’aborder cette question d’une manière différente de celle retenue pour l’ensemble du territoire national.

Ainsi notre commission a-t-elle supprimé à juste raison l’article 2, qui comportait également des dispositions concernant le droit pénal et la procédure pénale, le transfert dans ces domaines étant par ailleurs interdit par l’article 74 de notre Constitution.

En second lieu, certaines difficultés, qui ne sont pas seulement d’ordre juridique, ont trait à des dispositions visant à instituer des règles en faveur d’un régime de sécurité sociale, qui serait, là aussi, spécifique à Saint-Barthélemy.

L’application de ces nouvelles règles aurait débouché sur la création d’une caisse locale de prévoyance sociale couvrant l’ensemble des risques : maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse et perte d’emploi. Bref, en territoire français, une petite sécurité sociale propre à une communauté de 9 000 personnes !

Certes, en supprimant également l’article 5, notre commission ne s’est pas prononcée sur le fond. Elle a simplement constaté qu’une telle modification ne relevait pas d’une loi organique. Je partage cette argumentation.

Toutefois, je pense qu’il ne s’agit pas uniquement de cela ni de la seule volonté de restaurer une forme de proximité dans la gestion du régime de sécurité sociale.

Pour ma part, je refuse de voir une portion du territoire français s’affranchir de la législation nationale métropolitaine,…

Mme Éliane Assassi. … afin de ne pas être solidaire du déficit des caisses de sécurité sociale du département de la Guadeloupe.

M. Michel Delebarre. Très bien !

Mme Éliane Assassi. De grâce, il y a déjà dans les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy suffisamment de franchises fiscales et douanières, reposant sur un système de plus en plus libéral sur les plans économique et social, pour ne pas en ajouter au plan institutionnel et éloigner ces territoires encore un peu plus de la République !

Je me réjouis donc que notre commission ait eu la sagesse et la clairvoyance de supprimer ces deux articles. Je pense qu’en procédant de la sorte nous mettons un frein aux tentations, qui ne manquent pas non plus d’apparaître dans certaines de ces nouvelles collectivités, d’empiéter sur les responsabilités régaliennes. (M. Michel Delebarre opine.)

Je souhaite que la discussion qui va suivre confirme la suppression de ces deux articles, ce qui permettra au groupe communiste, républicain et citoyen de voter cette proposition de loi organique relative à la collectivité de Saint-Barthélemy, dans le texte issu des travaux de notre commission. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de saint-barthélemy

CHAPITRE Ier

Compétences de la collectivité de Saint-Barthélemy

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy
Article 2 (Supprimé)

Article 1er

L’article L.O. 6214–7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° (nouveau) À la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : « peut exercer », sont insérés les mots : « , par délibération motivée, » ;

2°Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque l’exercice du droit de préemption a pour but de préserver la cohésion sociale de Saint-Barthélemy ou de garantir l’exercice effectif du droit au logement de ses habitants, le deuxième alinéa n’est pas applicable aux transferts réalisés au profit des : » ;

3° (nouveau) Au quatrième alinéa, après la référence : « 1° », est inséré le mot : « Personnes » ;

4° (nouveau) Au cinquième alinéa, le mot : « Ou » est remplacé par le mot : « Personnes » ;

5° (nouveau) Au sixième alinéa, les mots : « Elles ne sont pas non plus applicables aux » sont remplacés par la référence : « 3° ».

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.

M. Michel Magras. Initialement, l’article 1er ne vise à étendre le droit de préemption de la collectivité qu’en cas de transfert entre résidents, lorsqu’il s’agit de sauvegarder ou mettre en valeur des espaces naturels.

Le choix de ne lever la restriction que dans ce cas procède de l’idée que les dispositions de la loi statutaire encadrant la préemption permettent en l’état de garantir l’exercice effectif du droit au logement et de préserver la cohésion sociale.

En effet, à l’origine, cet article visait à favoriser la conservation du patrimoine foncier en prévenant l’« évasion foncière » par la vente au profit de non-résidents.

Comme chacun peut aisément le concevoir, sur un territoire de vingt-cinq kilomètres carrés, le foncier est un enjeu majeur et suppose une gestion rigoureuse.

À Saint-Barthélemy, cette gestion repose sur un équilibre constant entre l’impératif social de garantir un logement et celui de préserver des espaces naturels.

La collectivité mène une politique d’une rigueur particulière de définition des zones naturelles terrestres non constructibles et, dans cette optique, elle conçoit le droit de préemption comme un outil supplémentaire.

De plus, pour être sincère, nous n’avions pas souhaité étendre le droit de préemption aux autres domaines, afin de préserver de la tentation d’une utilisation à des fins détournées. La loi s’applique à une réalité, celle d’une petite île, et l’on ne peut garantir que ce droit ne devienne, par exemple, une arme de blocage de projets entre particuliers. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire.