M. Alain Joyandet. Et l’investissement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il a augmenté de 3,7 % en 2011, de 2,8 % en 2012, de 4,6 % en 2013, et il a baissé de 6,5 % en 2014.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et voilà !

M. Alain Joyandet. Et cela va s’accentuer !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est vous qui le dites !

Moi, je vous dis que, globalement, les dépenses des collectivités territoriales n’ont pas baissé. Encore une fois, cela est peut-être lié à des décisions ou à des normes.

Je n'adresse de reproche à personne. Je rappelle simplement un élément. Le mouvement de baisse de la dépense publique que le Gouvernement entend conduire, pour des raisons d’équilibre national de trajectoire des finances publiques – c’est ce qui nous est peu ou prou demandé par nos partenaires européennes –, n’a pas pour l’instant porté sur les collectivités territoriales. Vous pouvez aussi évoquer les transferts. Je suis prêt à en parler avec vous. Mais il ne faut pas exagérer la situation des collectivités territoriales.

J’ai été élu local. Je connais les réalités. Je rencontre des élus de droite, de gauche, du front de gauche… J’ai partout les mêmes échos. Il n’empêche que les reproches que vous formulez à l’encontre de l’État ne sont pas fondés, en particulier lorsque vous affirmez que l’État diminuerait ses dépenses d’un milliard d’euros et réduirait celles des collectivités locales de 3 milliards d’euros.

M. Philippe Dallier. C’est le cas !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, monsieur le sénateur ! Les dépenses des ministères diminuent d’un milliard d’euros, mais celles des collectivités locales ne baissent pas. Je vous l’ai dit et répété ! Nous en aurons la confirmation à la fin de l’année 2015. Vous pouvez attendre tous les rapports de la Cour des comptes, regarder tous les chiffres du Comité des finances locales, des comptes de l’INSEE. À ce stade, nous n’avons observé à aucun moment une diminution des dépenses des collectivités territoriales. Je n’en fais pas grief, mais je le constate.

Pour ma part, j’essaie de mettre en œuvre une réduction de la dépense publique de l’État – et c’est difficile dans les circonstances actuelles ! –, avec mes collègues ministres.

M. Vincent Delahaye. Il n’y a aucune économie !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est faux, monsieur le sénateur ! Les ministères ont dépensé un milliard d’euros en moins l’année dernière. Et, avec Marisol Touraine, nous essayons de réduire les dépenses dans le secteur social et dans la santé.

En revanche, nous n’avons jamais constaté de baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Il y a peut-être une différence de volonté politique entre vous et moi.

Nous poursuivrons sans doute ces discussions ultérieurement, notamment lorsque nous aborderons la répartition des dotations de l’État.

Personne n’a jamais reproché aux collectivités locales de s’endetter. Simplement, ceux qui qualifient le transfert de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale de « politique de gribouille » devraient reconnaître que, si l’État doit s’endetter pour pouvoir financer les dotations aux collectivités locales, cela revient au même !

Idem pour la sécurité sociale et les hôpitaux en termes de comptes publics, lorsque les hôpitaux s’endettent pour redresser la situation de la sécurité sociale !

Vous en conviendrez, si l’État s’endette, c’est effectivement pour assumer la DGF et toutes ces dépenses, qui ne sont pas toujours des dépenses d’investissement.

Le débat est important. Il devrait susciter de nombreuses explications de vote. Je ne m’exprimerai plus d’ici au vote sur les amendements. Le Gouvernement est évidemment défavorable à tous les amendements, à l’exception du sien ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne convaincrez manifestement personne avec vos arguments, non seulement à droite, mais même à gauche de cet hémicycle.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je n’ai pas beaucoup d’espoir ! (Sourires.)

M. Philippe Dallier. Je doute en effet que vous soyez agréablement surpris ! (Nouveaux sourires.)

Je ne connais pas un élu municipal, intercommunal, départemental ou régional, de droite, de gauche ou du centre, qui ne cherche à réaliser des économies de fonctionnement !

Toutefois, si vous pensez qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour trouver les économies correspondant aux baisses de dotations, vous vous trompez ! Excusez-moi de vous le dire. Dans les communes, environ 60 % du budget est affecté aux frais de personnel. Moi, je ne suis pas capable de trouver les économies équivalentes comme ça ! Beaucoup de mes collègues ne le peuvent pas non plus !

En outre, la montée en charge de l’accord Lebranchu devrait se produire en 2017, 2018 et 2019. J’aimerais que l’on nous dise l’effet pour les collectivités locales. On nous demandera encore de réaliser des économies.

Monsieur le secrétaire d’État, nous y mettons toute la bonne volonté possible, mais nous n’arrivons pas à trouver l’équivalent. Vous vous en étonnez, mais l’État limite seulement la hausse des dépenses ; il ne réalise aucune économie, et son budget ne diminue pas non plus. Je me permets de vous le rappeler.

Cela étant, un élément a changé par rapport à ce que vous nous promettiez l’an dernier. Vous nous assuriez alors qu’il n’y aurait aucun effet sur l’investissement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, je n’ai jamais dit cela !

M. Philippe Dallier. Selon vous, les collectivités pourraient tout à fait encaisser le choc.

Or l’investissement a diminué de 7 % en 2014. Toutes les projections prédisent une baisse de 30 % en 2015, avec toutes les conséquences qui en découleront ; nous vous l’avons signalé à maintes reprises. Vous commencez à le constater, mais il faudrait en tirer des conclusions. Car ces évolutions sont néfastes pour l’activité économique, le bâtiment et les travaux publics.

Je souhaite également évoquer l’amendement du Gouvernement concernant la métropole du Grand Paris et Aix-Marseille, qui va probablement devenir sans objet.

Monsieur le secrétaire d’État, merci de tenir l’engagement de Mme Lebranchu en vous engageant à ne pas prendre les sommes correspondantes dans la DGF. Mais c’est un vrai marché de dupes ! Ce sont les allocations compensatrices minorées qui vont être affectées à cet effet. Je ne sais pas si la répartition de ces allocations est meilleure que celle de la DGF. J’ai plutôt le sentiment inverse.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Monsieur le secrétaire d’État, nous voyons bien les efforts que l’État consent. Mais sachez que nous connaissons parfaitement les difficultés de gestion des collectivités, de droite, de gauche ou des extrêmes.

Comme l’a souligné M. le rapporteur général, nous ne refusons pas la baisse. Nous acceptons de prendre à notre charge une partie des 11 milliards d’euros. Mais nous souhaitons, à juste titre, limiter la diminution. En outre, ces efforts porteraient sur plusieurs années. Tout à l’heure, une baisse de 200 millions d’euros ou 300 millions d’euros a fait beaucoup de bruit et a été refusée. Or, là, nous parlons de sommes qui se chiffrent en milliards d’euros.

Nous sommes pour la baisse des dépenses publiques. Nous nous battons dans nos collectivités pour y parvenir. Le problème est qu’il faut équilibrer les recettes et les dépenses. Il est possible que, comme vous le dites, les recettes soient supérieures de 1 % ou 2 % année après année. Je ne conteste pas vos chiffres. Mais il faut regarder les dépenses dans les collectivités comme dans les départements.

Aujourd’hui, les allocations individuelles de solidarité représentent parfois 60 % du budget de fonctionnement, qui peut augmenter de 6 %, 7 % ou 8 % par an avec l’allocation personnalisée d’autonomie et le revenu de solidarité active, ou RSA. C’est totalement insupportable quand les recettes augmentent seulement de 2 % par an ! Cela aboutit à une incapacité d’autofinancement en fin d’année et à l’impossibilité de lancer des programmes d’investissement.

Aujourd’hui, un certain nombre de collectivités – j’en ai dénombré une quarantaine – ne peuvent pas équilibrer leur budget. Depuis plusieurs années, le département du Nord, le plus grand de France, avec le budget le plus important, ne payait que onze mois sur douze de RSA, et les services fermaient les yeux un peu partout. C’est de la cavalerie ! Vous êtes en train d’emmener les départements dans un système de cavalerie absolument insupportable !

Les collectivités ne font donc pas preuve de mauvaise volonté. Vous évoquez les transferts ? Je peux vous garantir que la nouvelle organisation territoriale sera coûteuse !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d’État, je vous donne volontiers acte que la dépense locale n’a pas diminué. On le sait bien, et la Cour des comptes le souligne chaque année dans ses rapports.

Mais les collectivités sont aujourd’hui dans une impasse. Comment pourront-elles continuer à investir ? Or, dans le domaine de la sécurité, cela devient indispensable. Elles doivent aussi mener des travaux recommandés par les services de l’État et, plus largement, satisfaire aux besoins de nos concitoyens. Je pense notamment à la part du plan numérique qui incombe aux collectivités ou à la contribution de ces dernières aux contrats de plan État région, les CPER.

En outre, et cela a été rappelé, il faut tenir compte de l’augmentation de la masse salariale des collectivités territoriales. Un certain nombre d’entre elles réduisent leurs effectifs, mais il faut tout de même faire face aux revalorisations. Or, en la matière, avec l’accord Lebranchu, on ne sait pas où l’on va. L’État s’est montré plus généreux envers les agents de catégorie C, qui se trouvent être plus nombreux dans les collectivités que dans ses propres services.

Vous indiquez que la dette des collectivités territoriales ne pose pas problème. De fait, ces dernières amortissent leur dette ; elles en remboursent le capital. L’État, lui, doit emprunter pour financer une partie de ses dépenses de fonctionnement et, en conséquence, une partie des dotations aux collectivités territoriales, via la DGF. Rappelons néanmoins que cette dotation ne se relève pas d’une générosité de l’État : historiquement, elle résulte de la transformation d’une part de notre fiscalité locale.

Aussi, je souscris pleinement à l’amendement de la commission. Les collectivités territoriales sont bel et bien en situation de responsabilité. Elles acceptent d’assumer leur part du fardeau des déficits, à travers une réduction des dotations. Mais il faut calculer cette diminution en tenant compte des nouvelles normes qui entrent en vigueur.

Enfin, au-delà de la baisse des dotations, un certain nombre de collectivités doivent faire face à la montée en charge de la péréquation. Or la combinaison des deux phénomènes tend à la destruction des capacités d’investissement pour bon nombre de collectivités. Ces dernières sont pourtant des moteurs de l’économie et de la croissance !

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le secrétaire d’État, votre raisonnement macroéconomique n’est pas sans me rappeler le débat que nous avons eu samedi à propos de l’impôt sur le revenu. Quand on dresse un constat d’ensemble, on risque de négliger certains points qui mériteraient pourtant un examen détaillé.

J’attire simplement votre attention sur le fait que toutes les collectivités ne sont pas protégées. Certes, pour celles qui perçoivent la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, « cible », la baisse de la DGF n’est pas un sujet de préoccupation, puisqu’elle n’existe pas.

Mais la situation est tout autre pour les collectivités qui se situent juste au-dessus du seuil. C’est le cas de ma commune, Le Bourget, qui compte 15 000 habitants. Voilà quelques années, nous avons vécu un départ d’entreprises, perdant ainsi 30 % des bases de taxe professionnelle. Quand la part « salaires » de cette taxe a été supprimée, j’étais précisément en train de faire revenir des entreprises sur le territoire communal. Je n’ai donc pas vu l’effet de cette mesure. Puis, il n’y a plus eu de taxe professionnelle du tout. À présent, qu’en est-il ? En trois ans, la dotation globale de fonctionnement a fondu de moitié.

Vous assurez que cette dotation représente 20 % des recettes des collectivités. Or, pour ma commune, ce montant est divisé par deux. L’État pourrait-il supporter un tel effort ?

Je cite le cas de ma propre commune, mais nombre de collectivités sont dans une situation similaire. C’est un véritable sujet ; il faut l’examiner avec attention, en observant en détail les effets.

Vous nous dites que les dépenses des collectivités ne baissent pas. Mais votre objectif semble bien de les réduire. Vous pilotez la DGF pour diminuer la dépense publique. Cela risque de finir par heurter le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales !

Je vous rassure, les dépenses des collectivités territoriales baisseront. Lorsque j’ai subi la disparition de mes recettes de taxe professionnelle, il m’a fallu élaborer des budgets de récession. Aujourd’hui, je suis de nouveau dans cette situation ! Encore faut-il tenir compte de l’effet de différé : les dépenses en question ne présentent que peu d’élasticité.

Les précédents orateurs y ont fait référence. Une fois que l’on a enlevé les salaires, les divers contrats de maintenance, par exemple les ascenseurs ou les jeux destinés aux enfants, les budgets minimums des écoles ou les assurances, quelle est la marge de manœuvre budgétaire d’une collectivité ? En réalité, elle est inférieure à 10 %. Toutes les autres dépenses sont contraintes. Si vous souhaitez faire une réduction forte dans ces conditions, je vous souhaite bien du plaisir !

Contrairement à ce que vous indiquez, l’État n’a pas réduit ses dépenses. Il s’est contenté de les revoir à la baisse par rapport à la prévision tendancielle. À ce compte-là, nous aussi, nous pouvons dire que nous les baissons !

Étudions le dossier avec précision sans nous contenter des analyses macroéconomiques, et analysons les divers effets qui se combinent ! Ce que nous tentons de vous faire remarquer, c’est qu’il y a un problème de rythme et d’ampleur !

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à mon tour à réagir à vos différents arguments.

Notre logique, qui est également celle de la commission, consiste à tenir compte non seulement des normes, mais aussi…

M. Jean-François Husson. Des contraintes !

M. Vincent Delahaye. … des charges imposées aux collectivités, sur lesquelles nous n’avons pas de prise.

À ce titre, il faut évidemment intégrer la revalorisation salariale des agents de catégorie C. Chacun sait que cette mesure pèse très lourd sur les collectivités territoriales.

Je pourrais aussi évoquer la suppression du jour de carence.

M. Vincent Delahaye. Pour ma collectivité, cela représente l’équivalent de deux postes et demi. Et l’augmentation des cotisations retraite, c’est l’équivalent de huit postes ! Additionnez les coûts de toutes ces décisions, et vous vous rendrez compte que notre chiffre de 1,6 milliard d’euros est assez juste.

Vous déclarez que le Gouvernement veut réduire le montant de la dépense publique. Fort bien ! Mais nous aimerions des preuves.

Les documents de Bercy, qui sont très bien faits – j’ai d’ailleurs félicité le service de communication –, ne traduisent aucune baisse de la dépense publique, qu’il s’agisse des collectivités ou de l’État !

Vous affirmez aussi que les recettes des collectivités augmentent globalement cette année. Mais votre argumentation portait sur 80 % du financement. Et les 20 % qui restent ? Faut-il augmenter massivement les prestations facturées aux habitants ? Et les subventions baissent considérablement. Les régions et les départements font des économies, souvent au détriment des communes. Dans la mienne, c’est l’aide aux crèches qui a été supprimée. Je ne vous dirai pas combien d’équivalents temps plein cela représente. Sachez simplement que la charge supplémentaire est énorme.

Vous avancez que les ressources des collectivités augmentent de 1,9 %. Mais, pour l’État, sur 286 milliards d’euros de recettes fiscales nettes, l’augmentation est de 7 milliards d’euros, soit 2,4 %. La hausse est plus pour l’État que pour les collectivités.

Nous demandons simplement à être traités de la même manière que les ministères et les services déconcentrés de l’État. Actuellement, ce dernier exige des collectivités des économies plus dures que celles qu’il s’impose à lui-même. C’est ce constat qui me révolte !

Les collectivités territoriales sont d’accord pour faire un effort, à condition qu’il soit justement et équitablement réparti entre elles et l’État.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Monsieur le secrétaire d’État, à l’évidence, vous maîtrisez l’art de la démonstration.

Mais une part de votre propos m’étonne quelque peu. Vous pointez du doigt l’insuffisance des efforts des collectivités, mais vous laissez persister quelques inconnues.

Les dépenses des collectivités, dites-vous, continuent d’augmenter. Mais, ainsi que cela vient d’être rappelé, c’est parce que les charges manquent d’élasticité, conduisant les collectivités à avoir recours à des hausses d’impôt.

M. Jean-François Husson. En outre, dans la moitié au moins des cas, les augmentations d’impôts assumées par les collectivités résultent, par un effet de rebond, de mesures adoptées par le Gouvernement.

Quoi qu’il en soit, pour le Gouvernement, vous êtes un bon élève, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous pourriez même être un très bon élève.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il fait son travail ! C’est tout !

M. Jean-François Husson. J’ai presque senti poindre chez vous une forme de regret. À vos yeux, les collectivités territoriales devraient accepter que l’on comprime encore un peu plus la dotation globale de fonctionnement pour rendre la dépense publique négative !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mais non ! Il n’a pas dit cela !

M. Jean-François Husson. Je vous invite une nouvelle fois à venir sur le terrain. Au cours de la discussion générale, j’ai évoqué Nancy, ville que vous connaissez bien, puisque c’est le chef-lieu de votre département. Avec la baisse des diverses dotations, dont la DGF, on atteint une baisse de 36 % du produit fiscal ! Je suis persuadé que, ayant été maire, vous savez ce que cela signifie.

Je suis agréablement surpris de la tonalité des débats au sein de la Haute Assemblée sur le sujet. Sur toutes les travées, à gauche, à droite, au centre ou aux extrêmes, tout le monde indique que les collectivités territoriales sont prêtes à prendre leur part de l’effort. Je ne siège pas depuis très longtemps dans cet hémicycle. Mais, lorsque je suis arrivé au Sénat en 2011, le discours n’était pas du tout le même !

Je me réjouis d’entendre désormais d’aussi sages propos. Mais, monsieur le secrétaire d’État, votre démonstration est loin de me convaincre.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d’État, je vous reconnais un mérite : vous avez fait un choix, et vous l’assumez.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Que pouvait-on faire d’autre ?

M. Dominique de Legge. À présent, vous tentez de le justifier. Mais, pardonnez-moi de le rappeler, les chiffres sont terriblement têtus ! Ne m’en veuillez pas si je compte comme un épicier breton. (Sourires.)

Regardons la réalité en face. En 2013, les prélèvements sur recettes s’élevaient à 55,689 milliards d’euros. D’après les projections, ils seront de 43,511 milliards d’euros en 2017. Cela représente une baisse de 12 milliards d’euros, soit 20 %, en quatre ans ! Or, dans bien des budgets communaux, 20 %, c’est précisément la part de l’autofinancement.

Vous pouvez tourner le problème dans tous les sens, mais votre décision se traduira nécessairement tôt ou tard par une réduction de l’investissement des collectivités territoriales.

En outre, vous nous annoncez 50 milliards d’euros d’économies. La contribution de l’État à cet effort n’est pas très bien renseignée. En revanche, nous avons beaucoup de détails quant aux réductions de dépenses que vous opérez, malgré nous, à l’encontre des collectivités territoriales.

Encore une fois, entre 2013 et 2017, la réduction des dotations atteindra 12 milliards d’euros, soit 20 % des prélèvements sur recettes ! Or les collectivités territoriales ne représentent que 9 % à 10 % de l’endettement public en France. Elles devront donc contribuer deux fois plus que leur niveau d’endettement ne l’exige.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je l’ai dit !

M. Dominique de Legge. Si l’État contribuait à proportion de sa dette, l'effort qu'il assumerait serait de l’ordre de 40 milliards d’euros.

En parcourant l’excellent document que vous nous avez distribué sur les chiffres clefs du projet de loi de finances pour 2016, je constate que les dépenses totales de l’État s’établissent à 367,6 milliards d’euros en 2015, contre 365,5 milliards d’euros en 2016.

Ma première réaction serait de vous féliciter et de considérer que le Gouvernement fait un sacré effort, la réduction de dépenses atteignant 2,1 milliards d’euros !

Puis, je regarde les chiffres de plus près. Quel est le poste de dépenses en repli ? Cherchez l’erreur ! Le prélèvement sur recettes pour les collectivités territoriales chute, entre 2015 et 2016, de 53,5 milliards d’euros à 49,9 milliards d’euros, soit une baisse de 3,6 milliards d’euros. CQFD ! Il est inutile d’aller plus loin. L’État fait tout simplement des efforts sur le dos des collectivités territoriales. Désormais, les choses sont claires ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Force est de l’admettre, les chiffres sont parfois arides. En la matière, rien n’est simple. M. le secrétaire d’État essaie de faire preuve de pédagogie.

Localement, nous faisons de même. Dans nos communes, quelle que soit la taille – dans la mienne, il y a 170 habitants –, nous gérons comme nous pouvons. Il n’y a pas de petites économies. Chacun essaie de faire des efforts dans sa collectivité.

Reconnaissons que l’État est le premier financeur des collectivités territoriales.

M. Philippe Dallier. C’est plutôt le contribuable local !

M. Marc Laménie. Il n’y a pas que la DGF ; il y a aussi toutes les autres dotations !

Au demeurant, les réalités sont très variables d’une commune à l’autre. Il faut tenir compte de critères comme l’effort fiscal ou le potentiel financier. Et la révision des bases est un sujet indissociable.

Il faut y travailler dans le cadre des commissions communales des impôts directs, en lien avec les centres des finances publiques. Nous avons pu augmenter sensiblement les recettes issues de la fiscalité. Le débat est complexe. Nous devons faire passer des messages.

Nous sommes conscients que cette baisse de dotations aura des répercussions sur l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics. Or les collectivités territoriales sont d’importants donneurs d’ordres en ce domaine.

Je me rallie à la proposition du rapporteur général. Son amendement, que nous avons examiné en commission des finances, vise à maintenir la DGF à 34,5 milliards d’euros. Cette solution réaliste peut faire consensus.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Le débat est récurrent depuis plus d’un an. Les arguments sont toujours les mêmes. Je ne suis donc pas surpris d’entendre les sollicitations et les doléances de nos collègues.

La discussion prend son sens dans le cadre de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques sur laquelle la France est engagée. Nous en avons débattu ici. Des objectifs ont été présentés à Bruxelles, et ils ont été validés. La France s’est engagée. Certains ont voté pour ; d’autres contre. Ceux qui ont voté contre peuvent se permettre toutes les observations et toutes les doléances, puisqu’ils ne se sentent pas engagés…

Je vais aussi sur le terrain. J’entends évidemment les maires me dire qu’ils préfèreraient avoir plus de dotations et moins de difficultés. Mais la question est simple : voulons-nous le redressement des finances publiques ? Si oui, il faut soutenir la proposition du Gouvernement ! Elle est aussi équitable que possible.

M. François Marc. On peut toujours en contester le principe. Mais une telle répartition me semble acceptable.

Je me réjouis que, dans ce contexte de difficultés, le Gouvernement ait pris conscience de la nécessité d’aider l’investissement en élargissant le FCTVA et en apportant une somme importante aux petites communes : plus de 200 millions d’euros sont consacrés à l’investissement. Les mécanismes de péréquation, comme la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, vont monter en puissance, avec une enveloppe importante, qui permettra cette année un abondement. L’effort sera peut-être ainsi plus supportable pour les communes les plus modestes.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je me félicite que le Gouvernement ait enfin abordé la réforme de la DGF. Nous l’attendions depuis tant d’années. D’autres avant nous n’avaient pas été capables de l’entreprendre. Elle sera difficile, surtout dans la période que nous vivons. Au moins, nous essayons de la mener à bien, afin d’apporter plus de justice et d’équité. C’était absolument indispensable. Je forme le vœu que la démarche aboutisse.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.

M. Michel Le Scouarnec. Je ne crois pas trop à la démonstration de M. le secrétaire d’État.

On peut toujours faire dire ce que l’on veut aux chiffres. Mais les élus d’en bas, notamment les associations de maires, font part de leurs difficultés et de leurs craintes pour l’avenir. Je n’ai pas le sentiment que les communes s’en sortiront. On leur demande beaucoup trop d’efforts. Cela me paraît injuste.

Les associations de maires sont toutes opposées à cette réduction forte des dotations. Les élus d’en bas, maires, adjoints ou simples conseillers municipaux, sont très inquiets.

Vos chiffres l’ont bien montré, jusqu’à l’année dernière, la difficulté ne s’était pas fait sentir de la même manière, notamment s’agissant de l’investissement.

Des craintes touchent également le fonctionnement. Les entreprises du BTP nous alertent par courrier sur les difficultés qu’elles rencontrent. Je perçois donc un décalage entre le discours du ministre, à l’égard duquel on peut éprouver de la sympathie, et les échos émanant du terrain, où l’inquiétude est grande.

Les communes ont tant à faire avec les écoles, les activités périscolaires, les personnes âgées ! Permettre aux communes de mettre en place des services de proximité de qualité, c’est à la fois un moyen d’amortir la crise et un moteur pour l’activité économique. Les communes qui investissent donnent du travail aux entreprises. Cela fait bientôt quatre ans que je le dis : la diminution des dotations n’est pas une bonne chose.