M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour la réplique.

M. Michel Forissier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir exposé votre théorie sur la statistique, mais permettez-moi de dire que le fait de masquer les chiffres de la délinquance à l’échelle locale pose problème au moment où, sur le plan national, on annonce des chiffres en hausse, par exemple un bond de plus de 10 % du nombre des vols avec arme…

Ce n’est pas une telle politique, qualifiée autrefois de politique de l’autruche, qui peut conduire les responsables publics à prendre les mesures nécessaires sur le terrain au niveau communal !

M. Michel Forissier. L’absence de transparence est source d’inquiétude pour nos administrés ! L’opacité des chiffres va encore augmenter les craintes, et cette perte de confiance se retrouve lors des consultations électorales.

Si vos nouveaux outils statistiques doivent conduire à diminuer les capacités d’analyse à l’échelon local, vous allez priver les maires de leviers d’action contre la délinquance ! Nous avons besoin de transparence, de chiffres précis et, surtout, d’une politique pénale efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

canne à sucre: accord de libre-échange avec le vietnam

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux. C’est à la place de mon collègue Jacques Cornano, empêché, que j’interviens pour interroger Mme la ministre des outre-mer sur les conséquences des accords de libre-échange signés entre l’Union européenne et des pays tiers, en particulier le Vietnam, pour les sucres spéciaux.

Un quota de 20 000 tonnes de sucre serait accordé au Vietnam, sans qu’il soit précisé s’il s’agit de sucre blanc raffiné ou de sucre roux spécial.

La filière canne-sucre-rhum-bagasse est pourtant un pilier fondamental de la vie économique de nos départements d’outre-mer. Les sucres roux constituent pour eux un marché essentiel – de niche, certes, mais de haut de gamme. En 2014, 660 000 tonnes de cannes ont été produites en Guadeloupe, 166 000 tonnes en Martinique et 1,763 million de tonnes à La Réunion. La France produit ainsi 120 000 tonnes de sucre roux, dont 90 000 tonnes en provenance de La Réunion.

Cette filière représente 23 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects et induits, dans des territoires où le taux de chômage dépasse parfois 30 %.

Les accords bilatéraux à venir, qui tendent à abaisser les barrières douanières pour le sucre, sont une menace très sérieuse pour nos planteurs, qui doivent respecter des normes environnementales et sociales beaucoup plus strictes que celles qui s’imposent à leurs concurrents.

Je sais, madame la ministre, la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier. D’ailleurs, M. le Premier ministre, comme il s’y était engagé à La Réunion en juin dernier, a revalorisé la prime bagasse.

Cependant, l’état actuel des négociations ne nous satisfait pas. La seule protection efficace de la filière des sucres spéciaux passe soit par son exclusion du champ de l’accord, soit par l’instauration d’un quota spécifique proportionné à sa part dans le marché global du sucre.

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir nous indiquer où en sont les négociations avec la Commission européenne et le Vietnam. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, le Gouvernement suit avec la plus grande attention l’évolution des discussions avec le Vietnam et la Commission européenne concernant la filière canne-sucre-rhum-bagasse, qui est en effet très importante pour les outre-mer.

Depuis 2012, nous avons pris ce sujet à bras-le-corps. La nécessaire protection de cette filière s’est par exemple traduite par la revalorisation de la prime bagasse, que vous avez évoquée et qui permet accessoirement de diversifier la production d’énergies renouvelables dans les outre-mer.

Aujourd'hui, s’agissant de l’accord avec le Vietnam, nous sommes confrontés à une difficulté, tenant à ce que la fin des quotas sucriers n’avait pas été suffisamment anticipée, de sorte que le mandat donné à la Commission européenne n’excluait pas les sucres spéciaux, qui, comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, sont un marché de niche essentiel pour les outre-mer. La conséquence de cette importante erreur est que nous devons maintenant discuter pied à pied avec la Commission européenne alors que celle-ci n’est pas juridiquement contrainte de nous écouter.

Quoi qu’il en soit, nous avançons. Nous avons ainsi obtenu, voilà peu de jours, l’exclusion du champ des nouveaux accords de la ligne tarifaire qui permet de couvrir la quasi-totalité des expéditions de sucres spéciaux des départements d’outre-mer vers l’Union européenne. Vous le voyez, notre détermination est totale, et la filière des sucres roux de nos outre-mer demeure protégée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

canne à sucre

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Magras. Madame la ministre des outre-mer, la délégation sénatoriale à l’outre-mer a été alertée par les professionnels du sucre de La Réunion de la menace de plus en plus pressante que fait peser sur la filière canne la politique commerciale européenne.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est la même question !

M. Michel Magras. Différentiel de compétitivité, fin des quotas sucriers en 2017 et accumulation des accords commerciaux mettent en grave danger la filière canne.

Cette filière, qui fait partie du patrimoine de nos départements d’outre-mer, représente quelque 40 000 emplois directs et indirects dans des territoires sinistrés par des taux de chômage record : c’est l’équivalent de 3 millions d’emplois pour l’Hexagone !

Il est impensable de laisser la Commission européenne sacrifier les économies de nos régions ultrapériphériques sur l’autel du libre-échange et de laisser prospérer une politique commerciale en contradiction totale avec les politiques régionale et agricole. À quoi sert d’octroyer et d’autoriser des aides qui ont permis une modernisation vertueuse de la filière si on prive parallèlement celle-ci de débouchés, en encourageant une concurrence à bas coût sur le marché européen ?

Je sais votre mobilisation et celle des services chargés du suivi des négociations en cours avec le Vietnam. Cependant, l’accord politique intervenu cet été résonne comme un coup de semonce pour la production sucrière de nos régions ultrapériphériques.

Comment est-il possible que l’on ait découvert au cœur du mois d’août que l’accord politique avait été finalisé sans alerte préalable des autorités françaises ? Le mandat de négociation donné en amont à la Commission a-t-il été suffisamment cadré ? Quelles garanties peut-on désormais espérer, alors que de nombreux autres accords commerciaux se profilent déjà ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Cette fois, la question est bien posée ! Ce n’est pas téléphoné !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Magras, la question de l’avenir de la filière canne-sucre-rhum agite en effet beaucoup les outre-mer, étant donné la place qu’elle occupe dans leurs économies.

Cet accord entre l’Union européenne et le Vietnam représente pour nous un héritage qu’il nous a fallu assumer, ses conséquences n’ayant pas été suffisamment anticipées. Le mandat de négociation donné à la Commission européenne ne prenait pas en compte, en effet, les spécificités des outre-mer. Par conséquent, nous sommes maintenant en quelque sorte obligés de nous insérer dans les discussions pour faire entendre à la Commission européenne les difficultés que soulève la négociation en cours pour nos outre-mer.

Comme je l’indiquais à Mme Herviaux, nous avons obtenu une avancée positive avec l’exclusion du champ de l’accord de la principale ligne tarifaire d’exportation des sucres ultramarins. Cependant, les choses auraient été plus simples si la Commission européenne avait été alertée en amont.

Cela étant, nous mettons en œuvre tous les moyens pour continuer à avancer. Les sucres spéciaux seront ainsi bien exclus des accords à venir, comme celui qui est en cours de négociation avec l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, nous allons déposer auprès de la Commission européenne une demande d’autorisation d’augmenter les aides de l’État à la filière canne-sucre, à hauteur de 30 millions d’euros. Le dossier a été préparé en liaison avec les organisations professionnelles ; il est maintenant bien étayé et prêt à être déposé.

D’autres difficultés se posent cependant. Nous avons ainsi reçu les représentants des salariés de l’entreprise Saint-Louis, qui met un terme à l’activité de raffinage des sucres.

M. le président. Il va vous falloir conclure, madame la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous travaillons à sauvegarder cette filière sucrière dont nous connaissons tous l’importance pour les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour la réplique.

M. Michel Magras. Madame la ministre, la stratégie actuelle de la France semble avoir atteint ses limites.

La délégation sénatoriale à l’outre-mer s’est saisie de cette question et a adopté ce matin à l’unanimité une proposition de résolution comportant une dizaine de préconisations aussi claires que précises, qu’il nous semble indispensable de mettre en place si nous voulons sauver les économies des régions ultrapériphériques. Nous attendons du Gouvernement et de la France une action plus ferme et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

sommet france-océanie

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Robert Laufoaulu. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, porte sur le sommet France-Océanie, ainsi que sur la façon dont la situation des îles océaniennes a été prise en compte à l’occasion de la COP 21.

Le quatrième sommet France-Océanie s’est tenu à Paris les 25 et 26 novembre, juste avant la COP 21. Au dire même des dirigeants océaniens présents, ce fut un succès.

Instaurés en 2003 par le président Chirac, ces sommets devaient être des rendez-vous triennaux entre les gouvernements océaniens, les trois collectivités françaises du Pacifique et le Président de la République française. Le dernier avait eu lieu en 2009, et le suivant devait se tenir à l’été 2012. Hélas, il n’a pas été organisé !

Ces six ans d’absence française sont regrettables, sachant que, dans le même temps, les sommets États-Unis-Océanie, Chine-Océanie, Japon-Océanie, Inde-Océanie et autres, souvent annuels, se sont multipliés. L’Océanie est bien une zone stratégique.

Je souhaite donc savoir dans quelle mesure la France pourrait s’engager à organiser régulièrement des sommets France-Océanie, peut-être selon un rythme plus soutenu, par exemple tous les deux ans.

Par ailleurs, la COP 21, qui s’achève, a mis en lumière la tragédie qui attend l’Océanie. Si les réfugiés de guerre ont l’espoir de revoir un jour leur pays, les futurs réfugiés climatiques savent qu’ils quitteront leur terre, bientôt engloutie, sans espoir de retour.

C’est pourquoi je comprends et soutiens la revendication des pays de cette région de voir ramener l’objectif de réchauffement à 1,5 degré.

La France, puissance océanienne par ses collectivités du Pacifique, dont j’aimerais savoir si elles pourront bénéficier du Fonds vert pour le climat, s’est-elle faite la porte-parole des Océaniens pendant la COP 21 et, si oui, de quelle manière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Laufoaulu, le quatrième sommet France-Océanie a marqué, comme vous l’avez dit, une nouvelle étape dans les relations de la France avec ses voisins océaniens, et permis de renforcer les liens non seulement d’amitié, mais aussi économiques, scientifiques et culturels, qui unissent nos peuples. Vous avez raison de rappeler que l’Océanie est une région absolument stratégique au regard des grandes questions internationales.

Ce sommet a été utile. Les pays de cette zone, qui sont très vulnérables au dérèglement climatique, ont pu y exprimer leurs demandes. Elles concernent principalement deux points, sur lesquels la France a apporté son soutien aux pays de l’Océanie tout au long de la COP 21 : premièrement, le niveau d’ambition de l’accord, en particulier la limitation de la hausse de la température à moins de 2 degrés, et plus précisément à 1,5 degré, les petits États insulaires en développement, à l’instar de nombreux pays du Pacifique, étant particulièrement vulnérables à la montée des eaux, qui met en jeu leur survie ; deuxièmement, l’adaptation, ce que l’on appelle les pertes et dommages, c’est-à-dire les soutiens pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique.

La France, qui exerce la présidence de la COP, s’est faite l’avocate de ces pays et cherche une solution ambitieuse, étant très attentive aux demandes des pays vulnérables en général.

Ces deux sujets font l’objet de travaux ad hoc et de consultations spécifiques, qui se poursuivent aujourd’hui encore. La France promeut en outre la recherche de réponses concrètes à ces enjeux et une initiative pour le renforcement des systèmes d’alerte aux risques climatiques ; 80 millions d’euros ont été levés à ce titre.

Comme vous l’avez souligné, un dialogue continu et des réunions périodiques doivent permettre de resserrer encore nos liens avec les pays océaniens. Le Président de la République a donc fait part de l’engagement de l’État à organiser un cinquième sommet France-Océanie en 2018 et à tenir des dialogues biennaux de haut niveau entre la France et la présidence du Forum des îles du Pacifique.

Vous m’interrogez enfin sur l’éligibilité des collectivités françaises du Pacifique au Fonds vert pour le climat. Le bénéfice de celui-ci est exclusivement réservé aux pays en développement, mais des projets régionaux, ayant des effets positifs pour ces collectivités, seront évidemment développés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi prochain 15 décembre, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et seront retransmises sur Public Sénat et le site internet du Sénat.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Discussion générale (suite)

Transport ferroviaire régional

Rejet d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, de la proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité, présentée par Mme Évelyne Didier et plusieurs de ses collègues (texte n° 113, rapport n° 212, résultats des travaux de la commission n° 213).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Article premier

Mme Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre proposition de loi, élaborée avec Évelyne Didier et soutenue par notre groupe, a pour objectif de « maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité ».

Cette proposition de loi nous semble particulièrement utile et opportune, alors que la clôture de la COP 21 interviendra demain et que la communauté internationale s’engage à agir sur le climat afin de préserver l’existence même de l’humanité. Il nous semble donc plus que nécessaire de passer des paroles aux actes.

Nous savons que le secteur des transports est particulièrement émissif, puisqu’il est à l’origine de 27 % des émissions globales de gaz à effet de serre, comme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie l’a rappelé. La puissance publique assume donc d’une responsabilité particulière en matière de report modal, de manière à favoriser le rail, moins productif d’émissions de gaz à effet de serre que la route.

À titre d’exemple, la région Centre-Val de Loire, traversée par huit autoroutes, concentre des trafics routiers importants, internationaux pour moitié d’entre eux. L’agglomération de Tours est particulièrement touchée, avec une fréquence de 65 000 véhicules par jour. Par ailleurs, 94 % du tonnage du trafic régional de marchandises passe par la route. Le ratio rail-route, dans ma région, s’élève à 6,2 % et continue de baisser.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le coût de cette pollution pour la nation a été chiffré à 100 milliards d’euros par an. Nous devons donc tirer les enseignements de tous ces chiffres, catastrophiques pour notre environnement. Ceux-ci nous montrent que les orientations prises pour le transport de marchandises ne doivent pas être retenues pour le transport de voyageurs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Tout d’abord, nous prenons acte aujourd’hui du fait que les régions sont l’échelon de référence en matière de politique de transport de personnes, hors offre de TGV et de transports urbains – c’est encore plus vrai depuis l’entrée en vigueur de loi portant nouvelle organisation territoriale la République, la loi NOTRe.

Depuis 2002, les régions assument cette compétence pour les transports d’intérêt régional, principalement les trains express régionaux, les TER. L’expérience est favorable, puisque la fréquence des trains n’a cessé d’être renforcée et les usagers sont de plus en plus nombreux.

Dans la région Centre-Val de Loire, le nombre de voyageurs par kilomètre a progressé de 16 % entre 2005 et 2012 et, aujourd’hui, chaque train transporte, en moyenne, 86 voyageurs, contre 71 au niveau national. Cet engagement a nécessité et nécessite toujours des budgets importants. La région y consacre ainsi 19 % de son budget, taux qui correspond à la moyenne nationale.

Or les régions dépendent, pour la quasi-totalité de leurs ressources, des moyens que l’État consent à leur attribuer, moyens qui diminuent dans le cadre des politiques d’austérité engagées par la droite et malheureusement poursuivies et amplifiées par le gouvernement actuel.

La compensation financière des transferts de charges n’a jamais été à la hauteur : l’État verse 2 milliards d’euros aux régions qui dépensent 3,6 milliards d’euros ! Cet écart est important.

Il est particulièrement incohérent de promouvoir une décentralisation renforcée tout en octroyant toujours moins de ressources aux collectivités territoriales pour assumer de nouvelles compétences. Le respect de la démocratie passe donc par un arrêt des politiques de réduction des dotations aux collectivités. Il suppose aussi de reconnaître la nécessité de développer des sources nouvelles de financement des transports, au lieu d’amputer les financements actuels, comme cela vient d’être fait dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, avec le relèvement des seuils d’assujettissement au versement transport.

De plus, nous estimons que le financement par l’État du service public ferroviaire est fondamental. Le service public ferroviaire est, par nature, un service public national qui permet l’exercice d’un droit fondamental de nos concitoyens : le droit à la mobilité. Ce droit est souvent la condition de l’accès à un emploi, aux soins, à la culture, à l’éducation… L’État doit donc le garantir, y compris au moyen de son contrat d’objectifs avec la SNCF.

L’État doit aussi s’engager pour que le réseau ferroviaire soit efficient, ce qui suppose la reprise de la dette ferroviaire et la sanctuarisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Le maillage de l’ensemble du territoire, acquis des politiques de service public menées depuis des décennies, est un atout indéniable, mais il est aujourd’hui en danger. D’ailleurs, cette situation conduit les régions à prendre de nouvelles responsabilités, en lieu et place de l’État. Je veux citer un exemple : notre région est intervenue pour la modernisation de la ligne Tours-Chinon, qu’elle a financée à hauteur de 12 millions d’euros, contre 3 millions d’euros pour Réseau ferré de France, RFF, et seulement 1 million d’euros pour l’État.

Au-delà de ces considérations nationales, nous nous sommes plus précisément attachés, dans cette proposition de loi, à donner des moyens nouveaux aux régions pour les transports d’intérêt régional. Nous proposons, ainsi, l’instauration d’un versement transport régional.

Je rappelle que les régions sont actuellement les seules autorités organisatrices qui ne perçoivent pas de versement transport. Les collectivités territoriales situées en périmètre urbain en bénéficient, tout comme la région Île-de-France, qui dispose d’un régime spécifique. Il faut, nous semble-t-il, mettre fin à cette injustice.

Il paraît également opportun que l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, pour leurs salariés et leurs clients, de bonnes conditions de mobilité, s’engagent à participer à ce financement. Le discours libéral, qui fait de l’imposition des entreprises un frein à l’économie et que l’on l’entend très souvent dans cette enceinte, doit cesser. Les entreprises bénéficient des services publics ; il est donc normal qu’elles y contribuent.

C’est d’autant plus vrai que les salariés utilisant le transport public ferroviaire dans leurs trajets domicile-travail sont des personnels plus disponibles à leur poste de travail ! Notre journal local a tout dernièrement réalisé un reportage sur l’intérêt, pour les salariés, d’utiliser le transport régional.

Cet engagement n’apparaît pas non plus excessif, quand on sait que la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE, se traduira par une réduction d’impôts de 20,3 milliards d’euros à l’échelon national en 2017. Le CICE pèsera sur les recettes de l’État et, par conséquent, sur les ménages et sur les collectivités locales. À l’inverse, avec la mise en place d’un versement transport régional, les régions bénéficieraient, elles, d’une ressource propre, pérenne et dynamique, permettant d’engager le nécessaire renouvellement du matériel ferroviaire et d’améliorer l’offre de transport collectif.

Notre proposition de loi va dans le sens de la transition écologique, puisqu’elle permet de maintenir une politique ferroviaire régionale comme alternative à la voiture.

Concrètement, le versement transport régional que nous proposons pourra être porté à un taux régional plafonné à 0,3 % des salaires sur les zones situées en dehors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité – c’est ce que l’on appelait auparavant le périmètre de transports urbains –, avec un taux additionnel, dans le ressort territorial de cette autorité, plafonné, lui, à 0,2 %.

Lors de la discussion sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, une autre version de ce versement transport avait été adoptée. Celle-ci consistait en un versement interstitiel, à hauteur de 0,55 %, qui permettait de dégager 450 millions de ressources. Le Gouvernement a fait le choix de supprimer cette mesure dans la loi de finances pour 2015.

Le choix d’une taxe additionnelle plutôt qu’interstitielle, avec des taux adaptés et faibles, permet d’assurer la péréquation nécessaire au niveau d’un même territoire régional, bénéficiant d’une offre cohérente et interconnectée, la région étant chef de file de l’intermodalité.

Le versement transport régional serait mis en œuvre par délibération du conseil régional et la ressource potentielle pourrait s’élever à plus de 700 millions d’euros.

Nous proposons également, à l’article 3, de revenir, pour les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, au taux de TVA dévolu aux produits de première nécessité, soit 5,5 %, compte tenu de leur rôle social essentiel et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique. Ce taux existait jusqu’en 2011. Il a été porté à 7 % par la loi de finances rectificative pour 2011, puis augmenté, en 2012, à 10 %. Revenir à la fiscalité de 2011 ne serait que justice.

Cette baisse du taux de TVA serait bénéfique pour l’ensemble des autorités organisatrices qui, par le fait des hausses précédentes, ont perdu près de 220 millions d’euros. Elles pourraient décider d’en faire profiter les usagers ou d’utiliser les sommes économisées pour régénérer le matériel ou améliorer l’offre.

Pour conforter ces mesures et la politique ferroviaire régionale, nous proposons la suppression de l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocars interurbaines régulières. En effet, nous considérons que cette libéralisation porte un coup brutal aux politiques régionales, en organisant une concurrence frontale avec l’offre ferroviaire, menaçant directement l’équilibre déjà précaire de ces lignes.

Il est fort à craindre qu’un mouvement s’engage et que de nombreuses lignes TER soient remplacées par des bus. Mais pour quel service ?

Je veux citer un exemple avant de terminer : le 1er décembre dernier, un des premiers Ouibus est annoncé à 15 heures 30 à Tours, pour rallier ensuite Poitiers puis Bordeaux, le trajet coûtant 5 euros pour aller de Tours à Poitiers. Le car arrive finalement à 16 heures 15, mais comme il était parti depuis quatre heures de Paris, les autoroutes A6 et A6 bis étant saturées, le chauffeur doit prendre une pause,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. … et le bus ne repartira finalement de Tours qu’après 17 heures, soit un quart d’heure après l’heure prévue pour son arrivée à Poitiers.

M. Macron nous avait bien prévenus que ce serait un moyen de transport pour les pauvres…

Mme la présidente. Concluez, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. En tout cas, ce n’est pas ainsi que nous concevons le droit à la mobilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Évelyne Didier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprimerai non seulement en tant que rapporteur de notre commission, mais aussi, vous le comprendrez, en tant que coauteur de cette proposition de loi.

Je voudrais expliquer la démarche adoptée par le groupe communiste, républicain et citoyen lorsqu’il a déposé cette proposition de loi. En effet, celle-ci s’inscrit dans une certaine vision des transports que nous avons toujours défendue et qui consiste à considérer le transport comme un service public et non comme un service marchand. Cela signifie que chaque citoyen doit pouvoir disposer du même service, quels que soient l’endroit où il habite et le lieu où il travaille. Il s’agit d’un point essentiel en termes d’aménagement du territoire.

Comme pour le déploiement du numérique, le développement des infrastructures routières, l’accès aux soins, les services postaux ou bancaires, c’est l’ensemble de notre territoire national qui doit être irrigué par des services de transport de qualité pour l’ensemble des citoyens.

Si l’on assimile le transport public à un service marchand, on laisse la logique de rentabilité et de recherche de profit prendre le dessus, avec les conséquences que l’on connaît : la notion de service public et les mécanismes de péréquation disparaissent, et seules les lignes de transport les plus rentables sont maintenues.

Une telle situation entraîne deux effets : d’une part, sur le plan social, on laisse au bord du chemin tous ceux qui n’ont pas les moyens d’habiter le long de ces axes considérés comme rentables ; d’autre part, sur le plan environnemental, on supprime une incitation à recourir au transport collectif, alors qu’il s’agit aujourd’hui de l’un des principaux leviers disponibles pour maîtriser nos émissions de CO2 et de polluants. En ces temps de COP 21, je pense que l’accent doit être mis sur ces questions.

C’est pour ces raisons que nous refusons la libéralisation des transports par autocar prévue par la loi « Macron » et que nous proposons de l’abroger, à l’article 1er de la proposition de loi, car cette réforme abandonne toute logique de péréquation dans l’organisation des transports collectifs. Les entreprises d’autocar pourront intervenir comme elles l’entendent, exploiter les lignes les plus rentables, engranger des profits sans se préoccuper des personnes qui habitent ou travaillent dans des territoires non desservis. Plus grave encore, cette libéralisation met frontalement en concurrence deux modes de transport – le mode ferroviaire et le mode routier – dans des conditions très inéquitables.

En effet, le mode ferroviaire, pourtant plus vertueux en termes de protection de l’environnement, de santé et de sécurité – et qu’il faudrait donc encourager – doit supporter des coûts importants liés à son infrastructure, au moyen des péages. Ces coûts sont encore aggravés par le poids de la dette de SNCF Réseau qui engendre des frais financiers importants.

Les autocars, quant à eux, contribuent à peine à l’entretien des infrastructures routières : ils ne paient des péages que sur les autoroutes qu’ils contribuent pourtant fortement à dégrader. De même, leur impact sur la qualité de l’air est loin d’être anodin.

Cette mise en concurrence déloyale risque d’écarter de nombreux usagers du mode ferroviaire et d’engager une spirale négative : la baisse de fréquentation va engendrer une perte de recettes pour les trains express régionaux et les trains d’équilibre du territoire, ce qui rendra ces transports ferroviaires encore plus chers, au moment même où ils seront moins utilisés. En conséquence, les autorités organisatrices seront moins encouragées à investir dans le domaine ferroviaire, ce qui dégradera la qualité du service public ferroviaire et écartera encore davantage d’usagers de ce mode de transport… Et ainsi de suite, jusqu’à la disparition de nombreuses lignes – qui a déjà commencé –, seules les plus rentables étant maintenues.

Je parle bien du présent, non d’un futur lointain, car certains craignent déjà l’abandon, par les régions, de services ferroviaires plus coûteux, au motif qu’ils sont désormais assurés par ces autocars privés. Ceux qui aspirent à diriger les régions devraient y réfléchir à deux fois avant de rejeter nos propositions !

C’est pour toutes ces raisons que nous souhaitons abroger la libéralisation des transports par autocar sans tarder, tant qu’il en est encore temps. Toutefois, nous sommes aussi conscients que le maintien d’un service public de qualité nécessite des moyens financiers. Or ceux-ci font cruellement défaut du côté des régions, pourtant devenues autorités organisatrices des transports ferroviaires régionaux en 2002.

Les régions ont été les grandes perdantes de la suppression de la taxe professionnelle. Par ailleurs, les transferts de compétences dont elles ont bénéficié n’ont pas été suffisamment compensés par l’État. Et je ne parle même pas de la baisse des dotations…

Or, si l’on pouvait avoir des doutes sur l’intérêt d’un transfert aux régions de ce service public national, force est de constater qu’elles ont pris la mesure de leurs responsabilités dans ce domaine.

En 2013, elles ont dépensé 6,8 milliards d’euros au titre de leur compétence « transport ». Il s’agit de leur premier poste budgétaire. Au sein de cette enveloppe, près de 3,9 milliards d’euros étaient destinés au transport ferroviaire régional, dont 2,8 milliards d’euros pour l’exploitation des TER. Ces chiffres sont en constante augmentation au fil des ans. Les régions ont ainsi dû assumer une partie des augmentations successives de la TVA applicable aux transports qui est passée de 5,5 % à 7 % en 2012, puis de 7 % à 10 % en 2014.

Je rappelle aussi que les régions vont récupérer, à partir de 2017, les compétences des départements en matière de transports, en application de la loi NOTRe. D’après l’Association des régions de France, cela représentera près de 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

Si une compensation de ce transfert est prévue, les régions auront tout de même besoin d’une recette supplémentaire, ne serait-ce que pour assumer leurs dépenses actuelles en matière de transport ferroviaire ou pour développer cette offre.

C’est la raison pour laquelle le Sénat avait instauré, dans la loi de réforme ferroviaire d’août 2014, un versement transport au profit des régions que Mme Beaufils a évoqué. Ce dispositif a malheureusement été supprimé par la loi de finances pour 2015, à la demande du Gouvernement, avant même sa mise en œuvre. Pour mémoire, mes chers collègues, nous avions adopté ce versement transport à l’unanimité…

Pour résorber les difficultés de financement que rencontrent les régions, nous proposons donc, à l’article 2 de cette proposition de loi, de rétablir un versement transport à leur profit, formé de deux composantes : d’une part, un versement transport additionnel, dans la limite de 0,2 % des salaires, qui s’ajouterait au versement transport déjà perçu par les autorités organisatrices de la mobilité dans leur ressort territorial, ce qui rapporterait aux régions près de 475 millions d’euros ; d’autre part, un versement transport interstitiel, dans la limite de 0,3 % des salaires, sur les territoires situés en dehors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité. Ce dernier versement, d’autant plus justifié que les régions vont désormais aussi intervenir sur ces territoires, rapporterait 228 millions d’euros.

La division de ce versement transport en deux composantes – un versement transport additionnel et un versement transport interstitiel – limite son impact financier sur les entreprises, puisque les plafonds de prélèvement autorisés, très bas – à savoir 0,2 % et 0,3 % de la masse salariale – ne sont pas de nature à mettre en péril quelque entreprise que ce soit. Par ailleurs, les entreprises ne peuvent pas se développer « hors sol » et continuer à demander toujours plus de services et d’interventions de la part des pouvoirs publics, sans jamais daigner participer à leur financement.

Enfin, nous proposons, à l’article 3 de la proposition de loi, un rétablissement du taux réduit de TVA de 5,5 % sur les transports publics urbains et interurbains de voyageurs. Comme je vous l’expliquais voilà quelques instants, un tel taux ayant déjà été appliqué aux transports dans le passé, on ne pourra nous opposer sa non-conformité au droit européen.

Cette mesure s’inscrit dans la même logique, celle d’un desserrement de la contrainte financière pour permettre aux autorités organisatrices de transport de maintenir un service public de qualité, qui puisse être offert à tous les Français de façon uniforme sur l’ensemble du territoire.

L’article 4 de la proposition de loi prévoit, pour compenser les pertes de recettes liées à cette réduction du taux de TVA, une baisse du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ce qui me semble un juste retour des choses.

La proposition de loi n’a malheureusement pas été adoptée par notre commission. Vous savez que je le regrette profondément, comme les autres membres de mon groupe. (Mme Éliane Assassi marque son approbation.)

Permettez-moi pourtant d’insister, au-delà de nos divergences politiques, sur la nécessité de dégager de nouveau des marges de manœuvre financières pour les autorités organisatrices de transport, en particulier régionales, dont l’action en matière de promotion du transport ferroviaire est, je crois, reconnue par tous. Je rappelle qu’il s’agit d’un point essentiel pour le maintien des dessertes ferroviaires : si les régions font régulièrement le choix de l’autocar, je vous assure que nous pourrons nous faire du souci pour le chemin de fer !

C’est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cette proposition de loi, même si, en tant que rapporteur, je dois préciser que ce texte n’a pas reçu l’aval de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)