Mme la présidente. Il faut songer à conclure, mon cher collègue.

M. Michel Le Scouarnec. Face à l’accroissement des situations dramatiques, il y a urgence à les mettre en œuvre. Combien de rapports de la fondation Abbé Pierre faudra-t-il pour qu’enfin des mesures concrètes, efficaces et humaines soient engagées ?

Le logement est un droit dont l’application relève de la responsabilité de l’État. Quoi qu’en disent les études sur le prix médian des loyers, la part moyenne des ressources des ménages consacrée au logement a considérablement augmenté de 1980 à aujourd’hui : elle a doublé !

Cette situation appelle une réaction forte. Il faut asseoir la politique du logement sur des bases solides, humaines et justes.

Permettez-moi d’emprunter, pour conclure, les mots de l’abbé Pierre : « Construire des prisons est sans doute nécessaire, mais construire des logements en repensant à l’intérieur des cités tout ce qui fait la cohésion sociale, c’est plus urgent. »

J’ajouterai que combattre la pauvreté, la misère et l’injustice sociale, c’est le choix du vrai changement qui permet de construire la mixité sociale et le vivre-ensemble, porteur de toutes les réussites, y compris à l’école, comme le disait Claude Dilain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Mayet.

M. Jean-François Mayet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le logement est en crise. Aussi loin que je remonte dans le temps, je n’ai jamais entendu autre chose que ce constat négatif. À croire que cette crise est permanente et résiste à tous les efforts politiques, juridiques et financiers qui ont été engagés dans ce secteur.

Depuis quarante ans, aucun des dispositifs en faveur du logement – défiscalisations de toute nature, subventionnements, prêts bonifiés, allocations, etc. – n’est parvenu à mettre en équation les besoins des Français et l’offre de logements adaptés aux différentes catégories d’utilisateurs.

Je n’ai pas intention de brosser aujourd’hui une étude critique et exhaustive de la question ; je veux simplement focaliser mon propos sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’accession à la propriété.

Force est de constater que la France est devenue un pays de locataires. Toutes les « mesurettes » qui se sont succédé depuis trente ans n’y ont rien changé. Au risque d’être trop brutal mais synthétique, on peut l’exprimer de la manière suivante : « Tu as de l’argent, tu es propriétaire ; tu es pauvre, tu es locataire et tu le resteras. »

La France a pourtant la chance de posséder ce levier puissant et essentiel que sont les bailleurs sociaux. J’affirme qu’ils représentent une force technique, juridique et financière capable de changer les choses. Ils ont, depuis la dernière guerre, logé ou relogé des millions de Français, mais ils n’ont pas imaginé autre chose que la location. Il est temps de leur demander de devenir le fer de lance d’un vaste mouvement en faveur de l’accession à la propriété, au service des Français qui n’ont pas osé ou pas pu s’engager dans cette démarche. Puis-je pourtant rappeler que les premières initiatives dans le domaine du logement social, dans les années 1920, étaient entièrement dédiées à l’accession à la propriété ? C’étaient des coopératives de construction.

Aujourd’hui, seulement 56 % des Français sont propriétaires. C’est le plus faible taux des pays européens, et la différence avec certains pays est parfois extrêmement marquée.

La globalité des aides dédiées à la location représente des masses financières que personne n’aurait probablement imaginées au départ puisqu’elles atteignent, voire dépassent 300 000 euros sur la durée de vie d’un couple avec deux ou trois enfants. Pour autant, cette assistance n’en fait pas toujours des habitants satisfaits, coopératifs et respectueux du bien qui leur est confié. Ils sont en souffrance et éloignés d’une solution d’accession à la propriété. C’est cela qu’il faut changer.

Des professionnels sérieux, pour certains issus du monde HLM, ont mené des études qui permettent d’attester que, dans le cadre d’un budget égal, voire inférieur au chiffre précité, il serait possible d’engager les candidats à la location dans un parcours de location-accession, à la condition bien entendu de commencer très tôt, pour en faire des propriétaires avant leur départ à la retraite, car, à cette occasion, les ressources de la plupart des Français diminuent de 30 %, quel que soit leur niveau de revenu.

Le coût d’un logement, collectif ou individuel – foncier, construction et entretien –, est identique quelle que soit sa destination, location-vente ou location. Et il n’existe aucune raison de ne pas orienter les Français les plus faibles vers un parcours d’accession. En faire des propriétaires à l’âge de la retraite, où ils n’auraient plus que l’entretien à financer, leur permettrait d’aborder cette période avec plus de sérénité. Posséder un bien transmissible ou négociable pour assumer leurs dernières années de vie dans une maison de retraite de leur choix serait un confort moral dont ils sont aujourd’hui privés.

Qui mieux que le monde des bailleurs sociaux peut engager, dans notre pays, une telle politique ? Qui mieux que les bailleurs sociaux peut sécuriser, sur l’ensemble du territoire, ce réseau technique et financier capable de gérer des comptes sur une durée de vingt à quarante ans ?

Chaque locataire-accédant doit avoir la possibilité de rester dans le logement initial ou d’en changer, en transférant l’acquis sur une nouvelle résidence, selon l’évolution de sa vie professionnelle et familiale.

Enfin, est-il normal qu’un locataire ayant assumé des loyers pendant quarante ans, même en étant aidé, soit privé de toute propriété ?

Je pense sincèrement que le temps est venu de changer les choses en engageant les bailleurs sociaux à vendre une partie de leur patrimoine aux locataires anciens et cela, à la valeur résiduelle comptable, pour tenir compte des loyers déjà versés. Un parcours personnalisé de location-accession deviendrait l’offre prioritaire pour les entrants, notamment pour les plus modestes.

Parce que le logement, l’immobilier et le monde du bâtiment sont intimement liés, une telle démarche constituerait un formidable booster d’activité. Délestés d’une partie de leur patrimoine, les bailleurs sociaux auraient la volonté et les moyens financiers de le reconstituer. Leur surface financière ne serait pas dégradée puisqu’ils resteraient juridiquement propriétaires jusqu’à la fin de la location-accession, permettant ainsi leur adossement à un support bancaire.

En conclusion, je dirai qu’il est temps de tirer un enseignement sur des habitudes et des méthodes qui n’ont donné satisfaction ni aux utilisateurs ni aux acteurs de la filière logement-construction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le logement est au cœur des préoccupations des Français. Les pouvoirs publics ont multiplié les initiatives, ces dernières années, pour accroître la production de logements et en améliorer la qualité, parfois au prix de dispositifs coûteux, devenus hors de portée pour le budget de l’État ou des collectivités territoriales en période de crise. La politique du logement est, en vérité, de plus en plus complexe, au croisement de multiples enjeux.

Maire d’une commune moyenne, j’ai eu à gérer à mon arrivée une situation mêlant dépeuplement du centre, absence de frange périurbaine, quartiers urbains contraints à la rénovation et à la requalification. Parce que l’offre y était inadaptée et insuffisante, les parcours résidentiels des populations fragiles autant que des classes moyennes étaient bloqués.

L’urbanisme et le logement en France ont plus souffert de l’empilement des normes que bénéficié d’un souffle libérateur des initiatives.

La multiplication des objectifs assignés au secteur du logement et les difficultés de hiérarchisation entre ces derniers soulèvent un problème d’intelligibilité et d’efficacité socio-économique du droit. Et c’est encore plus vrai en période de sortie de crise. Une importante production normative peut rendre le droit inaccessible aux ménages, ou inapplicable pour les professionnels. En outre, elle complexifie son évaluation par les acteurs administratifs et politiques.

Dans son rapport relatif à la mise en œuvre de la loi portant engagement national pour le logement de 2006, ou loi ENL, l’Assemblée nationale, après avoir remarqué que « l’on peut s’interroger sur la sécurité juridique de dispositifs législatifs modifiés tous les deux ans, voire tous les ans », concluait à l’impossibilité d’en évaluer les effets. Alors même que l’objectif de 500 000 constructions annuelles n’est actuellement pas atteint, les normes augmentent le coût unitaire du logement. Ce surcoût menace la politique de l’accession au logement.

Loin de venir casser cette dynamique, la loi Duflot n’a fait qu’amplifier ce mouvement, sans que la loi rectificative défendue par vous-même, madame la ministre, vienne rétablir un équilibre brisé depuis bien longtemps.

Le plan de relance pour le logement annoncé le 29 août 2014 est ensuite venu bouleverser la politique menée jusqu’alors par le Gouvernement. Une fois de plus, une énième loi-cadre est détricotée, en un temps record cette fois-ci. Nous pouvons seulement regretter le temps perdu à débattre de dispositions aujourd’hui mises sur la touche et l’occasion manquée d’engager un vrai dialogue avec les territoires.

Malgré l’adoption de diverses lois et mesures de décentralisation depuis vingt-cinq ans, la conduite des politiques du logement est restée en France une responsabilité de l’État. Aujourd’hui encore, malgré un contexte national et européen en pleine transformation, la France demeure l’un des pays les plus centralisés en ce qui concerne la conduite des politiques du logement.

Après vingt-cinq ans de ces politiques de transfert, l’État cherche aujourd’hui encore à garder un rôle de programmation et d’évaluation, laissant la responsabilité de l’exécution et de la gestion des fonds aux collectivités locales. Il continue à fixer le montant des enveloppes d’aides financières allouées au logement et à décider de leur répartition territoriale.

De même, la politique des « agences » va dans le sens inverse de l’autonomie et de la définition locale des politiques. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine n’accorde en effet des fonds aux collectivités que si leurs projets concordent avec l’esprit des plans mis en œuvre.

Par ailleurs, la part croissante des aides fiscales à la construction a une influence croissante sur les marchés locaux du logement. Or ces aides, nationales et déterritorialisées, constituent un facteur de plus sur lequel les collectivités locales n’ont pas de prise. En outre, ces aides, qui ne prennent pas en compte les programmes locaux de l’habitat et qui n’ont que très peu de contrepartie sociale, sont aujourd’hui très critiquées dans un marché de l’habitat en crise.

La crise de la production de logements révèle une crise de la décision entre le national et le local.

C’est pourquoi il me paraît urgent d’envisager de nouvelles mesures qui permettraient d’impulser une vision du logement au plus proche des réalités locales, rationalisant l’existant et décentralisant le possible.

Ainsi que je m’en suis déjà ouvert, je considère que certains dispositifs sont encore décentralisables, à l’instar du récent transfert par contractualisation des « aides à la pierre ». La « participation des employeurs », collectée localement, pourrait aussi être mutualisée entre les autorités organisatrices, sous l’égide de la métropole ou des EPCI, l’Agence nationale de contrôle du logement social, établissement public à caractère administratif institué par la loi ALUR, pouvant, quant à elle, être responsable de la collecte de ces fonds et du contrôle de leur utilisation. Il s’agirait ainsi d’élargir le champ de la convention de délégation introduite par la loi ALUR, pour aboutir à une véritable décentralisation de la participation des employeurs à l’effort de construction – l’ancien « 1 % logement » –, selon un processus proche de la délégation du dispositif « d’aide à la pierre » aux mêmes EPCI. Ce serait un premier pas qui permettrait ensuite d’aller plus loin dans la décentralisation des aides à la personne.

Un second objectif est de favoriser la cohérence entre les différents outils de planification, en cherchant à s’appuyer sur des secteurs pertinents à l’échelle de véritables bassins de vie.

À ce jour, les objectifs qualitatifs en matière de construction de logements sont insuffisamment pris en considération, de même que leur adaptation aux spécificités territoriales.

Pour nos territoires, il convient aussi de réorganiser et de renforcer l’ingénierie territoriale au service du logement. Les démarches d’ingénierie sont de plus en plus complexes : pluridisciplinarité des sujets, acteurs multiples, échelles qui s’entrecroisent, technicité accrue, etc. Les mécanismes d’ingénierie doivent donc être reconfigurés.

Enfin, comme l’ont conclu le président Gérard Larcher et les présidents respectifs de l’Association des maires de France, François Baroin, de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, et de l’Association des régions de France, Alain Rousset, en constituant la conférence des collectivités territoriales, le Gouvernement doit faire évoluer la relation de l’État aux collectivités vers plus de confiance, plus de responsabilité et plus de liberté, à un moment où la France a besoin de libérer l’initiative et de rapprocher la décision publique des citoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je participe à ce débat, dont je salue l’inscription à l’ordre du jour du Sénat.

Je remercie l’ensemble des orateurs pour leurs remarques et pour l’intérêt dont ils témoignent à l’égard de ce sujet majeur et essentiel pour la vie de nos concitoyens. Je tiens à souligner la qualité des interventions et l’état d’esprit particulièrement responsable dont elles témoignent.

Après les événements terribles que nous avons traversés, c’est ce qu’attendent de nous les Français. Bien sûr, nous pouvons avoir des visions, des propositions et des sensibilités différentes sur tel ou tel aspect. Mais il est nécessaire de nous mobiliser collectivement sur un tel sujet.

Il est bien entendu indispensable que la confiance revienne dans le secteur du logement. C’est pourquoi, avec le Premier ministre, nous avons pris des mesures pragmatiques, concrètes et adaptées aux différentes situations que nous connaissons et à la diversité des territoires.

Jean-Claude Lenoir ainsi que Joël Guerriau et Michel Le Scouarnec sont revenus sur les chiffres de la production de logements. Comme vous, nous sommes particulièrement inquiets de la situation du logement et de la construction en France, car ce secteur est l’un des pivots de la reprise économique. La situation de la construction et de la rénovation des logements emporte, chacun le sait, des conséquences importantes, non seulement pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, mais aussi pour la croissance et la création d’emplois en général. Elle a aussi, c’est une évidence, un impact social et humain, car il s’agit de permettre à nos concitoyens de se loger dans des conditions adaptées et dignes.

Je veux ici vous assurer que le Gouvernement poursuit avec détermination son action pour relancer le secteur de la construction, qui connaît des difficultés depuis plusieurs années.

Il est important de rappeler que la baisse de la construction a débuté en 2009. D’ailleurs, les chiffres de la construction de 2014 ne sont pas si éloignés que cela de ceux de 2009. Je souligne également que ces chiffres doivent être analysés dans le contexte économique et social que nous connaissons, mais aussi dans le cadre de la nouvelle orientation que le Gouvernement a souhaité donner à la politique du logement, en particulier en procédant à un rééquilibrage entre les territoires pour offrir des logements plus abordables là où se situent les besoins. Aujourd’hui, on construit plus de logements dans les zones tendues qu’entre 2007 et 2012. Il y a encore, cette année, près de 110 000 logements sociaux qui ont été financés, malgré la baisse globale de production de logements.

Toutes les mesures que j’ai annoncées cet été avec le Premier ministre doivent permettre au secteur de redémarrer cette année, de rétablir la confiance nécessaire des investisseurs, mais également des ménages. Cette confiance, quelques-uns d’entre vous l’ont souligné, est aussi érodée par le contexte économique actuel qui touche la France, mais également toute l’Europe.

Les mesures en vigueur depuis cet automne n’ont pas encore eu le temps de produire leurs effets ; je pense, par exemple ; au nouveau dispositif d’investissement locatif intermédiaire, à l’abattement sur les plus-values des terrains constructibles ou encore au renforcement et à l’élargissement du prêt à taux zéro. Rappelons que le délai moyen entre la délivrance du permis de construire et la mise en chantier est de huit à neuf mois.

C’est évidemment encore davantage le cas des mesures prises par le Gouvernement qui sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier de cette année. Il s’agit, notamment, de l’ouverture du dispositif d’investissement locatif aux ascendants et descendants, de l’exonération des donations de logements neufs, de l’aide aux maires bâtisseurs ou encore de l’ouverture du PTZ à la réhabilitation de l’ancien en zone rurale.

Je vous remercie, monsieur Dilain, d’avoir rappelé les mesures plus précises du plan de relance de la construction. Je vois bien, à l’occasion de ce débat, qu’il est encore nécessaire d’expliquer et de faire de la pédagogie, car ces mesures s’articulent autour de cinq priorités qui touchent l’ensemble des champs et des segments de la production du logement.

D’abord, ce plan permet de favoriser l’accession à la propriété, car – beaucoup d’entre vous l’ont signalé – c’est l’une des clés du succès de la relance de la construction.

Depuis le 1er octobre 2014, le prêt à taux zéro est renforcé et le plafond de revenus élargi pour les classes moyennes. Et depuis le 1er janvier 2015, le prêt est ouvert à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales, afin de favoriser la revitalisation des centres anciens. Notre objectif est d’augmenter ainsi de plus de 60 % le nombre de prêts à taux zéro distribués.

La deuxième priorité est la simplification des règles de construction et d’urbanisme, afin d’abaisser les coûts, de développer l’innovation et d’accélérer les projets, sans pour autant, bien entendu, réduire les exigences de qualité ni faire régresser la protection environnementale.

Soixante-dix mesures de simplification de la régulation élaborées avec les professionnels ont été annoncées en juin et décembre derniers. Beaucoup d’entre elles sont déjà opérationnelles ; les autres le deviendront à l’issue du travail réglementaire et législatif en cours. Le Conseil supérieur de la construction sera installé prochainement. Il évaluera l’impact économique de toute nouvelle règle en matière de construction.

La troisième priorité est de poursuivre le soutien de l’État à la construction de logements sociaux et de créer une nouvelle offre de logement intermédiaire en zone tendue.

Pour cela, nous avons modifié le zonage afférent au dispositif d’investissement locatif le 1er octobre 2014 et amélioré ce dispositif en augmentant sa durée, en contrepartie d’une réduction d’impôt. En outre, l’État et la Caisse des dépôts et consignations, via le groupe SNI, prendront leur part dans cet effort de construction en faveur du logement intermédiaire ; ils financeront quelque 25 000 logements dans les zones les plus tendues.

Monsieur Lenoir, le plan de relance ne s’appuie pas uniquement sur l’investissement des particuliers. Les investisseurs institutionnels, vous le savez, ont déserté le secteur du logement depuis non pas deux, mais vingt ans. Le Gouvernement s’est mobilisé afin de les ramener dans ce secteur. Leur présence est en effet essentielle pour développer une offre intermédiaire.

Le logement intermédiaire bénéficie d’une TVA réduite à 10 % et d’une exonération de taxe foncière pendant vingt ans. Le fonds Argos dédié à ces investissements a levé plus de 500 millions d'euros l’an dernier auprès des assureurs et des caisses de retraite.

Nous voulons également renforcer la mobilisation du foncier, public mais aussi privé ; c’est notre quatrième priorité.

Plusieurs d’entre vous ont souligné l’importance du travail mené par la CNAUF, la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, et par son président, Thierry Repentin ; je crois d'ailleurs que ce dernier a été auditionné par votre commission. Il a rendu son rapport il y a peu de temps et formulé un certain nombre de propositions, sur lesquelles nous travaillons. Toutefois, nous voulons aussi mobiliser le foncier privé, car il est nécessaire d’agir sur les deux leviers pour relancer la construction.

La cinquième priorité est la rénovation des logements. Plusieurs d’entre vous – François Fortassin, Claude Dilain et Michel Le Scouarnec, notamment – sont revenus sur ce point.

Un vaste plan de rénovation du parc social sur trois ans a été engagé pour mutualiser les ressources des bailleurs, à hauteur de 750 millions d'euros. Les prêts de la Caisse des dépôts et consignations ont été renforcés. Pour les particuliers, le crédit d’impôt transition énergétique a été porté à 30 % du montant total des travaux à compter du 1er septembre 2014. L’écoprêt à taux zéro a été simplifié depuis le 1er janvier 2015.

Ces deux dispositifs sont soumis à l’écoconditionnalité, afin d’assurer la qualité des travaux de rénovation. Comme l’a souligné Claude Dilain, dans le cadre du programme « Habiter mieux », quelque 45 000 projets de rénovation énergétique de propriétaires modestes soutenus par l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, seront financés en 2015.

Afin de mieux faire connaître et de diffuser ces mesures du plan de relance, nous avons entamé un tour de France de la construction, allant à la rencontre de tous les acteurs, qu’il s’agisse des acteurs institutionnels, comme les collectivités locales, des bailleurs, des promoteurs, des investisseurs ou encore des ménages. Il s’agit d’aider les personnes concernées à s’approprier ces mesures le plus rapidement possible. En effet, si nous voulons réussir à relancer la construction, il est important que tout le monde se mobilise autour de cet enjeu.

Je veux revenir plus précisément sur le foncier public. Jean-Claude Lenoir et Claude Dilain ont évoqué le travail de la CNAUF. Le dispositif de mobilisation du foncier public de l’État est aujourd'hui pleinement opérationnel. J’ai installé la commission en juillet dernier ; celle-ci a donné un véritable coup d’accélérateur à la mobilisation des terrains de l’État pour la construction de logements sociaux. Cette commission est placée au plus près des projets qu’elle a vocation à accélérer ou à débloquer en cas de difficultés ; d'ailleurs, vous m’avez souvent sollicitée au sujet de problèmes rencontrés dans vos territoires.

La CNAUF a également établi un premier bilan, qui nous permet d’améliorer le dispositif en tirant les leçons des premières opérations. Si les chiffres de la première année de mise en œuvre de la loi du 18 janvier 2013 ont été décevants, l’élan que nous avons donné au dispositif en 2014 est extrêmement positif.

Lors de ses trois premières séances, la commission a examiné quinze terrains, relevant notamment des ministères de la défense, de l’intérieur et de l’économie et des finances, ainsi que de Réseau ferré de France, ou RFF. Ses préconisations ont permis d’opérer la cession de trois terrains et de faire aboutir les négociations pour cinq autres, dont les cessions pourront être opérées d’ici à la fin du premier trimestre 2015. Par ailleurs, ont été soumises à l’arbitrage du Premier ministre deux opérations parisiennes, qui permettront la réalisation d’une centaine de logements.

La CNAUF a donc d'ores et déjà fait ses preuves dans son rôle d’accompagnement des projets. Une prochaine session se tiendra le 10 février prochain. La commission vient, je le répète, de remettre son premier bilan annuel, qui vous a été présenté. Ce rapport souligne, malgré les chiffres décevants des premiers mois, l’importance, lors des onze premières cessions, de l’effort financier de l’État, qui s’élève à 28 millions d'euros.

Pour élargir le champ d’attributions de la commission, le décret soumettant les établissements publics de santé au régime de la décote a été signé le 30 décembre dernier. La commission a également formulé des propositions opérationnelles pour améliorer les procédures de cession ; nous sommes en train de les étudier.

Nombre d’entre vous sont revenus sur l’application de la loi ALUR ; je pense notamment à Jean-Claude Lenoir, Aline Archimbaud et Joël Guerriau.

Je veux rappeler que la loi ALUR prévoyait un nombre important – 177, pour être précis – de mesures d’application que nous avons réunies en une centaine de décrets. Le Gouvernement a fait le choix de publier en priorité les décrets qui concernent les mesures dont l’impact est concret et fortement positif pour les ménages. Deux critères ont été utilisés pour fixer ces priorités : d'une part, l’impact en termes de redistribution de pouvoir d'achat aux ménages, et, d'autre part, l’amélioration et la sécurisation des relations entre bailleurs, locataires et professionnels de l’immobilier.

Je tiens à réaffirmer que le Gouvernement applique la loi ALUR avec pragmatisme. Cette mise en application se poursuit. Nombre de décrets ont été publiés en 2014. De nouveaux textes seront prêts d’ici à la fin du premier trimestre 2015. Deux tiers des décrets relatifs à la partie logement de la loi auront ainsi été pris d’ici au printemps prochain.

Plusieurs décrets importants ont d'ores et déjà été publiés : le décret relatif à la création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, le décret relatif à l’encadrement des honoraires de location, qui permet de limiter les honoraires payés par les locataires qui recourent aux services d’une agence immobilière, les premiers décrets relatifs à l’encadrement des loyers, qui ont permis à l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne de donner son agrément à l’encadrement des loyers à Paris au printemps 2015, le décret encadrant les loyers en cas de renouvellement du bail de location, enfin – Claude Dilain l’a évoqué –, le décret déclarant d’intérêt national l’opération de requalification de copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois.

Certains décrets sont actuellement examinés par le Conseil d'État et seront signés rapidement après cet examen, soit au début du printemps prochain. Je ne les cite pas tous, parce qu’ils sont particulièrement nombreux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous sont revenus sur l’encadrement des loyers. Comme l’a rappelé le Premier ministre, les conditions prévues par la loi ALUR pour encadrer les loyers ne sont pas encore remplies dans l’ensemble des zones tendues.

L’encadrement des loyers se heurte à des difficultés techniques que l’on ne peut pas sous-estimer. Le préalable requis est la mise en place d’un observatoire, qui, pour être agréé, doit récolter suffisamment de données fiables ; il s’agit de ne pas déstabiliser le marché.

Or, à l’exception de l’agglomération parisienne et de quelques autres, dont l’agglomération lilloise, les collectivités ne sont pas encore prêtes. Nous les incitons à installer un observatoire chargé de récolter des données. Nous examinerons ensuite les demandes d’agrément qui nous parviendront. L’agglomération lilloise a déposé sa demande ; celle-ci est en cours d’instruction.

Un autre point a été évoqué par plusieurs orateurs, notamment François Fortassin : la garantie universelle des loyers. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le système de sécurisation prévu par la loi ALUR doit être recentré dans un dispositif efficace et plus économe en fonds publics. Je rappelle que la caution locative pour les étudiants a été généralisée à la rentrée de 2014.

Par ailleurs, nous avons conclu avec Action logement un accord créant une garantie. Ce nouveau dispositif permettra de sécuriser les salariés entrant dans un emploi, quel que soit leur contrat de travail, y compris s’il s’agit d’une mission d’intérim. Il profitera par extension à l’ensemble des jeunes salariés de moins de trente ans. J’ai explicitement demandé que les ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative soient inclus dans la cible de cette caution solidaire.

Nous sommes convenus avec Action logement d’étudier les possibilités d’un élargissement ultérieur du dispositif aux personnes en recherche d’emploi effectuant une mobilité géographique en direction d’un bassin d’emploi situé en zone tendue. Il est enfin prévu que, en cas de nécessité de relogement de ménages locataires concernés par le dispositif en situation d’impayés et susceptibles de faire une demande sur le fondement du droit au logement opposable, ou DALO, le contingent de réservation d’Action logement puisse être mobilisé et que le relogement soit comptabilisé au titre de l’obligation DALO d’Action logement.

Plusieurs d’entre vous – Jean-Claude Lenoir et Philippe Dallier, notamment – sont revenus sur la publication du rapport d’inspection relatif à la politique du logement.

Je veux d'abord rappeler que ce document de travail avait été commandé à la fin de l’année 2013. Je précise également, puisqu’il a suscité des inquiétudes, qu’il n’exprime pas la position du Gouvernement. Notre objectif prioritaire est la relance de la construction, dans le respect de la maîtrise des dépenses publiques. Il est prématuré d’effectuer des choix sans avoir au préalable apprécié toutes les conséquences des propositions formulées dans le rapport.

Néanmoins, certaines recommandations du rapport sont d'ores et déjà mises en œuvre ; je pense notamment au renforcement de la mutualisation de la trésorerie des bailleurs sociaux, à la facilitation de l’accession sociale à la propriété dans le parc social, que nous avons actée avec le Premier ministre dans le cadre de l’Agenda HLM signé au congrès de Lyon en septembre dernier, au renforcement du prêt à taux zéro ou encore à l’expérimentation de l’encadrement des loyers, dont j’ai déjà parlé.

D’autres propositions, qui concernent des dossiers beaucoup plus lourds, complexes et difficiles, demandent encore un temps de réflexion. Il s’agit de trouver le bon équilibre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les propositions relatives aux aides personnelles au logement. Or un groupe de travail a été créé à l’Assemblée nationale, à la suite du débat budgétaire de l’automne dernier, pour étudier le problème posé par la refonte des APL accession.

À ce sujet, je crois savoir, monsieur Lenoir, qu’un groupe de travail du Sénat est en cours de réflexion sur le même sujet.