M. Jean-François Husson. Pas assez de temps !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … mais il est important. Vous dites que ce débat est escamoté. Non, il ne l’est pas, au contraire,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et je crois pour ma part vous le démontrer ! (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. La transition écologique coûte cher, chacun peut s’accorder sur cette idée. On propose donc ici, compte tenu du coût, de limiter la dépense et d’avancer plus lentement sur le développement des énergies renouvelables en contingentant, en fixant des quotas et en évitant que la dépense supportée par la CSPE ne soit trop importante.

M. Gérard Longuet. La dépense supportée par les abonnés, par les familles !

M. Jean-François Husson. Les contribuables !

M. François Marc. Dans ces conditions, nous avons aujourd’hui à répondre à une préoccupation : cette disposition apporterait-elle des réponses concrètes ? Si, pour telle énergie renouvelable, un contingentement est fixé par la loi à 100, et s’il y a une capacité de mise au point de dispositifs sur le territoire français de 200, comment fait-on ? Comment opérer une sélection, dès l’instant où un contingentement est établi ? Il aurait été souhaitable que cet amendement comporte au moins cet élément de réponse. Or, il n’y a rien à cet égard !

M. Gérard Longuet. Appel d’offres et prix le plus bas !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cet amendement ne contient aucun élément de réponse probant sur la façon dont le dispositif va fonctionner concrètement, et c’est regrettable.

Il paraît donc opportun de ne pas l’adopter.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Si la CSPE pose aujourd’hui des problèmes, c’est essentiellement parce que, pendant des années, des gouvernements de gauche et de droite ont laissé faire. En d’autres termes, c’était « guichet ouvert » : quiconque voulait installer du photovoltaïque ou de l’éolien pouvait le faire, puis le consommateur payait la note, et ce non pas sur le fondement d’un dispositif contrôlé par le Parlement.

La CRE ne compensait pas non plus la différence entre le montant du prix racheté par EDF et le coût réel, puisqu’une dette considérable s’est accumulée. Monsieur le secrétaire d’État, la CRE ne fixait pas le delta entre les deux ; elle était simplement autorisée, à défaut d’ailleurs d’un arrêté ministériel – le ministre aurait très bien pu prendre lui-même la décision d’augmenter la contribution –, à augmenter par palier de 3 euros par mégawatt le montant de la CSPE. Aujourd’hui, cette contribution pèse de 17 % à 18 % sur la facture d’électricité. Et si l’on ne fait rien, cette part avoisinera 25 % dans deux ou trois ans. Admettez, mes chers collègues, que le Parlement puisse regarder de près cette charge qui pèse sur la facture d’électricité,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce n’est pas ça que vous réglez !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. … car c’est une imposition de toute nature, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel.

Nous y avons travaillé avec un membre du Gouvernement – ce n’était pas vous, monsieur le secrétaire d’État – à l’occasion de la loi de transition énergétique. Toutes ces questions ont été longuement débattues, notamment sur l’initiative de la commission des finances et de son rapporteur, M. Jean-François Husson. Nous avons eu des interruptions de séance et, dans une salle située près de l’hémicycle, nous nous sommes retrouvés avec Mme la ministre en charge de ce dossier. À l’issue de cette réunion, nous avons ici même relaté l’accord qui était intervenu. Mme la ministre a ainsi déclaré : « Nous sommes parvenus à un juste équilibre entre le pouvoir qui est celui du Parlement en matière de fixation des règles, en l’occurrence du plafond, et la nécessaire souplesse qui conduira ce même Parlement à redéfinir annuellement un seuil et, éventuellement, à le faire pour chacune des filières, sans que rien ne soit figé dans le présent projet de loi. »

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Tel est précisément l’objet de cet amendement, strictement conforme au souhait de Mme la ministre. (M. Jean-François Husson applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. J’ai entendu l’argumentaire de M. le rapporteur pour avis, mais je ne parviens pas à cacher une certaine perplexité.

Je résumerai les choses d’une formule : quelquefois, le mieux est l’ennemi du bien.

M. Gérard Longuet. Ça, c’est vrai !

M. Vincent Capo-Canellas. Il existe plutôt un consensus sur ce dispositif. Nous partageons la remarque de méthode de M. le rapporteur pour avis et de M. le rapporteur général : ce dispositif aurait pu trouver sa place dans un texte plus adapté, loi de finances ou – qui sait ? – loi relative à la transition énergétique.

L’argument selon lequel le Parlement peut statuer sur ces questions et fixer des objectifs est évidemment recevable. Pour autant, l’effet induit ne sera peut-être pas celui que nous recherchons. Nous allons finir par fixer des contraintes à ce dispositif qui ne sont pas celles que nous souhaitons.

Ce sujet mériterait donc une plus grande réflexion, et je ne vous cache pas que mon groupe regarde cet amendement avec beaucoup de circonspection. Peut-être vaudrait-il mieux encore réfléchir avant de mettre aux voix une telle disposition.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Les écologistes voteront contre cet amendement. Nous sommes d’accord pour renforcer le rôle du Parlement, mais ce n’est pas l’objet de cet amendement, qui est plutôt un amendement à mon sens « anti-énergies renouvelables ». Pourquoi ne pas prévoir des planchers plutôt que des plafonds ? Pour l’instant, le Parlement ne peut nulle part plafonner le surcoût du nucléaire, par exemple. Nous serons d’accord quand le traitement du nucléaire sera symétrique de celui des énergies renouvelables. Telles sont les raisons de notre opposition à cet amendement. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Ce débat pose un véritable problème. Nous cherchons le moyen de résoudre l’insuffisance de financement des énergies renouvelables. La commission des affaires économiques et la commission des finances proposent de plafonner le financement des différents types d’énergie. Mais, aujourd’hui, nous avons surtout besoin de recettes pour pouvoir faire face. Aujourd’hui, la question du plafonnement des niveaux de dépenses ne me semble pas obligatoirement pertinente. Nous voterons donc également contre ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 108.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 334, présenté par MM. Bizet, G. Bailly et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Huré, Laménie et Lefèvre, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Mouiller, Pellevat, Poniatowski, Raison, Savary et Trillard, est ainsi libellé :

I. –Après l’alinéa 25

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° L'article L. 121-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les montants de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité prévue à l'article 266 quinquies C du code des douanes versés à l'occasion de livraisons ou d'acomptes lorsque les livraisons ont été résiliées ou annulées ou lorsque les créances correspondantes ont été comptabilisées en tant que créances douteuses par la comptabilité du fournisseur. Le fournisseur tient à disposition des autorités administratives compétentes l’ensemble des pièces et justificatifs comptables probants. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Le basculement de la contribution au service public de l’électricité en accise, introduite par le projet de loi de finances rectificative pour 2015, conduit à un transfert de redevabilité des consommateurs vers les fournisseurs d’électricité.

Or cette évolution a un impact majeur dans le cas des impayés. Les fournisseurs d’électricité seront contraints de verser le montant de la taxe due au titre de la livraison d’électricité, alors même que les sommes dues au titre des volumes livrés ne leur auront pas été réglées par les clients. Il s’agira dès lors d’une perte sèche pour les fournisseurs, qui devront assumer les impayés de leurs clients.

Afin de ne pas faire supporter un risque économique important au fournisseur d’électricité, le présent amendement prévoit la prise en compte des impayés dans le mécanisme de reversement de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, la TICFE.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si cet amendement, qui vise à ce que les impayés soient pris en compte dans le mécanisme de reversement de la TICFE, était adopté, c’est l’État, et non les fournisseurs, qui supporterait la charge de ces impayés. Le dispositif proposé est donc contraire à la doctrine fiscale.

Je rappelle que cette taxe constitue désormais une accise et non plus un impôt.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous avons la même analyse que celle de la commission des finances : l’adoption de cet amendement aboutirait à un changement de doctrine.

C’est celui qui vend l’énergie qui est redevable de la taxe, à charge pour lui de la recouvrer. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Pellevat, l’amendement n° 334 est-il maintenu ?

M. Cyril Pellevat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 334 est retiré.

L'amendement n° 225 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 37

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

… L’article L. 121-21 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le pourcentage : « 0,5 % » est remplacé par le pourcentage : « 0,6 % » ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce montant est plafonné à 0,45 % de la valeur ajoutée pour les entreprises dont la consommation est inférieure à celle définie au premier alinéa. » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement no 226.

M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 226, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 79

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le 7 de l’article 1586 sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 7. La valeur ajoutée définie aux 4, 5 et 6 ne peut excéder un pourcentage du chiffre d’affaires mentionné respectivement aux 1, 2 et 3 égal à :

« - 85 % pour les contribuables dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d’euros ;

« - 80 % pour les contribuables dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 7,6 millions.

« Pour l’application du présent 7, la période retenue pour le chiffre d’affaires est la même que celle retenue pour la valeur ajoutée.

« Pour une société membre d’un groupe au sens de l’article 223 A, ce chiffre d’affaires s’entend de l’ensemble des sociétés membres du groupe. »

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. Ces deux amendements portent sur le plafonnement éventuel de la contribution au service public de l’électricité pour les entreprises consommatrices d’électricité.

Notre souci est double : il s’agit de différencier la situation des entreprises selon la réalité, d’une part, de leur chiffre d’affaires et, d’autre part, de leur consommation. Nous proposons ainsi de différencier le taux de plafonnement et de modifier la règle en matière de valeur ajoutée maximale retenue.

Une telle démarche présente une double motivation : faire en sorte que les entreprises, dont la consommation électrique est maîtrisée, puissent tirer parti d’une moindre cotisation et mettre plus à contribution les entreprises fortement consommatrices d’électricité et plus faiblement productrices de biens à valeur ajoutée.

Quant à la référence aux groupes, elle procède évidemment d’une modification sensible de la règle du jeu. La CSPE est en effet imputable aux entreprises par site. Or c’est une lapalissade de rappeler que certaines unités électro-intensives, notamment dans le secteur industriel, sont partie prenante de groupes constitués sous l’empire des articles 223 A et suivants du code général des impôts. Il est donc légitime, dès lors que nous décidons de modifier les règles de plafonnement de la contribution à raison du chiffre d’affaires et de la consommation des entreprises, de veiller à ce que cette situation ne fasse pas l’objet d’une forme d’optimisation fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 225 rectifié et 226 ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 225 rectifié vise à modifier les règles du plafonnement. Cependant, une telle proposition est inopérante, puisque la réforme présentée par le Gouvernement supprime le plafonnement au bénéfice de la mise en œuvre de taux réduits. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 226, quant à lui, tend à modifier un article du code général des impôts qui est relatif à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il n’a donc aucun rapport avec l’article 3 du texte que nous examinons. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Madame Beaufils, les amendements nos 225 rectifié et 226 sont-ils maintenus ?

Mme Marie-France Beaufils. Nous retirons l’amendement n° 226, mais nous maintenons l’amendement n° 225 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 226 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 225 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 83

Après la référence :

I

insérer la référence :

, le II

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Article 4 et état A

Articles additionnels après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 183 rectifié est présenté par MM. Le Scouarnec et Bosino, Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.

L'amendement n° 272 est présenté par M. Courteau.

L'amendement n° 321 est présenté par MM. Labbé, Gattolin et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le VI de l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une fraction de 0,1 % du produit de la taxe est affectée au compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural afin de financer des programmes « 0 Phyto » visant à développer des formes d’agriculture performantes sur les plans économique et environnemental et répondant aux principes de l’agro-écologie. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l’amendement n° 183 rectifié.

M. Thierry Foucaud. Conçu dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le plan Écophyto avait comme objectif de réduire, si possible, de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires. Il portait sur des actions destinées à encourager et accompagner la réduction de la dépendance aux pesticides, gage de durabilité pour l’agriculture et la gestion des espaces ruraux et urbains.

Comme notre groupe, en particulier Michel Le Scouarnec, l’a souligné lors des débats sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », cet amendement vise à affecter une part du produit de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques au compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural, le CASDAR, afin de soutenir la recherche appliquée et de financer les projets innovants en matière d’agro-écologie.

Du point de vue des connaissances et de l’innovation, on observe une incontestable mobilisation des communautés de recherche, de formation et de développement, mobilisation qui s’étend au-delà des sphères agronomiques. L’agronomie développe ses liens avec l’ingénierie écologique, mais cet effort considérable de recherche et d’innovation doit être conforté. C’est pour cela que nous portons avec constance cet amendement, identique à celui de notre collègue Joël Labbé.

Nous pensons qu’il est nécessaire de faire le choix de la durabilité. Les recettes du CASDAR doivent donc être stables et prévisibles, ce qui n’est pas le cas actuellement, afin que les agriculteurs puissent programmer sereinement, grâce à ce soutien, leur production agro-écologique à moyen et long terme.

Nous devons nous tourner résolument vers l’agro-écologie. Évitons de nous trouver emportés, avec l’utilisation de produits phytosanitaires de plus en plus durs, dans une sorte de course à la productivité, qui mettra, à terme, notre modèle agricole en danger.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 272.

M. Roland Courteau. Cet amendement vise à stabiliser les recettes du compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural, afin de pérenniser son action en faveur de l’agro-écologie. Il faut le dire, de fortes attentes existent chez les agriculteurs. Le plan Écophyto 2 a d’ailleurs pour objectifs la généralisation et l’optimisation de systèmes de production économes et performants. Bref, l’agro-écologie doit être tout particulièrement confortée.

Il est essentiel, à mon humble avis, de faire le choix de la durabilité et de rendre les exploitations agricoles plus compétitives. Dès lors, les recettes du CASDAR doivent être stables et prévisibles. Tel est l’objet de cet amendement, qui consacre une partie de la taxe sur les produits phytosanitaires à son abondement. Il s’agit de permettre aux agriculteurs, grâce à ce soutien, de programmer leur production agro-écologique à moyen et long terme.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 321.

M. Joël Labbé. Dans le cadre de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, que nous avons examinée mercredi, il a beaucoup été question de l’importance du CASDAR pour la nécessaire transition écologique de l’agriculture.

Depuis sa création en 2006, ce compte d’affectation spéciale s’est véritablement installé dans le paysage. Son financement est toutefois assis sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, dont on connaît la situation. Pour pérenniser les recettes du CASDAR, il faut donc l’abonder en lui affectant une fraction du produit de la taxe sur les produits phytosanitaires.

Une telle mesure aurait du sens. En effet, les pesticides sont des poisons – il n’y a pas d’autre mot ! Ponctionner une fraction de la taxe sur les produits phytosanitaires pour favoriser la transition agricole serait donc éthique.

M. André Gattolin. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les auteurs de ces trois amendements identiques souhaitent stabiliser les recettes du CASDAR. Or, contrairement à ce qu’ils laissent entendre, ce compte aura un budget à la même hauteur en 2016 qu’en 2015, à savoir 147,5 millions d’euros. Il est donc inutile de procéder au prélèvement évoqué.

En outre, un tel prélèvement conduirait à diminuer les recettes de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le CASDAR a des crédits suffisants. Il n’y a donc pas lieu de l’abonder.

Certains craignent que, du fait de la diminution du chiffre d’affaires des exploitations agricoles, les recettes du CASDAR se révèlent un jour insuffisantes. Je pourrais leur retourner l’argument : si l’on affectait au compte d’affectation spéciale une fraction de la taxe sur les produits phytosanitaires, tout en ayant, comme objectif, la diminution du nombre de ces produits, ainsi que des volumes utilisés, on risquerait, là aussi, d’avoir une trajectoire descendante…

Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements, s’ils sont maintenus.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Vous estimez, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est paradoxal de chercher à diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires et de vouloir asseoir l’abondement du CASDAR sur des recettes qui vont donc baisser.

On n’en est pas là ! Sachez que les firmes du secteur, regroupées sous le vocable d’UIPP, qui signifie pudiquement l’Union des industries de la protection des plantes, font d’énormes bénéfices. Cette organisation est également représentée aux niveaux européen et mondial. Des entreprises comme Monsanto sont derrière tout ça et pèsent sur les politiques publiques, partout dans le monde. Pour m’intéresser beaucoup à ces questions, je peux vous dire qu’il y a beaucoup d’argent ! Or, je le répète, le CASDAR joue un rôle essentiel pour assurer la nécessaire transition.

La question des sols a été peu évoquée. Mais si on regarde, en ce jour que j’espère historique, les débats de la COP 21, on constate qu’en introduction de la conférence le ministre français de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a lancé l’opération « 4 pour 1 000 », démontrant ainsi que les sols ont un rôle majeur à jouer dans la régulation climatique du fait de leur capacité à fixer le carbone. Encore faut-il que les sols soient vivants et riches en matières organiques ! Avec cette opération, on pointe du doigt les pratiques qui contribuent au dérèglement du climat et, à l’inverse, on valorise celles qui contribuent à sa régulation. Il faut donner des signes en ce sens. Cet amendement en constitue un !

En allant à la COP 21, j’ai mesuré le niveau de réflexion sur les enjeux planétaires. Au fil des textes que nous examinons, j’ai l’impression que, ici, on n’a pas pleinement conscience de ces enjeux, et je tiens à vous le dire !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Après les avis défavorables du Gouvernement et de la commission, j’ai le sentiment d’être face à un mur infranchissable… (Sourires.) Je ne vais donc pas insister, d’autant que j’ai été sensible aux arguments de M. le secrétaire d’État. Par conséquent, je retire mon amendement.

J’ajoute que, en ce qui concerne l’opération « 4 pour 1 000 » qui vient d’être évoquée par M. Labbé, nous aurons certainement l’occasion d’y revenir puisque l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques vient de me saisir pour préparer une étude sur le sujet.

M. le président. L'amendement n° 272 est retiré.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur les amendements nos 183 rectifié et 321.

M. Thierry Foucaud. Je voudrais rappeler à M. le secrétaire d’État que les produits phytosanitaires sont extrêmement dangereux. Rappelez-vous des accidents de Toulouse et de Nantes !

Dans le même temps, on doit penser aux salariés qui travaillent dans ces entreprises. Il ne faudrait pas qu’ils soient licenciés. La formation joue donc un rôle essentiel, en particulier pour les jeunes. Il faut en effet les former à de nouveaux métiers dans le secteur de l’écologie si nous voulons vivre dans un climat et un environnement sains.

Il est vrai, comme le rappelait notre collègue Labbé, que ces entreprises font des profits énormes et influent malheureusement sur la politique de notre pays, ce qui est bien dommage.

M. André Gattolin. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Dans cet hémicycle, tout le monde est favorable à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. Il s’agissait d’un engagement du Grenelle de l’environnement, réitéré par le Gouvernement. Ce n’est donc absolument pas un sujet.

M. Joël Labbé. Ça tarde à venir !

M. Didier Guillaume. Non, monsieur Labbé, puisque le ministre vient de lancer la deuxième étape du plan.

Il n’y a pas de problème de financement du CASDAR. En l’occurrence, vous proposez un prélèvement sur la taxe sur les produits phytosanitaires à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative. Or ce n’est pas le cadre pour mener une action contre les produits phytosanitaires. Attendons plutôt de voir comment évolue le plan Écophyto 2.

Il ne faut pas non plus comparer la COP 21 avec les débats que nous avons ici. L’opération « 4 pour 1 000 » est en train d’être lancée au niveau international et, là encore, il n’y a pas de sujet, parce que nous sommes totalement d’accord. Le Gouvernement a engagé cette opération, qui est une grande avancée et qui est indispensable pour nos sols, pour l’environnement, pour la planète et pour la santé de nos concitoyens.

Mes chers collègues, il me semble que vos amendements sont des amendements d’appel puisque vous évoquez en même temps deux éléments qui ne sont pas en phase : le prélèvement de 0,1 % pour abonder le CASDAR et la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. Notre groupe votera donc contre ces amendements, même si nous en comprenons l’esprit.