PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 mai 2015.

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Organisme extraparlementaire

Mme la présidente. Par lettre en date du 2 juin 2015, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger en remplacement de M. Bernard Cazeau au sein du Conseil d’orientation de l’agence de la biomédecine, en application des articles L. 1418-4 et R. 1418-19 du code de la santé publique.

La commission des affaires sociales a été saisie de cette désignation.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

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Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au renseignement
Article 1er

Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

projet de loi relatif au renseignement (suite)

Mme la présidente. Dans la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi relatif au renseignement, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, à l’amendement n° 36.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au renseignement
Articles additionnels après l’article 1er

Article 1er (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 36, présenté par M. Raffarin, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Alinéa 40, deuxième phrase

Remplacer le mot :

des

par le mot :

trois

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur pour avis. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a déposé cet amendement pour exprimer sa profonde inquiétude devant l’émergence d’un certain nombre de personnalités disposant de délégations leur permettant d’agir au nom du Premier ministre et d’autoriser à sa place l’utilisation de techniques spéciales de renseignement. Notre préoccupation était d’autant plus grande que six personnalités étaient clairement désignées à ce titre, alors que la délégation n’était pas définie. On pouvait donc craindre que cette petite équipe ne devienne un jour une sorte d’officine spécialisée dans le renseignement au sein du cabinet du Premier ministre.

C’est pourquoi nous avons proposé de ramener de six à trois le nombre de délégataires du Premier ministre pouvant décider à sa place de recourir aux techniques de renseignement, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR.

L’existence de délégataires auprès des ministres également accentuait encore notre préoccupation. La création dans la République d’une sorte de statut de délégataire en matière de renseignement, avec des délégations peu précises, pourrait être source de dérives.

Pour ma part, je ne crains pas que de telles dérives se produisent avec un texte de cette nature. Il pourra y avoir des problèmes ponctuels, mais j’ai confiance dans l’appareil d’État, d’autant que les procédures sont bien encadrées par le dispositif du projet de loi.

En revanche, les techniques de renseignement étant en général assez bon marché, on peut craindre la multiplication d’officines privées dirigées par les membres d’une nomenklatura qui se seront formés deux ans au cabinet du Premier ministre et auront acquis une expertise du renseignement. C’est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à ce que le nombre de délégués du Premier ministre soit ramené à trois.

Dans ce contexte, trois bonnes nouvelles nous sont parvenues.

Premièrement, la commission des lois, qui a prêté une grande attention à notre proposition, a supprimé le chiffre de six délégués qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de laisser au Premier ministre le soin de fixer l’effectif. Le texte de la commission des lois précise la délégation en ces termes : « Le Premier ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale. » Nous tenons beaucoup à cette précision, car le directeur de cabinet du Premier ministre, le directeur-adjoint ou le conseiller pour les affaires intérieures exercent des fonctions au sein de l’appareil d’État et ne sont donc pas irresponsables : ils ne sont pas simplement des délégataires. Je remercie la commission des lois de cette évolution positive du texte.

Deuxième motif de satisfaction, aux termes de l’amendement n° 177 rectifié du Gouvernement, que le Sénat a adopté tout à l’heure, « chaque ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale ». Le Gouvernement a donc repris pour les ministres le dispositif introduit par la commission pour le Premier ministre. Il marque ainsi sa volonté d’affirmer le lien entre la délégation et la fonction officielle du collaborateur.

Troisième bonne nouvelle, le Premier ministre a lui-même confirmé que la délégation ne concernerait que des collaborateurs directs.

Des garanties réelles sont donc apportées et les responsabilités sont bien encadrées : on peut s’attendre à ce que les titulaires de cette délégation agissent dans le respect des règles de la République. Dans ces conditions, j’ai le bonheur de retirer cet amendement ! (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. L'amendement n° 36 est retiré.

L'amendement n° 32, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 40, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

« Ces derniers adressent au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, établies dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du I et aux II et III de l'article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, conformément à l’article 11 de ladite loi.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je propose que les collaborateurs directs du Premier ministre délégataires de l’attribution visée à l’alinéa 40 soient assujettis à l’obligation de déclaration de patrimoine et de déclaration d’intérêts prévue par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Les propos de notre collègue Jean-Pierre Raffarin me donnent à penser que cet amendement est peut-être satisfait, mais je souhaiterais en avoir la confirmation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. L’inspiration de votre amendement est géniale, ma chère collègue ! (Exclamations amusées.) Je regrette d’ailleurs que vous ne soyez pas membre de la commission des lois,…

Mme Michelle Demessine. C’est une déclaration !

M. Philippe Bas, rapporteur. … dont la rédaction vous donne satisfaction (Sourires.), puisque les collaborateurs de cabinet des membres du Gouvernement doivent déjà produire une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale. Il n’est donc pas indispensable que vous mainteniez cet amendement, auquel je regretterais de devoir donner un avis défavorable !

Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme Esther Benbassa et M. Alain Gournac. C’est l’apothéose ! (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 32 est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 93, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 45

Après la référence :

L. 811-3,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

le délai prévu à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 821–3 est ramené à une heure.

II. - Alinéa 46

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à imposer un avis préalable de la CNCTR, même en cas d'urgence absolue. Dans cette hypothèse, la CNCTR aurait une heure pour rendre sa décision. L'avis préalable de la CNCTR constitue une garantie essentielle, qui ne doit pas être supprimée.

Actuellement, en cas d'urgence absolue, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, peut rendre son avis en quarante-cinq minutes. Prévoir un délai d'une heure semble dès lors suffisant pour qu’une décision puisse être prise rapidement, en prenant en compte le caractère exceptionnel de la situation.

Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 45

Après la référence :

l’article L. 811-3

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

l’un des membres de la commission de contrôle des techniques de renseignement mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 831-1, ou des magistrats spécialement délégués par lui mentionnés à l’article L. 832-5, statue par tout moyen dans un délai maximal de deux heures. Si l’urgence n’est pas constatée, la demande est traitée conformément aux articles L. 821-1 à L. 821-4.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Nous avons beaucoup débattu, hier, du renforcement des pouvoirs de la CNCTR. Cette commission doit être à même de remplir sa mission, y compris dans l’urgence. Cela suppose qu’elle en ait les moyens.

Dans la justice judiciaire, le procureur de la République est de permanence la nuit et en fin de semaine et prend des décisions sur sollicitation téléphonique des policiers. Dans le même esprit, la CNCTR doit être en mesure de remplir sa mission dans l’extrême urgence pouvant s’attacher à certaines situations particulières et dans le nécessaire respect de la loi.

D’ailleurs, actuellement, la CNCIS peut intervenir dans l’urgence et rendre un avis dans les deux heures, jour et nuit. Un tel dispositif est donc viable, à condition que les moyens humains accordés permettent d’assurer des permanences utiles et qu’une volonté politique d’assurer un contrôle plus efficace exclue toute possibilité de dérogation à l’avis de l’autorité de contrôle.

Mme la présidente. L'amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 821-6 est alors applicable.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La commission des lois a apporté des modifications à la rédaction du texte concernant les dispositions relatives à l’urgence absolue et à l’urgence opérationnelle. Je salue son souci de clarification, mais j’observe qu’elle n’a plus renvoyé explicitement à l’article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure, ce qui entraîne l’attribution d’un certain nombre de pouvoirs à la CNCTR.

Le présent amendement, comme l'amendement n° 136 rectifié, visent à ajouter une garantie procédurale supplémentaire en précisant que la procédure d’urgence, que celle-ci soit absolue ou opérationnelle, selon le distinguo présenté par le Gouvernement et retenu par la commission des lois du Sénat, ne fait pas obstacle à ce que la CNCTR puisse se prononcer a posteriori, y compris sur le bien-fondé du recours à ladite procédure, et recommander l’interruption de la mesure, voire saisir, dans le cadre de la mise en œuvre du contrôle juridictionnel, le Conseil d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 93. Prévoir un délai d’une heure lui semble déraisonnable et ne pas constituer la meilleure façon de faire face à l’urgence. Le dispositif adopté par la commission permet, quand l’urgence a motivé la mise en œuvre d’une technique de renseignement, d’opérer immédiatement un contrôle et d’interrompre celle-ci le cas échéant. Cette garantie me paraît supérieure à l’exigence de rendre une décision dans l’heure. Je signale que, selon le dispositif général que nous avons retenu, lorsque la CNCTR ne respectera pas le délai, l’avis sera réputé rendu. Il ne sert à rien de fixer un délai s’il est impossible à tenir dans la plupart des cas.

L’amendement n° 50 a reçu lui aussi un avis défavorable, pour les mêmes motifs.

Quant à l’amendement n° 135 rectifié, monsieur Sueur, aux termes de la rédaction proposée pour l’article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse des recommandations et saisit le Conseil d’État dans les conditions prévues aux articles L. 833-3-2 et L. 833-3-4. Dès lors, il n’est nul besoin d’ajouter, à l’alinéa 46, une référence à cet article L. 821-6, qui s’appliquera du fait même des dispositions que je viens de citer, comme il s’appliquera d’ailleurs à la mise en œuvre d’autres techniques de renseignement dans d’autres circonstances.

D’ailleurs, si l’on devait à chaque fois préciser que l’article L. 821-6 s’applique, nous aboutirions à une rédaction un peu risquée, puisque cela signifierait que cet article ne s’applique pas dans tous les cas, mais seulement lorsqu’il y est fait explicitement référence.

Puisque le droit vous donne complète satisfaction, je vous invite à retirer cet amendement, monsieur Sueur, faute de quoi la commission se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par le rapporteur.

Il est des circonstances dans lesquelles il est nécessaire de pouvoir agir vite, sans préjudice de la possibilité, pour la CNCTR, d’exercer ses prérogatives de contrôle. Le fait que l’on ne soit pas contraint, dans des contextes d’urgence ou de risque particuliers, d’attendre l’avis de la CNCTR pour agir ne signifie pas que les prérogatives de celle-ci soient piétinées : elles pourront être exercées dans les délais les plus brefs. C’est bien ce que nous prévoyons puisque, en cas d’urgence absolue, la CNCTR se verra transmettre, au plus tard dans les vingt-quatre heures, l’ensemble des éléments lui permettant d’exercer son contrôle. Elle pourra le faire sans attendre.

L’adoption de ces amendements priverait l’État de la possibilité d’intervenir dans un tel contexte d’urgence et rendrait inopérants les services dans des circonstances particulières.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 135 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, eu égard aux explications fournies par M. le rapporteur puis par M. le ministre, je retire l’amendement n° 135 rectifié et, par voie de conséquence, je retire aussi l’amendement n° 136 rectifié.

Mme la présidente. Les amendements nos 135 rectifié et 136 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 186, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 47, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

y compris lorsqu’ils sont utilisés au titre du I de l’article L. 852-1

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 186.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 821-6 est alors applicable.

Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 137 rectifié bis, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 821-5-2. - Les techniques du recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre d’un parlementaire d’un magistrat, d’un avocat ou d’un journaliste ou concerner leurs véhicules, bureaux ou domiciles que sur autorisation motivée du Premier ministre prise après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement réunie en formation plénière.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. S'agissant des professions de magistrat, d’avocat et de journaliste et de la fonction de parlementaire, l’Assemblée nationale a inscrit dans le texte deux alinéas particulièrement et justement protecteurs.

Il se trouve que la commission des lois du Sénat a supprimé le premier de ces alinéas ; nous proposons de le rétablir en prévoyant explicitement que les techniques de renseignement ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre de membres de ces professions protégées ou de parlementaires que sur autorisation motivée du Premier ministre, après avis de la CNCTR réunie en formation plénière. Ce dispositif nous paraît plus protecteur.

Il a été dit, en commission des lois, que ces dispositions figuraient déjà dans le texte.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons maintenu cet amendement, de manière que M. le rapporteur puisse nous préciser à quels endroits exacts du projet de loi elles sont inscrites. Si la nécessité d’une autorisation motivée du Premier ministre après avis de la CNCTR réunie en formation plénière figure bien dans le texte, nous pourrons retirer l’amendement. Nous pensons qu’il faut que les choses soient dites clairement, car nos débats sont suivis avec attention par les journalistes, les avocats et les magistrats.

Mme la présidente. L'amendement n° 94, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 49, première phrase

Après le mot :

parlementaire

insérer les mots :

, un médecin

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Le présent amendement tend à ajouter les médecins à la liste des professionnels à l’encontre desquels les techniques de renseignement ne peuvent être mises en œuvre que sur autorisation motivée du Premier ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° 13 rectifié ter n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 137 rectifié bis et 94 ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je voudrais apporter des réponses aux questions que M. Sueur a fort justement soulevées.

Tout d’abord, lorsqu’une demande de mise en œuvre d’une technique de renseignement concerne un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste, le texte prévoit bien que la CNCTR devra se prononcer en formation plénière, par exception à la règle de droit commun qui veut que le président ou l’un de ses délégués peut prendre la décision seul. En l’espèce, l’avis sera obligatoirement rendu par la formation plénière.

Ensuite, les procédures d’urgence opérationnelle et d’urgence absolue sont-elles applicables aux membres de ces professions qualifiées de protégées ? La réponse est non. Il est dit expressément, dans le texte de la commission, que les articles L. 821-5 et L. 821-5-1 ne s’appliquent pas quand la mesure de surveillance concerne des personnes exerçant une profession protégée.

Enfin, dans ce cas, je confirme que l’autorisation du Premier ministre devra être motivée. En effet, au regard du recours devant le Conseil d’État, le fait que la décision contienne ses motifs facilite le contrôle de la juridiction administrative. Je vous renvoie à l’alinéa 40, qui prévoit expressément que l’autorisation délivrée par le Premier ministre comporte les motivations et mentions prévues à l’article L. 821-2 du code de la sécurité intérieure. J’ajoute que l’alinéa 49 ne fait pas exception à cette règle qui impose dans tous les cas une motivation dont les termes mêmes seront fixés par la loi, pour donner plus de garanties.

J’espère que ces réponses vous auront rassuré, mon cher collègue, et que vous accepterez de retirer l’amendement n° 137 rectifié bis. En réalité, nos efforts sont convergents et visent au même résultat.

L’amendement n° 94 tendant à élargir la liste des professions protégées a reçu un avis défavorable de la commission. Celle-ci a pensé qu’il fallait fixer des bornes à cette liste.

S’agissant notamment du secret médical, les médecins n’en ont pas le monopole : les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes ont également l’obligation de le respecter. Ce point peut être extrêmement important, surtout pour ce qui concerne les sages-femmes.

J’ajoute que n’importe quel salarié est assujetti au secret professionnel, dans la mesure où il détient des informations dont la divulgation serait susceptible de mettre son entreprise en péril.

En tout état de cause, dans tous les cas où une autorisation de mise en œuvre de techniques de renseignement sera demandée, il faudra veiller au respect du principe de proportionnalité par rapport aux objectifs visés. Cela implique que, quand cette demande concernera un professionnel assujetti au secret, les conditions de la légalité de l’autorisation de recourir à une technique de renseignement seront plus rigoureuses. Si j’ose dire, la barre est nécessairement placée plus haut, sans qu’il soit besoin de le préciser dans le texte.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable, sans pour autant méconnaître la nécessité de protéger le secret professionnel, quel qu’en soit le détenteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Ce ne sont pas les professionnels en tant que tels qui sont protégés, mais les secrets dont ils sont détenteurs et qui sont utiles au bon fonctionnement de la démocratie et de l’État de droit.

Pour certaines professions, dans le cadre des procédures judiciaires par exemple, des mesures spécifiques ont été mises en place de façon à assurer la protection des informations détenues : le secret des sources pour les journalistes, le secret de l’enquête, de l’instruction ou du délibéré pour les magistrats, le respect des droits de la défense pour les avocats.

Le Gouvernement s’est montré d’emblée très attentif à ce sujet. Il a présenté, à l’Assemblée nationale, un amendement tendant à protéger les secrets détenus par ces professionnels, qui prévoit que la CNCTR devra rendre son avis en formation plénière. Il a également été inscrit dans le texte que les transcriptions seront transmises à cette dernière et que les procédures d’urgence ne seront pas applicables à ces professions. Ces dispositions figurent encore dans le projet de loi, la commission des lois du Sénat en ayant introduit une autre faisant l’objet d’un amendement de M. Mézard que nous examinerons tout à l’heure.

C’est dans cet esprit que nous examinons toutes les dispositions concernant ces professions. La CNCTR veillera au respect des principes de nécessité et de proportionnalité, exigence affirmée dès le début du texte.

L’amendement n° 137 rectifié bis tend en fait à revenir à la rédaction issue des débats de l’Assemblée nationale. Celle-ci avait été adoptée avec le soutien du Gouvernement, mais, compte tenu des arguments développés par la commission des lois, nous nous en remettons à la sagesse de la Haute Assemblée.

L’amendement n° 94 vise à ajouter les médecins à la liste des professions protégées, dont ils relèvent dans le cadre des procédures judiciaires. Si le Gouvernement, en l’espèce, a estimé qu’il n’y avait pas lieu de les inclure dans cette liste, cela tient au fait qu’il s’agit ici de police administrative, donc de la collecte d’informations qui ne sont pas censées être versées d’emblée à une procédure et circuler, du moins entre les parties.

Néanmoins, soucieux du respect des principes de nécessité et de proportionnalité, ainsi que de l’effectivité des contrôles et, surtout, de la jurisprudence du Conseil d’État, aux termes de laquelle il ne doit pas y avoir de disproportion entre les prérogatives de l’autorité judiciaire et celles de l’autorité administrative, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour décider s’il y a lieu ou non d’ajouter les médecins à la liste des professions protégées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 137 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à remercier Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur de leur effort de pédagogie. En effet, nous avons déposé cet amendement afin d’acquérir des certitudes, qui fussent énoncées en séance publique.

La décision de la commission des lois de supprimer l’alinéa dont nous proposons le rétablissement avait suscité des interrogations. Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont montré l’un et l’autre de manière très claire que la CNCTR délibérerait en formation plénière, que l’autorisation du Premier ministre devrait être motivée et que les procédures d’urgence ne s’appliqueraient pas.

Dans ces conditions, nous retirons l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 137 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 49, deuxième et dernière phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Les articles L. 821-5 et L. 821-5-1 ne sont pas applicables.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à préciser que les procédures d’urgence ne sont pas applicables quand les personnes concernées par la demande d’autorisation de mise en œuvre de techniques de renseignement sont des parlementaires, des avocats, des magistrats ou des journalistes. Il s’agit pour nous d’adresser un message clair au Gouvernement.

On peut considérer qu’il est possible d’établir des distinctions entre ces quatre catégories. Personnellement, que l’on puisse recourir facilement à ce type de techniques et de procédures à l’encontre de parlementaires ou d’avocats, qui prêtent serment et sont placés sous le contrôle déontologique d’un conseil de l’ordre, me choque. Les journalistes ne sont pas, à ma connaissance, soumis à un code de déontologie ; mais c’est un autre débat.

Les députés ont inséré un dispositif relatif à la mise en œuvre des techniques de renseignement quand sont concernés des membres de professions protégées, magistrats, avocats, journalistes ou parlementaires. Selon les précisions apportées par le Gouvernement, ces dispositions sont justifiées par la nécessité de veiller à la conciliation du respect du secret attaché à l’exercice de certaines professions, à savoir le secret de l’enquête, de l’instruction et du délibéré pour les magistrats, le secret applicable aux échanges relevant de l’exercice des droits de la défense pour les avocats et le secret des sources pour les journalistes, avec la défense et la promotion des intérêts publics visés à l’article 1er du projet de loi.

La France est liée par des engagements internationaux qui garantissent le secret professionnel pour ces personnes. Ainsi, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit la liberté d’expression, notamment la liberté de la presse, à travers la protection du secret des sources des journalistes.

Nous considérons pour notre part que ce secret est inhérent à l’exercice de ces professions, comme à celui d’un véritable mandat parlementaire. Voilà pourquoi nous estimons que les procédures d’urgence doivent être inapplicables aux membres de ces professions et aux parlementaires.

Madame le garde des sceaux, j’ai entendu vos arguments et pris acte de l’attention que vous avez prêtée aux professions réglementées lors de l’examen de la loi Macron. Si je suis heureux que vous soyez présente ici pour les défendre de nouveau, il n’en reste pas moins que le recours à ce type de mesures n’est pas neutre. Cet amendement étant un message au Gouvernement, j’attends de votre part une réponse, afin qu’elle figure au Journal officiel.