M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le présent article abaisse à 193 000 euros – soit cinq plafonds annuels de la sécurité sociale – le seuil d’assujettissement à cotisations sociales au premier euro des indemnités de rupture.

Les sommes concernées par cet article ne sont pas des salaires. Destinées à compenser un préjudice, elles ont un caractère indemnitaire. C’est pourquoi, pendant longtemps, elles n’étaient pas soumises à cotisations. Un seuil d’assujettissement à cotisations au premier euro de 380 000 euros a toutefois été mis en place, afin d’éviter les situations les plus choquantes, dites « parachutes dorés ». Il n’évite manifestement pas le versement de sommes très élevées.

Le projet de loi de finances pour 2016 abaisse en outre le plafond de fiscalisation des indemnités de cessation forcée d’activité des dirigeants et mandataires sociaux, ce qui paraît préférable à l’assujettissement à cotisations au premier euro.

Pour toutes ces raisons, la commission demande la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 84.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. Dans la mesure où cet article a été introduit par l’Assemblée nationale, aucune étude d’impact n’existe. Des renseignements que nous avons pu obtenir, il ressort que peu de contribuables seraient concernés, moins d’une dizaine. Cette disposition n’est donc qu’un faire-valoir destiné à montrer que l’on lutte contre les parachutes dorés.

Toutefois, ramener le seuil de 380 400 euros à 190 200 euros nous semble inutile au regard de tous les dispositifs qui ont été pris, notamment en 2012, et qui nous paraissent suffisants. Il suffirait de les appliquer ! La question est de savoir s’ils le sont vraiment...

J’ajoute que ce dispositif ne concerne pas seulement les présidents-directeurs généraux : il peut s’étendre aux salariés, qui pourraient peu ou prou être des mandataires sociaux.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui, aux cadres supérieurs !

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. Pour toutes ces raisons, la disposition prévue à l’article 7 bis ne nous semble pas opportune. C’est pourquoi la commission des finances partage la position de la commission des affaires sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si une dizaine de mandataires sociaux seraient concernés par cette disposition, j’ignore combien de salariés le seraient – peut-être le Gouvernement a-t-il des chiffres à nous fournir. Cette mesure vise des cadres supérieurs...

M. Gilbert Barbier. Très supérieurs !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … et pas seulement les PDG d’entreprise.

Il suffit d’avoir travaillé trente ans au sein d’une même entreprise dans une branche où la convention collective est assez favorable – par exemple dans le secteur bancaire – pour que les indemnités atteignent assez facilement la somme visée par cet article.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Faut-il pénaliser davantage encore le cadre qui est licencié en lui faisant payer une cotisation, alors qu’il a auparavant acquitté des cotisations sur ses salaires ?

La commission n’est pas favorable à cet article, mais c’est au Sénat de se prononcer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai du mal à comprendre : tantôt cette mesure concernerait tellement peu de personnes qu’il ne faut pas la conserver, tantôt elle toucherait un grand nombre de cadres.

Pourtant, 190 200 euros, c’est déjà une somme !

Mme Annie David. Une bonne somme !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il y a assez peu de salariés qui, dans le cadre d’une rupture conventionnelle par exemple, bénéficient d’une telle prime de départ.

Oui, cette mesure touche moins d’une dizaine de mandataires sociaux et – même s’il faut être prudent, mais on peut faire confiance à mes services – entre 200 à 300 salariés pourraient être concernés par an.

Par conséquent, ce dispositif qu’a introduit l'Assemblée nationale mais que le Gouvernement soutient est d’un rendement assez faible ; il n’a d’ailleurs pas cette finalité. Pour ma part, je considère qu’il s’agit d’une mesure intéressante, qui n’est pas de nature à pénaliser les salariés. On peut comprendre que, à partir de sommes de cette importance, on contribue au financement de notre régime de sécurité sociale à partir du premier euro.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. On ne parle pas ici de petites sommes ! C’est la raison pour laquelle nous soutenons la position du Gouvernement. Nous nous félicitons de cette mesure, issue d’une proposition de l’Assemblée nationale, qui va dans le sens de la justice sociale et fiscale et appelons à ne pas voter en faveur de ces amendements identiques de suppression.

Il est très important que chacun contribue, à proportion de ses éléments de rémunération, aux cotisations sociales. Cette disposition est donc utile.

On accuse sans cesse le groupe CRC de défendre des positions qui vont toujours dans le même sens, mais c’est bien plutôt le cas du rapporteur général ! Son discours ne varie pas : surtout ne pas toucher à ceux qui ne sont pas à plaindre.

Mme Laurence Cohen. En l’occurrence, le seuil qui est proposé concerne des indemnités qui témoignent d’une certaine aisance.

Au moment où d’aucuns sont à la recherche d’économies, toujours sur le dos des mêmes, il serait plus décent d’adopter une mesure susceptible de taxer ceux qui bénéficient d’indemnités substantielles, qui leur permettront de poursuivre sans encombre leur parcours professionnel.

Nous vivons là un moment fort. C’est pourquoi un peu de justice sociale et de décence ferait du bien à notre système, en particulier à notre système de protection sociale.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 et 84.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 bis est supprimé, et les amendements nos 376, 147, 377 et 378 n'ont plus d'objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.

L'amendement n° 376, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

L'amendement n° 147, présenté par M. Cigolotti, Mme Gatel et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, était ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Compléter ces alinéas par les mots :

et les mots : « dès le premier euro » sont supprimés

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° 377, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 137-11-1, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».

L'amendement n° 378, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Aux cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 34 % ».

Article 7 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016
Article 9

Article 8

I. – La section 1 du chapitre Ier du titre V du livre VI du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :

1° À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 651-3, le montant : « 3,25 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 19 millions d’euros » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 651-5-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « électronique » est remplacé par le mot : « dématérialisée » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « et de télérèglement » sont supprimés.

II. – Le I s’applique à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés due à compter du 1er janvier 2016.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 217 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 272 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Masseret et Mme Claireaux.

L'amendement n° 379 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 217.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à supprimer le nouvel abattement de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, prévu par le présent texte.

Le précédent abattement, concernant les entreprises réalisant jusqu’à 3,25 millions d’euros de chiffre d’affaires, avait représenté un manque à gagner d’un milliard d’euros en 2015. Ce nouvel abattement, qui concerne désormais les entreprises réalisant jusqu’à 19 millions de chiffre d’affaires, réduira d’un milliard d’euros supplémentaire les recettes de 2016.

Au-delà de l’incidence négative de cette mesure sur les finances publiques, on peut s’interroger sur sa légitimité. L’assiette de l’abattement concernera en effet la plupart des entreprises, bien au-delà des TPE ou des PME, et ce sans aucune contrepartie de leur part.

Je l’ai souligné lors de la discussion générale, les avantages sans condition octroyés aux entreprises ont prouvé leur inefficacité en termes d’emploi. En témoigne l’évolution constante du chômage dans notre pays, malgré le pacte de responsabilité.

Si au moins ces avantages étaient accordés en fonction du respect de certains critères sociaux et environnementaux, ils pourraient servir de levier de transformation de notre économie vers plus de solidarité et de durabilité. Or ce n’est pas le choix qui est fait dans ce texte.

De la même manière que nous nous sommes opposés à l’abattement initial de la C3S l’année dernière, nous proposons aujourd’hui la suppression de l’article 8, inefficace, onéreux, et qui fait reposer sur la sécurité sociale le coût d’un nouveau cadeau aux entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l'amendement n° 272 rectifié.

M. Jean-Louis Tourenne. Je n’ai pas de meilleurs arguments que ceux qui viennent d’être développés. Par conséquent, je les fais miens.

J’ajoute que j’éprouve toujours quelque réticence face à l’utilisation de la fiscalité pour un certain nombre de politiques. Ce que l’on fait aujourd’hui, on l’oublie demain ; on invente l’éternité à chaque fois et c’est ainsi que l’on crée des niches fiscales dont on ne sait plus d’où elles viennent et dont on n’arrive plus à se débarrasser.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 379.

Mme Laurence Cohen. La philosophie qui sous-tend cet amendement est évidemment de même nature. La mesure prévue à l’article 8 représente un manque à gagner d’un milliard d’euros pour la sécurité sociale. Elle en réduit les recettes sans avoir d’effet positif sur l’emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques visent à supprimer l’article augmentant l’abattement de la C3S.

La C3S est un impôt sur la production, susceptible par conséquent d’intervenir à différents stades de la chaîne de valeur. Sa suppression constitue un allégement, mais aussi une modernisation de la fiscalité pesant sur les entreprises.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La C3S est un impôt sur le chiffre d’affaires. Je ne suis pas un spécialiste en matière économique, mais cela paraît tout de même un peu surprenant !

Mme Nicole Bricq. Oui, c’est un mauvais impôt !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, on peut comprendre le sens d’un impôt sur les bénéfices, mais sur le chiffre d’affaires…

Mme Nicole Bricq. C’est bête !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela peut même se révéler très embêtant. Prenons le cas d’une entreprise en difficulté : plus son chiffre d’affaires sera élevé, plus on va lui faire payer d’impôt. Quelle bizarrerie !

Il a donc été décidé de supprimer ce dispositif progressivement. L’année dernière, par une marche d’un milliard d’euros, en fixant un abattement sur le chiffre d’affaires – de l’ordre de 3,25 millions d’euros, je crois –, nous avons fait sortir du dispositif deux tiers des entreprises, c’est-à-dire les plus petites.

Cette année, nous proposons une marche supplémentaire, afin de sortir du dispositif 80 % des 100 000 entreprises qui restent assujetties à cet impôt. Seules les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 19 millions d’euros continueront de payer la C3S, les autres en seront dispensées. Sont concernées les grosses PME et une partie des ETI.

L’année prochaine, nous verrons bien. Je ne dis plus rien ! Si le Gouvernement tardait à mettre en place cette nouvelle mesure, d’aucuns crieraient à la promesse non tenue. Cependant, le Gouvernement prévoit d’aboutir à la suppression totale de la C3S.

Madame Cohen, je souhaite revenir sur vos propos. Vous affirmez que l’on prive la sécurité sociale d’un milliard d’euros de recettes. Non !

Dans quelques jours, nous nous retrouverons pour examiner le projet de loi de finances pour 2016. J’entends déjà certains d’entre vous se plaindre que le déficit du budget de l’État ne diminue que d’un ou deux milliards d’euros. Vos collègues de l’Assemblée nationale l’ont fait avant vous.

Or, je le répète, cet abattement ne privera pas la sécurité sociale d’un milliard d’euros, car la perte est compensée par le budget de l’État ; j’ai indiqué tout à l’heure sous quelle forme. Voilà ce qui explique en partie la faible diminution du déficit de budget de l’État.

Vous avez par ailleurs déclaré que le coût de cette disposition pèserait sur les contribuables. Or le budget de l’État n’est pas alimenté que par le produit de la fiscalité sur les contribuables.

Mme Annie David. En partie tout de même !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il l’est également par le produit d’impôts sur les entreprises et par d’autres dispositifs ne pesant pas sur les contribuables. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Si j’insiste sur cette question, c’est parce que je suis toujours frappé d’entendre certains déplorer que le déficit de l’État diminue moins que certains budgets, notamment celui de la sécurité sociale. Si tel est le cas, c’est tout simplement parce que l’État prend à sa charge l’ensemble des réductions d’impôts, qu’il s’agisse d’impôts alimentant le budget de la sécurité sociale, à l’instar de la C3S, ou de baisses d’impôt sur le revenu pour les ménages, dont nous reparlerons dans quelques jours.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas supprimer l’allégement de C3S.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste ne votera pas en faveur de ces amendements identiques, car la C3S est un impôt idiot, on le sait. Il n’est donc que temps d’aller vers son extinction. En outre, sa suppression était un engagement du Président de la République et du Gouvernement.

Ces amendements visent en fait à contester la logique de soutien aux entreprises. Nous avons compris vos explications, chers collègues, mais vos amendements vont à l’encontre des décisions que nous avons prises et que nous assumons pleinement.

Enfin, la démarche du Gouvernement est prudente. Contrairement à ce que vous dites, la suppression de la C3S profitera non pas aux grosses entreprises, mais aux PME, aux TPE et à une partie des ETI, précisément celles, souvent industrielles, qui produisent, créent des emplois en France et sont bien implantées dans les territoires.

Il faut donc continuer la marche en avant et respecter nos engagements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 19 millions d’euros sont de grosses PME ou ETI, employant entre 100 et 300 salariés. Si notre pays est très bien armé en grandes et en petites entreprises, son déficit en PME ou ETI constitue une faiblesse par rapport aux pays avec lesquels il est en concurrence, notamment l’Allemagne.

L’exonération de C3S qui nous est proposée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 19 millions d’euros me paraît donc raisonnable. Un impôt sur le chiffre d’affaires est en effet un dispositif particulièrement idiot.

Je profite du temps de parole qui m’est alloué pour vous livrer quelques réflexions, mes chers collègues.

Il a été dit tout à l’heure que les entreprises pourraient être encouragées à diminuer leur valeur ajoutée. Si tel était le cas, cela pourrait en effet avoir des répercussions salariales. Mais il ne faut pas oublier que la valeur ajoutée permet de financer l’investissement et donc le développement. En outre, elle sert de base à des dispositifs comme l’intéressement et la participation, certes moins intéressants que les salaires directs.

Par ailleurs, n’oublions pas non plus que les dépenses des collectivités locales sont financées par la contribution sur la valeur ajoutée, la CET. Plus on diminuera la valeur ajoutée, plus on réduira le financement des collectivités locales.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas sûr que vous m’ayez bien compris tout à l’heure, mais peut-être me suis-je mal exprimé : après avoir débattu de manière assez technique du suramortissement dans cet hémicycle avec M. Macron, il m’avait semblé qu’il était non pas un crédit d’impôt, mais une charge fictive diminuant l’assiette de l’impôt sur les sociétés et ne donnant pas lieu à remboursement si la base devenait négative.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est exact !

M. Jean-Marc Gabouty. Ce dispositif se traduit par une baisse de moins d’un point de l’impôt sur les sociétés, soit une perte de recettes de 400 ou 500 millions d’euros par an, à rapprocher des 30 milliards d’euros du produit annuel de cet impôt. Il s’agit là d’un ordre de grandeur.

Un effort est donc bel et bien consenti dans le budget de l’État, cette disposition ne figurant pas d’ailleurs dans un projet de loi de finances rectificative. Seules les recettes prévisibles au titre de l’impôt sur les sociétés sont modifiées, non pas sur une durée forfaitaire de cinq ans, mais sur la durée d’amortissement des immobilisations, soit en amortissement classique, soit par l’intermédiaire d’un contrat de crédit-bail.

En tout état de cause, même si le suramortissement s’étend sur plusieurs années, les incidences budgétaires de la mesure se feront sentir à compter de 2016, ou alors de façon résiduelle auparavant pour les entreprises qui clôtureraient leur exercice dans le courant de la présente année.

Je rappelle en outre que c’est non pas la date de livraison du bien d’équipement, mais celle du bon de commande qui sert de point de départ au dispositif de suramortissement. De surcroît, la mesure a été adoptée au mois d’avril dernier. Par conséquent, les incidences du dispositif sur l’année 2015 ne s’élèveront pas à 400 millions d’euros. Et j’espère qu’elles seront supérieures aux prévisions en 2016, car cela signifiera que dispositif fonctionne bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Pour une fois, les propos de M. le secrétaire d’État sont exacts. Oui, il y a un effet miroir : l’abattement de C3S ne constituera pas un manque à gagner pour la sécurité sociale, les pertes de ressources correspondantes étant compensées par le budget de l’État.

Le transfert à l’État du financement de l’aide au logement est une très bonne mesure, qui permettra de simplifier les choses. Il n’est pas évident pour les entreprises de s’occuper de cette question, dont on peut très bien admettre qu’elle relève de la responsabilité de l’État.

L’abattement de C3S profitera aux PME-PMI. À titre de comparaison, 5 000 PME-PMI allemandes exportent, contre 900 PME-PMI françaises. Nous devons donc vraiment nous pencher sur cette question.

Pour ce qui concerne les marges des entreprises, dont nous avons débattu tout à l’heure, il est exact qu’elles se sont améliorées de deux points, mais il faut souligner – personne n’ose le dire – que deux tiers de cette amélioration s’explique par la diminution considérable du coût de l’énergie. Ce fait doit nous conduire à relativiser l’importance des mesures économiques, dont les effets ne sont pas évidents.

En revanche, chose extraordinaire en France, il est incontestable que les salaires continuent d’augmenter.

Mme Laurence Cohen. Pour qui augmentent-ils ?

M. Francis Delattre. Avec un chômage endémique, la loi du marché devrait entraîner des salaires beaucoup plus raisonnables. Contrairement à tout ce qui est dit, ce sont les très grandes entreprises qui augmentent les salaires, d’une façon pas toujours judicieuse. Elles feraient peut-être mieux de diminuer les coûts de leurs produits, ce qui donnerait un coup de fouet immédiat à la consommation et à la croissance. Elles feraient bien également de procéder à des investissements, au lieu de renâcler en faisant preuve d’attentisme.

Monsieur le secrétaire d’État, vous devriez réfléchir au rétablissement d’une mesure qui avait été limitée en 2013, à savoir la déductibilité des frais financiers liés aux prêts bancaires des entreprises destinés à leurs investissements. Cette mesure serait profitable aux PME-PMI, 80 % de leurs investissements se faisant par ce moyen, faute d’un approvisionnement suffisant de l’économie à risque.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 217, 272 rectifié et 379.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 391, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l’article L. 651-3 sont ainsi rédigées :

« Son taux est de 0,15 %. Elle est assise sur le chiffre d’affaires défini à

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’article 8 prévoit une nouvelle hausse de l’abattement de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

L’année dernière, le Gouvernement avait exonéré les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépassait pas 3,25 millions d’euros, soit toutes les très petites entreprises et près de la moitié des petites entreprises.

Cette année, vous proposez, monsieur le secrétaire d'État, d’aller plus loin et d’appliquer cette exonération à toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 19 millions d’euros, ce qui coûterait 2 milliards d’euros en année pleine.

Cette exonération contribuera à aggraver la situation des finances publiques. La suppression progressive de la C3S n’est pas opportune dans le contexte budgétaire extrêmement tendu que nous connaissons, et alors que l’on ne cesse de demander des efforts aux ménages. Le présent amendement vise donc à limiter l’abattement à un million d’euros et à réduire le taux de la C3S à 0,15 %.

Mme la présidente. L'amendement n° 380, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après la référence : « L. 651-5 », la fin de la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 651-3 du code de la sécurité sociale est supprimée ;

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La contribution sociale de solidarité des sociétés finance le régime de protection sociale des travailleurs indépendants – artisans, commerçants, exploitants agricoles, etc. Nous nous opposons à sa suppression, qui nous paraît illogique alors que le déficit du régime social des indépendants est devenu structurel. Il convient au contraire d’aller plus loin.

Pour notre part, nous proposons de revenir sur l’assiette de la contribution. Cette dernière est de 0,13 % du chiffre d’affaires, après un abattement de 3,25 millions d’euros. Le présent amendement vise à supprimer cet abattement, qui n’est aucunement justifié, tout comme la disparition de la C3S, dans le contexte de difficultés budgétaires de l’assurance maladie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 391 vise à réduire l’abattement de la C3S à un million d’euros. Quant à l’amendement n° 380, il tend à le supprimer. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements, pour les arguments qu’elle a développés sur les trois amendements précédents.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voterai les amendements du groupe CRC.

On supprime la C3S parce qu’elle est idiote. On prévoit des exonérations pour les entreprises parce qu’elles en ont besoin. On met en œuvre le CICE pour les aider. On fera autre chose ensuite… Présentées ainsi, ces mesures paraissent simples, mais concrètement, comment se traduisent-elles ? Ici, on dira aux personnels d’un hôpital qu’ils doivent travailler davantage et qu’on ne peut pas leur payer leurs heures supplémentaires. Là, on s’opposera à la construction d’un hôpital parce qu’on manque d’argent.

Il faut regarder l’autre côté de la médaille, ne pas se contenter de trouver les dispositions intéressantes sans mesurer leurs conséquences réelles. Pour ma part, je connais l’effet de telles dispositions : des heures de service en moins dans le secteur social et des prestations en moins dans le secteur de la santé.