Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 177 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Bockel, Guerriau et Canevet, Mme Goy-Chavent et MM. Delahaye et D. Dubois, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La programmation pluriannuelle de l’énergie établit les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental, garantissant la réalisation des objectifs définis aux articles L. 100–1, L. 100–2 et L. 100–4.

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Nous estimons qu’il n’est pas nécessaire que la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, soit fixée par décret, car elle peut tout à fait être examinée par le Parlement.

Mme la présidente. L'amendement n° 849 rectifié ter, présenté par Mme Claireaux, M. Patient, Mme Guillemot et MM. Antiste et S. Larcher, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

d'atteindre les

par les mots :

de viser les

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 177 rectifié bis ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je souligne d'abord qu’il ne s’agit pas de supprimer le renvoi à un décret : vous proposez de le déplacer.

Vous souhaitez préciser que la PPE garantit la réalisation des objectifs de la politique énergétique, au lieu de chercher à les atteindre. La rédaction actuelle de l’article 49 me paraît à la fois suffisamment précise et souple. Il n’est pas question de garantir l’atteinte des objectifs de la politique énergétique, qui sont l’horizon de la PPE. La commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis. La rédaction de la commission est tout à fait équilibrée.

Mme la présidente. Monsieur Canevet, l'amendement n° 177 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 177 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 568 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle contient obligatoirement un volet dédié aux territoires hyper-ruraux.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement reprend une recommandation du rapport d’Alain Bertrand consacré – vous le savez tous – à l’hyper-ruralité. Il vise à inclure la prise en compte de l’hyper-ruralité dans l’élaboration de la PPE.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. C’est l’amendement…

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. … habituel d’Alain Bertrand, qui veut un peu mettre les hyper-ruraux à toutes les sauces.

L’article 49 précise que la PPE contient des volets relatifs à des sujets bien précis : la sécurité d’approvisionnement, l’amélioration de l’efficacité énergétique, le développement de l’exploitation des énergies renouvelables, le développement équilibré des réseaux et la préservation de la compétitivité des prix de l’énergie pour les consommateurs. La PPE n’a pas pour but de prendre en compte telle ou telle catégorie, qu’il s’agisse des ruraux, des urbains ou des périurbains : toute la population est concernée. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Requier. Je retire cet amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 568 rectifié est retiré.

L'amendement n° 410 rectifié, présenté par M. César et Mmes Des Esgaulx et Primas, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La programmation pluriannuelle de l’énergie doit tenir compte du contexte énergétique international à court, moyen et long terme. S’agissant de l’électricité, elle doit garantir à notre pays un approvisionnement sûr indépendamment des situations des pays voisins. »

II. – Alinéa 7

Après les mots :

de la situation économique,

insérer les mots :

de la reprise industrielle,

III. – Alinéa 8, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, vecteur énergétique sur lequel la France doit garantir son indépendance à tout moment compte tenu du contexte des pays voisins

IV. – Alinéa 10

Après le mot :

renouvelables

insérer le mot :

thermiques

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Nous souhaitons que la programmation pluriannuelle de l’énergie tienne compte du contexte énergétique international, une crise sur les approvisionnements pouvant nous être défavorable.

Or nous avons autour de nous des pays qui ne sont pas toujours au rendez-vous. S’agissant de l’électricité, nos voisins que sont l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Espagne sont chroniquement déficitaires et appelés à le rester. L’Allemagne et la Suisse, à un degré moindre, ont pris la décision de sortir du nucléaire. Comme nous pourrions donc nous trouver dans des situations embarrassantes, nous pensons que la programmation pluriannuelle de l’énergie doit intégrer une vision internationale à court et moyen termes. C’est l’objet d’ajouts à l’alinéa 6.

Nous souhaitons également modifier l’alinéa 7 pour affirmer que la situation économique, notamment la reprise industrielle, doit aussi être intégrée dans cette programmation.

Notre amendement porte essentiellement sur ces deux points.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Ma chère collègue, votre amendement est satisfait aux deux tiers, et le tiers restant, qui ne l’est pas, pose problème.

L’amendement est satisfait en ce qu’il tend à affirmer que la PPE doit tenir compte du contexte énergétique international et qu’elle doit garantir un approvisionnement sûr et indépendant de la situation de nos voisins en matière d’électricité. En effet, cette dimension est totalement prise en compte dans la rédaction.

Le deuxième thème que vous défendez a pour objet de préciser que la PPE doit reposer sur différentes hypothèses d’évolution non seulement de la situation économique, mais aussi de la reprise industrielle. Or cet élément est aussi totalement envisagé dans le texte.

En revanche, le troisième aspect que vous soulevez n’est pas pris en compte dans le texte, et il pose problème. Vous voulez limiter le volet de la PPE relatif au développement des énergies renouvelables aux seules énergies renouvelables thermiques.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Si, tel que l’amendement est rédigé, c’est le cas ! Vous ne faites même pas référence à l’hydraulique, raison pour laquelle, sur ce troisième point, je ne peux qu’émettre un avis défavorable. Étant donné que vous êtes satisfaite sur les deux tiers, je vous suggère de retirer l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. En effet, comme vient de le dire M. le rapporteur, vous avez satisfaction sur le premier point, puisque, dans un système très interconnecté, il est évidemment important de bien prendre en compte la situation des pays voisins, tout en visant l’indépendance énergétique. Seulement, si nous visions uniquement cet objectif, cela nous empêcherait aussi de vendre de l’électricité aux pays limitrophes, ce que nous faisons actuellement, avec des échanges en fonction des pointes de consommation.

C’est pourquoi les bilans prévisionnels en électricité de RTE prennent en compte l’évolution prévisible des parcs d’électricité de nos voisins dans les hypothèses d’évolution de notre système électrique.

S’agissant du dernier point, la rédaction de votre amendement élimine en effet les filières éoliennes, solaires, hydrauliques et le développement du biogaz, ne se concentrant que sur les seules énergies renouvelables thermiques. À mon sens, cet amendement aurait un effet contre-productif et je vous en suggère donc le retrait.

Mme la présidente. Madame Primas, l’amendement n° 410 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 410 rectifié est retiré.

L'amendement n° 957, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 8, troisième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il précise les mesures mises en œuvre pour garantir la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Afin d’éviter de multiplier les plans, donc dans un but de simplification, nous proposons, à travers cet amendement, que l’importante question de la sécurité d’approvisionnement en gaz soit traitée non pas dans un plan spécifique, mais dans le volet « sécurité d’approvisionnement » de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Lors de l’examen du texte en commission, nous avons souhaité compléter le volet de la PPE relatif à la sécurité d’approvisionnement par un plan stratégique national d’approvisionnement en gaz naturel. Plutôt qu’un plan spécifique, le Gouvernement propose, par le biais de cet amendement, d’intégrer ces dispositions directement dans le volet « sécurité d’approvisionnement » de la PPE, ce qui revient tout à fait au même.

L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 957.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Revet, P. Leroy, Bizet, Portelli, Trillard et Houel et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Alinéa 8, avant la dernière phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il prévoit à ce titre de veiller notamment à garantir la pérennité et le développement de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire métropolitain et ultra-marin.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Le volet de la programmation pluriannuelle de l’énergie consacré à la sécurité énergétique prévoit la possibilité de diversification des sources d’approvisionnement d’énergie. Il est, dans ce contexte, nécessaire de vérifier toutes les possibilités de nos ressources nationales, en particulier en hydrocarbures, dans une optique de sécurité et de valorisation de notre sous-sol au profit de la collectivité nationale et des territoires de notre pays, sur le plan économique et social, et dans le respect de l’environnement.

Mme la présidente. L'amendement n° 149 rectifié ter, présenté par MM. P. Leroy, César, G. Bailly, Calvet et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chasseing et Danesi, Mmes Debré et Deromedi, MM. B. Fournier, J. Gautier, Gilles et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel et Karoutchi, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Longuet, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Morisset, Pierre et Pinton, Mme Procaccia et MM. Revet, Savary, Trillard et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il prévoit à ce titre la vérification du potentiel de notre pays en hydrocarbures non conventionnels.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement va dans le même sens que le précédent. Il vise à intégrer dans le volet de la programmation pluriannuelle de l’énergie relatif à la sécurité énergétique la nécessaire identification du potentiel énergétique de la France en matière d’hydrocarbures non conventionnels.

Mme Nicole Bricq et M. Roland Courteau. Ah !

Mme Sophie Primas. Nous y voilà !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. À la présentation du projet de loi, notamment en commission, j’avais été précis en disant que je n’avais pas l’intention, en tant que rapporteur, de proposer quoi que ce soit en matière de gaz ou de pétrole de schiste, bref de rouvrir le dossier. Je m’attendais tout même à ce que quelqu’un dépose quelque chose. (Sourires.)

Sur les deux amendements en discussion, je voudrais simplement rappeler les positions que j’ai toujours défendues, et pas plus tard que ce matin en commission, laquelle a suivi mon avis. En ce qui concerne l’exploration, j’y ai toujours été favorable, car je trouve illogique, voire absurde, de ne même pas vouloir savoir ce que nous avons dans notre sous-sol.

Je rappelle d’ailleurs que, au tout début de ce dossier, voilà maintenant 6 ou 7 ans, on disait qu’en Europe il y avait probablement deux pays qui étaient plus favorisés que d’autres en matière de gisements potentiels de gaz et de pétrole de schiste : la Pologne et la France.

Mme Nicole Bricq. Pour la Pologne, c’est réglé !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. La Pologne s’est engagée et dans l’exploration et dans l’exploitation. Je vous signale que, dans la phase exploration, les Polonais ont découvert que leur pays avait près de huit fois moins de potentiel que ce qui lui avait été théoriquement attribué. Mais cette exploration a au moins eu le mérite de permettre à ce pays de savoir ce qu’il avait effectivement dans son sous-sol. (M. Roland Courteau s’exclame.)

Concernant l’exploitation, j’ai bien expliqué que je n’avais pas l’intention, en tant que rapporteur, de déposer un amendement, car j’ai pensé que ce n’était pas le moment, allais-je dire, de rallumer la guerre.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Vu le débat qui allait s’ensuivre, je n’ai pas souhaité, dans ce texte-là, relancer le sujet.

M. Roland Courteau. Vous avez raison !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Il est vrai que, s’agissant de l’exploitation, il y a encore pas mal d’interrogations sur la technique de la fracture de la roche. Nous savons très bien que ce procédé est utilisé depuis très longtemps pour nombre d’exploitations. À cet égard, je vous rappelle que les forages de pétrole ou de gaz reposent sur cette méthode !

M. Marc Daunis. Ce n’est pas la même !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Certes, cette fracture a pour but de découvrir de grosses poches. S’agissant du schiste, il s’agit d’une fracture qui n’a pas les mêmes conséquences, et qui va beaucoup plus loin.

Je considère que ce qui a été proposé dans la loi de 2011, laquelle n’est pas appliquée, était positif. En effet, elle n’avait pas fermé la porte de l’exploration. S’agissant de l’exploitation, cette loi avait posé comme préalable qu’il fallait absolument des progrès dans les recherches sur les différentes techniques de substitution à la fracture de la roche.

Voilà ce que je voulais vous dire pour résumer ma position.

Étant logique avec moi-même, je suis favorable à l’amendement n° 149 rectifié ter, qui n’aborde que l’exploration. En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 24 rectifié, qui tend à autoriser et l’exploration et l’exploitation, car je considère toujours que c’est prématuré.

C’est prématuré, madame la ministre, mais il faut tout même que la loi de 2011 soit appliquée. Or cette loi a été mise dans un tiroir, ou, pour parler plus trivialement, on s’est assis dessus, et on ne fait rien.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous n’en serez pas étonnés, j’émets un avis défavorable sur les deux amendements.

M. Charles Revet. Dommage !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je préfère investir sur les moulins (M. Michel Le Scouarnec applaudit.), monsieur Revet, que sur les gaz de schiste. Vous êtes d’accord… (Sourires.)

On ne peut pas tout faire, et il faut avoir le courage de donner des signaux forts. La fracturation hydraulique est aujourd’hui la seule technique connue pour l’exploitation des gaz de schiste, et nous savons qu’elle crée des dégâts considérables. C’est très visible aux États-Unis, où, d’ailleurs, beaucoup d’entreprises ont fait faillite à cause de la variation du prix des hydrocarbures. On y relève d’énormes dégâts environnementaux, puisque les entreprises ont laissé des friches industrielles, ayant abandonné les terrains après avoir exploité un certain temps le gaz de schiste, ne laissant aux riverains que leurs yeux pour pleurer. Les exploitants ont abandonné les puits de forage, les vieilles machines, puis sont allés creuser ailleurs (M. Roland Courteau opine.), en l’absence de règles et de normes sur le droit de forage aux État-Unis.

Ce n’est pas notre modèle, considérant notre densité d’habitation et la fragilité de nos paysages. Nous avons eu tout à l’heure un débat sur les éoliennes, mais je crois que les dégâts que provoqueraient des forages pour rechercher des gaz de schiste seraient sans commune mesure.

De plus, en période de rareté de la ressource financière, il ne faut pas laisser croire à l’existence d’une espèce d’eldorado dans nos sous-sols. Là encore, ce serait contre-productif par rapport aux objectifs de ce texte. Comme il vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il ne peut pas donner un signal de fuite en avant vers l’exploitation de gaz de schiste.

Par ailleurs, la mobilisation des ressources financières, qu’elles soient publiques ou privées, doit impérativement se faire en faveur de la performance énergétique et du déploiement des énergies renouvelables. Sur proposition de la commission, et je tenais à l’en saluer également, nous venons d’ailleurs de décider d’une stratégie sur la biomasse, ce qui n’était pas dans le texte initial du Gouvernement.

M. Marc Daunis. Tout à fait !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce volet a été ajouté grâce à des amendements présentés tant par M. le rapporteur que par vous-même, monsieur Revet.

M. Jean-François Husson. La force de M. Revet, c’est d’avoir beaucoup d’amendements !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je préfère cet amendement sur la stratégie biomasse à celui qui porte sur les gaz de schiste.

Je le répète : on ne peut pas tout faire, et il faut faire des choix. Nous assumons les choix qui sont faits dans ce projet de loi sur la transition énergétique, et je pense qu’ils sont incompatibles avec ce que nous demandent les lobbies de l’exploitation des gaz de schiste, qui viendront ensuite réclamer des subventions publiques, car leur activité ne sera pas rentable et alors qu’elle aura produit de considérables dégâts sur l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger cette séance jusqu’à minuit trente, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt. Il ne s’agit pas – je le dis très clairement – d’ouvrir, à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique, un débat sur les hydrocarbures et gaz dits de schiste. Néanmoins, un certain nombre de points doivent être rappelés.

Comme vous le savez, le Parlement a adopté en juillet 2011 un texte de loi qui interdit la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz non conventionnels.

À partir de là, nous avons assisté à un débat assez curieux. Au début, il y a eu des manifestations contre la fracturation hydraulique, puis des manifestations contre l’exploitation des gaz de schiste, comme s’il était imaginable que nous puissions refuser d’utiliser des hydrocarbures que nous aurions sous nos pieds. Mais le débat a été dévié dans ce sens.

Imaginez un seul instant que nous découvrions aujourd’hui qu’il y a du gaz quelque part dans le Sud-Ouest, à Lacq : nous aurions les mêmes manifestations contre l’exploitation d’une ressource qui a tout même contribué au développement économique de toute une région, et même au-delà, pendant quarante à cinquante ans.

Devant la fermeture totale du dossier, un certain nombre de parlementaires se sont demandé s’il n’était pas nécessaire de regarder un peu ce qui se passait.

Je venais d’être élu sénateur et j’ai écrit au président de la commission des affaires économiques, qui était alors Daniel Raoul, en suggérant un examen de ce sujet par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. De fait, Daniel Raoul a saisi Bruno Sido, le président de cet office, qui a désigné deux rapporteurs : un député, Christian Bataille, et un sénateur, moi-même. Nous avons alors travaillé pendant à peu près un an sur le sujet.

La conclusion à laquelle nous sommes parvenus consistait à rappeler, pour l’essentiel – outre quelques recommandations pour qu’un effort soit fait sur la recherche –, qu’il convenait d’appliquer la loi du 13 juillet 2011. Je le rappelle, parce que nous entendons certaines personnes affirmer que l’on ne peut rien faire à cause de cette loi de 2011.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. On peut l’appliquer !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Cette loi est très courte et deux de ses articles précisent ce que le Gouvernement doit faire.

En vertu de l’article 2, « il est créé une Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Elle a notamment pour objet d’évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives. Elle émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public […]. »

Cet article précise donc qu’un suivi doit être assuré, que des expérimentations peuvent être réalisées et que les risques doivent être évalués, non seulement ceux de la fracturation hydraulique, mais aussi ceux des techniques alternatives. Nous avons travaillé sur cette dernière question au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Notre conclusion est qu’il existe aujourd’hui peu de techniques alternatives. En revanche, la fracturation hydraulique, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, a connu de nombreuses évolutions – je dirais même des progrès, mais je ne veux pas ouvrir ce débat.

L’article 4 de la loi du 13 juillet 2011 dispose que « le Gouvernement remet annuellement un rapport au Parlement…

Mme Chantal Jouanno. On ne l’a jamais vu !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. … sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux, sur les conditions de mise en œuvre d’expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public, sur les travaux de la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation […]. » (M. Michel Canevet s’exclame.)

Les conclusions de notre rapport ont été travesties, caricaturées…

M. Ronan Dantec. La caricature, ce n’est pas bien !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Nous avons fait l’objet d’agressions verbales sous forme de mails. Comme le dit M. Dantec, ce n’est pas bien !

Notre conclusion était extrêmement rationnelle et consistait à recommander au Gouvernement d’appliquer la loi votée par l’ensemble de la classe politique, ce qui était vrai : à l’époque, peu avant l’élection présidentielle, aussi bien la droite que la gauche s’étaient trouvées d’accord pour voter cette loi. Quelle est donc la difficulté qui s’opposerait aujourd’hui à l’application de cette loi ?

Je ne suis pour rien dans le dépôt de ces amendements, mais je saisis cette occasion pour rappeler cette vérité. Elle est vérifiable dans notre rapport qui a été assez demandé, selon le service de la distribution.

Je pense que la France peut sortir…

M. Jean-François Husson. … de l’imposture !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. … de la situation où elle se trouve – elle est le seul pays au monde, avec la Bulgarie, à connaître cette situation. Le souhaiter n’est pas attentatoire au code de l’environnement. Il ne me paraît pas excessif de souhaiter une amélioration de la connaissance de notre sous-sol.

MM. Jean-François Husson et Daniel Gremillet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.

M. Mathieu Darnaud. Ma voix sera légèrement dissonante. J’associe à mon intervention mon collègue Jacques Genest, également sénateur de l’Ardèche.

L’amendement qui nous est soumis vise à permettre de vérifier le potentiel de notre pays en hydrocarbures non conventionnels, termes enjolivés qui désignent les gaz de schiste. Il pose deux gros problèmes aux habitants de certaines régions – je pense, notamment, au Gard, à la Drôme, à la Haute-Savoie et, bien évidemment, à l’Ardèche.

Si des permis de recherche ont été annulés en 2011, à la suite de l’adoption consensuelle par le Parlement d’une proposition de loi, c’est parce qu’ils prévoyaient l’utilisation de la fracturation hydraulique.

Pour un territoire comme celui de l’Ardèche, à la géologie complexe, la fracturation hydraulique est tout simplement une aberration écologique, sanitaire et économique. Les risques sont immenses pour un territoire dont le milieu souterrain est fragile. Trop d’interconnexions existent entre les eaux souterraines et les eaux de surface utilisées pour le thermalisme, les activités agricoles, viticoles et touristiques. Il faut également considérer les pollutions de surface, avec les nuisances sonores et la pollution occasionnée par l’incessant trafic des camions transportant les matériaux. Imaginez donc la perte qui en résulterait pour un département comme le nôtre, qui tire principalement ses ressources des produits agricoles et de la mise en valeur de son environnement. Pourquoi donc vouloir s’assurer de l’existence potentielle d’une réserve de gaz de schiste dont l’exploitation comporterait les risques graves que j’ai mentionnés ?

M. Marc Daunis. Bonne question !

M. Mathieu Darnaud. Le second problème posé par cet amendement ne tient pas aux conséquences dangereuses de son objet, mais aux conditions de son exécution même, car la vérification du potentiel en gaz de schiste ne pourra se passer de l’emploi de la fracturation hydraulique. Voilà pourquoi je voterai contre cet amendement. (MM. Cyril Pellevat et Claude Kern applaudissent.)