M. Gilbert Barbier. Évitons de mélanger tous les problèmes qui peuvent se poser.

Le cas de Chantal Sébire, mon cher collègue, n’entre pas du tout dans le cadre de cette proposition de loi. Il ne s’agissait pas d’une question de fin de vie, mais de malaise, de souffrance. Cela n’a rien à voir.

Par ailleurs, va-t-on discuter dès à présent, comme l’a fait M. le rapporteur, de la sédation profonde et continue ? Je remercie Mme la ministre de ne pas avoir, dans son intervention, employé l’adjectif « profonde » – c’est tout de même un bon point.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

M. Gaëtan Gorce. On ne peut dire que cet amendement n’entre pas dans le cadre de la loi.

Le problème n’est pas d’entrer ou non dans le cadre de la loi, mais de savoir si l’on entre ou non dans le cadre des situations que vivent les familles, les malades, les équipes médicales.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Gaëtan Gorce. Une loi qui s’arrête à la frontière des problèmes posés aux hôpitaux, aux familles et aux patients n’a pas beaucoup de sens et ne peut prétendre apporter de réponses. Je ne dis pas que c’est le cas de cette proposition de loi ; je dis simplement que la discussion doit pouvoir s’étendre à ces interrogations.

Madame la ministre, s’il est vrai que la sédation profonde et continue peut apporter une réponse aux situations nouvelles évoquées dans ce texte, il est toutefois précisé qu’il n’y est recouru que si le pronostic vital est engagé à court terme. On est donc là tout à fait à la fin d’une existence marquée par la maladie et qui va se terminer de la manière qu’on imagine.

La situation de Chantal Sébire était différente. Je crois qu’il faut s’appuyer sur des exemples précis, concrets. Je redoute les prises de position abstraites sur ce sujet. On peut même dire qu’elles m’effraient.

Chantal Sébire souffrait d’un cancer des sinus qui avait évolué de manière très grave, en partie parce qu’elle avait refusé certains traitements – peut-être avait-elle été mal conseillée.

Elle n’était pas hospitalisée, ne dépendait pas d’un traitement et son pronostic vital n’était pas engagé à court terme. Toutefois, elle savait qu’elle allait subir une dégradation de son état physique, et par conséquent de sa situation psychologique, d’une particulière gravité, qu’elle serait contrainte à l’hospitalisation, à la perte d’autonomie, à la prise en charge médicale d’une manière de plus en plus contraignante et étroite.

Elle a donc demandé au Président de la République de l’époque de trouver une solution pour la soulager. Il ne pouvait naturellement rien faire, faute d’une législation adaptée.

Elle s’est alors tournée vers son médecin, lequel n’avait pas non plus de solution légale à lui proposer. Accompagnée de sa famille, quelle solution a-t-elle dû mettre en œuvre ? Le suicide, en pleine nuit, seule, chez elle, dans des conditions terribles.

Personne ne peut encourager ou favoriser ce type de fin de vie. J’entends les uns et les autres dirent qu’il faut faire preuve d’humanité, de sérénité, d’attention… Or il s’agit d’une situation qui peut se reproduire,…

M. Gaëtan Gorce. … et qui, d’ailleurs, se reproduit.

M. Gaëtan Gorce. On peut y répondre d’une façon beaucoup plus directe. Certains de mes collègues défendront l’idée qu’il faut reconnaître le droit de demander une injection létale, la personne ayant le droit de décider. Philosophiquement, je suis assez d’accord avec cette idée.

Toutefois, j’entends aussi les réticences qui peuvent exister dans notre société. Je vois aussi les risques que cela peut représenter dans le fonctionnement de nos hôpitaux, où, nous le savons, tout ne se passe dans des conditions telles qu’on pourrait le souhaiter. Lisez le rapport remis au Président de la République en 2012 par le professeur Sicard. Celui-ci montre qu’en dépit de la loi Leonetti toute une série d’équipes médicales en hôpitaux continuent de pratiquer des euthanasies sans le consentement des personnes, sans même en avoir informé les malades ou leur famille. Telle est la réalité !

M. Gaëtan Gorce. Je veux bien que l’on emploie les adjectifs « digne » ou « sereine », je veux bien que l’on nous dise plein de choses, mais, encore une fois, telle est la réalité !

Notre devoir est de soulager ceux qui sont confrontés à ces situations. Dans le cas de Chantal Sébire, il n’y aurait pas eu d’autre solution que celle que je préconise, c’est-à-dire de lui permettre de se tourner vers une commission à même d’évaluer la situation médicale sans issue dans laquelle elle se trouvait – tout du moins la perte d’autonomie et les souffrances terribles qui l’attendaient – , ainsi que l’absence de solution juridique, faute d’entrer dans le cadre de la loi – pour reprendre la formule de mon collègue Barbier.

Que faire ? La laisser souffrir ? La condamner au suicide isolé, dans la nuit, comme elle l’a connu ? Puisqu’il est question de dignité, cette solution vous paraît-elle digne et acceptable ? Non, c’est insupportable !

Nous devons mettre de côté nos a priori juridiques, philosophiques, idéologiques pour considérer la situation des personnes telle qu’elle est réellement. C'est pourquoi je défends cet amendement et je continuerai à le défendre.

J’entends vos arguments, madame la ministre. Toutefois, je ne crois pas que cet amendement soit rendu obsolète par ce texte, précisément parce que celui-ci ne s’adresse qu’à des personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme.

Je pense que nous devons progresser par étapes. La situation qui me paraîtrait la plus satisfaisante serait celle où la personne en fin de vie, qui va mourir ou qui veut mourir, peut choisir la solution qui lui convient le mieux parmi toutes celles que peut offrir une société avancée comme la nôtre.

Elle peut vouloir des soins palliatifs pour prolonger sa vie dans des conditions décentes afin de connaître, par exemple, les résultats de son petit-fils au baccalauréat – très bien !

Au contraire, elle peut vouloir mettre fin à ses jours pour des raisons philosophiques ou pratiques par l’interruption du traitement, accompagnée d’une sédation profonde et continue pour éviter de souffrir. Toute la question est là : il s’agit de faire en sorte que la personne ne souffre pas, que l’agonie ne soit pas trop longue et insupportable. Là encore, si tel est le choix de la personne et que la société le lui permet, fort bien !

Si cette personne souhaite, par une injection létale, en finir plus tôt, cela ne me poserait pas de problème à terme, à supposer, bien évidemment, que la culture des hôpitaux ait évolué et que nous soyons prêts à assumer ce type de responsabilité. Je doute en effet que tel soit le cas aujourd'hui en observant la pratique médicale, le rapport à la mort et la façon dont nous abordons encore ces questions dans la réalité de nos établissements.

Progressons par étapes ! La loi Leonetti en a été une, la sédation profonde et continue en est une autre, complémentaire. Avant d’aller peut-être plus loin un jour, je propose que nous franchissions une étape nouvelle, qui nous fasse progresser dans ce débat. (MM. Jean-Jacques Filleul et Éric Jeansannetas ainsi que Mme Corinne Bouchoux applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je serai très bref, monsieur le président.

Nous avons déposé d’autres amendements qui viendront bientôt en discussion. Pour autant, nous soutiendrons l’amendement défendu par notre collègue Gaëtan Gorce, qui a le mérite de bien poser le problème.

Nous allons discuter tout à l’heure de la sédation profonde, à l’ultime moment de la vie. Mais le cas absolument dramatique de Chantal Sébire, qui a fait la une des journaux, n’est pas isolé. Il existe en effet un grand nombre de cas identiques dont on ne parle pas. Face à de telles situations, nous sommes sans réponse. Or M. Gorce propose une réponse appropriée.

Pour ma part, je ne suis pas très favorable à l’expression « exception d’euthanasie », même si M. Sicard et le Conseil national de l’ordre des médecins l’ont utilisée voilà déjà une dizaine d’années, car elle peut se heurter à certains problèmes juridiques. Toutefois, je pense qu’il n’est pas possible de laisser sans solution les personnes confrontées aux situations que vient de décrire notre collègue.

Je le rappelle, on y reviendra tout à l’heure, certaines personnes savent très bien que leur fin de vie se fera dans une souffrance intense, qu’elles ne sont pas sûres de pouvoir supporter. Sachant qu’il n’existe pour elles aucune solution, elles préfèrent anticiper. N’attendons donc pas qu’elles soient à l’article de la mort ! Nous devons leur apporter une réponse, laquelle, pour le moment, n’existe pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam et MM. Grand et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et en médecine de la douleur

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Si tout médecin doit pouvoir soulager la douleur aiguë, la prise en charge des douleurs chroniques nécessite des compétences spécifiques.

Aussi serait-il à nos yeux utile de créer un diplôme d’études spécialisées complémentaires – DESC – « douleur », qui offrirait une formation spécifique de qualité et permettrait une régulation de la filière et une meilleure adéquation de l’offre aux besoins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Amiel, corapporteur. Actuellement, la prise en charge de la douleur chronique et l’apprentissage de cette prise en charge s’effectuent dans le cadre des diplômes universitaires de soins palliatifs.

Par ailleurs, à l’article 1er du texte, nous rappelons la nécessité d’une formation en la matière pour les professions médicales et les psychologues cliniciens.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, non pas sur l’objectif visé, mais parce que l’article 1er, que nous examinons, comporte déjà un alinéa prévoyant la formation non seulement des médecins, mais aussi des professionnels de santé à la prise en charge de la douleur et aux soins palliatifs.

Je vous ai par ailleurs indiqué tout à l’heure que, dans le cadre du plan qui sera présenté, des dispositions seront prises pour ce qui concerne la formation de l’ensemble des professionnels de santé.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Grand, dans la mesure où il n’existe pas de désaccord sur le fond. Simplement, le Gouvernement estime qu’il est soit déjà satisfait, soit redondant par rapport à ce qui existe.

M. le président. L’amendement n° 96 rectifié est-il maintenu, monsieur Grand ?

M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 96 rectifié est retiré.

L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet, Gilles et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mme di Folco, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans le cadre de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente au Parlement un bilan de cette formation et un état des unités de soins palliatifs.

La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Cet amendement se situe dans le prolongement de l’amendement n° 54 rectifié, qui a retenu notre attention en début de soirée en posant le principe d’un développement des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Or vous avez fait valoir au cours de la discussion que le développement des soins palliatifs nécessitait des moyens.

Par conséquent, au travers de cet amendement, nous proposons que, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente le bilan du développement des soins palliatifs. J’ai cru comprendre tout à l’heure que le président Milon n’était pas hostile à cette suggestion et qu’il voyait même une certaine cohérence entre l’amendement n° 54 rectifié et l’amendement n° 57 rectifié que je suis en train de présenter.

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Tout établissement d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes est tenu de mettre en place un plan de formation spécifique de son personnel à l'accompagnement de la fin de vie.

La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Nous avons tous insisté au cours du débat sur la nécessité de développer une « culture palliative ». Au travers de cet amendement, nous proposons donc que les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes mettent en place un plan de formation spécifique de leur personnel à l’accompagnement à la fin de vie.

Je formulerai deux observations.

Premièrement, il s’agit bien d’une formation à l’accompagnement à la fin de vie visant l’ensemble des personnels, et non d’une formation aux soins palliatifs, qui concernerait plus particulièrement le personnel soignant.

Deuxièmement, ce plan de formation s’inscrivant dans le plan de formation auquel est tenu tout établissement accueillant des personnes âgées dépendantes, il ne prévoit donc pas une dépense supplémentaire. Il s’agit simplement de veiller à ce que ces plans prennent en compte la dimension de l’accompagnement à la fin de vie, toujours dans la logique du développement des soins palliatifs, de l’accompagnement à la fin de vie et, d’une façon plus générale, de la culture des soins palliatifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Michel Amiel, corapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 57 rectifié. J’entends avec plaisir que cela entre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (M. Dominique de Legge s’exclame.) J’insiste : par rapport au débat qui s’est tenu tout à l’heure, c’est assez étonnant !

En revanche, la commission est défavorable à l’amendement n° 58 rectifié, qui paraît redondant. En effet, nous avons déjà précisé l’importance des formations des praticiens, des professions paramédicales, qu’ils exercent à l’hôpital, en EHPAD ou à domicile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote sur l'amendement n° 57 rectifié.

M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaite simplement apporter certaines précisions, à la suite d’un malentendu intervenu tout à l’heure.

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je n’ai certainement pas voulu dire que les auteurs de la proposition de loi auraient comme intention que la sédation profonde devienne une alternative aux soins palliatifs. Je souhaitais simplement souligner le fait que, si on n’adopte pas une attitude très volontariste, sur tout le territoire, pour développer la culture palliative, on court en effet un tel risque. D’où mon soutien particulier au développement massif de la culture palliative et de la formation en la matière.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’entends mieux ce que dit maintenant M. Jean-Pierre Leleux. Au demeurant, je ne reviendrai pas sur les propos intervenus tout à l’heure.

En effet, il faut à tout prix développer les soins palliatifs, nous sommes tous d’accord sur ce point. À cet égard, je vous rappelle que vous avez adopté tout à l’heure, mes chers collègues, un amendement prévoyant la création de 20 000 lits en soins palliatifs.

Puisque c’est voté, il faudra que les gouvernements qui suivront mettent cette disposition en place. Toutefois, je vous mets au défi de créer, dans les trois, quatre ou cinq ans qui viennent, ces 20 000 lits !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 58 rectifié.

M. Dominique de Legge. J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le rapporteur, dont je vous remercie. S’agissant des plans de formation, je pourrais vous rejoindre, mais à un détail près qui a tout de même son importance.

Dans le texte actuel, il est question d’une formation initiale et continue s’intégrant au plan de formation des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens. Elle ne concerne pas l’ensemble des personnels des EHPAD.

Or il me semble dangereux d’instaurer une telle dichotomie entre les personnels appartenant aux équipes soignantes, qui recevraient une formation aux soins palliatifs, et les personnels ayant vocation non pas à donner des soins, mais à être présents auprès des personnes âgées, y compris en fin de vie.

Il me semble donc qu’il y a là une petite incompréhension. J’aurais en effet souhaité que l’ensemble des personnels bénéficient de ce plan de formation à l’accompagnement à la fin de vie.

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.

M. Michel Amiel, corapporteur. Je vais m’efforcer de lever cette incompréhension. Aujourd'hui, en matière de soins palliatifs, il existe un diplôme universitaire et un diplôme interuniversitaire de niveau II. Que les équipes qui travaillent dans les endroits dédiés aux soins palliatifs – je pense aux unités de soins palliatifs et aux EHPAD – aient une sensibilité à ces questions, cela me semble tout à fait normal. En revanche, la formation, c’est autre chose : elle doit déboucher sur des questions d’ordre technique et décisionnaire.

Or, si des personnes appartenant à une unité de soins palliatifs en tant que personnels administratifs ou techniques peuvent être sensibilités à ces questions, il ne leur est pas possible d’intervenir dans les décisions qui sont prises. C’est la raison pour laquelle la formation doit être réservée, selon moi, aux personnels dédiés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. À titre personnel, je soutiendrai l’amendement de notre collègue Dominique de Legge. Il me semble en effet que, dans les EHPAD, dont certains résidents sont en fin de vie, il est nécessaire que l’ensemble du personnel soit formé. Il n’est pas suffisant de former aux soins palliatifs le personnel médical, qui a suivi des études universitaires. Car c’est tout un processus d’accompagner les personnes ! Cela concerne également l’aide-soignante et la personne qui fait la toilette.

Ayant présidé un hôpital auquel était rattaché un EHPAD, j’ai souvent constaté que les jeunes gens affectés à l’EHPAD, qui se retrouvaient dans des positions un peu compliquées, rencontraient des difficultés. Ils ne savaient pas comment s’y prendre dans ces situations, qui demandent une formation, de l’expérience et des contacts particuliers. Ainsi, une formation spécifique, qui ne soit pas obligatoirement médicale, pour les personnes amenées à accompagner des personnes âgées en fin de vie me semble une bonne chose.

Plus on formera les personnels, quel que soit leur niveau, à l’accompagnement, mieux ces établissements se porteront.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je reviens sur les termes « ensemble du personnel », M. le rapporteur ayant fait preuve de délicatesse dans sa réponse.

On peut imaginer qu’une équipe médicale, à la rigueur de l’aide-soignante jusqu’au médecin, puisse participer à des soins palliatifs. Mais M. le rapporteur a évoqué les personnels techniques : il s’agit, notamment, des cuisiniers et des femmes de ménage. Doivent-ils être formés aux soins palliatifs ?

M. Dominique de Legge. À l’accompagnement de la fin de vie !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. À un moment donné, il faut tout de même avoir certaines compétences pour exercer ce genre d’activités.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre, qui me semblent assez exacts. Elle rappelait en effet que, sur un territoire, il peut y avoir d’énormes différences en termes de traitement et d’offre de soins palliatifs entre les maisons de retraite, les EHPAD, les hôpitaux et le domicile.

À cet égard, permettez-moi de vous faire part d’une expérience que j’ai menée en tant que président d’un conseil général. Découvrant l’étude publiée en 2013 par l’Observatoire national de la fin de vie, j’avais été absolument effaré par les chiffres donnés.

J’ai alors commandé une étude précise, qui donne la moyenne, EHPAD par EHPAD, des résidents qui décédaient dans leur établissement plutôt qu’à l’hôpital. J’ai été stupéfait de voir que cette moyenne variait de 6 % à plus de 60 %.

J’ai donc demandé que l’on recherche les critères objectifs pouvant expliquer cet écart énorme. Cela dépendait-il de la localisation – à la mer ou dans le bocage, à la campagne ou dans la ville –, du statut – public ou non –, du taux de dépendance, lourd ou non ?

Même si la présence d’infirmiers de nuit peut jouer, je n’ai finalement trouvé qu’un critère explicatif, celui de la culture d’établissement et de la formation.

Avec Marie de Hennezel, nous avons donc mis en place un plan de formation spécifique destiné aux médecins coordonnateurs, aux infirmiers, bref – sur ce point, je rejoins la remarque formulée par M. le président de la commission – au personnel qui encadre les résidents. Je vous assure, mes chers collègues, que tout n’est pas qu’une question de moyens financiers. La culture, l’environnement, l’ambiance, la pratique, cela compte aussi.

Mieux nous formerons le personnel, mieux nous l’accompagnerons, mieux cela ira. Je le dis d’expérience ; je ne vous livre pas là un point de vue idéologique. Nous devrions donc accorder un peu de crédit à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Les membres du groupe écologiste vont soutenir cet amendement, pour des raisons qui ne sont pas très éloignées de celles qui ont été mobilisées à l’instant par Bruno Retailleau, et qui ont trait à l’expertise d’usage. Peut-être existe-t-il un tropisme dans l’ouest de la France (Sourires.), territoire de culture catholique.

Nous tenons en tout cas à ce que tout le monde soit formé. Peut-être avons-nous des expériences très différentes les uns les autres, mais je tiens à dire que, dans certaines régions, la pénurie de personnes formées explique que des bénévoles, évoluant au sein d’associations, suivent des formations pour accompagner les personnes en fin de vie.

Il nous semble donc extrêmement important que le gardien, l’aide-soignant, le cuisinier des établissements dont nous discutons puissent être sensibilisés de manière systématique à cette culture.

Dès lors, il est fondamental, pour nous aussi, que la notion de soins palliatifs soit partagée par tous. Cela n’enlève rien aux divergences de vue que nous aurons peut-être lors de nos prochains échanges.

Nous soutiendrons donc cet amendement, qui va dans le bon sens. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.

M. Michel Amiel, corapporteur. Je voudrais réagir aux propos de M. Retailleau sur les EHPAD. On peut faire tout ce que l’on veut en matière de formation, former les médecins et les infirmiers coordonnateurs des EHPAD, par exemple ; mais il se peut très bien que ces derniers ne soient pas présents quand les choses tournent mal. Tout le problème est là.

Pour prendre un exemple caricatural, une détresse respiratoire, une insuffisance cardiaque à un stade terminal peut très bien requérir leur présence à la veille d’un week-end, vers vingt heures-vingt heures trente. Dans ce cas, une formation en soins palliatifs permettrait peut-être d’assumer la fin de vie sur place.

Dans la réalité, cela ne va pas se passer ainsi. Émotionnellement, les choses ne sont pas faciles à gérer, sans compter que le personnel présent peut avoir des arrière-pensées d’ordre juridique, motivées par des dispositions médicolégales. Dès lors, dans ces conditions, la personne âgée sera hospitalisée. Les textes ne prévoient pas, en effet, qu’un médecin ou un infirmier, formés ou non, soient présents et permettent le maintien du patient sur place.

Le problème n’est donc pas lié à la ruralité ou à la formation – l’expérience que j’en ai montre que c’est exactement la même chose dans un département qui n’a rien de rural – ; il est lié à la présence de personnels qualifiés.

M. Georges Labazée. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Une confusion est faite. L’alinéa 9 de l’article 1er prévoit que « la formation initiale et continue […] comporte un enseignement sur les soins palliatifs ». Le dispositif de l’amendement dont nous discutons tend quant à lui à introduire un « plan de formation spécifique […] à l’accompagnement de la fin de vie », ce qui est un autre problème.

On ne peut pas mélanger ces deux types de formation. Qu’une formation soit prodiguée aux personnels des EHPAD, d’accord. Mais il est totalement différent d’administrer des soins palliatifs.

Dès lors, pour une fois, monsieur de Legge, je ne soutiendrai pas l’amendement que vous présentez, qui tend à autoriser le personnel non seulement à accompagner la fin de la vie, mais encore à pratiquer des soins palliatifs, dont il faut réserver la mise en œuvre à certaines catégories d’acteurs.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je partirai du même constat que Gilbert Barbier mais je n’arriverai pas tout à fait à la même conclusion. Je pense en effet que les deux formations qu’il a évoquées sont complémentaires.

L’article 1er mentionne « la formation initiale et continue » pour l’« enseignement sur les soins palliatifs », qu’il faut davantage, j’en suis tout à fait d’accord, diriger vers le personnel soignant.

Le dispositif de l’amendement traite, en revanche, de la « formation spécifique » à « l’accompagnement de la fin de vie », à laquelle, pour le coup, l’ensemble du personnel intervenant dans un EHPAD doit pouvoir accéder.

Nous l’avons vu lors de l’examen du premier amendement présenté par M. Dominique de Legge, plus les personnels formés à l’accompagnement de la fin de vie et aux soins palliatifs seront nombreux, plus cette culture pourra se diffuser sur tout le territoire et dans l’ensemble des établissements, des EHPAD, des hôpitaux, et même au domicile des personnes âgées.

Pour la deuxième fois ce soir, nous soutiendrons donc un amendement déposé par Dominique de Legge, dont le dispositif semble complémentaire avec les dispositions du présent texte. Nous voulons vraiment que cette culture des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie se généralise.