M. René Danesi. Je voterai contre ces amendements tendant à réintroduire l’interdiction généralisée de l’achat d’un acte sexuel, ainsi que les amendes et peines complémentaires.

Ces amendements, si l’on en croit ceux qui les défendent, tendent à affirmer une position abolitionniste, mais ils ne sont argumentés que par de bons sentiments et, surtout, de l’aveu même de leurs auteurs, reposent sur un pari : en attaquant la demande, on dissuaderait les réseaux de proxénètes d’investir dans l’offre.

En fermant les maisons closes dans l’immédiat après-guerre, les parlementaires qui nous ont précédés avaient fait le même pari d’un pas décisif vers l’abolition du proxénétisme. À l’évidence, ce pari a été perdu ! Il en sera de même avec la pénalisation du client, car il faut voir la réalité en face : quel client sera sanctionné ? Le petit, l’obscur, le sans-grade, celui qui recourt à l’amour tarifié au coin de la rue ! Les autres, qui ont les moyens financiers de fréquenter des lieux plus discrets et les demi-mondaines, ne risquent pas de se retrouver au poste de police, et c’est sans parler des clients des palaces qui paient en pétrodollars !

M. André Reichardt. Il a tout à fait raison !

M. René Danesi. Où sera l’égalité devant les sanctions ? Au final, l’interdiction de l’acte d’achat sexuel peut avoir un effet ou ne pas en avoir : soit notre pays connaîtra une profonde mutation de la prostitution si les réseaux savent s’adapter aux contraintes nouvelles, soit il ne se passera à peu près rien, tout simplement parce que la police, débordée de toute part, ne fera que très mollement respecter cette interdiction.

Parmi les arguments invoqués par les auteurs des amendements, je note celui-ci : « Nul n’est en droit d’exploiter la précarité et la vulnérabilité ni de disposer du corps d’autrui pour lui imposer un acte sexuel par l’argent. » Très bien ! Mais comment peut-on admettre dès lors que des Françaises et des Français fortunés puissent aller en Europe centrale et orientale pour y louer des ventres à des fins de gestation pour autrui ?

Mme Laurence Cohen. Nous sommes également contre !

M. René Danesi. Certes, ces femmes ne sont pas prisonnières d’un réseau, mais elles sont, elles aussi, en situation de précarité et donc de vulnérabilité. Là aussi, on attend donc la mobilisation des bonnes âmes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendlé. Je voterai bien évidemment contre ces quatre amendements identiques, pour les raisons que j’ai déjà expliquées : il faut un parallélisme des formes. Pour pénaliser le client, encore faut-il qu’il commette un acte illicite !

M. André Reichardt. C’est la vérité !

Mme Catherine Troendlé. Or vous n’avez pas voulu voter la suppression de l’incrimination du racolage dit « passif ». Où est la cohérence ?

Comme l’a dit à juste titre M. Boulard, aux arguments duquel je me rallie, à la première QPC, ce dispositif tombera. Je le répète, la pénalisation du client est totalement inutile en l’absence de délit caractérisé.

M. André Reichardt. C’est évident !

Mme Catherine Troendlé. C’est la juriste qui vous parle !

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Madame Troendlé, je ne partage pas du tout vos options.

Mme Catherine Troendlé. C’est juridique !

Mme Claudine Lepage. Nous verrons bien.

J’aimerais m’exprimer à la fois sur l’article 16 et sur l’article 17, puisque le rétablissement de l’un et de l’autre participe de la même logique, à savoir la pénalisation et la responsabilisation du client.

Si l’article 16 crée une infraction de recours à la prostitution punie d’une contravention de cinquième classe, l’article 17 révèle, s’il en était besoin, combien notre volonté est non pas de stigmatiser le client, mais bien de lui faire prendre conscience que, en payant une prostituée, il enrichit les mafias et participe donc pleinement à ce fléau de la traite des êtres humains à travers le monde.

M. Roland Courteau. Absolument !

Mme Claudine Lepage. Je ne doute pas que nous ayons toutes et tous ici le souci de lutter contre l’esclavage sexuel. La question est bien de savoir comment y parvenir efficacement.

Le renforcement de la lutte policière contre les réseaux est le principal levier, c’est une évidence, mais cessons d’être naïfs et de penser que c’est suffisant. Nous savons que les réseaux et organisations véritablement tentaculaires ont une capacité de régénérescence infinie. La seule façon de détruire cette hydre immonde est de l’affamer.

L’exemple des pays de plus en plus nombreux ayant choisi d’interdire l’achat d’actes sexuels témoigne sans ambiguïté aucune de la réaction des réseaux, qui se tournent dorénavant vers des pays plus rentables, c’est-à-dire ceux qui ont opté pour la réglementation. Ces pays, que ce soient les Pays-Bas, l’Allemagne ou l’Espagne, ont ainsi vu fleurir les Eros centers. Or, nous le savons bien, l’immense majorité des personnes prostituées de ces établissements spécialisés sont d’origine étrangère. La boucle est bouclée !

Pour terminer, un seul chiffre permet d’ouvrir les yeux : en France, on estime le nombre de personnes prostituées entre 30 000 et 40 000, alors qu’on en compte 400 000 en Allemagne, soit dix fois plus.

Au-delà de cette évidente nécessité de prendre en compte le client, premier rouage du système, si l’on veut réellement lutter contre les réseaux de traite, rappelons-nous que ces deux articles 16 et 17 sont indispensables à l’équilibre et à la cohérence du texte. Je vous engage donc à voter ces amendements et ainsi à réaffirmer clairement la position abolitionniste de la France.

Nul n’est en droit d’exploiter la précarité et la vulnérabilité d’autrui ni de disposer de son corps pour lui imposer un acte sexuel contre rémunération !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je peux parfaitement comprendre les doutes et les réticences que peut susciter la création d’une contravention de cinquième classe pour pénaliser les clients. De même, lorsque la Cour européenne des droits de l’homme indique que la prostitution ne peut pas être sanctionnée, je ne crois pas pour autant qu’elle estime que le recours à la prostitution dans les conditions contre lesquelles nous voulons lutter ne puisse pas être poursuivi.

Nous verrons bien, ultérieurement, si ce texte se révèle fragile d’un point de vue juridique, mais ce n’est pas cette question qui préoccupe le juriste que je suis ; ce qui me préoccupe, c’est la manière avec laquelle on peut lutter contre le système prostitutionnel. En l’espèce, le législateur doit faire preuve de modestie.

La loi de 2003, c’est un constat, n’a pas eu les résultats escomptés. Sauf à ce qu’il se trouve parmi nous des hypocrites, ce que je ne crois pas, nous sommes tous déterminés à lutter contre le système prostitutionnel et à trouver les voies et moyens pour ce faire.

La proposition qui nous est faite, c’est de responsabiliser le client afin de l’amener à adopter des attitudes différentes et, partant, à ne pas encourager le système prostitutionnel, qui s’est fortement développé ces dernières années. Là où il y a une volonté, il y a un chemin.

M. Jacques Bigot. À l’article 18, il est prévu qu’un bilan sera dressé dans deux ans de l’application de la loi. Aussi, ne refusons pas aujourd’hui de tenter l’expérience de la pénalisation. Nous verrons bien le résultat.

Ce résultat, je vous le concède, ce pourrait être aussi que les lieux de rencontre deviennent encore plus dangereux pour les personnes prostituées, que le système prostitutionnel soit certes mis en difficulté, mais également les personnes prostituées avec lui. C’est pour cette raison que j’attache du prix à ce qu’un bilan soit dressé dans deux ans pour savoir où nous en sommes et pour que nous réfléchissions éventuellement à un autre système.

Nous ne pouvons pas simplement faire un constat d’impuissance, comme aujourd’hui ; il faut que nous nous donnions les moyens de lutter contre le système prostitutionnel. C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai dit en commission, je voterai ces quatre amendements identiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Evelyne Yonnet. Je rejoins les propos très clairs de notre collègue Bigot.

Je veux souligner que le Parlement européen a adopté le rapport Honeyball, dans lequel il est écrit que la prostitution constitue une violation des droits humains incompatibles avec la charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, tout en recommandant la pénalisation de l’achat de services sexuels.

Je veux dire aussi que je ne comprends pas très bien ce que l’un de nos collègues entendait par « service contraint ». Quand un être humain monnaye son corps, qu’est-ce donc sinon un « service contraint » ?

La question des filières est très importante : comme l’a rappelé l’une de nos collègues, 97 % des personnes qui se prostituent aujourd’hui sont des femmes originaires de pays étrangers. Le but, c’est bien de démanteler ces filières, et non de s’en prendre à la prostitution en elle-même.

Ceux qui disent qu’il faut bien tenter quelque chose ont raison. Nous verrons bien ce qu’il en adviendra. Si ce dispositif est censuré, il faudra alors réfléchir à un autre moyen de pénalisation du client. En attendant, je voterai moi aussi ces quatre amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je soutiens évidemment avec enthousiasme ces quatre amendements identiques.

À ce moment du débat, je ressens un profond sentiment d’indignation. J’ai entendu bien des arguments pour justifier le refus de pénalisation de l’achat d’actes sexuels, mais jamais encore au nom de la défense des pauvres. Cet argument est épouvantable et scandaleusement contraire à la vérité.

Je rappelle que les prostituées sont issues, pour une grande majorité d’entre elles, de la traite des êtres humains organisée par des réseaux. Pourquoi tombent-elles dans la prostitution et dans la traite ? Parce qu’elles sont dans une situation de très grande pauvreté là où elles se trouvent.

Par ailleurs, on se préoccupe beaucoup du parallélisme des formes, sans doute à juste titre, mais il faut aussi s’interroger sur le parallélisme des souffrances : imaginez-vous ce que vit une jeune femme obligée, à l’arrière d’un camion, de supporter vingt-cinq ou trente passes par jour, qui n’a pas la possibilité d’accéder à un service de santé, qui a tout juste de quoi manger ? Franchement, de quoi parle-t-on ? Je le répète, je suis très indignée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. En fait, il faut distinguer trois types de prostitution : d’abord, la prostitution pratiquée par certaines femmes qui le souhaitent… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Pardon de dire ça, mais je pense aux call-girls, par exemple.

Mme Laurence Cohen. Même les call-girls ont besoin d’estime !

M. Alain Fouché. Elles se livrent à cette activité non parce qu’elles vivent dans le malheur, même si cela peut arriver, mais pour gagner plus d’argent. Leurs revenus sont d’ailleurs fiscalisés par l’État. (Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Ensuite, il y a la prostitution à laquelle sont malheureusement contraintes de se livrer les femmes en situation difficile qui ne peuvent pas boucler leurs fins de mois.

Enfin, majoritairement, il y a la prostitution pratiquée par des femmes – mais aussi des hommes, même si vous n’en parlez pas –…

Mme Laurence Cohen. Nous défendons aussi les hommes !

M. Alain Fouché. … qui sont exploitées par des réseaux que je dénonce avec la même vigueur que vous.

Le coupable n’est pas nécessairement et toujours le seul client. Le Français moyen qui va se balader à Paris, il ne part pas avec l’idée d’aller chercher une fille : il en voit une sur un trottoir, il se fait accoster, il répond. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Tout cela pour dire que la culpabilité n’est pas toujours là où on le dit. (Mêmes mouvements.)

Vous avez beau protester, c’est la réalité !

Enfin, je ne vois pas comment il sera possible de sanctionner l’acte sexuel tarifé : les clients ne payent ni par chèque ni par carte bancaire, ils payent en espèces. Les riches, quant à eux, comme cela a été dit tout à l’heure, iront dans des salons de massage ou dans les pays où il existe des Eros centers. En tout cas, il faudra sans doute que le fisc s’adapte à cette réalité.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. J’avoue être abasourdie par les propos de notre collègue et choquée de l’entendre dire que, en se promenant dans les rues de Paris, on peut être abordé par une fille et décider de la suivre... C’est assez dégradant.

M. Alain Fouché. J’ai dit que cela arrivait parfois !

Mme Maryvonne Blondin. C’est bien pour cette raison que nous voulons prendre des mesures pour lutter contre cela.

Je rappelle que, en droit français, il est interdit à quiconque d’acheter un rein à une personne qui souhaiterait le vendre. De même, je ne peux vendre mon sang, car c’est interdit. Pareillement, une femme pourrait dire qu’elle est libre de disposer de son corps, mais tel n’est pas le cas puisqu’elle vend à autrui un acte sexuel.

Rappelez-vous cet arrêt du Conseil d’État interdisant le fameux « lancer de nains », quand bien même ceux-ci étaient volontaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Compte tenu de tout ce que mes collègues ont déjà pu dire, je serai brève.

Je ne reviendrai pas sur les arguments juridiques qui ont pu être avancés. Simplement, il me paraît contradictoire que, après avoir constaté collectivement en toute bonne foi que la prostitution est une violence et que les personnes prostituées sont fondamentalement des victimes, nous considérions ensuite que le client n’a aucune responsabilité.

Mme Claudine Lepage. C’est vrai !

Mme Chantal Jouanno. J’entends tout à fait qu’il serait logique de pénaliser les deux parties prenantes au rapport, mais je rappelle que, dans sa fameuse décision, le Conseil d'État a validé l’interdiction de la pratique du « lancer de nains » alors même que ceux-ci avaient accepté d’être utilisés comme projectiles !

Mes chers collègues, faisons très attention à ce que le texte qui sera voté par le Sénat n’ouvre pas grand les portes aux réseaux et à cette forme de marché que nous dénonçons. C’est bien le message que nous risquons d’envoyer ce soir, à l’encontre même de notre volonté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis, 8 rectifié, 10 rectifié et 23.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 24 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l’adoption 117
Contre 191

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, l’article 16 demeure supprimé.

Article 16 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Article 18 (Texte non modifié par la commission)

Article 17

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 rectifié bis est présenté par Mmes Lepage, Meunier et Blondin, M. Courteau, Mmes E. Giraud et Monier, MM. Kaltenbach et Carvounas, Mmes Riocreux, Féret et Yonnet, M. Manable, Mmes Tocqueville, Jourda et Guillemot, MM. Berson, Gorce, Desplan et Roger, Mme D. Michel, MM. Filleul, Madrelle et Lalande, Mme Ghali, M. Durain, Mmes Claireaux, S. Robert et Herviaux, M. Assouline, Mme Conway-Mouret, MM. Vaugrenard et Duran, Mme Schillinger et MM. Cabanel, Labazée, Roux et Marie.

L'amendement n° 9 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Guerriau et Cadic, Mme Létard, MM. Détraigne et Longeot et Mme Joissains.

L'amendement n° 11 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Bosino, Mmes David et Demessine, MM. Le Scouarnec et P. Laurent, Mme Didier, MM. Bocquet et Favier et Mme Prunaud.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le 9° de l’article 131-16, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :

« 9° bis L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ; »

2° Au premier alinéa de l’article 131-35-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « , un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;

3° Le I de l’article 225-20 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, selon les modalités fixées à l’article 131-35-1. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article 41-1, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : « , d’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;

2° Après le 17° de l’article 41-2, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. »

Madame la rapporteur, ces trois amendements visent à rétablir l’article 17, lequel créait une peine complémentaire à celle que prévoyait l’article 16. Puisque ce dernier n’a pas été rétabli, considérez-vous que ces amendements ont vocation à être examinés ?

Mme Laurence Cohen. La notion de sensibilisation du client pourrait peut-être être maintenue ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur. La sensibilisation du client prévue par ces amendements est une peine complémentaire, comme vient de le dire M. le président. L’article 16 visant à créer le délit n’ayant pas été rétabli, ces amendements n’ont donc plus d’objet.

M. André Reichardt et Mme Catherine Troendlé. C’est logique !

M. le président. Les amendements identiques nos 6 rectifié bis, 9 rectifié et 11 n’ont plus d’objet.

En conséquence, l’article 17 demeure supprimé.

Chapitre V

Dispositions finales

Article 17 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 18

(Non modifié)

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi deux ans après sa promulgation. Ce rapport dresse le bilan :

1° De la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme et des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans ce domaine ;

1° bis De la création de l’infraction de recours à l’achat d’actes sexuels prévue à l’article 225-12-1 du code pénal ;

2° De la mise en œuvre de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;

3° Du dispositif d’information prévu à l’article L. 312-17-1-1 du code de l’éducation.

Il présente l’évolution :

a) De la prostitution, notamment sur internet et dans les zones transfrontalières ;

b) De la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées ;

c) De la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution ;

bisDe la situation, du repérage et de la prise en charge des étudiants se livrant à la prostitution ;

d) (Supprimé)

e) Du nombre de condamnations pour proxénétisme et pour traite des êtres humains.

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :

Alinéa 1, seconde phrase

Après le mot :

rapport

insérer les mots :

s’appuie sur des travaux universitaires. Il

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de préciser que le rapport sur l’application de la loi doit s'appuyer sur des travaux universitaires indépendants, de manière à être le plus complet et le plus fiable possible.

Eu égard à la diversité des sujets que ce rapport abordera, il semble nécessaire de croiser les approches et les expertises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable.

La mention des seuls travaux universitaires nous paraît quelque peu restrictive. Comme cela a été maintes fois évoqué dans cette enceinte, d’autres sources comportent des informations précieuses, notamment les rapports d’activité des associations.

Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement pour mobiliser utilement l’ensemble des données dont il aura besoin.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Défavorable.

M. Jean Desessard. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

L'amendement n° 17, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Il s'agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Du dispositif de protection prévu à l’article 706-63-1 du code de procédure pénale en ce qui concerne les victimes du proxénétisme ou de la traite des êtres humains.

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Cet amendement vise à compléter l’article 18, qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur l’application de la proposition de loi dans un délai de deux ans.

Si vous me le permettez, mes chers collègues, j’en profiterai pour faire quelques observations, en conclusion de nos travaux.

Le débat que nous avons eu ce soir, à l’occasion de l’examen du texte en deuxième lecture, a été de qualité, même si le sort qui a été réservé aux deux articles essentiels de la proposition de loi n’est pas sans nous interpeller collectivement. Il montre que ce qui importe aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, c’est que nous puissions apprécier la mise en place des dispositions du texte qui font l’objet d’un très grand consensus, dans leur version qui résultera des travaux de la commission mixte paritaire.

Une volonté a été exprimée très fortement aujourd'hui : celle de protéger les prostituées et de mener le combat le plus efficace contre la prostitution, à défaut de pouvoir l’éradiquer. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, nous sommes en effet convaincus que cette proposition de loi ne marquera qu’une étape dans l’histoire de la prostitution. Elle ne permettra pas de tourner la page ! Toutefois, on ne comprendrait pas que le Parlement ne se soit pas saisi de ce texte pour essayer d’apporter une contribution à la lutte contre un fléau qui n’est plus acceptable.

Dans ce contexte, il est important que nous puissions dresser un bilan à l’expiration d’un délai de deux années, en espérant, d'ailleurs, que les moyens auront été mis en place entre-temps, aussi bien sur le plan social que pour ce qui concerne les forces de l’ordre.

Je n’ai pas réagi aux chiffres qui ont été avancés sur la faible efficacité de certains dispositifs de répression. Soyons convaincus que ce résultat s’explique en partie par le petit nombre de forces de l’ordre mobilisées sur l’ensemble du territoire national. Dans cette enceinte, nous sommes bien placés pour savoir qu’il est extrêmement difficile d’obtenir l’appui des forces de l’ordre pour engager des actions dans ce domaine, non parce qu’elles font preuve de résistance, mais parce qu’elles ne sont pas disponibles.

J’y insiste, l’évaluation dont nous disposerons dans deux ans nous permettra de faire un point, le plus efficace possible, sur les mesures qui, demain, résulteront de la commission mixte paritaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Favorable.

Cela étant, ne nous voilons pas la face ; si le texte est voté ce soir en l’état, je peux déjà vous livrer, monsieur le sénateur, la teneur de l’analyse qui nous sera communiquée dans deux ans : la proposition de loi aura fait exploser la présence des réseaux dans notre pays.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Mais vous pourrez alors vous appuyer sur le rapport qui vous aura été remis pour modifier la loi une nouvelle fois… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

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M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article 18 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Dans l’ensemble, ce débat est resté à peu près respectueux, si l’on fait abstraction de quelques interventions assez choquantes…

Si nous avons parcouru du chemin au travers des articles que nous avons votés – je pense notamment à l’abolition du délit de racolage –, nous ne sommes pas allés au bout. Il me semble nécessaire de le dire !

Initialement, la proposition de loi était vraiment équilibrée. Elle avait été construite en concertation avec un certain nombre d’associations et avec les différents ministères concernés, de manière à lutter effectivement contre le système « prostitueur ».

Je veux exprimer ici une certaine colère : si l’on considère à juste titre que la prostitution est une violence, notre devoir est de faire en sorte que toutes les personnes prostituées – en majorité des femmes, mais pas seulement – soient considérées comme des victimes. Notre devoir est également de lutter contre les proxénètes et les réseaux criminels qui génèrent – arrêtons l’hypocrisie ! – beaucoup d’argent et de prendre enfin en compte le rôle des clients.

Les arguments avancés de pseudo-pauvreté ou de rencontre fortuite avec une prostituée au cours d’une balade pour refuser la pénalisation des clients me paraissent irresponsables. De tels arguments sont méprisants, tout aussi bien pour les femmes que pour les hommes. C'est la raison pour laquelle il était important d’aller jusqu’au bout et de voter cette proposition de loi.

Notre groupe est pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dans le respect de chacun. On ne peut acheter le corps d’une femme, on ne peut acheter des rapports sexuels : ce n’est pas respectueux de l’être humain, et c’est se méprendre complètement sur ce qu’est le désir, sur ce qu’est l’amour.

Quand on veut construire un projet de société fondé sur le respect et l’égalité, on va jusqu’au bout et on responsabilise aussi les clients ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)