M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « La forêt française en questions ».

20

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-François Rapin membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de Mme Natacha Bouchart, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

21

Dépôt d’un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’application de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

22

 
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales
Discussion générale (suite)

Compensation des charges applicables aux collectivités territoriales

Adoption d’une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 197, texte de la commission n° 265, rapport n° 264).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales
Question préalable

M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà vingt-cinq ans, le Conseil d’État, dans son rapport consacré à la sécurité juridique, déplorait les effets pernicieux de l’inflation normative sur l’action publique et l’initiative privée. Fustigeant la « logorrhée législative et réglementaire », la plus haute juridiction administrative dénonçait « la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme ».

Depuis lors, le signal d’alarme lancé par le Conseil d’État n’a, hélas, rien perdu de son actualité : notre ordonnancement juridique demeure caractérisé par une complexité normative toujours plus grande.

Les collectivités territoriales, acteurs incontournables de la mise en œuvre des politiques publiques depuis les lois de décentralisation, sont les premières victimes de ce zèle normatif. En effet, au fil des ans, l’État n’a cessé de prescrire de nouvelles normes, charge aux collectivités territoriales d’en assurer l’application et, plus encore, d’en supporter le coût !

La situation dégradée des finances locales impose aujourd’hui de mettre un terme à cette fuite en avant. Rappelons que les collectivités territoriales sont confrontées à deux tendances de fond dont la conjugaison est insurmontable pour bon nombre d’entre elles : une hausse des dépenses imputable, pour une large part, à la prolifération de normes de toute nature et une baisse des recettes dans un contexte de maîtrise des concours financiers de l’État. Face à cet « effet de ciseau », il est urgent de desserrer l’étau normatif, afin de restaurer durablement la latitude financière et décisionnelle des collectivités territoriales.

Nous le savons, l’empilement normatif porte préjudice à l’action publique locale à plus d’un titre. En soumettant tout projet à des contraintes, des délais et des procédures irraisonnées, l’inflation normative paralyse l’initiative locale. Selon l’Association des maires de France, on dénombre ainsi un total de 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales. Ces normes constituent autant d’entraves à la capacité d’action des élus et des acteurs locaux, ainsi qu‘un frein à la croissance.

En outre, la prolifération normative grève les ressources locales dans le contexte financier que j’ai rappelé. Le coût total des normes représente ainsi 3 points de produit intérieur brut par an, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. De son côté, le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, chiffre à 6 milliards d’euros le coût brut des textes qui lui ont été soumis pour examen de 2008 à 2014.

Contraignant et onéreux, l’étouffement normatif nuit de surcroît à l’attractivité de nos territoires. Selon le Forum économique mondial, la France se positionne à la 121e place sur 144 en termes de compétitivité administrative. Ce rang médiocre est révélateur des freins réglementaires posés localement à l’activité économique et, par voie de conséquence, aux perspectives de croissance.

Enfin, la complexité normative n’est pas satisfaisante sur le plan de la sécurité juridique. Les normes mouvantes, contradictoires, confuses posent de réelles difficultés d’application aux élus locaux, et notamment des risques de contentieux. À titre d’illustration, je citerai une publication sénatoriale de 2010 selon laquelle, en dix ans, la partie législative du code général des collectivités territoriales a été modifiée à hauteur de 80 % et la partie réglementaire à hauteur de 50 %. Les élus locaux ne s’y retrouvent plus !

En définitive, et d’un certain point de vue, c’est au principe de la libre administration des collectivités territoriales que l’inflation normative porte atteinte.

Dans ces circonstances, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, doit offrir aux élus locaux une réponse à la hauteur des enjeux. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est engagée résolument dans cette voie. La prolifération normative est d’ailleurs pour elle un axe de réflexion ancien, comme en témoignent les rapports publiés par ses membres sur ce sujet : des travaux de Claude Belot sur la maladie de la norme, en 2010, à ceux de Jean-Pierre Vial sur l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public, en 2014, ainsi qu’au travail de notre collègue Éric Doligé.

Cet engagement bien établi en faveur de la simplification normative a été confirmé par la décision du président Gérard Larcher et du bureau du Sénat, qui a confié à la délégation sénatoriale compétence pour évaluer et simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales.

Depuis lors, beaucoup de travail a été accompli, même si les résultats obtenus resteront toujours en deçà de l’ampleur – titanesque – de la tâche.

La délégation s’est tout d’abord concentrée sur le flux de normes, en proposant des amendements de simplification au cours de l’examen au Sénat de certains projets de loi.

Elle s’est également penchée sur le stock de normes dans le domaine de l’urbanisme, dont la simplification a été jugée prioritaire par les deux tiers des élus locaux ayant répondu au questionnaire en ligne qu’elle a proposé lors du dernier congrès des maires Une proposition de résolution, issue de ces travaux, sera présentée demain, en séance publique, par le président Jean Marie Bockel.

Enfin, la délégation a souhaité améliorer le fonctionnement du CNEN avec lequel elle entretient des contacts réguliers. Sur l’initiative du président Bockel et de moi-même, le Sénat a adopté une proposition de loi levant les entraves réglementaires posées par le Gouvernement à la saisine de cette instance.

Telles sont les actions concrètes et pragmatiques que la délégation a d’ores et déjà engagées ; elles seront poursuivies et intensifiées.

Cependant, il faut admettre que ces initiatives ciblées, si elles sont tout à fait utiles, ne permettront pas, à elles seules, d’endiguer l’inflation normative. C’est par une intervention d’ensemble posant des bornes claires et précises aux prescripteurs de normes que pourront s’opérer un changement de pratiques et, espérons-le, un changement de culture. C’est pourquoi la proposition de loi ainsi que l’amendement que j’ai déposés ont pour objet d’inscrire dans la Constitution un arsenal complet, destiné à protéger les collectivités territoriales contre la furie normative.

À mon sens, trois principes protecteurs devraient être garantis par notre texte constitutionnel. Le premier d’entre eux est la règle : « pour une norme créée, une norme supprimée ».

Le CNEN a évalué que, chaque jour, une nouvelle norme applicable aux collectivités territoriales est édictée. Dans le même temps, il est rare que des normes soient abrogées, de sorte que des contraintes – parfois contradictoires – s’amoncellent. C’est la raison pour laquelle je suggère d’introduire, avec une certaine souplesse, la règle selon laquelle la création d’une norme applicable aux collectivités territoriales doit être compensée par la suppression d’une autre. Par la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013, ce mécanisme a d’ores et déjà été consacré par le Gouvernement dans le domaine réglementaire. Une modification constitutionnelle permettrait de l’appliquer également à la matière législative.

Le deuxième principe que je souhaite inscrire dans notre texte constitutionnel est celui du « prescripteur-payeur ».

L’État doit assumer le coût des normes qu’il édicte à l’égard des collectivités territoriales. Il s’agit là d’une préconisation formulée de longue date et avec constance par la délégation. Dès 2010, en effet, Claude Belot indiquait dans le rapport précité que c’est « au prescripteur, et donc à l’État, de devenir – ou redevenir – payeur en prenant en charge financièrement les conséquences de ses normes ».

Au terme d’un échange fructueux avec notre collègue Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois, nous sommes parvenus, je le crois, à une solution protectrice des finances locales, dont nous aurons l’occasion de débattre.

Enfin, le dernier principe est celui de l’interdiction de la « surtransposition » des actes législatifs européens.

La proportion des textes issus du droit de l’Union européenne dans notre droit national est de 50 %, selon l’OCDE. Or leur transposition donne souvent lieu à une surenchère normative. C'est la raison pour laquelle je propose de retenir la règle issue du droit allemand selon laquelle le texte de transposition d’un acte législatif européen doit s’en tenir au contenu de celui-ci.

Ces trois principes permettraient de fixer un cadre bien établi au processus normatif, ce qui contribuerait à renforcer la qualité de la loi et la clarté des débats.

Si l’inflation normative est aujourd’hui unanimement décriée, les élus locaux sont encore dans l’attente de résultats tangibles ; et pour obtenir des résultats, il faut s’en donner les moyens ! C’est pourquoi je vous invite à adopter la présente proposition de loi constitutionnelle, afin d’inscrire dans la Constitution un « bouclier protecteur » en faveur des collectivités territoriales. Le Sénat doit se trouver aux avant-postes de la simplification administrative, il doit en être le moteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’auteur de cette proposition de loi ayant longuement évoqué l’aspect économique et administratif de cette question, je me limiterai à examiner son aspect juridique, du plus haut degré, au regard de la Constitution.

L’inflation normative à laquelle doivent faire face nos collectivités territoriales est une réalité quotidienne. La complexité souvent inutile de ces normes, leur coût budgétaire font de cette question un enjeu majeur; et déjà ancien. L’excellent rapport de MM. Boulard et Lambert consacré à la lutte contre l’inflation normative, qui recense les exemples les plus aberrants, en était une illustration.

Depuis plusieurs années déjà, nombreux sont les rapports ayant condamné cette croissance normative, ses conséquences sur le dynamisme de nos territoires, l’action publique locale et les budgets locaux. Le contexte local actuel d’une raréfaction de nos ressources financière ne fait qu’aggraver cette situation.

Depuis plusieurs années, le Parlement, et en particulier le Sénat, s’est engagé dans une démarche de simplification des normes, aussi bien en faveur des collectivités territoriales que des entreprises ou des administrés. Je citerai, pour mémoire, la création de la Commission consultative d’évaluation des normes, sur l’initiative de notre ancien collègue Alain Lambert, transformée, voilà deux ans, en Conseil national d’évaluation des normes, sur la proposition de nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. Le Conseil bénéficie aujourd’hui de pouvoirs étendus pour lutter contre le flux de normes, mais aussi le stock de normes.

Plusieurs initiatives parlementaires ont également eu pour vocation de simplifier la vie quotidienne de nos collectivités. Je songe au travail de qualité de notre collègue Éric Doligé, qui a déposé, en 2011, une proposition de loi de simplification du fonctionnement des collectivités territoriales, dont plusieurs dispositions ont été intégrées dans la récente loi NOTRe, ce qui témoigne du caractère transpartisan de cette lutte.

Malgré les démarches mises en place et dont les effets commencent à se faire sentir, il convient d’aller encore plus vite et plus loin. Tel est l’objet de la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Rémy Pointereau, au nom de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Oui, le poids des normes est devenu une contrainte trop lourde pour nos collectivités et leur dynamisme ! Toutefois, la commission des lois a soulevé plusieurs difficultés ou interrogations.

La rédaction initiale de l’article 1er tendait à subordonner l’action du législateur à l’objectif de stabilisation et d’allégement des charges applicables aux collectivités territoriales. Or le législateur ne représente pas la seule source de l’inflation normative ; il n’est qu’un acteur parmi d’autres – nous y reviendrons. Il n’était donc pas certain que la mise en œuvre de ces dispositions aurait conduit au tarissement du flux normatif.

Au-delà de ces difficultés d’ordre général, votre commission des lois a estimé que l’application des dispositions de l’article 1er soulevait de surcroît des difficultés d’ordre juridique.

Tout d’abord, se posait la difficulté à apprécier le caractère équivalent d’une charge, a fortiori si elle ne présente aucune incidence financière. Pour y répondre plus précisément, il convenait de s’assurer de la sincérité des évaluations des charges financières d’une norme et de disposer d’une procédure ou d’une instance capable de l’apprécier.

Ensuite, en prévoyant un mécanisme de gage qui autorisait la discussion d’une disposition créant une charge supplémentaire, l’article 1er recélait une contradiction avec l’article 40 de la Constitution, qui interdit à toute initiative parlementaire de créer ou d’aggraver une charge publique. La compensation d’une telle création ou aggravation par la diminution d’une charge équivalente ou l’augmentation d’une ressource est sans incidence sur la recevabilité.

Or, en vertu de l’article 1er de la proposition de loi constitutionnelle, une initiative parlementaire introduisant une charge ou une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales aurait été recevable dès lors qu’elle aurait été gagée par la suppression d’une charge ou d’une contrainte équivalente en termes de coût. En revanche, des dispositions identiques mais applicables à d’autres personnes publiques auraient été déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution. Ainsi, deux dispositions identiques mais s’appliquant à des personnes publiques différentes n’auraient pas été soumises aux mêmes règles de recevabilité financière et n’auraient pas subi le même sort, ce qui soulevait un évident problème de cohérence.

En matière de transposition de directives, l’article 2 du texte tendait à dissocier les projets ou propositions de loi de transposition de directives de ceux qui contiendraient des dispositions d’accompagnement de la transposition. Il visait à limiter, voire à interdire, dans le premier cas, le droit d’amendement, tandis que celui-ci aurait été pleinement opérant dans le second cas. Or, en vertu d’une jurisprudence ancienne et constante du Conseil constitutionnel, le droit d’amendement du Parlement et du Gouvernement doit s’exercer « pleinement », sous réserve des irrecevabilités prévues par la Constitution.

Rappelons qu’une directive définit, dans un domaine déterminé, le cadre minimal commun à l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Aucun État ne peut adopter une législation en deçà de ce socle minimum. En revanche, il relève de la libre appréciation du législateur national d’adopter des dispositions allant au-delà d’une simple transposition, tout en veillant à ce que cette « surtransposition » volontaire soit proportionnée et réponde à un objectif d’intérêt général. Il relève donc de la responsabilité du pouvoir politique d’apprécier l’opportunité d’aller au-delà d’une simple transposition et de pouvoir en justifier.

Tout en partageant les objectifs de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, la commission des lois a estimé que l’introduction dans la Constitution de nouvelles règles contraignantes pour le législateur ne devait pas conduire à une négation du débat parlementaire. Au contraire, l’objectif est de mieux apprécier la pertinence et l’utilité d’une nouvelle mesure pesant sur les collectivités territoriales. Le législateur doit s’astreindre à une plus grande rigueur pour ce qui concerne non seulement l’analyse des mesures qu’il adopte, mais aussi leur mise en œuvre par les collectivités territoriales.

Enfin, les dispositions initialement proposées auraient été contraignantes pour le seul législateur, tandis qu’aucune règle n’aurait encadré l’action des autres responsables de l’emballement normatif.

C’est pourquoi, pour ne pas en rester à des formules incantatoires, nous nous sommes efforcés de rechercher, dans un temps très court, des formulations qui concilient l’objectif de lutte contre l’inflation normative et le maintien de la liberté d’initiative du législateur.

Ainsi, l’article 1er adopté par la commission des lois tend à insérer dans la Constitution un nouvel article 39-1, qui soumettrait le législateur et le pouvoir réglementaire au respect des principes de simplification et de clarification du droit, sans préjudice des conditions d’exercice des libertés publiques ou des droits constitutionnellement garantis. Le pouvoir législatif comme le pouvoir réglementaire seraient tenus de respecter ces principes dans le cadre de leur mission respective.

Ce même article prévoit, dans les conditions fixées par une loi organique, que toute mesure nouvelle ou toute aggravation d’une mesure nouvelle qui porterait sur les compétences exercées par une ou plusieurs collectivités territoriales ne pourrait être adoptée si elle n’a fait l’objet d’une évaluation préalable sérieuse. Il s’agit ainsi d’obliger le législateur, dans sa volonté de créer ou d’aggraver une charge pesant sur les collectivités territoriales, à réfléchir aux conséquences techniques et budgétaires d’une telle proposition. En effet, une compensation financière n’est pertinente que si elle repose sur une évaluation sincère et précise.

Une loi organique préciserait les éléments devant figurer dans l’évaluation ainsi que les règles encadrant la compensation.

S’agissant de l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle, la commission a adopté la disposition selon laquelle les mesures assurant la transposition d’un acte législatif européen ne devraient pas excéder les objectifs poursuivis par cet acte. Selon la commission, cette mesure s’applique au législateur aussi bien qu’au pouvoir réglementaire, tout en introduisant implicitement la notion de proportionnalité, qui fait l’objet d’une jurisprudence ancienne et claire du Conseil constitutionnel.

À la suite de la réunion de la commission le 16 décembre dernier, M. Pointereau et moi-même avons continué à travailler, afin de trouver, pour l’article 1er, une rédaction prenant en compte aussi bien les objectifs de la délégation que les contraintes juridiques et législatives qu’impose toute révision de la Constitution. Notre réflexion commune nous a conduits au dépôt de deux nouveaux amendements, lesquels, s’ils sont adoptés, devraient fournir aux parlementaires des outils pour lutter efficacement contre l’inflation normative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.

La norme n’est pas en elle-même à combattre, car elle est utile et même nécessaire dans un État de droit et une société qui se veut développée. Le problème vient de l’inflation normative, qui asphyxie l’action publique et freine les initiatives locales. Cette inflation a de plus un coût très élevé : de 2008 à 2013, le coût brut des normes nouvelles pour les collectivités territoriales a été estimé à 5,8 milliards d’euros.

Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le gouvernement de Manuel Valls a engagé une action résolue concernant la maîtrise des normes applicables aux collectivités territoriales. Le dispositif repose sur le CNEN, le Conseil national d’évaluation des normes, et sur deux circulaires du Premier ministre, l’une du 17 juillet 2013 et l’autre du 9 octobre 2014, qui fixent un objectif et affirment une volonté.

L’objectif concerne le flux des normes nouvelles : à compter de 2015, toute charge financière liée à l’impact d’une réglementation nouvelle doit être compensée par un allégement équivalent.

La volonté porte sur le stock, avec la mise en œuvre de plusieurs vagues de simplification de normes existantes.

En janvier 2016, un premier bilan de cette action peut être mené.

S’agissant du flux, l’objectif « zéro charge nouvelle » fixé par le Premier ministre à la fin de 2014 a été tenu en 2015. Mais plus que les chiffres, qui reposent sur des estimations et sont donc toujours sujets à contestations, c’est la tendance qu’il faut considérer. Celle-ci est claire : avec les mêmes références, que l’on prenne le coût brut ou le coût net, on constate une diminution réelle et non contestée du poids financier des normes nouvelles sur les collectivités locales.

Si cette inflexion est majeure et si nous devons collectivement nous en féliciter, le dispositif peut et doit être encore amélioré. Je pense notamment à la qualité de l’évaluation des conséquences financières des textes présentés. Certaines évaluations réalisées par les ministères prêtent à débat, voire à critiques, parfois justifiées. Les administrations centrales doivent donc fournir au CNEN des évaluations plus précises et non contestables. Une circulaire a ainsi été envoyée par le Premier ministre le 12 octobre dernier à tous les membres du Gouvernement pour leur rappeler que ces évaluations financières doivent être aussi précises que possible.

Il faut également que les échanges entre les associations d’élus et les administrations centrales soient plus étroits et plus constructifs. Trop souvent, l’administration considère avoir engagé une concertation en envoyant un simple e-mail ou en organisant une seule réunion d’information. Les administrations centrales doivent accepter de débattre et, éventuellement, de modifier les textes en fonction des échanges avec les associations d’élus. Or les procédures d’urgence devant le CNEN sont encore trop nombreuses, empêchant ce nécessaire dialogue.

Le président Lambert s’était ouvert au Premier ministre et à moi-même du trop grand nombre de saisines en urgence du CNEN. Nous avons essayé d’y remédier. Des progrès ont été enregistrés en 2015 – M. Lambert en convient –, mais ils sont encore insuffisants.

Concernant le stock de normes applicables aux collectivités territoriales, des actions complémentaires et coordonnées, destinées à permettre l’identification de normes pouvant être abrogées ou simplifiées, ont été engagées dès la fin de l’année 2014. Une mission d’inspection a été mandatée en février 2015 pour faire ressortir des normes contestables et discuter de leur bien-fondé. Elle a rendu en juillet son rapport, qui comporte une liste de 76 propositions précises, regroupées par thématiques : fonctionnement des collectivités, sécurité civile, accessibilité, formation professionnelle, marchés publics, normes budgétaires et comptables, normes sportives, urbanisme.

Par ailleurs, six ateliers thématiques ont été réunis par mon cabinet. Ils regroupaient les associations d’élus, des acteurs du terrain, notamment des élus locaux de base – l’expression n’est pas péjorative –, ainsi que des praticiens de la norme, à savoir des DGS, des directeurs généraux des services, et des DST, des directeurs des services techniques, issus de communes et de départements de toutes tailles. Ces ateliers ont porté sur la gestion, l’entretien et l’exploitation des bâtiments publics, les installations et les réglementations sportives, le fonctionnement des collectivités territoriales, les marchés publics, les normes budgétaires et comptables et le secteur social.

À la suite de cette mission d’inspection et de ces ateliers thématiques, deux séries de simplification ont été menées. La loi NOTRe a intégré seize mesures de simplification, dont douze étaient directement issues d’un rapport et d’une proposition de loi, dont je salue la qualité, du sénateur Doligé. Par ailleurs, dix-huit mesures de simplification ont été annoncées le 14 septembre dernier à Vesoul, lors du comité interministériel aux ruralités. Elles concernent essentiellement la gestion des bâtiments publics et l’urbanisme, les activités sportives et le fonctionnement des collectivités locales. J’aurai l’occasion demain, lors de l’examen de la proposition de résolution déposée par M. Jean-Marie Bockel, de vous donner, mesdames, messieurs les sénateurs, des exemples très concrets de ces mesures de simplification, qui concernent aussi bien le degré d’inclinaison des rebords de piscine que la façon dont on doit fixer au sol les cages de foot ou les poteaux de rugby.

Une nouvelle vague de simplification est en cours, qui porte notamment sur les marchés publics et la comptabilité publique. Pour accélérer la cadence, deux évolutions seront lancées en 2016.

La première concerne un renforcement du dispositif gouvernemental, avec la mise à disposition d’une équipe du SGMAP, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, pour la préparation des ateliers et le suivi – c’est peut-être le plus important – des mesures de simplification décidées.

La seconde évolution visera le renforcement du rôle du CNEN. Comme je m’y étais engagé ici même le 20 mai dernier, le décret concernant la saisine du CNEN a été modifié. Alors qu’il fallait cent maires ou dix présidents de conseil départemental ou deux présidents de conseil régional pour saisir le CNEN, tout élu peut désormais saisir directement cette instance d’une demande d’évaluation d’une norme qu’il juge inutile ou trop coûteuse. La publication de ce décret a pris un peu de temps, car son examen par le Conseil d’État, qui a demandé au Gouvernement de revoir sa copie, s’est avéré particulièrement long. Désormais, le maire d’une petite commune peut saisir le CNEN d’une demande de simplification ou d’allégement de normes.

Le CNEN pourra confier son instruction aux services de l’administration de l’État dont la norme est critiquée. C’est une évolution très importante. Nous devons, mesdames, messieurs les sénateurs, la faire connaître aux élus. Comme vous, je participe à de nombreuses cérémonies de vœux dans mon canton. C’est pour moi l’occasion d’indiquer aux élus qu’ils peuvent saisir directement le CNEN de toute norme qu’ils jugent excessive ou trop coûteuse.

Nous pourrions, comme l’a suggéré Alain Lambert…