M. le président. Monsieur Kaltenbach, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Philippe Kaltenbach. Je vais conclure, monsieur le président, mais les orateurs précédents ont bénéficié de quelques minutes supplémentaires.

M. le président. Tous les groupes en ont profité !

M. Philippe Kaltenbach. La métropole du Grand Paris est un projet essentiel, sur lequel le Sénat a bien travaillé puisque nous étions parvenus en première lecture à un accord qui avait été cautionné sur l’ensemble de nos travées ; c’est assez rare pour être souligné ! L’Assemblée nationale est revenue sur cette décision, notamment en ce qui concerne le PLU. Nous souhaitons, nous, revenir à l’accord passé ici précédemment : le PLU doit être élaboré dans le cadre des conseils de territoire.

S’agissant de la question de la gouvernance, qui revient devant le Sénat, nous sommes favorables à la réduction du nombre de conseillers métropolitains. Alors que les calculs devaient logiquement aboutir à un total de 400 conseillers métropolitains, le Gouvernement a déposé un amendement permettant de réduire ce nombre à 200, conformément à un souhait unanime.

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas le seul point…

M. Philippe Kaltenbach. Peut-être, mais c’est un point positif au crédit du Gouvernement et sur lequel nous allons le soutenir.

M. Philippe Dallier. Il faut aller jusqu’au bout et dire les choses !

M. le président. Monsieur Dallier, laissez M. Kaltenbach conclure, je vous en prie ! (Sourires.)

M. Philippe Kaltenbach. Enfin, j’avais proposé en première lecture des amendements grâce auxquels les oppositions municipales pouvaient être représentées dans les conseils de territoire au sein des établissements publics territoriaux. Je remercie Mme la ministre d’avoir déposé un amendement qui va dans le même sens. L’éviction des oppositions municipales de ces conseils de territoire aurait représenté un recul démocratique.

Vous le voyez, le bon sens est souvent de notre côté. Le débat a permis d’enrichir le texte, de rapprocher les positions des uns et des autres. Notre intérêt commun est de continuer ce travail pour aboutir en commission mixte paritaire à un texte qui satisfera le plus grand nombre.

C’est ce que souhaitent nos concitoyens : une grande réforme territoriale et une amélioration de nos services publics locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République aurait pu être, dès l’origine, un texte plus consensuel. Encore aurait-il fallu que le Gouvernement soit un peu plus à l’écoute des élus locaux et des associations qui les représentent.

En effet, le Gouvernement et les élus, toutes sensibilités politiques confondues, pouvaient partager les objectifs de simplification de l’architecture territoriale, de clarification des compétences, de plus grande efficacité de l’action publique et d’économies de fonctionnement.

Toutefois, nos divergences portent sur le concept même sur lequel repose ce texte : la taille serait le critère déterminant de la pertinence et de l’efficacité. Cela est souvent vrai en termes d’investissement et lorsqu’il s’agit de créer et de répartir des équipements structurants sur un territoire, mais cela est souvent inexact lorsqu’il est question de gérer des services de proximité qui s’accommodent mieux du principe, plus subtil, de subsidiarité, un peu abandonné ici.

Un exemple concret : il semble évident que la gestion des transports scolaires coûtera plus cher si elle est assurée au niveau régional que si elle demeure au niveau départemental. Pour contourner cette absurdité, le texte a introduit la possibilité de sous-traiter cette compétence au département, qui l’exerce actuellement. Il y a là une logique de simplification qui m’échappe…

Cette loi aurait pu aussi être décentralisatrice en transférant, par exemple, de l’État aux régions tout ou partie des politiques de l’emploi, en liaison évidente avec la compétence de la formation professionnelle – une initiative dans cette direction a été introduite en première lecture par le Sénat –, et en transférant tout ou partie des politiques du logement, pour lesquelles la gestion nationale semble durablement vouée à l’échec. Tout cela aurait sans doute plus renforcé le rôle des régions que l’affectation des transports scolaires qu’elles ont reçue !

La démarche demeure désespérément centralisatrice puisque tous les transferts de compétences se font du bas vers le haut.

En matière de simplification, au lieu de supprimer des structures inutiles comme les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux – CESER –, le texte voté par l’Assemblée nationale prévoit la création d’un Haut Conseil des territoires qui regrouperait des organes déjà existants, comme la commission des finances locales, et mordrait en partie sur des missions d’évaluation et de représentation qui pouvaient être naturellement prises en charge par le Sénat, assemblée représentant par nature les collectivités locales.

Je reviens un instant sur les CESER, dont je proposerai la suppression par voie d’amendement. Malgré la qualité de leurs membres, leurs travaux sont certes très enrichissants pour eux-mêmes, mais présentent un intérêt tout à fait marginal pour la gestion des régions, avec un coût de fonctionnement qui n’est pas totalement négligeable. Je sais que cet avis est largement partagé, mais il comporte l’inconvénient d’être politiquement incorrect.

Il ne faut pas avoir peur : je suis allé m’expliquer devant le bureau du CESER de ma région et j’en suis ressorti vivant ! (Sourires.) Je crois même avoir bénéficié d’une certaine compréhension.

Au sujet des départements et de la répartition des compétences entre les conseils régionaux et départementaux, le texte a évolué dans le bon sens. La spécificité des compétences sociales exercées par les départements est reconnue. Le maintien de ces derniers s’impose d’autant plus que les régions viennent d’être agrandies. De ce fait, le rôle d’un échelon intermédiaire d’équilibre du territoire se justifie plus encore qu’auparavant.

Lorsqu’on aborde la répartition des compétences au sein du bloc communal, le sujet devient plus délicat et très controversé.

En ouvrant cette discussion, madame la ministre, vous avez affirmé que la commune demeurait le socle de base de notre organisation territoriale et de l’exercice de la démocratie locale. J’ai très souvent entendu cette phrase, dans la bouche de ministres ou des Présidents de la République, notamment lors du congrès des maires de France. Je veux bien croire en la sincérité de tous ceux qui la prononcent. Toutefois, force est de le constater : aujourd’hui, cette affirmation relève d’un état des lieux dépassé.

Je suis maire ; j’ai créé et présidé une communauté de communes dès 1997, donc avant que l’intercommunalité ne devienne pour ainsi dire obligatoire ; j’ai plaidé contre l’État devant le tribunal administratif – j’ai d’ailleurs perdu ! (Rires sur les travées de l'UMP.) –…

M. Gérard Collomb. Moi, j’ai gagné !

M. Jean-Marc Gabouty. … et ma commune fait aujourd’hui partie d’une communauté d’agglomération.

Cette expérience assez complète me permet d’apprécier les évolutions qui se sont produites au cours des deux dernières décennies. Nous avons progressivement dérivé de la coopération intercommunale, assortie d’une certaine liberté, vers la supracommunalité, que tend encore à renforcer ce projet de loi.

Le transfert obligatoire d’un nombre croissant de compétences des communes vers les intercommunalités consacre cette évolution. Quant à ceux qui se montreraient réticents, ou qui préféreraient ne pas aller plus loin, on leur applique ce pouvoir coercitif de la carotte-bâton que représente la DGF bonifiée. En d’autres termes, on est conduit à choisir les transferts de compétences, non selon leur pertinence, mais pour des raisons financières.

Ce qui me choque, ce qui nous choque – en la matière, j’adhère totalement à l’analyse que François Baroin nous a livrée il y a quelques instants, en écho à ce qu’il a écrit dans l’éditorial du dernier numéro de Maires de France –, c’est le caractère obligatoire et autoritaire de ces dispositifs.

Bien sûr, il faut que les plus petites communes se regroupent pour survivre et offrir un minimum de services publics. Mais laissez donc aux élus la liberté de travailler ensemble,…

M. Charles Revet. Bravo ! Ce sont les mieux à même de déterminer ce qui est faisable !

M. Jean-Marc Gabouty. … la liberté de se regrouper, la liberté de choisir la taille des intercommunalités et la nature des compétences transférées, adaptées à la diversité des territoires.

Faire confiance aux élus, c’est également faire confiance à leurs électeurs. Aujourd’hui, ces derniers ont particulièrement besoin de cette confiance et, de notre côté, nous avons besoin qu’ils nous l’expriment. Or ils sont profondément attachés à cet échelon de proximité qu’est la commune.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gabouty !

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite bien entendu que nous arrivions à un accord, en prenant en compte les propositions très raisonnables et très réalistes de notre commission des lois. Je vous remercie par avance d’écouter la sagesse du Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, depuis un certain temps déjà, la France doit faire face à deux défis : le défi démocratique et le défi financier.

Or, dans un cas comme dans l’autre, deux attitudes sont possibles : soit on fait confiance aux élus, soit on s’en remet à une tradition centralisatrice et jacobine.

Le Gouvernement a, de fait, opté pour la recentralisation jacobine.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Roger Karoutchi. Le résultat d’une telle décision est simple, et tous ses effets se conjuguent.

On propose la création d’un Haut Conseil des territoires, laquelle équivaut à une négation du Sénat. Celui-ci n’aurait-il pas fait son travail ? S’agit-il, à terme, de le faire disparaître ? Ce serait la suite logique de l’institution de ce Haut Conseil.

M. Jean-Claude Gaudin. Mais nous n’en voulons pas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Sénat et l’Association des maires de France ne sont pas d’accord sur ce point !

M. Roger Karoutchi. Faut-il faire confiance aux élus locaux ? À l’évidence, le Gouvernement répond non !

On nous a proposé de créer, dans les zones rurales, de grandes intercommunalités d’au moins 20 000 habitants. Pourquoi ce chiffre ? Pourquoi pas 10 000 ? Pourquoi pas 30 000 ? Désormais, M. Kaltenbach évoque un seuil de 15 000 habitants…

M. Philippe Kaltenbach. Il faut bien fixer des règles !

M. Roger Karoutchi. De quoi s’agit-il ? D’un jeu de bonneteau ? (Sourires sur les travées de l'UMP.) On dit 20 000 habitants, on dit 15 000, et l’on affirme qu’on va trouver un arrangement !

M. Philippe Kaltenbach. C’est aussi comme cela que se fait la législation !

M. Roger Karoutchi. Il en va ainsi dans tous les domaines. Dans nos départements, les préfets sont entrés en action, ou bien ont été « actionnés », je n’en sais rien. Les nouvelles intercommunalités, quelle que soit leur ampleur, doivent être constituées très vite.

M. Roger Karoutchi. Dans quelles conditions ? Pourquoi ? On ne le sait pas ! Tout est à l’avenant !

À ce titre, madame la ministre, je reprends un certain nombre de propos de M. Favier, et je fais miennes les interrogations contenues dans divers courriers, que vous avez bien entendu reçus. Ces lettres, écrites par les élus d’Île-de-France et, notamment, de la métropole du Grand Paris, traduisent l’étonnement que suscite la manière dont les choses se passent.

Les élus communistes vous ont notamment indiqué, par écrit, qu’ils assistaient à une recentralisation forcée, se plaignant de ne plus être écoutés ! Il n’y a plus de négociations, il n’y a plus de dialogue, il n’y a plus rien !

M. Philippe Kaltenbach. M. Karoutchi citant le parti communiste, on aura tout vu ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.)

M. Roger Karoutchi. À l’origine, moi, je n’étais pas très favorable au projet de métropole. Je pensais que, pour éviter la création d’un échelon supplémentaire, mieux valait étendre les responsabilités de la région,…

M. René Vandierendonck, corapporteur. Je m’en souviens !

M. Roger Karoutchi. … ou bien, comme le souhaitait Philippe Dallier, créer une structure regroupant les départements.

En fin de compte, on choisit d’ajouter tous les niveaux les uns aux autres : les intercommunalités, la métropole, les départements, la région. Et on nous explique qu’on ne s’y retrouve plus très bien...

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ça, c’est vrai.

M. Roger Karoutchi. En conséquence de quoi le Gouvernement vient de déposer toute une série d’amendements sur l’équilibre financier…

Or, il faut le dire clairement, plus personne ne comprend rien à cet équilibre financier ! (M. Philippe Dallier acquiesce.) Qu’en sera-t-il des communes, du moins dans un premier temps, des établissements publics territoriaux et de la métropole ? Qui aura le pouvoir, à quel degré, à quel niveau ? Quel sera le partage des compétences en 2016, puis en 2020 ? Nul ne le sait ! Les autorités préfectorales elles-mêmes l’admettent : les calculs produits par leurs services restent approximatifs, voire incertains.

M. Philippe Kaltenbach. C’est la péréquation qui veut cela, monsieur Karoutchi !

M. Roger Karoutchi. Cher collègue, je vous le dis sincèrement, tôt ou tard il faudra choisir : faire, ou non, confiance aux élus.

M. Roger Karoutchi. L’ensemble des élus métropolitains réunis se prononcent à 94 % pour un certain type de métropole, pour une certaine répartition des pouvoirs. Que le dispositif plaise ou non, le chiffre est là : 94 % ! Toutefois, depuis un an, on fait tout pour nier, pour effacer ce vote et pour créer une autre structure : pas celle que souhaitent les élus, mais une instance réinventée, recalibrée, totalement technocratique, à laquelle plus personne ne comprend rien.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais nous vous écoutons en tout point !

M. Roger Karoutchi. Nous voyons arriver, au stade de cette deuxième lecture, des amendements du Gouvernement ayant pour objet la gouvernance, ou, plus précisément, la manière de représenter la ville de Paris. On pourrait dire, avec un léger sourire, que de telles propositions sont à peine politisées, qu’elles tendent simplement à éviter la présence de quelques personnes au sein du conseil métropolitain… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est faux ! Il s’agit de l’amendement Devedjian !

M. Roger Karoutchi. Je n’en dirai pas davantage, mais cela commence à bien faire !

M. Philippe Kaltenbach. Et c’est un spécialiste qui parle !

M. Philippe Dallier. Des noms ! Des noms ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, soit vous faites confiance aux élus locaux et au Sénat : dès lors, vous laissez le conseil des élus de la métropole élaborer un texte et établir des projections. Soit vous refusez de faire confiance aux élus locaux et à la Haute Assemblée. Cette seconde position revient à nier le mouvement de décentralisation engagé depuis une trentaine d’années, à recentraliser les pouvoirs, sur la base d’une tradition jacobine. Elle est soutenue par quelques énarques, selon qui les élus ne seront, par définition, jamais aussi compétents que les technocrates, et aux yeux desquels il faut, partant, mettre en œuvre des solutions technocratiques.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ou bien élire des technocrates…

M. Roger Karoutchi. Si tel est le cas, il existe un véritable problème de compréhension entre le Gouvernement, d’une part, les élus et l’opinion publique, d’autre part. Je ne suis pas convaincu que nous relèverons les défis qui se font jour en France, que nous sortirons de la crise par une bataille entre les élus locaux et le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à rappeler quelques éléments de contexte.

Depuis plusieurs décennies, notre pays connaît des changements notables. Nous les observons dans nos territoires, qu’il s’agisse des nouvelles attentes sociétales ou des évolutions institutionnelles.

Ces transformations n’étaient pas toutes annoncées par les experts. Par exemple, en l’an 2000, l’INSEE prévoyait, au mieux, une stagnation de la population du département dont je suis l’élu, les Côtes-d’Armor : cinq ans ne s’étaient pas écoulés que cette prédiction se trouvait déjà démentie. Depuis quinze ans, une population nouvelle est venue s’installer, particulièrement dans les petits pôles urbains et le long du littoral. Ces nouveaux habitants sont arrivés avec leurs aspirations propres. Ils expriment des demandes inédites, qui rejoignent au demeurant les souhaits des jeunes générations issues du tissu local.

Ces attentes ont mis en exergue différents sujets, comme les moyens de transport collectifs ou l’accès aux nouvelles technologies de communication et à la culture. En découle une demande en équipements collectifs et scolaires et, généralement, en services publics.

Qu’attendait-on d’un maire rural il y a encore vingt ans ? Je peux en témoigner pour avoir moi-même assumé ces fonctions à cette époque : bien souvent, on le sollicitait surtout pour des problèmes relatifs à la voirie ou aux bâtiments communaux. Aujourd’hui, ce qui est en cause, c’est, en attendant plus, l’accès au haut débit,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Eh oui !

M. Yannick Botrel. … sans lequel les logements ne trouvent plus de locataires, ou encore la demande d’une politique locale dynamique en faveur de l’enfance et de la jeunesse, sans laquelle les parents hésitent parfois à s’installer sur le territoire d’une commune, sans parler de l’accès à la culture.

Parallèlement, le paysage institutionnel local s’est trouvé profondément modifié.

Région pionnière en matière de coopération intercommunale, la Bretagne a connu, dès 1993, l’émergence rapide des communautés de communes. Depuis lors, j’observe une progression constante des transferts volontaires de compétences en direction de ce nouvel échelon d’administration. J’observe également que les transferts en question s’effectuent presque toujours de manière consensuelle, soit que les communes concernées n’aient pas exercé dans les faits ces attributions, soit qu’elles aient eu conscience de ne pas pouvoir les exercer efficacement.

Il n’y a donc pas lieu d’instrumentaliser ce sujet outre mesure.

On peut jouer sur les mots, mais, qu’on le veuille ou non, un quatrième niveau de collectivités a vu le jour, l’intercommunalité, qui, d’ailleurs, lève l’impôt. Aujourd’hui, ce quatrième échelon doit trouver sa place dans notre paysage institutionnel, alors que nous venons d’achever la réforme de la carte régionale et de déterminer la place qui doit être celle des départements dans l’architecture de nos territoires.

Je conçois parfaitement les contradictions qu’engendre la situation que je viens de décrire. Nous demeurons, moi le premier, attachés au maintien de l’échelon communal. Toutefois, nous-mêmes avons contribué à relativiser, en termes de responsabilités, son importance depuis vingt-cinq ans. C’est un simple constat.

Oui, mes chers collègues, notre pays a profondément changé. Il reviendra à Mme la ministre et à M. le secrétaire d’État de nous rassurer quant à la place de la commune. Cela étant, tous les textes de loi relatifs aux collectivités territoriales soumis au Parlement sous la présente mandature, ensemble que le présent projet de loi vient compléter, étaient nécessaires : il faut adapter le pays à la nouvelle donne territoriale et sociétale.

M. Jean-Claude Gaudin. Et socialiste ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Yannick Botrel. J’en viens, à présent, à l’économie générale du présent texte.

Je suis de ceux aux yeux desquels ce projet de loi parachève l’organisation territoriale de notre République. À mon sens, il simplifie et clarifie le fonctionnement de nos collectivités, cela à travers des dispositions qui méritent d’être rapidement rappelées.

Je songe à l’article 29, qui met en place les guichets uniques : chacun peut mesurer tout ce qu’apportera cette évolution concrète pour nos concitoyens.

Je pense à la généralisation du référentiel budgétaire et comptable M57. Cette mesure ne parlera certainement pas au grand public, mais elle se révélera utile pour les praticiens qui, au quotidien, font vivre nos collectivités.

Quant à la clause de compétence générale, je n’en ai jamais été un défenseur forcené. J’ai pu constater qu’elle a, dans bien des domaines, introduit de la complexité et de la confusion.

Néanmoins, à l’issue de l’examen du présent texte par la commission des lois, je me dois d’exprimer un certain nombre d’objections et de réserves, portant sur la forme comme sur le fond.

Tout d’abord – ce constat a été rappelé, et le président du Sénat lui-même l’a souligné –, les collectivités territoriales réclament de la stabilité législative et réglementaire. Celle-ci leur est indispensable. De ce point de vue, et à l’encontre des dispositions qui nous sont soumises sur certains points, nous devons absolument faire en sorte que le texte définitivement adopté soit suffisamment efficace pour ne pas appeler une nouvelle réforme dans les années à venir.

À cet égard, je regrette que la commission des lois ait renoncé pour partie aux ambitions du texte initial. Je ne prendrai qu’un seul exemple : la suppression, par la commission, du seuil intercommunal de population, point qui a déjà fait l’objet de nombreux commentaires cette après-midi. Alors qu’un compromis paraît envisageable – je l’appelle, pour ma part, de mes vœux –, le maintien de cette suppression ne ferait que provoquer des crispations au stade de la commission mixte paritaire. In fine, il conduirait à laisser le dernier mot à nos collègues du Palais-Bourbon puisque les députés ont déjà rejeté celui qui avait été fixé par le Sénat.

De la même manière, les dispositions introduites par la majorité sénatoriale en matière d’obligations des communes dans le domaine du logement social me semblent excessives en l’état. Leur contenu me paraît extrême et leur insertion dans ce texte, contestable.

Alors que notre Haute Assemblée est censée être la maison des collectivités et des élus, la rédaction actuelle nous conduit à abandonner toute possibilité, pour certains sujets, de peser sur les dispositions clés du texte final. Je regretterais vivement que cette posture politique persiste.

Le groupe socialiste du Sénat entend, pour sa part, s’inscrire dans un débat ouvert et rechercher le point d’équilibre, afin de ne pas remettre en cause la portée de ce texte et de préparer une commission mixte paritaire dont je souhaite qu’elle se conclue de manière positive, dans l’intérêt des collectivités territoriales, de nos concitoyens et du Sénat lui-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, le Gouvernement a fait montre d’un esprit constructif tout au long de la procédure parlementaire, du moins jusqu’ici.

Je ne reviendrai pas sur les excès et déséquilibres initiaux du projet, que nos collègues de la commission des lois se sont efficacement attachés à corriger pour préserver les compétences de proximité des conseils départementaux et poursuivre le regroupement des communes sur une base consensuelle.

Je tiens à saluer l’action de nos corapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, ainsi que celle du président Philippe Bas, qui ne sont pas pour rien dans l’adoption de 248 amendements, lesquels font du texte qui nous est présenté une véritable coconstruction, dans un remarquable esprit d’ouverture.

Président d’un conseil départemental à taille humaine, je me félicite du maintien de la gestion à ce niveau des transports scolaires, des transports à la demande ainsi que des ports départementaux. Le texte ainsi enrichi fait suite aux assurances déjà obtenues en première lecture concernant notamment les routes et les collèges.

En outre, la commission a utilement précisé, à l’article 24, le rôle des conseils départementaux comme vecteurs de solidarité territoriale et de cohésion sociale, notamment par le rétablissement d’un rôle d’ingénierie en matière de voirie, dont les communes attendent beaucoup.

Concernant les communes, justement, je note avec satisfaction que la commission a choisi de maintenir le seuil des communautés de communes à 5 000 habitants, et non à 20 000 habitants, comme le Gouvernement et l’Assemblée nationale l’avaient décidé en ajoutant quelques dérogations.

Si je reconnais volontiers la cohérence du projet et, surtout, la pertinence des dérogations prévues, en particulier dans les territoires à faible densité, il me semble nécessaire de conforter l’équilibre trouvé autour du seuil de 5 000 habitants, au moins en milieu rural, quitte à encourager la création de communes nouvelles.

Je rappelle en effet que les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été adoptés avant le 31 décembre 2011. C’était hier ! Sur les territoires, ils représentent de vastes bouleversements, nécessaires dans une optique de bonne gestion autour d’EPCI disposant d’une taille minimale. À mon sens, il convient désormais de conforter l’existant.

À cet instant, je porte donc un regard plutôt positif sur ce texte, dans lequel on a su trouver un équilibre entre le maintien de compétences de proximité aux conseils départementaux et l’attribution de missions plus stratégiques aux conseils régionaux.

Je suis convaincu de la pertinence de l’échelon départemental, particulièrement dans les territoires faiblement peuplés et dépourvus de métropole. La place qui lui est accordée dans ce texte lui permettra de continuer à remplir des missions de service public, rendues plus nécessaires encore par les difficultés de la période actuelle. C’est une bonne chose !

Une suggestion, toutefois : si l’abrogation de la clause générale de compétence pour les départements et les régions est guidée par le louable souci de clarifier enfin le « qui fait quoi ? », afin de renforcer la lisibilité de l’action publique et de responsabiliser davantage les élus dans leurs prises de décisions, la perte d’initiative qui en résulte pour le territoire pourrait être compensée par des solutions innovantes.

Ainsi, je considère que la mutualisation des services entre collectivités, comme entre collectivités et établissements publics, constitue un puissant levier de modernisation. Outre les économies substantielles qu’elle rend possibles, faire travailler ensemble des services aux cultures et aux métiers différents est une précieuse source d’innovation, qui permet de mettre en question, régulièrement, la pertinence des actions menées. C’est le cas en ce qui concerne les services unifiés mis en place, par exemple, en Haute-Marne, entre l’établissement public qu’est le service départemental d'incendie et de secours, d'une part, et le conseil départemental, d'autre part.

Qu’il s’agisse de bâtiments, de finances ou de communication, cette nouvelle organisation parie sur le « faire ensemble », une approche efficiente pour tous.

Je forme le vœu qu’un groupe de sénateurs se saisisse du sujet et prévoie notamment des modalités incitatives pour celles et ceux qui sont prêts à optimiser le fonctionnement des services publics dont ils ont la charge.

Plus globalement, d’aucuns pensent que, pour dépasser le stade des services unifiés, la fusion volontaire de conseils départementaux et d’établissements de coopération intercommunale, ou de syndicats départementaux, pourrait être un moyen de rationaliser l’action publique. Un département pourrait ainsi accroître encore sa capacité d’action en intégrant verticalement les différentes missions de proximité utiles à nos concitoyens.

Au-delà de ces remarques, qui visent à nourrir le débat sur l’allégement du millefeuille, un pas supplémentaire doit être franchi pour permettre de nouvelles économies. C’est la condition préalable à la pérennisation d’un haut niveau de services publics. Notre pays consacre en effet 57,5 % de son produit intérieur brut aux dépenses publiques. La publication des chiffres de l’INSEE pour 2014, le 17 mai dernier, montre qu’en ce domaine aussi nous avons la Palme d’or : nous sommes les premiers de l’OCDE, devant le Danemark ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)