M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Cet article crée un nouveau fichier, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes ou FIJAIT, qui a pour but de prévenir la récidive des infractions terroristes et de faciliter la recherche d’auteurs d’infractions en lien avec le terrorisme.

Ce fichier est certes distinct du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, le FIJAISV, mais il est, en réalité, presque calqué sur celui-ci. J’en veux pour preuve que leurs champs d’application sont presque identiques.

Ce nouveau fichier vise donc à imposer à l’ensemble des personnes condamnées et mises en examen sur décision d’un juge d’instruction de déclarer leur adresse tous les trois mois, ainsi que tout départ à l’étranger pendant cinq à dix ans, tout cela sous peine de sanction pénale. Les données ainsi recueillies pourraient même être conservées pendant une durée encore plus longue.

Or il faut rappeler que les personnes condamnées pour des faits de terrorisme sont déjà fichées ! Elles le sont, en effet, à la fois dans le « traitement d’antécédents judiciaires », le « TAJ », pour lequel la durée de conservation des données est plus longue, et dans le fichier de « centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et des intérêts nationaux », dit « fichier CRISTINA ».

De la même façon, les personnes qui sortent de prison ou celles qui sont condamnées pour des faits de terrorisme font déjà l’objet d’une surveillance spécifique de la part des services de renseignement. Quel sera donc l’apport de ce nouveau fichier pour les services compétents en matière de terrorisme ? N’aura-t-il d’autre effet que d’obliger les individus concernés à déclarer leur adresse ?

Comme le montre l’expérience du fichier des infractions sexuelles, les mesures relatives au FIJAIT risquent, en revanche, d’avoir rapidement des effets disproportionnés par rapport à l’objectif recherché. Je pense, en particulier, aux personnes les plus fragiles au niveau psychologique ou social, qui auraient véritablement cessé tout contact ou toute activité terroriste et sur lesquelles pèsera une pression très lourde.

Il me semble, d’ailleurs, nécessaire de supprimer dans cet article la référence à l’« irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », car il est injustifié d’assimiler une personne atteinte d'une maladie psychique à un terroriste en puissance.

A contrario, les terroristes chevronnés et toujours impliqués dans des activités dangereuses trouveront aisément le moyen de contourner cette obligation. En effet, de même qu’il existe de vrais faux papiers, ils trouveront assurément les moyens de déclarer une vraie fausse adresse et d’organiser clandestinement leur sortie du territoire. Tout cela risque donc de conduire à une pénalisation aggravée des actes commis par ceux qui auraient rompu avec les réseaux et que la loi soumettrait à des obligations importantes et de nature à les stigmatiser, sans effet réel sur la prévention du terrorisme.

Bien sûr, quelques aménagements à la marge, quoique non négligeables, pourraient être apportés à ce dispositif.

Compte tenu de l’importance des contraintes qui peuvent peser sur les personnes inscrites dans le FIJAIT, il serait intéressant, par exemple, que seul le procureur de la République puisse d’office demander l’effacement ou la rectification des données. On pourrait également limiter l’accès aux informations contenues dans ce fichier aux seuls maires et présidents des collectivités, en lieu et place des exécutifs dans leur ensemble, et inscrire dans la loi que la communication de l’intégralité des informations concernant la personne condamnée et figurant dans le fichier doit intervenir dans un délai de deux mois.

Toutefois, à nos yeux, ce nouveau fichier constitue, pour l’essentiel, une réponse inadaptée et illusoire dans le cadre de la prévention du terrorisme. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 11 bis.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce sujet est, en effet, très important. Il existe déjà un fichier des auteurs de violences sexuelles, qui a été élargi aux auteurs d’autres violences, le FIJAISV.

Le fichier des personnes condamnées pour actes de terrorisme, le FIJAIT, vise, quant à lui, à assujettir ces personnes à des mesures de sûreté qui les obligent à se présenter régulièrement dans les commissariats de police ou les gendarmeries, pour que ceux-ci puissent les localiser, suivre l’évolution de leurs activités et s’assurer qu’ils ne présentent pas un risque de récidive trop évident.

Évidemment, l’intérêt du FIJAIT est d’être le plus complet possible. Or il existe deux types de situations différents. Il faut, en effet, distinguer les personnes condamnées pour actes de terrorisme avant l’entrée en vigueur de la future loi – qui ne saurait être une loi rétroactive – de celles qui seront condamnées après son entrée en vigueur.

Pour les personnes condamnées avant l’entrée en vigueur de la loi que nous examinons, le projet de loi issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoit l’automaticité de l’inscription au FIJAIT : cette inscription ne résulte donc ni de la décision d’un juge ni de l’appréciation au cas par cas de l’opportunité de soumettre ces personnes à une mesure de sûreté.

Pour les futurs condamnés, en revanche, le même texte prévoyait la faculté pour le juge de prononcer cette mesure de sûreté. À ce stade, je tiens à signaler qu’une mesure de sûreté n’est en aucun cas une peine. C’est simplement une disposition prise pour prévenir la participation des personnes condamnées à de nouveaux actes de terrorisme.

Dans le texte qui était soumis à notre assemblée, il existait, par conséquent, une discordance assez inégalitaire ou injuste entre les personnes condamnées avant l’entrée en vigueur de la loi et celles qui le seraient après celle-ci.

Il nous a semblé, par analogie avec ce qui existe déjà pour le FIJAISV, qu’il était préférable que la mesure de sûreté – celle-ci, j’insiste sur ce point, est non pas une mesure de sanction, mais bien une mesure de surveillance –, ne soit pas non plus prononcée par le juge lorsque la personne est condamnée après l’entrée en vigueur de la loi. Ainsi, la commission assure un traitement égal de tous les condamnés, anciens comme futurs, ce principe d’égalité étant naturellement un principe qui nous tient à cœur.

Pour tempérer cette règle qui peut paraître sévère, le procureur de la République, saisi par la personne mise sous surveillance, a naturellement la possibilité de lever la mesure de sureté, quelle que soit désormais la date de la condamnation.

En outre, j’insiste sur le fait que la mesure de sûreté n’est applicable qu’à un certain nombre d’années. Vous pouvez vous référer au texte pour en savoir plus, car le schéma, qui est un peu complexe, a le mérite d’être précis.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émettra un avis défavorable non seulement sur l’amendement n° 63, mais aussi sur les amendements suivants. Parmi ces derniers, je serai ainsi défavorable à l’amendement n° 164 rectifié qui tend à prévoir que le juge ordonne une mesure de sûreté pour les nouveaux condamnés, tandis que ce serait au législateur et non au juge d’imposer, en quelque sorte, cette mesure aux anciens condamnés.

Je serai également défavorable à l’amendement n° 163 rectifié, qui vise les condamnés qui ont été exonérés de leur responsabilité pénale. En effet, la mesure de sûreté étant non pas une peine, mais une mesure de surveillance, il nous a semblé que l’exonération de responsabilité pénale ne devait pas conduire à renoncer à la surveillance qui sera appliquée à toute personne inscrite dans le FIJAIT. Il ne nous paraît pas indispensable de savoir si ladite personne était en pleine possession de ses moyens psychiques, mentaux et intellectuels au moment du crime.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de l’amendement n° 63, je nuancerai tout d’abord l’analogie réalisée par Mme Assassi entre le nouveau fichier, le FIJAIT, et le fichier des auteurs d'infractions sexuelles, le FIJAISV, parce que les conditions d’inscription et les délais s’appliquant ne sont pas les mêmes et ne sont même pas comparables.

Ensuite, Mme Assassi a évoqué son intérêt pour l’amendement n° 111, qui tend à prévoir que seul le procureur de la République peut demander l’effacement de l’inscription. Au contraire, nous pensons que les intéressés eux-mêmes doivent pouvoir réaliser cette démarche. Il existe donc un point de désaccord entre nous à ce sujet.

Madame Assassi, vous faites également référence à deux fichiers, les fichiers TAJ et CRISTINA, ce qui suppose que vous admettez bien la nécessité du FIJAIT.

Mme Éliane Assassi. Non, j’évoque ces fichiers simplement parce que je sais qu’ils existent !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous faites référence à d’autres fichiers que le FIJAIT, cela signifie que vous admettez la nécessité de l’inscription des condamnés.

Mme Éliane Assassi. Mais non, voyons ! Vous savez bien que je suis opposé à la création de ce nouveau fichier !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pardon si je l’interprète ainsi, madame Assassi, mais je pense que l’on ne nie pas absolument la nécessité d’un tel fichier, lorsque l’on défend l’argument – ce que je crois avoir entendu – selon lequel les fichiers TAJ et CRISTINA suffisent déjà au suivi des condamnés.

Je précise, à cet égard, que ce n’est d’ailleurs pas le cas de ces deux fichiers, puisqu’ils ne contiennent pas d’obligations. En revanche, figure bien dans le FIJAIT l’obligation pour le condamné de signaler ses déplacements et ses éventuels changements d’adresse. Tous ces fichiers n’ont donc pas la même destination.

En réalité, le FIJAIT a été conçu pour répondre à la nécessité d’identifier et de localiser des personnes qui ont fait l’objet de condamnations pour actes terroristes. En effet, il s’est trouvé, notamment au cours des attentats de janvier 2015, que des personnes qui avaient fait précédemment l’objet de condamnations pour actes terroristes ou association de malfaiteurs n’ont pas pu être identifiées en raison de l’absence de suivi de leur adresse. Ce fichier satisfait donc la nécessité de cette surveillance.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 63.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 163 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’alinéa 19 de l’article 11 bis, que le présent amendement vise à supprimer, mentionne parmi les personnes qui pourront être inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le FIJAIT, celles ayant fait l’objet « d’une décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ».

Sans ignorer qu’une disposition similaire est en vigueur s’agissant des inscriptions au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS, j’estime, comme certainement nombre d’entre vous, mes chers collègues, qu’il serait très contestable d’assimiler les personnes atteintes de maladies ou de troubles psychiques à des terroristes en puissance. Les familles de ces personnes, qui sont des malades, ainsi que les associations qui les défendent sont extrêmement sensibles à ce point.

J’écouterai avec d’autant plus d’attention les explications de Mme la garde des sceaux – M. le rapporteur s’étant exprimé par anticipation – que l’alinéa 16 du même article instaure dans le code de procédure pénale un article 706-25-4 ainsi rédigé : « Lorsqu’elles concernent une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles mentionnées à l’article 421-2-5 du même code, ainsi que les infractions mentionnées à l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, sont enregistrées dans le fichier les informations relatives à l’identité ainsi que l’adresse ou les adresses successives du domicile et, le cas échéant, des résidences des personnes ayant fait l’objet » de plusieurs décisions, parmi lesquelles une « décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ».

Madame la garde des sceaux, je me demande si ces dispositions ne visent pas, sans qu’il soit nécessaire de les mentionner de façon particulière, les personnes qui, tout en étant atteintes d’une maladie psychique, ont été condamnées sur le fondement des articles mentionnés à l’alinéa 16. Si tel était le cas, le maintien de l’alinéa 19 serait superflu. Si l’on estime qu’il est nécessaire, il faut nous en expliquer la raison de manière très précise, afin de prévenir les faux procès.

M. le président. La commission a déjà fait connaître qu’elle était défavorable à cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons déjà débattu de ce point, monsieur le sénateur. Lorsque cette question avait été abordée dans la discussion du projet de loi dont est issue la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, le Sénat avait pris l’initiative d’inverser le principe applicable en matière de sévérité de la peine, considérant que les troubles psychiques ou psychologiques devaient être des facteurs de réduction plutôt que d’aggravation des peines, à rebours de ce qui s’était passé au cours des années précédentes.

Les résultats de cette mesure sont d’ailleurs tangibles ; vous savez que nos établissements pénitentiaires accueillent un nombre élevé de personnes présentant des troubles psychiques.

Monsieur Sueur, j’entends votre préoccupation en ce qui concerne l’inscription de ces personnes au FIJAIT. Je vous rappelle simplement que, lorsqu’une décision d’irresponsabilité pénale est prononcée, la personne qui en fait l’objet est inscrite dans les autres fichiers. Le FIJAIT est un fichier de surveillance, de sûreté ; il n’induit pas une peine, mais permettra de retrouver facilement une personne qui a déjà commis des actes terroristes.

Certaines personnes atteintes de troubles psychiques devront faire l’objet de décisions de soins, y compris, le cas échéant, d’une hospitalisation sous contrainte. Les juridictions prendront les mesures qui conviennent en la matière et l’hôpital en répondra.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 163 rectifié : s’il était adopté, le FIJAIT serait le seul fichier dans lequel ne seraient pas inscrites les personnes ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale, qui sont inscrites au fichier automatisé des empreintes digitales, au fichier national des empreintes génétiques et au traitement d’antécédents judiciaires. Il n’en reste pas moins que la question des troubles psychiques reste vive et que nous devons la traiter.

Permettez-moi, monsieur le président, de répondre d’un mot à Mme Assassi en ce qui concerne la comparaison qu’elle a établie entre le FIJAIT et le FIJAIS. Je vous signale, madame la sénatrice, que la durée de conservation des informations, qui peut atteindre soixante-dix ans dans le FIJAIS compte tenu des délais de conservation dans le casier judiciaire, est limitée à dix ans pour les adultes et à cinq ans pour les mineurs dans le FIJAIT. Voilà une raison pour laquelle votre comparaison ne se justifie pas, comme je vous l’ai fait observer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Compte tenu des explications qui nous ont été fournies par M. le rapporteur tout à l’heure et par Mme la garde des sceaux à l’instant, je vais retirer l’amendement n° 163 rectifié, étant entendu que le débat est éclairé par les propos qui ont été tenus sur l’ensemble des décisions relatives à l’irresponsabilité pénale : il sera injustifié de voir dans l’alinéa 19 de l’article 11 bis une quelconque stigmatisation des personnes victimes de troubles mentaux.

M. Jean-Jacques Hyest. On ne va pas réécrire à tout moment le code de procédure pénale !

M. Jean-Pierre Sueur. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 163 rectifié est retiré.

L'amendement n° 164 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Remplacer les mots :

, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction

par les mots :

sur décision de la juridiction

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement qui, lui, ne sera pas retiré, car nous y tenons, vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’alinéa 23 de l’article 11 bis, qui est l’une des dispositions du nouvel article 706-25-4 du code de procédure pénale, relatif aux conditions d’inscription dans le FIJAIT.

Sur l’initiative de notre rapporteur, M. Philippe Bas, la commission des lois a renversé le principe du dispositif adopté par l’Assemblée nationale, en prévoyant une inscription automatique dans ce fichier, exception faite des infractions à l’interdiction de sortie du territoire et sauf décision contraire de la juridiction ou du procureur de la République.

Les auteurs de cet amendement proposent de restaurer le principe initial selon lequel l’inscription d’une personne nécessite une décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République, d’autant que les condamnations peuvent ne pas être définitives.

Tout à l’heure, M. Bas a expliqué qu’il y avait un stock et un flux – pardonnez-moi d’employer ces mots pour parler de décisions visant des êtres humains. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)

Or s’il est réaliste et raisonnable de considérer que l’inscription doit être automatique en ce qui concerne le stock de décisions ayant été prises avant la promulgation de la loi, est-il illégitime de penser que, après la promulgation de la loi, cette inscription devra résulter d’une décision positive de la juridiction ?

Nous pensons que non, et qu’il n’y a pas lieu d’y voir une inégalité : il s’agit, d’une part, de gérer une situation existante, et, d’autre part, de mettre en œuvre un nouveau dispositif, qui prospérera tandis que diminuera le nombre des personnes inscrites dans le fichier au titre des décisions acquises au moment de la promulgation de la loi. Au fond, ce type de questions se pose à chaque fois qu’une disposition nouvelle est instaurée.

M. le président. La commission a déjà fait connaître qu’elle était défavorable à cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le présent amendement vise à rétablir le dispositif adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois.

Le Gouvernement avait émis un avis favorable sur l’amendement de M. Le Bouillonnec, tout en étant conscient de la difficulté que M. le rapporteur a exposée il y a quelques instants, liée à la différence de traitement entre celles et ceux qui seraient inscrits sur le fichier de façon automatique, parce qu’ils ont été condamnés préalablement à sa création, et celles et ceux dont l’inscription au fichier résulterait de la décision explicite d’une juridiction.

M. le rapporteur a très clairement expliqué la logique qui est entamée par cette différence de traitement. Une autre logique peut se concevoir, consistant à soumettre à une décision précédée d’un examen la situation des personnes condamnées antérieurement à la création du fichier, de sorte que l’inégalité de traitement disparaîtrait. Cette idée ne serait pas extravagante, mais elle mériterait d’être étudiée plus sérieusement avant d’être peut-être retenue ; je puis déjà vous indiquer que 1 700 personnes environ seraient potentiellement concernées.

Le Gouvernement serait cohérent avec la position qu’il a prise à l’Assemblée nationale en se déclarant favorable à l’amendement n° 164 rectifié. Toutefois, le débat n’est pas mûr et la réflexion mérite d’être approfondie. Et comme il ne serait pas responsable d’introduire une différence de traitement sans en tirer les conséquences, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est presque minuit. Comme il nous reste dix-sept amendements à examiner, je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à la fin de la discussion du projet de loi.

Il n’y a pas d’opposition?...

Il en est ainsi décidé.

Je mets aux voix l'amendement n° 164 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 199 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 139
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.)

M. le président. La séance est reprise.

L'amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 46 et 47

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Si une personne réside à l’étranger, elle doit adresser les justificatifs prévus au 1°, 2° et 4° par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du service gestionnaire. Elle n'est pas astreinte à l'obligation prévue au 3°.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Pour les Français résidant à l’étranger, le système de déclaration au consulat peut être extrêmement lourd au regard du faible nombre de sections consulaires dans certains pays, puisqu’ils doivent justifier leur adresse tous les trois mois.

C’est pourquoi il est proposé ici d’aligner la situation des Français sur celle des étrangers ; c’est d’ailleurs celle qui est prévue pour le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAISV.

En outre, il apparaît inutile d’astreindre les personnes résidant à l’étranger et voulant se déplacer dans un autre pays étranger à déclarer ces informations à l’autorité française, surtout si elles sont étrangères.

Il devrait être possible de déclarer les déplacements à l’étranger par courriel sécurisé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Benbassa, les dispositions de votre amendement ont attiré mon attention d’une part, sur la distorsion de traitement entre les Français résidant à l’étranger et les personnes de nationalité étrangère, et, d’autre part, sur les problèmes de distances et de modalités pratiques auxquels sont confrontés les Français résidant à l’étranger qui tentent de satisfaire les obligations prévues par l’article 11 bis.

Le Gouvernement est néanmoins défavorable à votre proposition, dans la mesure où elle nécessite une évaluation plus précise. Je le dis délibérément, pour que cela soit inscrit au Journal officiel : nous allons voir quelles dispositions prendre pour y remédier avant la commission mixte paritaire, l’objectif étant de résoudre les inégalités de traitement, tout en prenant en compte les contraintes géographiques et physiques de ces personnes résidant à l’étranger, afin de rendre possible l’exécution des obligations prévues.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Tout d’abord, je remercie Mme Esther Benbassa d’avoir déposé cet amendement, dont les dispositions ont attiré notre attention sur cette différence de traitement. Je remercie également Mme la garde des sceaux de sa réponse si cet amendement ne devait finalement pas être adopté.

Monsieur le rapporteur, en tant que membre éminent de la commission mixte paritaire, je vous demande de trouver une solution pour faire évoluer cette situation, afin qu’il n’y ait pas de différence entre un étranger et un Français qui serait soumis aux mêmes obligations.

Il faut savoir que, dans plusieurs grands pays, la distance moyenne entre la résidence d’un Français et le consulat se chiffre à des centaines de kilomètres, voire à mille ou trois mille kilomètres pour les plus grands États. Par conséquent, il est absolument indispensable de trouver une solution pour éviter cette différence de traitement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Je donne acte à Mme Benbassa et à M. Leconte d’avoir soulevé ce problème, qui est bien réel. J’espère en effet que nous pourrons trouver une solution dans le cadre de la commission mixte paritaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 204, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 65, première phrase

Après les mots :

code pénal

insérer les mots :

ou à l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement de coordination vise à permettre aux officiers de police judiciaire de consulter le fichier des auteurs d'infractions terroristes dans le cadre des enquêtes qu'ils mènent sur les infractions aux dispositions relatives à l'interdiction administrative de sortie du territoire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 73 rectifié n’est pas soutenu.

L'amendement n° 214, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :

I Alinéa 72

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les maires et les présidents des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales sont également destinataires, par l’intermédiaire des représentants de l'État dans le département, des informations contenues dans le fichier pour les décisions administratives mentionnées au 3°.

II Alinéa 66

Remplacer le mot :

préfets

par les mots :

représentants de l'État dans le département

La parole est à M. le rapporteur.