M. Emmanuel Macron, ministre. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1651 est retiré.

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 949 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement de notre collègue Pierre-Yves Collombat, le premier d’une longue série, vise à supprimer les alinéas 2 à 5, qui témoignent d’une suspicion à l’encontre des conseillers prud’hommes, qui, quoi qu’on en pense, exercent leur charge dans un esprit de responsabilité. Cette suspicion ne manquera de s’étendre à l’institution prud’homale elle-même.

Ce rappel à l’ordre sans grande portée juridique se borne à édicter des règles de comportement déjà respectées par les conseillers prud’hommes, qui n’ont pas attendu ces alinéas pour avoir un comportement intègre !

M. le président. L'amendement n° 623, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 1421-2. – Les conseillers prud’hommes exercent leurs mandats en toute…

II. – Alinéa 35

Remplacer les mots :

ses fonctions

par les mots :

ses mandats

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. La commission spéciale a adopté un amendement visant à préciser que les conseillers prud’hommes sont des juges, qui exercent par conséquent une fonction, et non un mandat.

Cette modification n’est pas que de pure forme. L’institution des conseils – et non pas des tribunaux – de prud’hommes répond à l’idée que les conflits du travail sont d’une nature spécifique. Elle est une traduction de la spécificité du droit du travail, qui s’est construit peu à peu, au fil de l’industrialisation de notre pays et de la mise en place d’un statut du salarié, ainsi que de celle du contrat de travail, qui définit les rapports entre l’employeur et le salarié.

La deuxième idée qui a présidé à la création des conseils de prud’hommes est que le monde du travail doit régler ses conflits par la conciliation, dans l’intérêt tant des employeurs que des salariés, avant d’en venir à des contentieux judiciaires. Cela a amené la mise en place des bureaux de conciliation, qui tiennent une place centrale dans la procédure.

Qualifier les conseillers prud’homaux de juges, c’est méconnaître leur spécificité. Le contentieux du travail ne doit pas être banalisé. Veillons à ne pas préparer un recours à l’échevinage qui n’est pas prévu par le texte.

Ce dernier contient par ailleurs deux mesures très importantes : le renforcement de la formation des conseillers prud’hommes et la création d’un statut du défenseur syndical, dont le projet de loi fait un salarié protégé.

Préférer l’appellation de conseillers à celle de juges permettra d’éviter bien des querelles.

M. le président. L'amendement n° 1247, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. La déontologie et la discipline des conseillers prud’hommes ne relèvent pas d’une loi visant à promouvoir l’activité et la croissance économique. Bien que sachant lire, nous ne voyons pas de lien. Mais sachez que, pour notre part, nous ne méprisons jamais ceux qui expriment une opinion différente…

Alors que nous ne disposons d’aucune statistique démontrant l’existence d’un lien entre la déontologie et la discipline, d’une part, et l’amélioration des délais de justice, d’autre part, c’est par ce biais que vous allez limiter le pouvoir des défenseurs syndicaux, et donc porter atteinte à la justice.

La rédaction actuelle des deux premières phrases de l’alinéa 3 suffit : « Les conseillers prud’hommes sont des juges. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. » Il n’est pas nécessaire d’ajouter « qu’ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions ». Cette phrase est redondante avec ce qui est dit précédemment dans l’alinéa, d’autant que l’article L. 1442-11 du code du travail prévoit déjà l’interdiction du mandat impératif pour les conseillers prud’hommes.

M. le président. L'amendement n° 1248, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le secret des délibérations est déjà prévu à l’article D. 1442-13 du code du travail, qui précise que, lors de leur prise de fonctions, « les conseillers prêtent individuellement le serment suivant : "Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations." »

Nous ne voyons pas l’intérêt de rappeler ce devoir de secret des conseillers prud’homaux à l’alinéa 4, dont nous demandons donc la suppression.

Si les dispositions de l’article D. 1442-13 du code du travail n’étaient ni reconnues ni respectées par les conseils prud’homaux et la justice, nous aurions été favorables à ce qu’elles soient rappelées, plutôt que réinscrites dans ledit code. Cependant, la question ne se pose pas, dans la mesure où la jurisprudence est suffisamment étoffée et ancienne pour permettre que ce secret des délibérations soit respecté.

Je citerai, à titre d’exemples, les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 janvier 1964 et du 20 janvier 1972, qui ont été suivis d’autres du même ordre, jusqu’à aujourd’hui. Ils affirment, encore et toujours, que garder le secret des délibérations est un devoir absolu pour les conseillers prud’homaux.

Il s’agit ici d’un amendement de cohérence : recodifier des dispositions existantes ne mène à rien. Quand bien même le secret des délibérations ne serait pas respecté, c’est à la justice de prendre les mesures nécessaires. Nous ne pouvons accepter l’argument selon lequel ce rappel vise à valoriser l’action des conseillers prud’homaux. S’il n’y a aucune suspicion à leur égard, pourquoi inscrire une nouvelle fois dans la loi l’obligation de respecter le secret des délibérations ?

M. le président. L'amendement n° 1249, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. L’alinéa 5 interdit aux conseillers prud’homaux « toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie ».

Très sincèrement, la rédaction de cet alinéa est plus que sujette à interprétation, s’agissant notamment des conséquences « manifestement excessives » et de l’impact que l’action concertée peut avoir sur le fonctionnement du conseil prud’homal.

La nuit dernière, nous avons fort légitimement rendu hommage au travail des juges des tribunaux de commerce, à ces hommes et à ces femmes qui exercent bénévolement leurs fonctions. Ne jetons pas la suspicion sur les conseillers prud’homaux, qui sont tout aussi intègres et assument pleinement leur mission.

S’il nous paraît justifié de chercher à garantir le bon fonctionnement des juridictions et le bon déroulement de l’examen des affaires, d’autres dispositions prévues dans ce projet de loi suffisent à cette fin, notamment la possibilité d’avoir recours à des juges professionnels du ressort de la cour d’appel quand le conseil prud’homal ne fonctionne plus.

Non justifiée, cette disposition est également néfaste, car elle entrave la liberté d’action des conseillers prud’hommes, notamment leur droit de grève et leur capacité à protester contre des réformes mettant justement en cause la prud’homie.

Nous savons que l’action collective est l’un des principaux moyens à la disposition des citoyennes et des citoyens pour se faire entendre. Il serait parfaitement injuste d’empêcher les conseillers prud’hommes de pouvoir agir, eux aussi, quand ils sont menacés dans leurs fonctions.

M. le président. L'amendement n° 897 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

juridictions

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. L’une des dispositions introduites dans le nouvel article L. 1421-2 du code du travail interdit aux conseillers prud’hommes toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions.

Les travaux de la commission ont réduit la portée de cette interdiction en la restreignant aux cas où le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie.

Au moment où se manifeste la volonté de rapprocher le statut des conseillers prud’hommes de celui des magistrats professionnels, ce texte heurte le principe rappelé par l’article L. 111-4 du code de l’organisation judiciaire, selon lequel « la permanence et la continuité du service de la justice demeurent toujours assurées ».

En autorisant, dans certains cas, des actions concertées de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des conseils de prud’hommes, pouvant donc aller jusqu’à la remise en cause des audiences, le texte proposé tend à instituer une sorte de droit de grève qui n’a pas sa place ici et porte tort aux justiciables, ainsi qu’à l’institution prud’homale en renforçant les positions de ses détracteurs.

En outre, il est inapplicable en pratique, car il méconnaît les conditions de fonctionnement de la juridiction dont le rôle comporte de nombreuses affaires inscrites à chaque audience et entre lesquelles on ne saurait prétendre opérer un tri selon que leur renvoi aurait ou non des « conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie », notion sujette de surcroît à des interprétations multiples.

Les critiques portant sur la longueur des délais de jugement rendus par les conseils soulignent que cette longueur est d’autant plus regrettable qu’elle affecte un contentieux concernant les litiges du travail dont le règlement ne doit pas souffrir de longs délais.

La disposition qui autoriserait un renvoi à plusieurs mois des affaires pour permettre des actions concertées des conseillers prud’hommes va directement à l’encontre de cet impératif de rapidité, qui justifie par ailleurs les dispositions du projet de loi. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.

M. le président. L'amendement n° 950 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 34 et 35

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 37

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéas 46 à 51

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Modifier l’actuelle hiérarchie des sanctions renforce l’idée selon laquelle la justice prud’homale est rendue par des hommes et des femmes dont les écarts déontologiques seraient généralisés. Notre collègue Pierre-Yves Collombat estime que l’on fait ainsi douter de la qualité de la justice prud’homale et de la probité des conseillers prud’hommes.

Le professeur de philosophie qu’il fut s’interroge sur les problèmes rencontrés par cette juridiction. Proviennent-ils réellement des manquements des conseillers à leurs devoirs ? Ne tiendraient-ils pas plutôt à la pénurie de moyens affectés à cette justice ?

M. Jean-Pierre Bosino. Je suis d’accord avec le philosophe ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. François Pillet, corapporteur. Avant de m’exprimer sur chacun de ces amendements, qui recueilleront tous un avis défavorable de ma part,…

M. François Pillet, corapporteur. Oui, hélas !

… je souhaite formuler quelques remarques d’ordre général.

Tous ces amendements concernent des dispositions ayant, d’une certaine façon, un objet précis : empêcher que l’on puisse imaginer un seul instant que le juge du conseil des prud’hommes n’est pas un juge.

Chaque fois que nous avons avancé, qu’il s’agisse du Gouvernement ou de la commission spéciale, sur ces dispositions, cela a toujours été dans la direction du statut de juge.

J’attire l’attention de ceux d’entre vous qui ne veulent pas entendre parler de l’échevinage : le jour où, dans l’esprit de tout le monde, les conseillers prud’hommes seront des juges, plus personne ne vous parlera d’échevinage !

Je citerai un exemple. Quel est le tribunal le plus « écheviné », si j’ose dire, le plus typique en ce domaine ? C’est le tribunal paritaire des baux ruraux, composé du juge d’instance, assisté de quatre juges, deux représentant les bailleurs et deux représentant les fermiers. Dans l’esprit populaire, ces bailleurs et ces fermiers sont en quelque sorte des conseillers techniques du juge, lequel arbitre, dit le droit. Voilà un tribunal avec échevinage !

M. François Pillet, corapporteur. Pour éviter cet échevinage, les assesseurs ne doivent plus être des « conseillers », des gens venant avec un mandat ou voués à exercer leurs fonctions d’une manière prédéterminée. (M. Jean Desessard acquiesce.) Il doit s’agir de juges.

Le jour où, dans l’esprit de tout le monde, le conseiller prud’homme sera un juge, vous n’entendrez plus parler d’échevinage puisqu’il ne sera plus nécessaire de prévoir la présence d’un juge.

Si j’ai donné ces explications liminaires, c’est parce que je veux vous faire comprendre, mes chers collègues, que des amendements ne doivent pas éloigner le conseiller prud’homal de la notion et du statut de juge.

J’en viens maintenant aux différents amendements en discussion commune.

L’amendement n° 949 rectifié vise à supprimer le nouvel article du code du travail reconnaissant aux conseillers prud’hommes la qualité de juge. Compte tenu de la conception que je viens d’exposer, il va de soi que j’y suis défavorable.

Je comprends parfaitement la position des auteurs de cet amendement : elle s’inscrit dans une cohérence que je respecte. Mais il sera difficile de trouver un consensus entre nous, car ce n’est pas ma conception du conseiller prud’homme.

L’amendement n° 623, madame Bricq, soulève exactement le même problème.

Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que le projet initial du Gouvernement employait non pas le terme de « mandats » mais bien celui de « fonctions », beaucoup plus adapté selon moi, puisqu’il s’agit de désigner les actes judiciaires ou juridictionnels accomplis par les conseillers prud’hommes. Votre proposition tend donc à revenir sur le texte initialement proposé par le Gouvernement.

Ma position ne comporte aucune ambiguïté : le juge détient un mandat, puisqu’il a été élu. Merveilleux juge ! Qu’est-ce qui rend plus légitime que l’élection ?

Mme Annie David. Mais l’élection des prud’hommes a été supprimée !

M. François Pillet, corapporteur. Par conséquent, nous avons un juge absolument parfait ! Sauf que, quand il devient juge, il exerce non plus un mandat, mais des fonctions. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 897 rectifié bis porte aussi sur le statut de juge des conseillers prud’hommes. Il vise à interdire l’exercice du droit de grève s’il a pour conséquence d’arrêter ou d’entraver le fonctionnement des juridictions.

Comme nous l’avons expliqué précédemment, le texte prévoit un équilibre entre l’absence de limitation et les exigences plus contraignantes qui pèsent sur des magistrats professionnels. C’est un équilibre raisonnable.

L’amendement n° 950 rectifié tend à supprimer les modifications apportées par le texte au dispositif disciplinaire. Là encore, nous avons la volonté de nous aligner sur les fonctions et le statut habituels du juge.

Les modifications que nous avons apportées ne visent pas à instaurer une plus grande sévérité ; elles tendent seulement à assurer plus de clarté et d’efficacité dans l’application des règles disciplinaires. Les premiers présidents de cour d’appel pourront rappeler les conseillers prud’hommes à leurs obligations, comme tout premier président de cour d’appel à l’égard du juge qui se trouve placé sous son autorité hiérarchique.

En revanche, les sanctions elles-mêmes ne pourront être prononcées que par la Commission nationale de discipline. Cette mesure vise à apporter une garantie aux intéressés.

L’amendement n° 1247 vise à supprimer la précision selon laquelle les conseillers prud’hommes doivent s’abstenir de tout acte public incompatible avec leurs fonctions. Or un tel rappel est nécessaire, car cette règle s’applique à tous les juges et ne se limite pas à la prohibition du mandat impératif : un conseiller prud’homme ne doit pas critiquer publiquement une décision rendue par la juridiction ; c’est la déontologie élémentaire du juge.

Les auteurs de l’amendement n° 1248 entendent supprimer l’alinéa aux termes duquel les conseillers prud’hommes gardent le secret des délibérations, au motif que cette obligation est prévue dans le serment qu’ils prêtent avant leur entrée en fonction. Certes, mais pourquoi ne le préciserions-nous pas dans la loi ? Le texte du serment figure à l’article D. 1442-13 du code du travail, donc dans sa partie réglementaire. Le texte élève cette règle au niveau de la loi, afin de renforcer l’image ou plus exactement l’âme du juge, qui va pénétrer le conseiller prud’homme.

Enfin, l’amendement n° 1249 tend à supprimer l’interdiction, pour les conseillers prud’hommes, de toute grève susceptible d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie. Cette interdiction, très fortement encadrée dans la mesure où elle ne vise que certains faits de grève bien précis, est justifiée compte tenu de la mission juridictionnelle des conseillers prud’hommes.

Je rappelle à cet égard que l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 interdit aux magistrats judiciaires toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. Le régime proposé pour les conseillers prud’homaux est donc, en l’espèce, un peu moins rigoureux, puisqu’il est seulement destiné à sauvegarder les droits des justiciables.

En conclusion, j’insiste sur le fait que tous les amendements qui tendraient à diminuer la force que nous voulons donner au caractère de juge du conseiller prud’homme recevront un avis défavorable de ma part. Je protège ainsi l’absence pour toujours d’échevinage dans les conseils de prud’hommes.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis du Gouvernement rejoint celui qui a été exprimé par M. le corapporteur sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 623.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous entendons, par ce texte, protéger la juridiction prud’homale de tout échevinage, en n’introduisant pas un nouveau juge professionnel et en ne modifiant pas, dans la procédure, l’intervention du juge professionnel existant.

En revanche, si nous voulons maintenir le paritarisme de la justice prud’homale, il ne faut pas transformer les conseillers prud’hommes en juges. C’est le seul point de désaccord que nous avons avec la commission.

M. François Pillet, corapporteur. En effet !

M. Emmanuel Macron, ministre. Si ces conseillers deviennent des juges, ce ne sont plus des salariés mandatés par leurs organisations. Précisément, l’amendement n° 623 permet de conserver la nature paritaire de la justice prud’homale et cette spécificité des conseillers. Ils seront formés et soumis à une déontologie, précisée par ce texte.

Néanmoins, l’appartenance de ces conseillers aux organisations syndicales ne doit pas être effacée. En effet, si l’on exige d’eux la neutralité dans le cadre de leurs fonctions et si la composition paritaire des formations est maintenue, ils sont bien mandatés par leurs organisations. Cela est constitutif du paritarisme de cette justice prud’homale. Si l’on ôtait cet élément, on dénaturerait ce principe.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 623 et, pour les raisons que j’ai déjà évoquées tout à l’heure, un avis défavorable sur les amendements nos 949 rectifié, 1247, 1248, 1249, 897 rectifié bis et 950 rectifié.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je voudrais juste apporter une petite précision sémantique. Il n’existe aucune ambiguïté : nous avons la même vision des choses. Seulement, il faut donner aux mots leur vrai sens. Quand je parle de « juge », je ne parle pas de « magistrat ».

M. Jean Desessard. Exactement !

M. François Pillet, corapporteur. Le juge consulaire est artisan, entrepreneur, mais il n’est pas magistrat. Et le conseiller prud’homme, s’il peut être juge, n’est pas magistrat.

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale veut en faire un juge.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 949 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 623.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 172 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l’adoption 128
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 1247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 1248.

Mme Annie David. Monsieur le corapporteur, je l’entends bien, les dispositions dont il s’agit figurent déjà dans la partie réglementaire du code du travail. De surcroît, j’en conviens tout à fait, les dispositions de nature législative ont plus de poids que les dispositions de nature réglementaire.

M. François Pillet, corapporteur. C’est certain !

Mme Annie David. Il reste que, dans la pratique, les conseillers prud’homaux, qui deviendront peut-être demain des juges prud’homaux, prêtent déjà serment. À mon sens, le fait d’écrire dans ce projet de loi pour la croissance – un projet de loi dont nous avons maintes fois dit ce que nous pouvions en penser – qu’ils sont tenus au secret des délibérations, alors que cela fait partie du serment qu’ils prêtent, engendre une sorte de doute.

J’entends bien votre volonté de renforcer le rôle des conseillers prud’homaux, monsieur le corapporteur, mais je ne partage pas votre analyse quant à la nécessité de faire « remonter » cette obligation de secret dans la partie législative du code du travail. En conséquence, nous maintenons notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 897 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.

M. Jean-Claude Requier. Je retire également l’amendement n° 950 rectifié, monsieur le président !

M. le président. Les amendements nos 897 rectifié bis et 950 rectifié sont retirés.

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 495 rectifié sexies est présenté par Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Frassa, Mme Kammermann, MM. Calvet, Charon et Commeinhes, Mme Gruny, MM. Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et M. Milon.

L'amendement n° 951 rectifié est présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.

L'amendement n° 1250 est présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1478 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 8 à 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 495 rectifié sexies.

Mme Colette Mélot. Les alinéas dont nous proposons la suppression visent à l’instauration d’un référentiel indicatif pour la fixation judiciaire des indemnités dues par un employeur à un salarié.

Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à permettre aux juges de prendre en compte un référentiel indicatif établi après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon des modalités définies par un décret en Conseil d’État.

Ce référentiel fixerait le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, indépendamment des autres indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, à raison du licenciement intervenu, en fonction de l’ancienneté du salarié, de son âge et de sa situation par rapport à l’emploi. À moins que les parties n’en conviennent, il ne s’imposerait pas au juge, dont la liberté d’appréciation doit être respectée.

Certes, ce référentiel est indicatif, mais son application risque, sur la base de la jurisprudence, de conduire à la création de fait d’un barème obligatoire, voire à un plafonnement des indemnités.

En outre, le Conseil supérieur de la prud’homie n’est pas compétent pour fixer ce référentiel d’indemnisation. Son rôle est de donner son avis sur la compétence, l’organisation et le fonctionnement des conseils de prud’hommes, l’élection et la formation des conseillers de prud’hommes ainsi que les procédures suivies devant le conseil des prud’hommes.

Enfin, il n’est pas nécessaire de conférer à un tel référentiel un caractère législatif : rien n’empêche le Gouvernement de le proposer par le biais d’une simple circulaire, pour mieux souligner son caractère non obligatoire et sa valeur indicative.

Telles sont les raisons qui nous ont conduits à présenter cet amendement de suppression des alinéas 8 à 11.