Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la quinzième année consécutive, je vous présente le budget de l’enseignement agricole. Après quinze budgets et huit ministres de tous bords politiques, mon constat demeure le même : l’enseignement agricole, qui est pourtant une filière d’excellence, en phase avec les besoins des territoires et des entreprises, ainsi que le deuxième réseau éducatif de notre pays, demeure précaire.

Quelle n’a pas été ma déception, à la lecture du projet de loi de finances pour 2016, de constater qu’il mettait fin à cinq années consécutives d’augmentation significative des crédits de l’enseignement agricole !

À la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en seconde délibération à l’Assemblée nationale, les crédits du programme 143 n’augmenteront finalement que de 0,5 % en 2016, soit moitié moins que ceux du ministère de l’éducation nationale et moitié moins que l’inflation. De surcroît, la hausse des crédits est intégralement imputable à l’augmentation des dépenses de personnels et à la création de 140 postes supplémentaires d’enseignants.

Certes, il convient de se réjouir de ces créations de postes, ainsi que du recrutement de 25 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires. Sur ce point, l’engagement du Gouvernement est tenu. Néanmoins, ces créations doivent-elles se faire au détriment de tout le reste ? Doivent-elles se faire au prix d’une dégradation de la situation des établissements et de la réduction des dotations pour les bourses sur critères sociaux, qui diminuent de 5,4 millions d’euros – retenez bien ce chiffre, mes chers collègues ! – alors que les effectifs d’élèves augmentent ?

L’année 2016 verra la fin des protocoles d’accord conclus avec les établissements de l’enseignement privé. Ces protocoles devraient être reconduits pour un an ; souhaitons que, d’ici à 2017, une enquête approfondie soit effectuée et qu’elle conduise à la nécessaire revalorisation de la subvention.

Malgré l’excellence des résultats de l’enseignement agricole, les effectifs d’élèves s’effritent : il a perdu 4 500 élèves depuis 2008, en particulier dans les classes de quatrième et de troisième. L’enseignement agricole peine à sortir d’une logique malthusienne, qui contingente l’offre de formation selon les moyens plutôt que selon la demande des élèves et de leurs familles.

Cette situation est également la conséquence de la politique menée par l’éducation nationale, qui vise à limiter le plus possible l’orientation vers l’enseignement agricole. Ce dernier continue d’être constamment dévalorisé dans les représentations.

En matière budgétaire, l’enseignement agricole est considéré comme la variable d’ajustement de la mission. Le Gouvernement a renouvelé le prélèvement de 2,5 millions d’euros effectué l’année dernière pour financer le fonds de soutien aux activités périscolaires ; cette année, il s'agit de « garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l’État ». Cela montre qu’une relation équilibrée entre l’enseignement agricole et l’éducation nationale reste à construire. Les deux parties auraient beaucoup à y gagner !

Je réserve mon avis sur les crédits de cette mission pour l’instant, que je conditionne à l’adoption de l’amendement que je vous présenterai, lequel vise à rétablir les crédits de l’enseignement agricole supprimés par l’Assemblée nationale, et à celle des amendements présentés par mes collègues rapporteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent : le budget de l’enseignement scolaire est en hausse et traduit dans les faits l’ambition portée par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République, mais des rapporteurs de droite s’y opposent, pointant l’inflation budgétaire, sans considérer qu’il s’agit de réparer l’école, laquelle avait été abîmée à la suite de suppressions massives de postes, de la réduction des moyens et de l’abandon coupable de la formation professionnelle.

Comment nos rapporteurs peuvent-ils refuser cet effort alors que la majorité à laquelle ils appartenaient sous la précédente mandature avait dégradé les résultats de l’école en faisant perdre cinq places à la France dans le classement PISA ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Chiron. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Ce budget porte une tout autre ambition : refonte des programmes, réforme de l’éducation prioritaire, plan numérique à l’école, soutien au financement du renouvellement des manuels scolaires, création de postes de RASED, le réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, des milliers d’entre eux ayant été supprimés lors du précédent quinquennat.

Oui, en matière de formation, ces moyens sont indispensables. Toutefois, leur utilisation doit être suivie. Je vous le dis solennellement, l’autonomie des universités ne saurait être un prétexte pour ne pas respecter les contenus et les modes de formation inscrits dans la loi. Les recteurs doivent y veiller.

Si je suis déçue de l’absence de Mme la ministre, je me félicite de votre présence, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu du sujet sur lequel je vais maintenant intervenir.

Alors que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République prévoit que dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, les équipes pédagogiques intègrent des professionnels intervenant dans le milieu scolaire – personnels enseignants, d’inspection et de direction –, ainsi que des acteurs de l’éducation populaire, de l’éducation culturelle et artistique et de l’éducation à la citoyenneté, dans les faits, ils ne sont pas les bienvenus. Alors que des ESPE souhaiteraient mettre en place des modules d’éducation aux médias et à l’information avec des radios associatives, il semblerait qu’il existe encore des difficultés, notamment en matière de financement des interventions des personnalités extérieures.

Sur le même sujet, je m’inquiète de la situation du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, le CLEMI. Les moyens qui lui sont alloués ne sont pas à la hauteur. Or la garantie de son autonomie est une impérieuse nécessité.

Monsieur le secrétaire d’État, l’éducation aux médias, à l’image et à l’information n’est pas un luxe en ces temps troublés. Le Conseil supérieur des programmes a d’ailleurs insisté sur ce point. J’espère que, après son copieux et scrupuleux travail de rédaction, il sera associé à la relecture des documents d’accompagnement, afin que l’esprit de la rénovation des programmes soit fidèlement gardé.

Par ailleurs, la revalorisation des salaires des enseignants – c’est là un sujet qui fâche –, en retard sur nos voisins européens, doit rapidement être envisagée : il y va des vocations comme de la considération de la profession.

J’évoquerai maintenant l’enseignement agricole, si cher à notre commission et sur toutes les travées. L’an dernier, le budget de l’enseignement agricole avait connu une hausse, que nous n’avions pas manqué de souligner comme étant un signe fort en faveur de cet enseignement sachant mettre en place de véritables innovations pédagogiques.

Si la hausse de ce budget est plus modérée cette année, de nouveaux postes sont créés, afin de soutenir les effectifs, et nous nous en félicitons. Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, de veiller à une bonne information de tous les élèves dans le cadre de leur parcours d’orientation, car les formations en établissements agricoles sont diverses et riches de débouchés.

Pour conclure, les amendements déposés par la majorité sénatoriale et visant à réduire de 65 millions d’euros les crédits consacrés à la création de postes dans le second degré sont inacceptables pour les écologistes. Notre groupe ne peut adhérer à ces reculs, qui, s’ils venaient à être adoptés, nous conduiraient à ne pas voter ce bon budget ainsi altéré.

Rassurez-vous toutefois, mes chers collègues, l’école de la République garantit le socle et les acquis de base : la preuve que je sais compter jusqu’à cinq, c’est que j’ai respecté le temps de parole de cinq minutes qui m’était alloué ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’emblée à saluer ce budget, le premier de la nation, qui est en augmentation de 1,1 %. Je me félicite du symbole comme des moyens donnés à l’éducation de nos enfants. Plus que jamais, à l’aune de la terrible année qui vient de s’écouler, investir dans l’éducation apparaît comme une nécessité absolue, pour renforcer la cohésion nationale autour de valeurs communes, mais aussi pour offrir des repères et des perspectives d’avenir à notre jeunesse, tout en offrant à nos enseignants les meilleures conditions pour le faire.

Le projet de loi de finances consacre donc le rétablissement des moyens humains de l’école en prévoyant la création de 10 851 postes. Certains considèrent qu’une politique du chiffre est privilégiée au détriment de la qualité. Pour ma part, j’estime que la qualité passe avant tout par le fait que tous les élèves puissent avoir, et ce tout au long de l’année, un enseignant en face d’eux.

M. Jacques Chiron. Très bien !

Mme Mireille Jouve. De surcroît, il faut que les classes soient beaucoup moins surchargées et que l’on puisse ainsi proposer un suivi plus individualisé aux élèves, notamment dans les zones d’éducation prioritaire.

En outre, ces créations de postes semblent indispensables, ne serait-ce que pour faire face dans un premier temps à la poussée démographique et à l’accroissement du nombre d’élèves – de 60 000 en 2014, de 50 000 en 2015. Ce n’est pas faire du chiffre que de contribuer à l’amélioration des conditions de travail des élèves comme des enseignants, tout en maintenant les classes ouvertes, notamment dans les territoires ruraux.

Le premier degré de l’enseignement constitue un moment crucial de la formation des élèves, puisque c’est à la sortie du CM2 que tout se joue. À ce titre, il me paraît essentiel d’aller plus loin encore dans le dispositif « plus de maîtres que de classes » et de généraliser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, en particulier dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Les retours d’expériences du terrain nous montrent que ce n’est malheureusement pas possible partout, en raison d’un manque d’effectifs d’enseignants.

Par ailleurs, une étude récente montre que l’école maternelle est plébiscitée par les parents et les enseignants et qu’elle œuvre « pour les apprentissages, mais aussi le vivre ensemble et l’épanouissement des élèves ». Renforçons-la et surtout valorisons le traitement de nos professeurs des écoles, qui sont parmi les plus mal payés des pays de l’OCDE. Quelque 50 000 d’entre eux ont écrit en ce sens à Mme la ministre. J’espère que vous serez attentifs à leur revendication concernant l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves.

Si l’on veut des enseignants de qualité, il faut qu’ils soient correctement rémunérés, surtout lorsque l’éducation est et doit être une grande priorité de la nation. Il est loin le temps où ce métier était un choix de conviction, où le seul fait d’être enseignant constituait une gratification symbolique forte et conférait un statut social respecté et envié.

Très attachée à l’inclusion scolaire, je me réjouis de la création de 350 postes d’accompagnant des élèves en situation de handicap, ou AESH, qui complètent les 350 postes créés l’année dernière et renforcent ainsi la professionnalisation de personnels spécialisés, qui ont vu leur nombre fondre sous la précédente mandature. L’école de la République doit offrir les meilleures conditions d’accueil à tous.

La formation est également essentielle pour garantir la qualité de la pédagogie et des enseignements dispensés. Grâce à la création des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, la formation initiale a retrouvé une vraie cohérence, passant par l’acquisition de savoirs, mais aussi de compétences professionnelles.

En revanche, en matière de formation continue, l’effort doit encore être accentué. De ce point de vue, les crédits dédiés à la formation des personnels enseignants dans le cadre de la réforme du collège constituent une bonne nouvelle. Toutefois, encore une fois, les enseignants du premier degré s’estiment oubliés : 18 heures de formation par an sont prévues pour les professeurs des écoles, ce qui paraît bien faible.

Permettez-moi également de regretter que les crédits consacrés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires soient en recul de 91 millions d’euros, de surcroît dans le contexte actuel de baisse globale des dotations de l’État aux collectivités. Je suis maire d’une petite commune dont les charges ne cessent de se multiplier. Comme chacun le sait, cette baisse pénalisera d’abord les communes en difficulté, qui ne pourront proposer d’autres activités que de la garderie. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Avant de conclure mon propos, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais vous poser une question en lien avec la triste actualité des attentats du 13 novembre qui ont frappé la France et Paris.

Le Premier ministre, mais pas seulement lui, a répété plusieurs fois que d’autres attentats sont à redouter et que, bien évidemment, tout sera fait pour les prévenir – l’état d’urgence sert d’abord à cela. Or les écoles laïques de la République, nous dit-on, pourraient être une cible des terroristes. Aussi, que pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, sur le renforcement de la sécurité aux abords des établissements scolaires de notre pays et peut-être aussi sur l’état de la menace qui pèse réellement sur les écoles ?

M. Loïc Hervé. Très bonne question !

Mme Mireille Jouve. Enfin, étant convaincue qu’il faut aider et l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire, en particulier dans la mise en œuvre de la réforme du collège à la rentrée de 2016, je ne souscris pas à l’amendement de notre rapporteur spécial prévoyant plusieurs diminutions de crédits dans le secondaire. Je suis au contraire partisane d’une politique éducative ambitieuse pour nos enfants.

Aussi, à l’instar de la majorité des membres du groupe RDSE, mon vote dépendra du sort qui sera réservé à la plupart des amendements examinés en séance publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec plus de 67 milliards d’euros, il s’agit tout de même du premier budget de la nation : 10 711 nouveaux postes dans l’enseignement scolaire, 8 000 enseignants supplémentaires, des postes d’accompagnement pour les élèves handicapés, des postes de santé, sociaux, administratifs et 2 150 assistants d’éducation de plus.

C'est pourquoi je suis stupéfait des contradictions contenues dans les déclarations du rapporteur spécial de la commission des finances.

Tout d’abord, lors de la réunion de commission, il se réjouit de l’augmentation du nombre des enseignants dans le primaire et le secondaire, et pourtant il présente un amendement visant à réduire de 65 millions d'euros les crédits de personnel de l’enseignement scolaire, condamnant ainsi plusieurs milliers de postes. À cela s’ajouterait l’annulation de 15,5 millions d’euros de crédits sur des opérateurs tels que l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, l’ONISEP, le Centre national d’enseignement à distance, le CNED ou le réseau Canopé, qui sont importants pour l’école.

La logique d’un tel raisonnement m’échappe. On sait bien que la législature précédente, de 2007 à 2012, a été marquée par la suppression de plus de 80 000 postes, cela a été rappelé, soit quelque 1 000 écoles rayées de la carte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Loïc Hervé. Caricature !

M. Roland Courteau. C’est la vérité !

M. Jacques Chiron. Seriez-vous atteints de la maladie d’Alzheimer, chers collègues ?

M. Jacques-Bernard Magner. On veut asphyxier le système éducatif français, car on semble s’apercevoir aujourd’hui qu’il est onéreux. Certes, mais la formation de la jeunesse constitue une priorité essentielle.

Du reste, malgré les réductions de postes, les enseignants n’ont guère connu de revalorisation de leur traitement entre 2007 et 2012. Il aura fallu attendre que la gauche revienne au pouvoir, en 2012 (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), pour que soit proposée aux enseignants une véritable formation,…

M. Claude Kern. Quelle formation ?

M. Jacques-Bernard Magner. … qui commence à produire ses effets, même s’il faudra attendre encore quelques années pour pouvoir retirer tout le bénéfice de cette démarche de reconstruction, grâce aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Ce budget pour 2016 s’inscrit dans le respect de l’engagement de créer 60 000 postes au cours du quinquennat. En même temps, la réforme des rythmes scolaires a permis de donner cinq véritables matinées de travail aux élèves. Cette réforme a apporté une remarquable amélioration des conditions de vie et de travail des élèves et de leurs performances en classe, les enseignants en attestent.

Mme Françoise Férat. Il faut sortir un peu de Paris !

M. Jacques-Bernard Magner. Aujourd’hui, quelque 90 % des écoles sont engagées dans un projet éducatif territorial, le PEDT, et l’État tient tous ses engagements en pérennisant le fonds d’accompagnement des communes.

La droite critique le quantitatif et dit préférer le qualitatif.

M. Loïc Hervé. C’est vrai !

M. Jacques-Bernard Magner. Soit, mais il n’y a pas de qualitatif sans formation des enseignants, sans aide aux enfants qui se trouvent dans des secteurs en difficulté. La refondation de l’école, votée en 2013, est une vraie réforme qualitative et elle s’accompagne de vrais moyens. Oui, désormais, les élèves sont mieux traités dans ce pays ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

La rénovation des programmes et des pratiques pédagogiques dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture dès la rentrée 2016, la réforme du collège et la refonte de l’éducation prioritaire sont autant de points forts de ce budget.

Quant au projet de la droite pour l’école, chers collègues, vous nous l’avez exposé lors des débats de la commission d’enquête qui a suivi les tragiques attentats de janvier dernier.

M. Jacques Grosperrin. Nous avions tristement raison ! C’est un grand tort que d’avoir raison trop tôt…

M. Jacques-Bernard Magner. Les éléments essentiels de votre projet sont la hiérarchisation des enseignants, la prestation de serment des professeurs, le port d’un uniforme d’établissement pour les élèves, la notation et le recrutement des professeurs par les chefs d’établissements, des sanctions financières envers les familles pour l’absentéisme scolaire de leurs enfants, la mise en quarantaine des élèves perturbateurs dans des établissements spécialisés.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il ne reste plus qu’à demander aux femmes de rester à la maison !

M. Jacques-Bernard Magner. Voilà votre programme !

M. Loïc Hervé. Caricature !

M. Jacques-Bernard Magner. C’est cela qui vous guide, alors que le premier des défis à relever pour la cohésion de notre société et l’adhésion à la nation, dont on a bien besoin aujourd'hui, est celui de la mixité sociale et de la lutte contre l’échec scolaire.

M. Michel Canevet. C’est vrai !

M. Jacques-Bernard Magner. Rappelons-nous également que les tests PISA, que vous citez abondamment, ont été effectués à l’issue du quinquennat précédent. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jacques Grosperrin. PISA, c’était en 1998, alors que Lionel Jospin était Premier ministre !

M. Jacques-Bernard Magner. Nous attendons avec impatience les résultats des tests PISA qui seront conduits à partir de 2017. Gageons qu’ils seront déjà bien meilleurs que les précédents ! (M. Jacques Grosperrin s’exclame.)

En conclusion, au nom du groupe socialiste, je tiens à saluer la poursuite de l’effort budgétaire en faveur de la mission « Enseignement scolaire », dont, bien entendu, le groupe socialiste votera les crédits présentés par le Gouvernement, sauf s’ils sont entachés par les misères que certains souhaitent leur faire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Thierry Foucaud remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Enfin quelqu'un de modéré !

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les débats que nous avons aujourd’hui sur les moyens alloués à l’école sont essentiels. Il serait cependant coupable – oui, coupable ! – d’envisager les moyens sans réfléchir aux finalités, aux ambitions de notre école.

On peut donner une vision d’ensemble de la politique éducative de votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, au travers de trois mesures emblématiques qui ne règlent pas le problème de la réussite scolaire.

La première mesure est la réforme des rythmes scolaires. Décidée de manière unilatérale par le Gouvernement, elle a été appliquée de manière autoritaire et sans réelle concertation. Elle coûte cher. Pourtant, dès le début, les bénéfices qui en étaient attendus faisaient l’objet de nombreuses contestations de la part des parents d’élèves et des acteurs de l’éducation.

En outre, dans un contexte de pénurie des moyens, les communes ont alerté le Gouvernement sur les difficultés concrètes de mise en œuvre de cette réforme, qui fait peser sur leur budget une charge nouvelle : le financement des activités périscolaires proposées sur le temps libéré par la nouvelle organisation de la semaine. L’Association des maires de France a évalué le coût financier entre 600 millions d’euros et 1 milliard d’euros.

M. Jacques Grosperrin. Quel est le résultat ? Aujourd’hui généralisée, cette réforme conduit à ce que, dans de nombreuses écoles, des animateurs sans formation proposent à des élèves trop nombreux des activités sans projet. Voilà le bilan et, malgré les dénégations habituelles du Gouvernement, il n’est pas bon !

La deuxième mesure est la réforme du collège, qui est une usine à gaz. Les enseignants, les chefs d’établissements, les CPE s’arrachent les cheveux parce qu’ils ne parviennent pas à la mettre en place. La suppression des classes bilangues, qui est contestée par les enseignants, les élèves, leurs parents et même, c’est un comble, par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, ne peut s’expliquer que par une volonté de nivellement par le bas.

Ces classes permettaient l’apprentissage de deux langues dès la sixième. Elles ont permis, à partir de 2005, de maintenir les effectifs en allemand. Cette langue étant réputée, à tort ou à raison, comme difficile, ces classes ont aussi pour caractéristique d’attirer les élèves les plus volontaires. Ces classes, chacun le sait, sont celles des grands travailleurs. Si leurs élèves réussissent en général mieux que les autres, c’est parce qu’ils travaillent plus. Permettre la réussite de ceux qui travaillent, quelle horreur pour vous, les socialistes !

Mme Corinne Bouchoux. C’est sûr, nous sommes tous des cancres !

M. Jacques Grosperrin. Voilà peut-être l’unique raison de leur suppression. Ce qui est vrai pour les classes bilangues l’est aussi, à l’évidence, pour l’enseignement du latin et du grec. Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif véritable de ce gouvernement est de supprimer toute forme de récompense du mérite.

Comme l’affirme dans une récente interview un professeur de mathématiques, membre du Syndicat national des enseignements de second degré, le SNES, que l’on peut difficilement classer à droite, en privant les collèges publics de ces dispositifs pédagogiques, la réforme du collège de Mme Vallaud-Belkacem va aggraver les effets du consumérisme scolaire et la discrimination sociale. Le privé en sortira renforcé. Voilà la réalité de votre politique en matière de collège : idéologique, impopulaire et inefficace !

Toutefois, la machine à casser l’excellence fonctionne également – hélas, trois fois hélas – au-delà du collège. Je passerai sous silence, faute de temps, l’attaque que vous avez portée à l’égard des bourses au mérite. C’était la troisième mesure que je voulais dénoncer. Près de 7 000 enfants pouvaient en bénéficier. Le Conseil d’État ayant agi, vous avez diminué de moitié cette prime.

Enfin, ce qui pourrait clore la démonstration, l’excellence est aujourd’hui un terme honni par la ministre de l’éducation nationale et par vous-même. Entre les idéaux de Jules Ferry et le discours infantilisant, démagogique, communautaire et empreint d’un pédagogisme réel,…

M. Jacques-Bernard Magner. Ah, le pédagogisme !

M. Jacques Grosperrin. … il est grand temps de dénoncer avec force cette insulte portée par vous à l’idéal républicain au nom d’une certaine conception de l’égalité.

M. Roland Courteau. N’importe quoi !

M. Jacques Grosperrin. Nous sommes ravis, monsieur le secrétaire d'État, de vous recevoir aujourd'hui. J’aurais cependant aimé entendre Mme Vallaud-Belkacem, qui a préféré participer à un meeting aux côtés de M. Queyranne. Je trouve scandaleux qu’elle n’ait pas daigné venir au Sénat ce soir ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Nous aussi, nous avions des rendez-vous.

M. Loïc Hervé. Nous aussi !

M. Jacques Grosperrin. Pour ma part, j’étais attendu par M. Sauvadet à Dijon. La représentation nationale mérite mieux. Il était important qu’elle soit présente, et c’est aussi une offense pour les sénateurs socialistes.

Je n’aurais pas aimé l’entendre dire, sur les décrocheurs : « Nous avons réussi à impulser une dynamique ». Il est vrai que Georges Clemenceau avait déclaré : « En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.), mais la dynamique était lancée. D'ailleurs, la direction des études et de la programmation, la DEP, a constaté une baisse depuis 2013. Dès 2009, Martin Hirsch avait agi en ce sens-là, puis Luc Chatel en 2011, suivi de Vincent Peillon, en 2013, dans le cadre du dispositif FOQUALE, ou « Formation Qualification Emploi ».

Aujourd'hui, je me réjouis que nous nous retrouvions autour des décrocheurs ; je crois que c’est important. Le retour à l’école de ces décrocheurs méritants montre tout de même que près de 500 000 jeunes de 18 à 25 ans n’ont aucun diplôme, soit près de 10 % de la population.

Enfin, et vous le savez, les moyens ne sont pas corrélés aux résultats scolaires. Si notre pays est mal classé dans le programme PISA, c’est parce que nos élèves en situation difficile n’arrivent pas à progresser.

Il faudrait que les enseignants disposent de plus d’autonomie, qu’ils soient mieux payés et que leur formation soit véritablement didactique et non plus pédagogique.

Pour conclure, seules la grandeur des ambitions et la rectitude des finalités peuvent justifier l’importance des moyens alloués à l’école. C’est ce rappel, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que je tenais à faire aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern.