M. Charles Revet. Cet amendement va dans le même sens que l’amendement précédent.

Il vise à interdire l’utilisation par les collectivités des produits phytopharmaceutiques pour lesquels un produit de substitution existe.

Cependant, pour certaines espèces végétales qui constituent un élément essentiel de notre patrimoine paysager, tels les palmiers de la Côte d’Azur, les buis des jardins à la française ou les platanes du canal du Midi – M. Louis Nègre, rapporteur pour avis, y sera sensible –, il n’existe pas encore de produits de substitution efficaces. Or ces espèces sont particulièrement menacées par certaines maladies.

L’utilisation des produits phytopharmaceutiques devrait donc rester possible dans le cas des espèces pour lesquelles il n’existe pas encore de produits de substitution.

Cet amendement tend à constituer par décret la liste des produits de substitution existants par usage et par espèce végétale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Cher collègue, cet amendement vise à autoriser le traitement des espaces verts publics par des produits phytosanitaires lorsqu’il n’existe pas de produits de substitution. La liste de ces produits serait fixée par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture tous les ans pour chaque usage et chaque espèce végétale.

L’objet de l’amendement met en avant le cas de certaines espèces particulièrement menacées par des maladies, comme les palmiers de la Côte d’Azur ou les buis pour lesquels il n’existe pas de produits de substitution.

Toutefois, cher collègue, la loi Labbé prévoit que l’interdiction de traitement ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles, notamment en cas de danger sanitaire.

La commission du développement durable sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement émet le même avis.

Après avoir pris connaissance des premiers débats et des premiers votes intervenus, les opérateurs se sont déjà mis dans le mouvement. Des méthodes mécaniques et certains matériels permettent en effet de n’utiliser aucun pesticide.

Les enjeux de protection de l’environnement et de santé publique sont liés. Nous parlons ici non pas du domaine agricole, mais des jardins publics. Or des pesticides sont encore employés dans les jardins des écoles maternelles.

Il ne serait donc pas judicieux d’envoyer un signal contraire aux communes qui se sont déjà engagées vers le zéro pesticide, et encore moins de les freiner dans le développement de produits naturels et des moyens mécaniques, qui se sont pourtant mis en place rapidement. Ainsi, certaines communes se partagent, par exemple, des moyens mécaniques de désherbage.

De même, on constate que l’engagement des communes vers le zéro pesticide entraîne aussi les particuliers à éliminer l’utilisation de pesticides dans leur jardin, permettant ainsi aux enfants d’y jouer enfin sans risque d’ingestion de produits phytosanitaires.

Nous ne devons pas reculer sur les exigences de santé publique, au moins en ce qui concerne les jardins publics.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Revet, l'amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?

M. Charles Revet. J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur pour avis et de Mme la ministre.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez laissé entendre que cet amendement était satisfait. Les produits concernés ne sont pas uniquement des pesticides ou des herbicides. Il existe aussi les fongicides, qui s’apparentent à un médicament pour les plantes, ce qui est très différent.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Tout à fait !

M. Charles Revet. Cependant, si l’amendement est satisfait, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 98, présenté par Mme Billon et M. Maurey, est ainsi libellé :

Alinéa 6

1° Aux 1° et 2° du I (non modifié)

Remplacer l'année :

2017

par l'année :

2018

2° Après le 1° du I (non modifié)

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au II, l'année : « 2022 » est remplacée par l'année : « 2020 » ;

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. En commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, nous avons débattu à plusieurs reprises de l’utilisation des pesticides, notamment par les collectivités locales, et nous étions tous d’accord pour interdire le recours aux pesticides.

Néanmoins, il nous a semblé difficile de généraliser cette interdiction dès le 1er janvier 2017. C’est pourquoi, après de longs débats, nous avons décidé de déposer un amendement visant à reporter d’un an, c’est-à-dire au 1er janvier 2018, l’interdiction de l’utilisation des pesticides par les personnes publiques.

Toutefois, afin de bien montrer que nous n’adoptons pas une position favorable aux produits phytosanitaires, nous proposons d’avancer de deux ans, soit au 1er janvier 2020 au lieu du 1er janvier 2022, l’interdiction à l’égard des particuliers.

Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Lamure et Canayer et MM. Huré, P. Leroy et Pierre, est ainsi libellé :

Alinéa 6, aux 1° et 2° du I (non modifié)

Remplacer l’année :

2017

par l’année :

2018

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement est similaire au précédent.

Madame la ministre, tous les produits employés ne sont pas nécessairement des produits nocifs !

Comme les hommes et les animaux, les plantes ont aussi besoin de médicaments. Or un fongicide est un produit qui soigne les plantes. De ce fait, nous devons faire la différence entre, d’une part, herbicides et pesticides et, d’autre part, fongicides.

Cela étant, l’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La commission du développement durable, à laquelle notre collègue Charles Revet appartient d’ailleurs, a donné à l’unanimité un avis favorable à l’amendement n° 98. De ce fait, l’amendement n° 18 rectifié est satisfait par l’amendement n° 98.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Conformément aux propos que j’ai tenus en première lecture, je ne peux être favorable à cet amendement.

En effet, même si les dates choisies paraissent proches, elles constituent un signal pour inviter les opérateurs à se mettre en mouvement. Modifier maintenant les choses susciterait de l’incertitude ou de la déstabilisation.

En matière de santé publique, 2018 est un horizon déjà lointain, d’autant que plus de 2 000 communes n’utilisent déjà plus de pesticides. Et les choses s’accélèrent.

Les communes et les citoyens s’engagent ; certains, qui étaient sceptiques au départ quant à la mise en place du zéro pesticide, s’y mettent compte tenu de l’obligation qui est prévue.

Cette évolution très rapide des mentalités sur les questions de santé publique, de pollution et de traitement des déchets est symptomatique de tout ce qui touche aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Il suffit de donner un signal ou une date butoir pour initier un mouvement.

Dans le domaine agricole, des délais sont effectivement nécessaires, bien que les choses évoluent aussi très vite dans ce secteur. Ainsi, voilà encore un ou deux ans, tout le monde était convaincu que le vin bio resterait marginal. Or aujourd’hui, il existe même un salon international du vin bio ; et dans quelques années, toute la vigne sera bio, le nombre important de maladies professionnelles graves dans le domaine viticole ayant encouragé la transition vers le bio. Récemment, une plainte contre X, déposée par la fille d’un viticulteur décédé des effets de la pulvérisation d’arsénite de sodium pendant quarante ans, a été suivie de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet.

Ce pesticide, pourtant interdit depuis vingt ans, n’a été interdit qu’en 2001 pour la viticulture ; des centaines de personnes, notamment les viticulteurs ainsi que les enfants qui jouaient dans les vignes, ont donc été contaminées. Aujourd’hui ces personnes portent plainte, ce qui constitue un phénomène nouveau, puisqu’il renvoie l’État à ses responsabilités. En effet, pourquoi ce produit extrêmement dangereux interdit partout ne l’a-t-il pas été dans la vigne ? À cause des lobbies, des rapports de force, ou encore des personnes prétextant que le moment opportun n’était pas encore arrivé ?

En matière de santé publique, l’interdiction des produits phytosanitaires dans les cours des écoles, des crèches, sur les trottoirs, dans les espaces publics devrait être en place depuis très longtemps. Ces produits sont du poison !

Le Sénat ne doit donc pas donner un signal de recul. Sous la pression de qui le ferait-il ? Des revendeurs de produits phytosanitaires ? Où serait l’intérêt d’une telle position ? Les mentalités ont changé, et il existe maintenant des produits de substitution, des produits naturels qui sont vendus dans les grandes surfaces. Les entreprises se sont positionnées sur les marchés, développent des produits naturels, mettent en rayons des produits naturels. Toute une éducation a déjà été faite dans les écoles et les communes à ce sujet, et il est important de ne pas freiner le processus à cet égard.

Fixer le délai à l’année 2017 laisse aux communes toute l’année 2015 et l’année 2016 pour s’adapter. Accorder une année supplémentaire inciterait tout le monde à ralentir le mouvement : les gens attendraient un autre prolongement, puis une remise en cause de la loi…

Une accélération du processus a lieu. Dès lors qu’un délai est fixé, les opérateurs, par mécanisme économique d’anticipation, se mettent très rapidement en mouvement, avant même la promulgation de la loi. En effet, ils misent sur la constitution d’un marché solvable à la suite des débats parlementaires, en se disant : en 2017, il faudra des mécaniques ou des produits de substitution ; ils se mettent en mouvement, ils produisent, ils embauchent pour la production, des réseaux commerciaux se mettent en place, des rayons sont dégagés dans les jardineries, bref tout bouge.

Par conséquent, un signal de ralentissement irait à l’encontre de l’intérêt des communes elles-mêmes et de certains opérateurs économiques qui ont déjà amorcé la transition, sans compter que cela donnerait raison à ceux qui trouvent que ce n’est jamais le moment pour agir… Certes, prolonger le délai d’un an ne constituerait pas une catastrophe, mais cela enverrait malgré tout un mauvais signal.

Concernant la transition écologique, tout ce qui permet d’anticiper et d’accélérer le mouvement va à mon avis dans la bonne direction.

Je ne sais si, par rapport au vote intervenu à l’unanimité en commission, j’ai pu vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.

Au cours des débats, les choses évoluent, et c’est cela qui est intéressant dans l’écologie. Certains qui, au départ, pensent ne jamais arriver à appliquer une disposition, se décident finalement à évoluer. Pour notre part, nous avons l’obligation d’accélérer toujours le mouvement, pour inciter à réussir ce qui paraissait à l’origine impossible à atteindre.

La loi Labbé avait fixé l’année 2022 comme date butoir, et il avait déjà fallu une bataille importante pour arriver à un tel résultat. Les gens se sont dit que 2022, ce serait impossible. Puis, on leur dit que l’objectif est maintenant 2017, et les communes s’y mettent alors.

Il est vrai que dans certains endroits, comme les cimetières et les terrains de sport, il est particulièrement difficile de ne pas utiliser de pesticides. La création des communes « zéro pesticide » s’est accompagnée de l’obtention par ces dernières d’un ou de plusieurs papillons : un papillon correspond à quelques efforts, deux papillons, à beaucoup d’efforts, et trois papillons, à la totalité des espaces en zéro pesticide !

Même dans les endroits les plus difficiles, comme les cimetières ou les terrains de sport, on peut parvenir au zéro pesticide grâce à l’éducation des mentalités. Il me semble que c’est un enjeu de santé publique particulièrement important, notamment s’agissant des terrains de sport, pour que les enfants ne respirent plus de pesticides.

La pousse de deux ou trois herbes folles n’est pas un réel problème ; tout est une question d’éducation citoyenne. Et cela permet d’associer des collectivités humaines à la réflexion sur la présence de la nature en ville : nous devons expliquer les changements visibles entraînés par le zéro pesticide, comme la pousse de mauvaises herbes, démontrer que ces changements visibles sont préférables à l’utilisation de pesticides invisibles. Pendant longtemps, nous avons voulu que tout soit « au carré », nous avons privilégié la propreté des espaces publics, au détriment de la santé publique. Maintenant, nous ne devons plus reculer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je n’aurais peut-être pas demandé la parole si j’avais eu préalablement connaissance des propos qu’a tenus Mme la ministre dans la suite de son intervention. Il n’en demeure pas moins que je voterai l’amendement de M. Maurey.

Madame la ministre, je suis largement d’accord avec vous : les élus des collectivités publiques, y compris ceux des petites communes, ont pris leurs responsabilités et ont affiché leur volonté de ne plus utiliser de produits phytosanitaires. Les considérations de santé publique valent également pour les cimetières, et c’est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement de M. Maurey.

Mais, madame la ministre, penchez-vous un instant sur la question du désherbage des cimetières communaux. Si le problème ne se pose pas, bien évidemment, pour le cimetière du Montparnasse, dont toutes les allées sont bitumées, il n’en est pas de même, tant s’en faut, pour la plupart de nos cimetières communaux. C’est pourquoi on ne peut pas exiger l’abandon des produits phytosanitaires dans un délai aussi bref.

Madame la ministre, faisons preuve d’un peu de souplesse et laissons le temps aux petites communes de s’organiser pour trouver des moyens de substitution. On parle d’utiliser des appareils pour désherber dans les cimetières, mais en réalité il n’existe qu’une seule solution pour retirer les herbes une par une : l’huile à bras, autrement dit les muscles ! Nous, les travailleurs de Normandie, nous connaissons !

Madame la ministre, je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit, mais je pense qu’il est possible de parvenir à un bon compromis. C’est pourquoi, je le répète, je voterai l’amendement de M. Maurey.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je ne peux pas vous laisser dire que l’adoption de mon amendement conduirait à un recul. Vous n’avez parlé que de sa première partie, sans aborder sa seconde partie, dans laquelle je propose d’avancer de deux ans, c’est-à-dire à 2020, l’interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires pour les particuliers prévue en 2022. Au final, je considère donc que mon amendement est équilibré.

En revanche, si nous proposons de reculer d’un an cette interdiction pour les personnes publiques, principalement les communes, c’est parce que cette mesure, comme l’a très justement souligné à l’instant M. Jean-Claude Lenoir, n’est pas évidente à mettre en œuvre, en particulier dans les plus petites d’entre elles.

Vous avez utilisé un terme cher à Ronan Dantec, à savoir le mot lobbies. Pour avoir eu certains d’entre eux au téléphone, je puis vous assurer qu’ils n’ont pas du tout envie que cet amendement soit adopté ! Globalement, notre proposition d’avancer de deux ans l’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires par les particuliers, qui, je le répète, en sont les plus importants consommateurs en volume, ne leur est pas du tout favorable.

Cet amendement va donc dans le sens que vous souhaitez, à savoir la renonciation le plus tôt possible à l’utilisation des produits phytosanitaires pour des raisons de santé publique. Je souscris à cet objectif, mais je demande simplement que l’on prenne en compte les difficultés que cette mesure pourra créer pour les communes, en particulier les plus petites d’entre elles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Ce débat est très intéressant et, pour ma part, j’ai trouvé le plaidoyer de Mme la ministre très convaincant.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous relater une anecdote.

Lors d’une visite d’un chantier en Suisse, accompagnée du chef de projet, parcourant les espaces alentour qui étaient déjà aménagés, j’ai fait une réflexion je dois l’avouer idiote en apercevant une fleur qui ressemblait à ce qu’on appelle une mauvaise herbe – mais c’était tout de même une fleur. Je dis à mon interlocuteur : « Tiens, le jardinier est déjà en vacances ! » Ce à quoi il répond : « Mais non ! Cette fleur vous dérange-t-elle ? » Je lui réponds par la négative. Sur quoi, il poursuit en me déclarant : « Eh bien, laissons-la vivre ! »

Plus les collectivités seront nombreuses à s’engager dans cette voie – voie qu’il faut promouvoir –, plus il deviendra évident qu’il faut renoncer à utiliser des produits phytosanitaires. Quand, à force de pédagogie, on réussira à expliquer à nos concitoyens qu’il n’est pas si grave qu’un peu d’herbe pousse sur le bord des trottoirs, peut-être parviendra-t-on à les convaincre que cette espèce d’esthétisme du « tout au carré » n’est finalement pas ce qu’il y a de mieux pour la nature et pour notre santé.

En tout cas, cela ne peut fonctionner que si c’est un mouvement d’ensemble et si tout le monde s’y met. On a assez tergiversé.

Je ne dis pas que la première des mesures proposées par M. Maurey à travers son amendement constitue un recul, mais il me paraît important que soient visés à la fois les particuliers et les collectivités. Le message passera d’autant mieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il faut saluer le volontarisme de Mme la ministre sur ce dossier.

En tant que rapporteur de la loi Labbé, j’avais dû consentir à de nombreux compromis, ce qui a permis à ce texte d’être voté par le Sénat à une majorité de deux voix.

Notre collègue Joël Labbé avait, dans un premier temps, proposé un calendrier d’interdiction beaucoup plus proche de celui que nous présente aujourd’hui Mme la ministre que de celui qui a finalement été retenu, à savoir 2020 et 2022. Je me félicite qu’on en revienne à des dates plus précoces ; et même si Hervé Maurey a raison de souligner qu’on a essayé de chercher un consensus, il me paraît à ce stade difficile, sur le plan politique, de ne pas soutenir le volontarisme de Mme la ministre.

Je veux ajouter deux choses.

D’une part, les collectivités sont capables de se conformer à cette interdiction. La ville de Nantes, très grande collectivité connue pour la qualité de ses espaces verts et dont j’ai été l’adjoint à l’environnement, est passée au « zéro phyto » dès 2006-2007. Pour autant, je ne dis pas que nous n’avons pas rencontré quelques soucis. Ainsi, au cours du premier été chaud et humide qui a suivi l’abandon des produits phytosanitaires, nombre de plantes ont poussé sur les trottoirs, ce que les gens n’avaient encore jamais vu. C’est pourquoi il a fallu faire preuve d’un peu de pédagogie.

Comme l’a dit Évelyne Didier, ce qui est en jeu, c’est notre rapport à l’espace public : qu’est-ce qui est propre ? Qu’est-ce qui est sale ? Qu’est-ce qui est délaissé ?

Je puis vous dire que, à Nantes, certains voient désormais les espaces minéraux vierges comme des espaces sales et pollués parce qu’ils savent très bien que l’absence de toute plante est due à l’utilisation de produits phytosanitaires. Leur regard a donc changé. Mais il faut continuer à faire preuve de pédagogie et à expliquer.

D’autre part, c’est encore plus vrai pour les cimetières. Partout dans le monde, les cimetières sont des espaces où la nature est préservée ; il n’y a qu’en France qu’ils ont été totalement minéralisés sous prétexte que laisser pousser la moindre herbe folle reviendrait à délaisser nos morts. C’est donc purement culturel.

Là encore, il faut de la pédagogie. Fondamentalement, il importe de concevoir différemment nos cimetières. À Nantes, nous avions tenté le slogan suivant : « Tant qu’à manger des pissenlits par la racine, au moins qu’ils soient bios ! » (Sourires.) Mais certains étaient restés froids devant cet argumentaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Filleul. Le débat en commission a été utile et il l’est également dans notre hémicycle. Mme la ministre, dans sa plaidoirie, a su se montrer convaincante.

Dans ma ville de Montlouis-sur-Loire, nous sommes passés au « zéro phyto », y compris pour le cimetière. Je me souviens que les personnels municipaux se sont alors montrés très motivés et se sont pliés avec beaucoup d’enthousiasme à cette mesure. C’est pourquoi je considère qu’il faut vous suivre, madame la ministre.

Certes, le débat en commission a été très utile, et je ne considère nullement que notre collègue Hervé Maurey, à travers son amendement, nous invite à reculer, puisqu’il propose notamment d’avancer de deux ans l’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires par les particuliers, ce que je salue, car leur consommation répandue est un danger ; mais Mme la ministre nous a fait basculer dans un autre monde, celui du réel, vers lequel nous devons aller.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Ce qui nous est proposé aujourd’hui va dans le bon sens : l’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires dans nos collectivités est inéluctable. C’est déjà le cas dans certaines d’entre elles. Ainsi, j’ai présidé un conseil général pendant dix ans et, très vite, nous avons renoncé à l’utilisation de ces produits. Cela a été une révolution, car, auparavant, les routes et les ronds-points étaient bien propres.

De surcroît, cette renonciation est source d’économies, précisément à l’heure où les collectivités doivent en faire. Je peux vous dire que le désherbant glyphosate, utilisé en quantité, coûtait cher au conseil général, chargé de l’entretien de la voirie. Désormais, il n’est plus utilisé, et l’on fait du fauchage tardif. La première année, les habitudes ont été quelque peu bousculées, mais cette méthode permet de passer moins souvent l’épareuse.

Au final, non seulement on réalise des économies, mais on fait également œuvre utile pour l’environnement. Cela mérite qu’on se penche sur cette question avec attention et qu’on décide une bonne fois pour toutes de ne plus utiliser de produits phytosanitaires dans nos collectivités.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 286 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A. – Alinéa 7

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. - Le II de l’article L. 254–7 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À l’exception des produits de biocontrôle figurant sur la liste prévue à l’article L. 253-5 et des produits composés uniquement de substances de base au sens du règlement (CE) n° 1107/2009, les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être cédés directement en libre-service à des utilisateurs non professionnels. »

B. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Le II du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017. Entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2017, les distributeurs engagent un programme de retrait de la vente en libre-service des produits visés par l'interdiction mentionnée au II.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement vise à interdire, en liaison avec les enseignes de distribution, la mise en vente en libre-service à compter du 1er janvier 2017 des produits phytosanitaires de type Roundup, qui est le plus connu d’entre eux, avec l’obligation de lancer un programme de retrait de ces produits en libre accès dès le 1er janvier 2016.

Comme vous le savez, certaines enseignes de jardinerie ont d’ores et déjà placé sous clé ces produits phytosanitaires et ne les laissent plus librement accessibles, beaucoup de consommateurs n’en connaissant pas le caractère nocif. Par ailleurs, on assiste depuis très peu de temps et de manière très rapide au développement de rayons de produits de substitution, dits de « biocontrôle ».

Conformément à notre logique de lutte contre ces produits phytosanitaires, l’objectif est qu’ils ne puissent désormais être vendus qu’à la condition que leurs acheteurs aient préalablement reçu les conseils d’un personnel formé à cet effet.

Je voudrais revenir sur les propos de M. Lenoir. Je vais vous faire distribuer de petits guides pratiques édités par mon ministère. Dans ce domaine, les choses évoluent très rapidement, et il y a tout un travail à faire de diffusion de l’information et des techniques de jardinage sans pesticides.

En particulier, puisque la question des cimetières a été évoquée, vous pourrez lire dans ce guide qu’il existe deux méthodes extrêmement simples pour procéder à leur désherbage : d’une part, la mise en place sous les graviers d’une toile tissée fabriquée à partir de produits biotextiles recyclés fabriqués en France, ce qui empêche l’herbe de repousser ; d’autre part, la pulvérisation d’eau bouillante, qui est un désherbant parfaitement naturel et efficace.

Nous nous sommes laissé abuser par des logiques commerciales visant à vendre des produits nocifs, alors qu’en en revenant à des pratiques très simples, souvent ancestrales, il est possible de cultiver son jardin en réalisant de surcroît des économies, comme le faisait remarquer M. Miquel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. À la suite de la discussion que nous venons d’avoir, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je suis tout à fait d'accord s'agissant des jardiniers amateurs, qui croient bien faire en surdosant le produit employé. On trouve paradoxalement sur certains marchés des solutions prétendument naturelles, pour ne pas dire « bio », qui se révèlent au contraire très toxiques !

Il convient donc d’éduquer les utilisateurs. En attendant, je voterai cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Je voterai également cet amendement, tout en regrettant que le Gouvernement n’ait pas choisi, comme l’avaient proposé par voie d’amendement M. Maurey et M. Dantec, d’avancer à 2020 l’interdiction pure et simple de ces produits pour les particuliers. En effet, rien ne justifie que cette règle s’applique aux collectivités en 2017 et aux particuliers seulement en 2022.