M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, a pour objet l’accès des industries électro-intensives à l’hydroélectricité.

Dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique, sur l’initiative de son rapporteur, Ladislas Poniatowski, le Sénat a déjà considérablement renforcé les mesures de soutien en faveur de ces industries électro-intensives, en prévoyant en particulier le bénéfice de conditions particulières d’approvisionnement ou la modulation de la redevance hydraulique pour favoriser leur approvisionnement, ce qui doit suffire à résoudre leur déficit de compétitivité.

La question d’un accès régulé à l’hydroélectricité que vous posez à travers votre amendement soulève en outre plusieurs difficultés.

Tout d’abord, la création d’un tel tarif régulé serait contraire aux engagements européens de la France, comme en témoigne l’ouverture par la Commission européenne d’une procédure d’infraction sur les concessions hydroélectriques à l’encontre de la France du fait de l’adoption de cette mesure à l’Assemblée nationale.

Ensuite, ce dispositif remettrait en cause des contrats de concession déjà signés, obligeant ainsi à indemniser les concessionnaires, ce qui nécessiterait des ressources budgétaires.

Enfin, les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique ont déjà produit leurs effets, puisqu’elles ont permis d’engager des discussions avec les principaux concessionnaires, EDF et GDF Suez, qui devraient aboutir à la conclusion de contrats bilatéraux au cas par cas adossés à l’hydroélectricité. Cela vaut mieux qu’un dispositif d’accès régulé qui serait contraire aux engagements européens de la France.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Cet amendement tend à réintroduire, en le modifiant, l’article 54 quater, qui crée un accès régulé des industriels électro-intensifs à l’hydroélectricité.

L’importance de ces secteurs pour l’économie française est incontestable. Comme cela a été indiqué à l’Assemblée nationale, le soutien aux électro-intensifs est une priorité, et nous souhaitons qu’un mécanisme garantissant l’approvisionnement compétitif de ces entreprises soit mis en place.

Des mesures figurant dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ont été adoptées : c’est un premier pas, mais il n’est pas suffisant. En outre, comme je l’ai indiqué devant l’Assemblée nationale, des questions juridiques devront être réglées, en particulier avec Bruxelles, sur ce mécanisme d’accès régulé à l’hydroélectricité. Par ailleurs, des discussions avec EDF se déroulent en ce moment même sur des pistes alternatives.

L’amendement n° 693 rectifié, qui est proche de celui, qui n’a pas été soutenu, de M. Bouvard, tend à instaurer une bonne répartition entre la loi et le règlement, en mentionnant explicitement que la cession d’électricité couvre l’ensemble des coûts d’exploitation et d’investissements encourus par le concessionnaire et exclut donc toute compensation par EDF. Il vise également à mentionner que l’électricité est cédée aux fournisseurs des électro-intensifs et non directement aux électro-intensifs eux-mêmes, ce qui constitue un facteur d’acceptabilité de l’Union européenne, celle-ci étant favorable à toute mesure susceptible d’accroître la concurrence dans la fourniture d’électricité.

À ce stade, et puisque de telles propositions pourront de toute façon être réexaminées par la suite, je sollicite donc plutôt le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Vial. Je laisse le soin à M. Bourquin de décider du sort de cet amendement. Sur le principe, je ne peux que m’associer à la présentation de notre collègue sur ce secteur des électro-intensifs. Et je tiens à rassurer ceux qui se lassent des discussions incessantes à leur sujet : le temps vient où nous n’en parlerons plus, compte tenu du calendrier actuel. En effet, si dans les prochains mois nous n’avons pas trouvé des solutions concrètes, ce sont des pans entiers de ce secteur, madame la secrétaire d'État, qui seront affectés – je n’ai nul besoin de citer les industriels auxquels vous deviez, les uns et les autres, penser tout à l’heure.

Quelle est la situation aujourd’hui ? Je l’ai indiqué, nous arrivons au terme des dispositions qui permettaient aux électro-intensifs français – ce sont, je le rappelle, 100 000 à 400 000 emplois indirects – de se prévaloir d’une énergie compétitive.

Que nous propose le Gouvernement ? Je citerai tout d’abord l’interruptabilité, un dispositif sur lequel personne n’a osé s’aventurer et qui se révèle d’ailleurs insignifiant par rapport aux enjeux, puisqu’il correspond à peu près à six entreprises en France, alors que 500 entreprises électro-intensives sont concernées.

Sur ce problème de l’hydraulique, je m’étais exprimé très longuement lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de souligner les fragilités de ce dispositif, qui sont au moins au nombre de trois.

Premièrement, le calendrier n’est pas compatible avec les besoins des industriels. Ces besoins vont très rapidement voir le jour, alors que le dispositif hydraulique ne pourra être mis en œuvre que dans le cadre des renouvellements de concession.

Deuxièmement, je me demande bien qui, dans cette assemblée, peut sérieusement soutenir que l’on sera capable de mettre en place les sociétés – sociétés d’économie mixte ou autres – aptes à porter les reprises de concession.

Troisièmement, le problème de la surveillance européenne se pose, comme vous le savez, madame la secrétaire d’État. Nous sommes confrontés à une énergie de barrage, énergie de pointe, pour un coût de 60 à 130 euros. Or nous avons besoin d’une énergie coûtant entre 25 et 30 euros.

Que dit la Commission de Bruxelles à ce propos ? Qu’il existe une aide directe et qu’elle a besoin d’explications en la matière. Si vous considérez le dispositif de l’hydraulique du fil de l’eau, qui, pour le coup, serait compétitif, la production de la CNR, la Compagnie nationale du Rhône, s’élève, en période basse, à 10 térawattheures, contre 17 en période haute, soit une fluctuation de 70 % dans la capacité de production, ce qui équivaudrait au maximum à une petite dizaine de sociétés.

Les solutions qui sont proposées sont – passez-moi l’expression – du bricolage ! Je le dis en réponse à la déclaration très récente de M. Macron, qui parlait d’une ambition industrielle. Il faut mettre en place des dispositifs efficaces.

Comme nous parlons des mêmes industriels, et puisque rien n’aura changé dans quelques instants, lors de l’examen de mon amendement, je ne puis que m’en remettre à la position que prendra M. Bourquin. Néanmoins, par solidarité, il faut que le Gouvernement leur apporte d’urgence une solution.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir rejoint notre assemblée tardivement, parce que je devais prononcer un éloge funèbre lors d’une cérémonie d’obsèques. En outre, l’examen de ces dispositions a été bouleversé par deux modifications de l’ordre du jour.

Je m’inscris dans la droite ligne des propos de Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d'État, voilà des années que nous débattons du sujet des électro-intensifs, car nous savons que les contrats de long terme dont ils bénéficiaient sont condamnés par la Commission européenne et que nous devons gérer aujourd’hui, immédiatement, la « sortie de l’article 8 » pour de nombreux industriels électro-intensifs.

Le mérite des amendements qui ont été déposés est de cerner le dispositif en faveur des industriels soumis à des procédés déterminés, c’est-à-dire ceux qui ont besoin de ces mesures. Ces dernières sont différentes de ce que l’on a pu proposer par le passé ; je pense notamment à mes anciens amendements visant à créer le dispositif Exeltium, qui est aujourd’hui dépassé compte tenu de l’évolution du prix de l’énergie, mais qui autrefois était ouvert aux grandes chaînes hôtelières notamment, elles-mêmes grosses consommatrices d’énergie, sans que cela repose sur des procédés industriels.

Aujourd’hui, les dispositions ciblées sur lesquelles nous nous appuyons se fondent sur une ressource dont nous avons la chance de bénéficier, qu’il s’agisse de tarifs ou de disponibilités en termes de puissance. Grâce à cela, nous pouvons résoudre le problème des électro-intensifs. Nous n’avons pas le droit de gâcher cette chance !

Emmanuel Macron connaît bien ce dossier, puisque, dans le cadre de ses fonctions antérieures à la présidence de la République, il faisait partie de ceux qui ont contribué de manière efficace à la résolution du dossier Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne, dans le cadre de l’accord avec Trimet.

Toutefois, pour un dossier réglé, fût-il le plus emblématique, puisqu’il était celui de la première grande unité de production d’aluminium de ce pays et d’une usine vieille de plus de cent ans, d’autres dossiers sont aujourd’hui en attente sur toute la chaîne électro-intensive. Celle-ci est très présente, à Dunkerque, bien évidemment, mais aussi dans les vallées de montagne, où elle constitue toujours un élément important des capacités industrielles, dans la mesure où l’industrie, à l’époque où l’énergie ne se transportait pas, s’est fixée sur ces territoires.

Aujourd’hui, nous devons trouver une solution qui nous permette de répondre aux exigences de la Commission européenne et aux réalités de la concurrence. En effet, dans d’autres pays, tout en respectant les dispositions communautaires, on a trouvé des solutions. D’ailleurs, en la matière, il n’est quasiment rien de nouveau. Ceux d’entre vous qui s’intéressent à ces sujets depuis un certain temps se souviennent que, voilà quelques décennies, à une époque où notre fleuron industriel s’appelait encore Pechiney, M. Gandois avait envisagé la fusion du groupe avec la CNR.

Ce dossier n’a pas abouti, et ce fut un premier échec. Nous en avons connu un second lorsque la Commission s’est opposée au regroupement entre Rio Tinto Alcan, Alusuisse et Pechiney. Nous disposons encore aujourd’hui d’industriels électro-intensifs, mais pour combien de temps ?

Je ne reprendrai pas les excellents propos de Jean-Pierre Vial à ce sujet. Je dirai simplement que le temps travaille contre nous. Il faut donc, entre l’examen de ce texte et celui du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qu’une solution émerge.

Je ne peux préjuger de la décision de M. Bourquin, mais je serai tenté de dire qu’il nous faut adopter quelque chose pour disposer, dans le cadre de la navette de ce texte, d’un élément nous permettant de poursuivre la discussion avec le Gouvernement et d’aboutir à une solution à l’issue de ce processus.

Mes chers collègues, nous nous trouvons dans une situation d’extrême urgence. Après plusieurs alternances et plusieurs gouvernements, les dispositions qui ont été prises se sont révélées, tantôt satisfaisantes, tantôt moins efficaces dans la durée.

Désormais, on ne peut plus transiger. On ne peut plus traiter au cas par cas chaque société. Il faut un dispositif d’ensemble !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. La qualité des interventions qui viennent d’être prononcées me permettra d’être très bref. Je souscris entièrement au diagnostic qui a été formulé, aussi bien par Martial Bourquin que par Jean-Pierre Vial et Michel Bouvard. L’heure est grave pour les industries électro-intensives.

Rappelez-vous, mes chers collègues, il n’y a pas si longtemps, en 1988 – j’en ai un souvenir précis –, la France attirait des entreprises électro-intensives du fait du prix de son électricité d’origine nucléaire. Je me souviens en particulier que l’ouverture de la centrale nucléaire de Gravelines avait attiré dans le Nord un certain nombre de grosses entreprises, notamment dans le secteur de l’aluminium, entraînant de nombreuses créations d’emplois.

Ce temps est révolu ! Pour des raisons invraisemblables, là où la France se montrait la plus compétitive, là où elle pouvait servir aux entreprises industrielles, grosses consommatrices en la matière, une électricité au demeurant assez bon marché par rapport à celle qui était proposée par les Allemands, la situation s’est radicalement renversée ! Voilà le diagnostic.

J’apporterai une précision à l’intervention de Martial Bourquin. Celui-ci a déclaré que les coûts étaient en train de diminuer. C’est faux : ils augmentent, et ce sont les prix qui baissent.

Pourquoi les coûts augmentent-ils ? Tout simplement parce qu’il faut investir, aussi bien dans la production que dans le transport, l’interconnexion, le renouvelable. Pourquoi les prix baissent-ils ? Parce que l’Europe, et pas seulement la France, connaît aujourd’hui une surproduction en raison du développement important, dans un certain nombre de pays, du renouvelable, même si celui-ci est intermittent et donc aléatoire.

On trouve actuellement sur le marché des mégawattheures à 32 euros, quand l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique s’élève à 42 euros et qu’un parti politique représenté ici par notre ami Jean Desessard aspire à ce que l’électricité soit beaucoup plus chère, à 100 ou 120 euros.

M. Jean Desessard. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. Les remèdes, j’en conviens et M. Michel Bouvard a eu la franchise de le dire, nous ne les avons pas sous la main. En revanche, il m’apparaît indispensable que le Sénat délivre un signal avant l’examen du texte relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui viendra en discussion à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet prochain.

Personnellement, je suis tout à fait favorable au maintien de cet amendement, j’en délivre l’information à Martial Bourquin, et j’espère qu’il sera adopté. Cela ne réglera évidemment pas tout, mais cette proposition représentera un signal extrêmement important pour les électro-intensifs.

M. le président. Monsieur Bourquin, l'amendement n° 693 rectifié est-il maintenu ?

M. Martial Bourquin. La France doit rester une terre industrielle ! (Oui ! sur quelques travées de l’UMP.) Elle a déjà perdu beaucoup d’industries.

M. Martial Bourquin. Or dans les jours, les semaines et les mois qui viennent, le temps est compté. C’est ce que nous ont rappelé ces industriels lorsqu’ils sont venus, voilà quelques semaines, devant la commission des affaires économiques. Ils ont ajouté qu’ils pourraient quitter le territoire national si nous ne trouvions aucune solution à court terme.

Lorsque j’ai travaillé aux côtés d’Alain Chatillon, à la suite de la mise en place de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, nous nous sommes rendus à Saint-Jean-de-Maurienne, où nous avons constaté ces pertes d’emplois, tandis que certains industriels s’attachaient à garder des activités électro-intensives. Nous avons vu aussi l’ensemble des organisations syndicales demander d’agir. Agissons donc !

C’est pourquoi je maintiendrai mon amendement et demanderai au Sénat de l’adopter, pour provoquer une réaction, et surtout pour ne pas perdre de temps. Encore une fois, le temps nous est compté. Nous devons, si nous voulons mettre en œuvre une politique de réindustrialisation de notre pays, garder ces électro-intensifs. Il est impensable, vu le déficit de notre commerce extérieur, d’importer massivement des matières qui ne pourront plus être fabriquées sur notre sol.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mes chers collègues, nous avons quelque peu élargi le débat. Avant que nous ne passions au vote, permettez-moi de rappeler que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement et que Mme la secrétaire d’État en a demandé le retrait.

J’ai entendu les arguments exprimés sur les diverses travées de cet hémicycle. Je tiens simplement à apporter cette précision : cet amendement tend à renvoyer à un décret, lequel, s’il est rédigé, sera examiné par la Commission européenne au titre du contrôle des aides d’État. Or un tel texte risque fort d’être rejeté à ce niveau !

M. Daniel Raoul. C’est faux !

M. Marc Daunis. Prenons ce risque !

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Madame la corapporteur, nos voisins allemands ont fait face au même problème vis-à-vis de l’Union européenne, et ils l’ont emporté après lui avoir forcé la main !

M. Robert del Picchia. Grâce aux subventions de l’État, le tarif du transport de l’électricité a été réduit outre-Rhin.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’était pour protéger le secteur de l’hydroélectricité !

M. Robert del Picchia. On peut bien tenter de procéder ainsi, et on verra bien ce qui se passera.

Au reste, certaines sociétés, dont une que je connais bien, livrent actuellement bataille à l’Union européenne sur ce sujet. Elles sont sur le point de l’emporter. Je ne vois pas pourquoi l’on ne persisterait pas dans cette voie.

Pour ma part, je voterai donc cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 693 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 54 quater est rétabli dans cette rédaction.

Article 54 quater (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 55 A

Article additionnel après l’article 54 quater

M. le président. L'amendement n° 580 rectifié bis, présenté par MM. Vial, Lenoir, Grand, Calvet, Milon, Charon, Longuet et Trillard, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Commeinhes, Houel, Doligé, Bizet, Béchu, Revet et G. Bailly, est ainsi libellé :

Après l’article 54 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de satisfaire l’offre croissante et variable résultant des investissements dans les énergies renouvelables qui ne peuvent être stockées, sont favorisés, en complément des autres dispositifs, les investissements chez les consommateurs afin de rendre leurs profils de consommation et de stockage plus durables et d’offrir une visibilité à long terme pour les investissements (dix à quinze ans). À cet effet, il est défini un nouveau cadre contractuel à long terme favorisant la flexi-consommation d’électricité avec l’ensemble des acteurs concernés (producteurs, consommateurs volontaires et autorités de régulation). Sa mise en place peut s’appuyer sur une expérimentation.

La définition de ce nouveau cadre et les modalités de l’expérimentation, mise en œuvre sous l’autorité des ministres chargés de l’industrie et de l’énergie, sont réalisées avec quelques entreprises grosses consommatrices qui s’engagent à adapter leurs besoins d’approvisionnement en électricité aux capacités de fourniture pendant les périodes de faible demande et sur des plans de modernisation tendant à l’accroissement de leur capacité de production et à la création de nouveaux emplois.

La démarche devra confirmer la pertinence du modèle proposé et déterminer les conditions économiques permettant :

1° D’augmenter le taux d’utilisation des outils de production dans les périodes d’excédents ;

2° De disposer de la flexibilité suffisante des industriels concernés pendant les périodes de tension sur la production.

Ce modèle de flexi-consommation pourra être élargi, aux autres entreprises grosses consommatrices d’électricité, à l’issue de la phase d’expérimentation.

Les catégories de bénéficiaires, ainsi que les conditions particulières, sont définies par voie réglementaire en tenant compte des critères suivants :

1° Le rapport entre la quantité consommée d’électricité et la valeur ajoutée produite définie aux articles 1586 ter à 1586 sexies du code général des impôts ;

2° Le degré d’exposition à la concurrence internationale ;

3° Le volume annuel de consommation d’électricité ;

4° Les procédés industriels mis en œuvre.

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Mes chers collègues, je serai extrêmement bref, dans la mesure où nous venons de débattre longuement de ce sujet.

Le présent amendement tend à s’inscrire dans le prolongement de débats menés au titre du projet de loi relatif à la transition énergétique. Nous sollicitions, plus précisément, une expérimentation.

En effet, quelles que soient les pistes d’aides aux électro-intensifs, nous avons constaté deux fragilités. La première est économique : le volume de cette production énergétique excède les besoins de cette industrie. La seconde vient d’être évoquée. Il s’agit, bien entendu, de l’euro-compatibilité des dispositions considérées.

Dès lors, je propose de reprendre un dispositif longuement débattu au sujet de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », à savoir le marché capacitaire. Ce système est parfait, mais il n’a, hélas, jamais été mis en œuvre en France.

Pour une grande part de l’année 2014, le prix de l’énergie électro-intensive s’est établi à 29 euros le mégawattheure, tarif qui satisfait les industriels concernés. Certes, je connais déjà la réponse du Gouvernement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Eh oui !

M. Jean-Pierre Vial. Il nous opposera que, si le prix du marché est déjà atteint, il convient, en toute logique, de procéder par la voie contractuelle.

À cet égard, je me permets de reprendre les excellentes déclarations de M. Macron, lesquelles vont dans le même sens que les propos d’industriels comme M. Mestrallet ou que les remarques formulées à l’instant par M. Bourquin : pour mener à bien des investissements, les industriels ont besoin de visibilité à long terme.

En conséquence, il convient d’engager une expérimentation, dans le prolongement de la démarche proposée par Mme Ségolène Royal avec l’accord de la commission des affaires économiques. Cette méthode permettrait de définir le bon dispositif, en lien avec les industriels, le Gouvernement et les producteurs d’électricité. Il n’a guère été question de ces derniers, à la différence des autres acteurs, mais ils sont implicitement au cœur de cette discussion : il s’agit d’EDF, de GDF et des autres producteurs.

Ce chantier pourrait être engagé et mené dès cette année. À son issue, il serait possible de mesurer le potentiel de la transition énergétique, notamment des énergies renouvelables. Je rappelle que ces dernières sont à l’origine des déséquilibres que subit ce marché : très souvent, elles mettent des kilowattheures à disposition sur le marché à des périodes où l’on n’y enregistre qu’une faible demande.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement, dans le prolongement du précédent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Vial, lors de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique, vous avez déjà proposé d’accorder aux industries électro-intensives des conditions particulières d’approvisionnement, en fonction de leur faculté à moduler leur consommation selon la disponibilité de la production électrique.

Le Gouvernement a, quant à lui, proposé un dispositif plus général visant le même objectif. Dois-je vous le rappeler, mon cher collègue ? Vous vous êtes alors rallié à ce système, que le Sénat, en définitive, a retenu.

Le présent amendement tend à introduire une disposition similaire dans le présent texte, mais, cette fois, sous la forme d’une expérimentation, laquelle serait d’une durée maximale d’un an.

Or, à mes yeux, plusieurs facteurs s’y opposent.

Tout d’abord, les entreprises à même de moduler fortement leur consommation peuvent déjà bénéficier de prix bas, notamment l’été, en recourant aux marchés à terme ou au jour le jour.

Ensuite, au cours d’une telle expérimentation, les tarifs réglementés historiques seraient gelés. Cette mesure serait contraire aux engagements européens pris par la France. En conséquence, l’État pourrait être sommé d’indemniser EDF.

Enfin, l’élargissement éventuel de cette expérimentation aux industries non électro-intensives consommant de grandes quantités d’électricité créerait un effet d’aubaine. Dès lors, le dispositif ne pourrait plus être ciblé sur les entreprises qui en ont le plus besoin.

Mon cher collègue, j’ose espérer vous avoir convaincu de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Vial, je souscris au but visé via cet amendement : maintenir un prix compétitif de l’électricité, dans la durée, pour les électro-intensifs.

Par ailleurs, vous le soulignez avec raison, le développement des énergies renouvelables provoque des phases de surproduction, au cours desquelles la demande se révèle bien plus faible que l’offre.

Toutefois, sans même l’engagement de l’expérimentation que vous suggérez ou la définition d’un cadre législatif particulier, un industriel électro-intensif peut déjà bénéficier de ces périodes de surproduction : il peut moduler sa consommation, afin de bénéficier les prix bas durant l’été. De plus, les dispositions du précédent amendement, adopté à l’instant, répondent à cette préoccupation.

Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, que je considère comme satisfait.

M. le président. Monsieur Vial, l’amendement n° 580 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d’État, madame la corapporteur, je ne retirerai pas cet amendement. Au reste, je dois souligner que vos divers arguments sont tous plus ou moins inexacts.

M. Jean-Pierre Vial. Premièrement, vous fondant sur le fait que, comme je l’ai rappelé, le prix de vente de cette énergie est en règle générale de 29 euros le mégawattheure, vous déduisez que le marché existe. Néanmoins, le principal problème auquel se heurtent les industriels pour investir, c’est celui de la durée ! Relisez les propos de M. Mestrallet, ou encore l’excellente déclaration faite par M. Macron il y a quelques jours : un certain laps de temps est nécessaire à la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle. Je le répète, la durée est le facteur essentiel.

Deuxièmement, vous redoutez un effet d’aubaine. Or ce risque n’existe pas, dans la mesure où l’expérimentation que je propose, limitée à quelques mois, permettrait au Gouvernement de définir les critères d’éligibilité des industriels !

Il convient de travailler dans une parfaite transparence : aussi, cette expérimentation doit être menée sous le contrôle des producteurs, en particulier EDF et GDF. J’ajoute que ce dispositif est le seul qui ne coûterait rien à personne. Il se fonderait sur le prix du marché.

Mes chers collègues, parmi tous les systèmes auxquels, les uns ou les autres, nous pouvons penser, je ne crois pas qu’un seul puisse, aussi bien que celui-ci, être expérimenté et mis en place sous le contrôle de Bruxelles, et cela pour deux raisons.

D’une part, la commission du développement durable, qui, comme notre commission des affaires économiques, se préoccupe de la régulation des réseaux, a clairement dressé ce constat : le problème ne se pose pas seulement en France, il s’observe dans l’Europe entière ! On le sait, nos collègues de la commission du développement durable adhèrent à ce dispositif.

D’autre part, si, au sein de la Commission européenne, la direction générale de la concurrence, qui est à Bruxelles ce que Bercy est à Paris, surveille effectivement les dispositions compatibles avec la valeur du marché, ce système est, par définition, eurocompatible : il se fonde sur la valeur du marché !

Nous ne demandons qu’une chose au Gouvernement : la définition d’un cadre précis permettant, par le biais de l’expérimentation, de confirmer cette assurance sur la durée. Les industriels en ont besoin.

Il y a quelques instants, M. Bourquin indiquait que l’adoption de son amendement permettrait, au cours de la navette, d’éclaircir la situation sur ce point. Pour la même raison, et au bénéfice des précisions que je viens d’apporter, je vous demande d’adopter cet amendement. Le Gouvernement doit nous apporter de véritables réponses. Il ne doit pas se contenter de nous proposer des faux-nez, derrière lesquels nous savons bien qui se cache !

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.