M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, à l'amendement n° 92, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 27

Compléter cet alinéa par les mots :

lorsque les renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à préciser que le recours aux techniques de recueil de renseignements envisagées par le présent texte n’est possible que lorsque le recueil ne peut être fait par aucun autre moyen légalement autorisé.

Du fait de leur caractère particulièrement attentatoire aux libertés individuelles et à la vie privée, les techniques mentionnées dans cet article ne doivent pouvoir être employées qu’en l’absence de toute autre possibilité légale.

Nous considérons que ce principe doit absolument être affirmé dans la loi, ce qui n’est pas le cas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous nous inscrivons dans une autre logique, qui me paraît encore plus protectrice : elle consiste à faire en sorte que toutes les garanties soient prises pour que les mesures soient strictement proportionnées aux fins poursuivies. Ainsi, une mesure d’utilisation d’une technique de renseignement ne pourra jamais être reconnue comme légale si elle est disproportionnée aux fins poursuivies.

S’il fallait statuer, à chaque demande d’autorisation, pour savoir s’il n’y a pas de meilleur moyen pour obtenir les renseignements recherchés, on rendrait impossible la tâche de la commission nationale de contrôle. Celle-ci devrait, en quelque sorte, substituer son appréciation à celle de l’autorité ayant choisi en opportunité, dans toute la gamme des techniques possibles, de recourir à une technique plutôt qu’à une autre.

Ce qui nous importe, c'est non pas que l’administration ait choisi une technique par rapport à une autre, mais que la technique choisie soit utilisée dans des conditions légales. À partir du moment où toutes les garanties auront été prévues pour que ce soit le cas, il n’y a strictement aucune raison de situer les appréciations de la commission, du Premier ministre et du Conseil d’État dans une sorte de comparaison entre les techniques.

Nous avons déjà eu ce débat hier : l’avis de la commission était défavorable, et le Sénat a suivi la commission. Mes chers collègues, je vous demande donc de confirmer le vote que vous avez émis hier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avec grand regret, je ne suis pas favorable à cet amendement, pour des raisons que Mme Benbassa comprendra certainement et auxquelles – j’en suis convaincu – elle adhérera.

Cet amendement est moins protecteur pour le citoyen que ne l’est le texte du Gouvernement. Ce qui garantit la protection du citoyen – Philippe Bas vient de le dire –, c'est le principe de proportionnalité. Ce que vous proposez, madame la sénatrice, est de nature à altérer la portée de ce principe, qui est la pierre angulaire du texte. Il impose à l’administration, chaque fois qu’elle mobilise une technique de renseignement, d’être capable d’apporter la démonstration que la technique utilisée est proportionnée aux finalités pour lesquelles elle est mobilisée.

C’est la garantie la plus forte que l’on puisse donner aux citoyens. Nous ne souhaitons pas de disproportion entre la technique utilisée et la finalité recherchée.

Cette proportionnalité est, encore une fois, la garantie de la protection des citoyens, raison pour laquelle, même si j’entends bien que vous êtes animée des meilleures intentions, madame la sénatrice, je ne peux pas être favorable à un amendement qui, s’il était adopté, altérerait ce principe et produirait l’effet inverse de celui que vous recherchez avec cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 177 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 28, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Chaque ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale.

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. L'autorisation de mise en œuvre d’une technique de renseignement est délivrée sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes. Chaque ministre peut déléguer cette attribution.

Eu égard au nombre élevé de demandes susceptibles d’être sollicitées, notamment s’agissant des données de connexion, il convient d’augmenter le nombre de personnes à qui chaque ministre peut déléguer une attribution si l’on veut que la procédure mise en place soit efficace.

Ces délégataires seront habilités secret-défense et placés sous l’autorité directe du ministre dont ils dépendent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a modifié le texte proposé pour l’article L. 821-4 du code de la sécurité publique pour que le Premier ministre détermine lui-même le nombre de personnes qui pourront, à ses côtés, en qualité de collaborateurs directs – la précision est importante –, prendre sur délégation de sa part les décisions d’autorisation.

Les ministres de l’intérieur et de la défense ont aussi la possibilité de déléguer leur attribution pour demander l’autorisation au Premier ministre d’utiliser une technique de renseignement. Le Gouvernement nous propose, par harmonisation avec la rédaction que nous avons adoptée à l’article L. 821-4, de prévoir la même disposition à l’article L. 821-1, à savoir la possibilité pour le ministre de déléguer son attribution individuellement à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale et à eux seuls.

Il s’agit d’éviter que ne se constitue une sorte de bureaucratie du droit du renseignement où les carrières s’enchevêtreraient, où l’on passerait des services sollicitant des autorisations à leur ministre aux conseillers des ministres qui font transiter la demande vers Matignon, aux membres des services de la commission nationale de contrôle et au cabinet du Premier ministre lui-même, dans une sorte d’entre soi complice qui diminuerait le niveau des garanties.

La décision prise par délégation d’une autorité politique gouvernementale doit se faire au profit non pas d’une administration ou d’une bureaucratie, mais de personnes qui permettent réellement que cette responsabilité politique soit engagée dans la décision prise, jusqu’au contrôle ultime par le Parlement.

L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 32

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° La finalité poursuivie ;

II. - Alinéa 37

Après les mots :

au regard de

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

la finalité poursuivie.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Le texte proposé pour l’article L. 821-2 du code de la sécurité publique énonce la liste des précisions que doivent comporter les demandes de mise en œuvre, sur le territoire national, des techniques de recueil du renseignement.

La demande ainsi que son renouvellement doivent préciser, notamment, la ou les finalités poursuivies. Pour des raisons de simplification de la gestion des services, mais aussi pour faciliter le contrôle, il est parfaitement envisageable qu’une seule demande porte, s’agissant d’une ou de plusieurs personnes, sur l’emploi simultané ou successif de plusieurs techniques.

En revanche, une demande portant simultanément sur plusieurs finalités pourrait avoir pour effet de permettre aux services de se dispenser d’une motivation se rapportant à des suspicions ou des indices précis. Par rapport à la situation actuelle, ce serait donc affaiblir un contrôle que chacun s’accorde à dire qu’il faut renforcer.

C'est pourquoi il vous est proposé d’associer à chaque demande et, donc, à chaque demande de renouvellement, une seule finalité. En d’autres termes, s’il y a plusieurs finalités, il faut plusieurs demandes, afin de faciliter le contrôle et de renforcer les garanties apportées par le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, une demande de renseignement peut viser plusieurs finalités parmi celles que la loi prévoit, dès lors que certaines sont très proches et peuvent concerner la même cible.

Ainsi, une même personne peut être surveillée au titre de la prévention du terrorisme et au titre de la criminalité organisée, compte tenu de la porosité entre la criminalité organisée et certaines activités terroristes.

Dans votre amendement, vous ne remettez d’ailleurs pas en cause ce principe, mais vous souhaitez qu’il y ait autant de demandes, et donc d’autorisations, que de finalités.

Cette exigence conduirait d’abord à alourdir de façon considérable l’activité d’un service qui est déjà sous tension, mais aussi celle de la CNCTR et des services du Premier ministre.

Elle me paraît, ensuite, tout à fait contre-productive en termes de garantie des droits. Il est en effet utile que la CNCTR dispose, par une même demande, d’une vision d’ensemble des mesures de surveillance prises à l’encontre d’une personne. C’est la condition du bon exercice du contrôle de proportionnalité.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, si vous en êtes d’accord, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Sueur, l'amendement n° 132 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Si vous me confirmez que, dès lors qu’il y aura plusieurs finalités, chacune d’entre elles sera justifiée dans la demande, je retirerai mon amendement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Sueur, vous avez toute garantie sur ce point, je m’y engage solennellement.

M. le président. Qu’en est-il en définitive de votre amendement, monsieur Sueur ?

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre s’est solennellement engagé à ce que chaque finalité soit justifiée. Devant le caractère tout à fait affirmatif de cette déclaration, qui figurera au compte rendu de nos débats et, par conséquent, éclairera nos travaux, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 132 rectifié est retiré.

L'amendement n° 133 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque deux membres au moins lui en font la demande, le président réunit la commission en formation plénière. Elle formule le cas échéant un nouvel avis qui remplace l’avis initial.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est important. L’Assemblée nationale a décidé de permettre à deux membres de la CNCTR qui contesteraient l’avis émis par le président de la commission ou l’un des membres chargés de le suppléer de demander au président de réunir la commission, laquelle devrait alors statuer dans un délai de trois jours ouvrables suivant l’avis initial. Dans ce cas, le nouvel avis émis par la commission remplacerait l’avis initial.

J’ai bien entendu que notre rapporteur, Philippe Bas, s’interrogeait sur le sort des renseignements collectés jusqu’à la formulation d’un avis différent. Nous pouvons vous rassurer, monsieur le rapporteur : il n’existerait pas difficulté juridique.

En effet, soit le Premier ministre interrompt le recours aux techniques de renseignement et, dans ce cas, les données recueillies sont détruites ; soit l’autorisation est maintenue, malgré l’avis défavorable de la CNCTR et, dans ce cas, le projet de loi exige une réponse motivée du Premier ministre et accorde à la CNCTR la faculté de saisir le Conseil d’État.

Par ailleurs, sur un plan plus général, je rappelle que le Sénat a ajouté au texte adopté par l’Assemblée nationale des garanties complémentaires, ce dont je me réjouis.

Aussi, monsieur le rapporteur, il serait dommage que, pour une fois, nous soyons en deçà de ce qu’ont voté nos collègues députés. Il est donc important de maintenir une voie de recours au sein même de la CNCTR.

Je sais que cette disposition est particulière, mais, chacun le voit bien, la matière dont nous traitons revêt précisément un caractère exceptionnel. En maintenant cette voie de recours, on introduit une garantie supplémentaire en matière de contrôle, tout en confortant le principe de collégialité applicable au sein de la CNCTR.

Au surplus, notons que la commission des lois n’est pas revenue sur la possibilité de saisine du Conseil d'État par au moins trois membres de la CNCTR.

Pour toutes ces raisons, nous pourrions vraiment reprendre cette disposition de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. En préambule, la commission remercie l’un de ses membres les plus éminents, Jean-Pierre Sueur, d’avoir rappelé le sens de son travail ; celui-ci a en effet constamment consisté à renforcer les garanties de légalité et de contrôle de la mise en œuvre des techniques de renseignement.

Nous n’avons toutefois pas considéré que cet amendement contribuait réellement à l’amélioration de ces garanties. En effet, il organise en quelque sorte un bégaiement dans la procédure de consultation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Après que celle-ci aurait émis un avis, plusieurs de ses membres, regrettant qu’il ait été donné dans une forme restreinte, demanderaient que la commission se saisisse de nouveau, cette fois en formation plénière.

Or, dans notre droit, quand une commission consultative a donné un avis, l’avis est donné et l’on passe à l’étape suivante. Or c’est précisément dans cette phase que seront offertes les meilleures garanties ! Là réside tout le sens du travail que nous avons mené en commun, dans une recherche du plus large consensus, et qui nous a permis de rendre effectif le contrôle du Conseil d'État, ce qu’il n’était pas, selon nous, ni dans le texte initial du Gouvernement ni dans celui de l’Assemblée nationale.

Dès lors qu’il suffit de trois membres de la CNCTR pour saisir le Conseil d'État, la garantie qui manquait est assurée. En revanche, si le bégaiement de la commission nationale était autorisé par l’adoption du présent amendement, cela serait source de désordre. Je m’explique : dès l’avis donné, l’autorisation est en principe délivrée et la technique de renseignement demandée mise en œuvre. Il faudrait donc dire « stop ! », et la commission, qui a rendu un avis en respectant la procédure prévue par la loi, devrait en formuler un nouveau, qui pourrait d’ailleurs, dans certains cas, être le même.

Il ne faut pas instaurer à mon sens un tel dispositif, qui, en réalité, n’apporte pas de garantie supplémentaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, monsieur Sueur, l’avis du Gouvernement est plus nuancé, bien que j’entende parfaitement dans votre argumentation, monsieur Bas, la recherche d’un équilibre entre la fluidité et la sécurité de la décision.

À l’Assemblée nationale, ce débat a eu lieu, puisque c’est à l’initiative des députés que la faculté pour deux membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de demander la réunion de cette commission en formation plénière avait initialement été introduite. Le Gouvernement avait alors été favorable à cette sécurité supplémentaire. En toute cohérence, puisqu’il entend cette préoccupation des parlementaires, il s’en remet aujourd’hui à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je remercie Mme la garde des sceaux de son appel à la sagesse du Sénat.

Je veux dire ensuite à M. Philippe Bas mon respect pour les personnes atteintes de bégaiement, respect qu’il partage, je le sais. Même si c’est parfois difficile, certains surmontent ce handicap avec aisance.

Mais la comparaison n’est-elle pas inappropriée ici ? Cette faculté de demander en somme une seconde délibération n’est pas inédite ; elle existe, par exemple, dans le règlement du Sénat et dans celui de l’Assemblée nationale. Ainsi, lorsque le Gouvernement demande une nouvelle délibération, nul ne prétend que l’Assemblée ou le Sénat bégaient.

En outre, il existe en maintes autres circonstances des possibilités de recours, et l’on ne dit pas alors que cela revient à bégayer !

Enfin, nous sommes attachés, comme parlementaires, à la deuxième lecture des textes que nous examinons, même si les gouvernements cherchent tous à simplifier quelque peu le processus ; là encore, personne ne prétend qu’il y a bégaiement.

Il s’agit donc ici, dans un cas particulier relatif à des questions d’ordre exceptionnel, de donner la faculté à deux membres d’une commission de solliciter une nouvelle délibération, en formation plénière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je précise tout d’abord que la commission des lois a restreint le nombre de membres de la CNCTR, ce qui me semble indispensable. En effet, une commission pléthorique me paraît le meilleur moyen d’en garantir l’inefficacité !

Ensuite, je redoute que cette faculté ne suscite des divisions au sein de la CNCTR., au détriment du climat de confiance nécessaire au travail commun. Comparez cela, mon cher collègue, avec le fonctionnement de certaines juridictions, dans lesquelles existe la notion d’opinions dissidentes. Vous connaissez bien sûr cela, madame la garde des sceaux, cela existe dans certaines institutions ; mais pas en France : si l’on n’est pas d’accord, on est minoritaire !

En outre, il existe une possibilité de recours dès que trois membres le jugent utile. Cela me semble suffisant. Si l’on crée ce climat de suspicion entre les membres de la commission, je crains personnellement le pire : la zizanie et l’inefficacité !

Je ne voterai donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur Sueur, votre analogie entre la deuxième délibération d’une assemblée sur un texte et le dispositif de votre amendement ne tient pas.

M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Bas, rapporteur. En effet, si un avis a donné lieu à une autorisation, cela produit des effets juridiques ; en revanche, si une première délibération est suivie d’une seconde, il n’y a aucun acte créateur de droit entre les deux délibérations : on n’est donc pas du tout dans la même situation.

M. Jean-Pierre Sueur. C’était un peu facile, je le reconnais !

M. Philippe Bas, rapporteur. Je voulais tout de même le préciser, parce que, dans l’élan de l’argumentation en séance, il peut arriver que l’on fasse des analogies qui emportent ensuite la conviction de certains collègues alors qu’elles ne sont pas totalement adaptées au sujet.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, mais M. Hyest était vigilant !

M. Jean-Jacques Hyest. Comparaison n’est pas raison !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au renseignement
Discussion générale

6

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. J’invite chacun à respecter son temps de parole et, ainsi, à s’entraîner à la maîtrise du temps ! (Sourires.)

exécutions capitales en arabie saoudite

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, l’Arabie saoudite recrute !

Aux termes d’une offre d’emploi diffusée dans les grands médias internationaux, l’Arabie saoudite recrute huit bourreaux pour procéder à des décapitations et à des amputations de mains, conformément à la charia.

La situation dramatique du blogueur Raïf Badawi est dans toutes les mémoires. Je sais que le Président de la République, lorsqu’il s’est rendu à Riyad, a évoqué le cas.

Notre pays est très lié à l’Arabie saoudite par des relations économiques qui croissent de manière exponentielle. Cela ne doit pas faire oublier la situation des droits de l’homme dans ce pays ni la nécessité d’y combattre les comportements indignes et, pour tout dire, moyenâgeux.

Il se trouve que, pour présider le groupe d’amitié avec les pays du Golfe du Sénat, je connais bien cette région. J’y insiste, nos relations économiques ne sauraient occulter les problèmes qui se posent dans ces pays sur le plan des droits de l’homme, notamment en Arabie Saoudite.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous prendre face à cette situation ? Notre pays est celui des Rafale, mais c’est aussi celui des droits de l’homme ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur un sujet gravissime, dont je ne suis pas sûr, d'ailleurs, qu’il invite à l’humour…

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Vous évoquez des condamnations à mort et les peines atroces auxquelles un blogueur a récemment été condamné – une longue peine de prison assortie de mille coups de fouet.

La France, fidèle à sa tradition, a dénoncé ces situations et, ainsi que vous l’avez rappelé, le Président de la République, lorsqu’il a été invité, de manière inédite, au Conseil de coopération du Golfe, s’est exprimé de façon on ne peut plus claire sur ce sujet, en rappelant le combat permanent de la France pour l’abolition de la peine de mort.

Ce combat, c’est celui qu’ont mené Victor Hugo, François Mitterrand et Robert Badinter, qui, tous, ont siégé dans cette assemblée. C’est aussi celui qu’a mené l’ancien Président de la République Jacques Chirac, qui s’est engagé pour l’inscription de l’abolition de la peine de mort dans la Constitution.

Ce message est porté à tous les niveaux de l’État par notre diplomatie, et l’excellence de nos relations économiques avec l’Arabie saoudite de même que le dialogue très confiant que nous avons avec ce pays ne l’excluent en rien.

Concernant le blogueur Raïf Badawi, encore une fois, madame la sénatrice, la peine qui lui a été infligée est atroce. Les autorités françaises appellent l’Arabie saoudite à faire preuve de clémence à son égard, notamment à l’approche du pardon du Ramadan, et, au-delà de son cas particulier, à ne plus appliquer ce genre de peines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

chiffres du chômage

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Élisabeth Lamure. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, une fois encore, le malaise est grand après l’annonce, lundi soir, des chiffres du chômage.

M. Didier Guillaume. Ils se réjouissent de ces chiffres ?

Mme Élisabeth Lamure. Chacun de nous souffre de cette mauvaise nouvelle, qui masque quelque peu les timides perspectives de croissance.

Allons-nous, une fois encore, entendre les mêmes arguments dilatoires pour cacher l’échec du Président de la République, qui, dès 2013, a lui-même conditionné la réussite de son action à sa capacité à inverser la courbe du chômage ? Allons-nous, une fois encore, voir la situation qui prévalait avant 2012 invoquée comme seule justification ?

Les chiffres du mois d’avril, parmi les plus mauvais depuis le début du quinquennat, confirment la tendance. Rien ne semble arrêter la machine infernale. Pis, toutes les classes d’âge sont touchées !

Et, alors que notre taux de chômage dépasse allègrement 10 %, les Allemands et les Britanniques connaissent des courbes descendantes, avec un chômage passé en dessous de 6 %. De plus, nos voisins créent en majorité des emplois dans des secteurs à forte valeur ajoutée, quand nous, en France, créons des emplois aidés…

Vous annoncez ainsi 100 000 emplois aidés supplémentaires cette année. Or il faut plus de 3 milliards d’euros par an pour financer 450 000 contrats aidés ! Mais, monsieur le ministre, c’est dans le secteur marchand que les emplois créeront de la richesse.

D’ailleurs, que nous disent les représentants des entreprises ? Depuis six mois, la délégation aux entreprises du Sénat a rencontré, chez eux, plus d’une centaine d’entrepreneurs. Tous nous tiennent le même langage : il faut moins de contraintes, moins de normes, moins de charges. Tous nous disent qu’ils voudraient embaucher, mais qu’il faut, pour cela, lever les freins à l’embauche.

M. David Assouline. Qu’avez-vous fait, vous ?

Mme Élisabeth Lamure. Or le Gouvernement balance entre donner des gages à la gauche de sa majorité et accepter les règles de la compétitivité d’un monde ouvert. Mais les Français ne vous croient plus, et ils ne vous suivent plus ! Dès lors, comment comptez-vous sortir de ce dilemme, monsieur le ministre ?

Comme le président de notre groupe, Bruno Retailleau, vous y a déjà invité, ne laissez pas passer la formidable occasion de prendre de vraies mesures en faveur de la croissance que constitue le travail réalisé par la majorité sénatoriale sur le projet de loi de votre collègue, M. Macron. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, parmi les chiffres que vous avez cités, vous avez indiqué que le taux de chômage, dans notre pays, était largement supérieur à 10 %.

Il semble que vous n’ayez pas écouté les actualités ce matin ! En effet, l’INSEE vient d’annoncer que le taux de chômage avait reculé en France au premier trimestre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)