M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État a eu la gentillesse de rappeler un certain nombre d’éléments que j’avais moi-même mentionnés, notamment la publication du décret du 28 août 2015. En revanche, je ne sais pas s’il s’agit d’un point qu’il considère comme accessoire, mais je n’ai pas obtenu d’information sur la date à laquelle nous disposerons enfin de l’arrêté définissant les comptes qui doivent être considérés comme non réclamés ou inactifs.

En l’absence d’un tel arrêté, les mesures que nous avons fait adopter dans la loi, fruits d’un combat mené durant de nombreuses années et devant permettre de faire enfin la lumière sur les stocks, c’est-à-dire sur le montant des assurances vie non réclamées, sur le nombre de contrats non réclamés et, surtout, sur les efforts qui sont déployés, chaque année, par les sociétés d’assurance et les banques, seront inopérantes. C’est très regrettable.

Je n’ai pas obtenu de réponse non plus sur le non-respect, par le Gouvernement, de l’engagement pris ici même le 7 mai 2014 sur la question du traitement des NPAI, ces courriers mal adressés qui reviennent à l’envoyeur. Aujourd’hui, les sociétés d’assurances ne font aucun effort pour en retrouver leurs destinataires.

J’attends donc avec impatience le rapport qui doit être rendu par l’autorité de contrôle avant le mois de mai, pour y trouver une information sur les efforts réels effectués par les sociétés.

Une fois de plus, il reviendra donc au Parlement d’être non seulement vigilant et actif, mais également force de proposition. Comme je le rappelais précédemment, toutes les avancées sur ce sujet, très important pour les épargnants, ont été obtenues sur l’initiative du Parlement, et singulièrement du Sénat.

délais d'instruction des autorisations d'urbanisme

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 1238, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

M. Daniel Gremillet. Le 11 juillet 2014, en présence du Premier ministre, les dirigeants de treize fédérations et syndicats professionnels représentant le secteur du cadre bâti et du logement au sens large sont intervenus pour dénoncer les difficultés rencontrées par les professionnels de la maîtrise d’œuvre dans le cadre de l’instruction des autorisations de construire, notamment les demandes de permis de construire qui font systématiquement l’objet d’une demande de pièces complémentaires.

Le 9 juillet 2015, le Gouvernement a adopté, sur la proposition de Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, le décret n° 2015-836 réduisant le délai d’instruction des autorisations d’urbanisme.

Or il semble que ce décret se montre insuffisant sur un certain nombre de points : s’il réduit certes le délai d’instruction d’un nombre très restreint de demandes d’autorisations de construction, notamment pour les immeubles de grande hauteur et les établissements recevant du public, il ne réduit que d’environ un mois ce délai d’instruction pour ces procédures ; mais surtout, il ne modifie pas les conditions de définition du point de départ de ce délai d’instruction pour la demande de pièces complémentaires ; il ne modifie pas le délai d’instruction pour les demandes d’autorisations de construire qui posent aujourd’hui un problème, notamment celles qui supposent l’organisation d’une enquête publique et qui ne permettent pas l’intervention d’une autorisation tacite en vertu de l’article R. 423-20 du code de l’urbanisme ; il ne modifie en rien les conditions d’articulation de la procédure d’autorisation d’urbanisme avec les conditions relatives à l’élaboration, à la modification ou à la révision des documents d’urbanisme.

Nous partons tous du principe qu’il faut davantage de simplification. En matière de permis de construire, nous avons pourtant augmenté le nombre d’interlocuteurs. Les services chargés jusqu’alors d’urbanisme ont été éclatés, et des compétences ont été transférées aux communautés de communes, ce qui crée davantage de procédures et conduit à une augmentation des délais. Enfin, le décret susvisé ne modifie en rien la question délais de recours et de leur nombre.

Le secteur du bâtiment est aujourd’hui en proie à de très graves difficultés. C’est pourtant l’un des plus importants réservoirs d’emplois, mais aussi un des leviers de revitalisation du monde rural. C’est pourquoi je souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement entend encore prendre afin de régler les vrais problèmes de délai d’instruction qui se posent aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme qui sont à votre sens trop longs.

Je veux d’abord rappeler que les mesures engagées par le Gouvernement depuis trois ans en faveur de la relance de la construction portent leurs fruits. Selon les derniers chiffres du ministère du logement, le nombre de logements autorisés à la construction entre septembre et novembre 2015 a augmenté de 8,7 % par rapport à la même période l’année dernière.

Faciliter la délivrance des autorisations d’urbanisme est un élément essentiel pour soutenir la relance. C’est pourquoi le Président de la République a fixé l’objectif de réduire, dans la majorité des cas, les délais d’obtention des autorisations d’urbanisme à cinq mois.

Pour y parvenir, le Gouvernement a publié en juillet dernier un décret reprenant les propositions du groupe présidé par le préfet Jean-Pierre Duport. Ce décret a notamment permis de réduire les délais de délivrance des permis de construire pour les projets situés dans les périmètres de protection au titre du patrimoine en ramenant de quatre mois à deux mois le délai d’obtention de l’avis des architectes des Bâtiments de France.

Il permet également de réduire les délais de délivrance des permis pour les immeubles de grande hauteur, les établissements recevant du public ou les projets situés dans les espaces protégés au titre de l’environnement.

Vous m’interrogez sur les demandes de pièces complémentaires. Afin d’éviter les demandes abusives, nous avons réaffirmé ce principe dans le décret du 27 avril 2015 pris en application de la loi ALUR, et la ministre du logement, Sylvia Pinel, a demandé à ses services de le rappeler à l’ensemble des services instructeurs dans les territoires.

Enfin, sur le point particulier des projets soumis à évaluation environnementale et, donc, des permis de construire soumis à enquête publique, le Gouvernement travaille actuellement à une meilleure articulation des évaluations environnementales des documents d’urbanisme et des études d’impact des projets que ces documents autorisent.

L’objectif est de simplifier les procédures en évitant les études d’impact redondantes – ce qui va dans le sens de votre interpellation, monsieur le sénateur –, tout en assurant un haut niveau de protection des enjeux environnementaux.

Ces travaux, qui aboutiront à la fin du premier semestre de 2016, s’inspirent de la procédure intégrée pour le logement créée par l’ordonnance du 3 octobre 2013. Celle-ci permet d’ores et déjà de réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements et d’en faciliter la réalisation afin de répondre à l’objectif du Gouvernement de relancer la construction.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour votre réponse. Je suis impatient de connaître le résultat, qui devrait, si j’ai bien compris, être communiqué dans les trois mois, du travail mené par le Gouvernement sur les permis soumis à une enquête publique.

Permettez-moi de vous indiquer que l’inquiétude des « architectes des champs », pour reprendre le terme par lequel les maîtres d’œuvre se désignent eux-mêmes, reste entière.

Si ce décret visant à accélérer les procédures d’instruction dans le domaine du logement notamment est une avancée, il ne permet pas d’éviter tous les écueils. En effet, les demandes de permis de construire font systématiquement l’objet de demande de pièces complémentaires. Vous avez répondu sur ce point, mais partiellement ; or chaque fois qu’une pièce complémentaire est demandée, le compteur s’arrête. Il est donc nécessaire de procéder à une simplification.

Comment ne pas constater la déception de ces jeunes couples dont le projet de construction est complètement ficelé, qui disposent de l’accord des banques et ont fait réaliser des devis, et qui se voient refuser un permis de construire parce que le dernier règlement du lotissement de la commune ou du plan local d’urbanisme n’est pas encore connu par la direction départementale des territoires au moment de l’instruction ? Ou celle de ce couple dont le service instructeur de la communauté de communes a failli refuser un permis de construire au motif que celui-ci ne possédait pas le document à jour du plan local d’urbanisme, le PLU, la hauteur du bâtiment ne devant pas excéder six mètres alors que le projet présenté indiquait plus de six mètres cinquante, l’information n’étant pas arrivée jusqu’à l’organisme instructeur ?

En effet, les documents à jour n’ont pas bien suivi le transfert de compétences de la direction départementale des territoires, la DDT, à la communauté de communes, ce qui constitue parfois un problème et une source de ralentissement. L’éclatement des compétences de la DDT ne fait qu’augmenter les difficultés rencontrées par toute la filière de l’architecture et de la maîtrise d’œuvre, et par conséquent par toutes les entreprises du bâtiment qui ne demandent qu’à remplir leur carnet de commandes pour embaucher de la main-d’œuvre locale.

Imaginez l’incompréhension et le renoncement auxquels doivent faire face le terrassier, le maçon, tous les corps de métiers ! Les professionnels, les porteurs de projets, l’ensemble des acteurs économiques de nos territoires doivent pouvoir travailler avec des procédures davantage simplifiées sur la base de textes réglementaires qui ne soient pas éloignés des réalités du terrain et de la dynamique qui y règne encore.

Monsieur le secrétaire d’État, j’attends avec impatience les conclusions de ce travail qui devraient, je l’espère, apporter des réponses encore plus significatives sur le raccourcissement des délais.

6

Demande d’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi

M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mardi 9 février après-midi, sous réserve de son dépôt, du projet de loi prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Acte est donné de cette demande.

La conférence des présidents se réunira à seize heures, après le scrutin solennel sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, afin de déterminer les modalités d’organisation de la discussion de ce texte.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Claude Haut,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est reprise.

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Article 74 (supprimé) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Explications de vote sur l'ensemble

Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 359 [2014–2015], texte de la commission n° 608 [2014–2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014–2015], avis nos 549 et 581 [2014–2015]) et sur la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (projet n° 364 rectifié [2014-2015], texte de la commission n° 609 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015]).

Mes chers collègues, Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui se trouve à New York, nous a appelés voilà moins d’une heure pour s’excuser de son absence. Pour des raisons d’organisation des débats, il n’a pas été possible de changer la date du vote de ces textes.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Explications de vote sur l'ensemble

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, mes chers collègues, nous avons, je le crois, bien travaillé et amélioré ce projet de loi, d’abord en commission, puis en séance.

M. Hubert Falco. Le Sénat travaille toujours bien !

Mme Évelyne Didier. Répond-il à tous nos vœux ? Évidemment non, mais il faut dire que le fait de traiter les sujets sur le fond, l’ouverture d’esprit de Mme la ministre, qui a accepté des amendements venus de toutes les travées et qui a fait remplacer, à notre demande, les ordonnances par des articles, le même état d’esprit de notre rapporteur,…

M. Hubert Falco. Un très bon rapporteur, à l’écoute !

Mme Évelyne Didier. … du président et des membres de la commission ont été favorables à un bon débat parlementaire. Il est néanmoins dommage que certains de nos collègues se soient limités à un seul angle de vue – j’ai failli dire à un seul angle de tir… (Sourires.)

Nos connaissances progressent et, avec elles, l’attention de nos concitoyens sur l’importance de favoriser la biodiversité en évitant, d’abord, de détruire les écosystèmes. Nous avons le devoir, nous, parlementaires, d’entendre cette aspiration de la société.

Que savons-nous ? La biodiversité est foisonnante. Le vivant est un tout et l’humanité en est une composante. C’est la raison pour laquelle nous saluons la nouvelle définition de la biodiversité comme un système vivant, dynamique et interactif.

Nous approuvons la création des deux instances différentes et complémentaires que sont l’Agence française pour la biodiversité terrestre, aquatique et marine et le Comité national de la biodiversité. Nous souhaitons, à défaut d’une intégration, un rapprochement de l’ONCFS avec l’Agence pour une approche pluridisciplinaire, pour une meilleure cohérence des expertises, des stratégies, des missions et de la police. Nous demandons également que les salariés soient pleinement associés et valorisés par la possibilité d’une intégration au statut. Un personnel motivé est indispensable à la réussite du projet.

Nous soulevons de nouveau la question des moyens. Les ressources additionnées des structures existantes ne suffiront pas, et les prélèvements sur les fonds de roulement des agences de l’eau doivent cesser.

Nous réaffirmons la pertinence du principe de solidarité écologique. Nous voulons que l’échelon départemental soit considéré comme une contribution essentielle pour un travail de proximité.

Nous avons apporté notre soutien à la ratification du protocole de Nagoya proposée par Mme la ministre ainsi qu’à l’élargissement aux milieux aquatiques et marins du champ d’intervention.

La lutte pour préserver cette biodiversité est un long combat. Le projet de loi en constitue une étape importante.

Nous sommes satisfaits de l’adoption d’amendements de notre groupe. Nous défendons l’idée forte qu’il faut préserver la planète, particulièrement les océans, des matières plastiques. Mme la ministre a d’ailleurs été favorable à notre amendement visant à interdire les cotons-tiges composés d’une tige en plastique, et le Sénat l’a adopté, mais elle s’est finalement déclarée défavorable à l’interdiction des microbilles dans les produits d’hygiène, d’entretien et cosmétiques. Nous le regrettons, et nous y reviendrons. Certes, cela bousculerait les fabricants, mais, déjà, certains États des États-Unis s’acheminent vers une telle interdiction dès 2018. Dans ce domaine, ceux qui anticiperont seront in fine les gagnants de demain.

Nous devrons aussi revenir sur la question de l’interdiction du chalutage en eaux profondes (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.),…

Mme Évelyne Didier. … même si, sur ce sujet, nous devons faire preuve de mesure.

Nous saluons l’engagement des associations qui pourront agir en cas de manquement à des obligations environnementales, à la suite de l’adoption de l’un de nos amendements. Elles ont un rôle moteur dans notre société.

Nous regrettons que l’interdiction des néonicotinoïdes soit fixée à l’horizon de 2018 et non de 2016, comme nous le demandions. C’est trop tard !

Nul ne peut et ne doit s’approprier le vivant. C’est pourtant la tendance aujourd’hui. Certaines firmes y voient de nouvelles promesses de profit. C’est la raison pour laquelle ce texte doit acter fortement la position de la France dans ce domaine. Notre pays doit défendre cette conviction dans les instances européennes et mondiales.

L’une des grandes avancées du projet de loi est sans aucun doute la prise de position de l’ensemble du Sénat sur la non-brevetabilité du vivant. Nous avons inscrit dans le projet de loi le principe de l’interdiction du brevet sur tout ou partie de plantes ou d’animaux issus de procédés essentiellement biologiques, ainsi que sur leurs gènes natifs. Nous espérons que les députés confirmeront cette avancée. Il s’agit ni plus ni moins d’éviter une privatisation des ressources naturelles.

Mme Évelyne Didier. Mme la ministre a apporté son soutien, en indiquant qu’il serait cohérent d’étendre les obligations de traçabilité des OGM aux produits issus de nouvelles techniques de modification génétique pour une meilleure traçabilité de ces produits. Nous attendons avec impatience la communication de l’Union européenne à ce sujet.

Nous regrettons que ne soient pas interdites les plantes devenues tolérantes aux herbicides par mutagénèse. En revanche, nous approuvons la ratification du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques, qui garantit un partage juste et équilibré des avantages y afférant et des savoirs traditionnels autochtones.

Enfin, nous voulons exprimer notre total désaccord avec le principe des réserves d’actifs naturels.

Si le projet de loi établit explicitement la hiérarchie dite « ERC » – éviter, réduire, compenser –, ce dont nous nous réjouissons, la possibilité de compenser à travers le financement de réserves d’actifs naturels crée de fait un marché financier. Aujourd’hui, c’est la Caisse des dépôts et consignations qui en est l’opérateur principal, mais demain ? Si, et je l’admets, cela peut permettre d’assurer une compensation de qualité par des opérateurs compétents, on introduit l’idée que tout se vaut, ce qui est fondamentalement une faute en termes de biodiversité. Il n’existe pas d’équivalence écologique. C’est regarder le vivant sous le prisme du marché, qui, à proprement parler, n’est pas un prisme économique, mais est bien une vision financière qui poussera, comme à chaque fois, à rentabiliser, c’est-à-dire à rechercher le profit au détriment de l’objet principal, à savoir protéger la biodiversité.

Nous formons le vœu que les députés respecteront ce travail et que la navette parlementaire permettra un approfondissement et non un détricotage sous les coups des intérêts de certains au détriment de l’intérêt général. Malgré nos réserves – et elles ne sont pas mineures –, notre groupe prend acte de l’importance de valider les nombreuses avancées contenues dans ce texte. Il approuvera donc le projet de loi tel qu’il est ressort de nos travaux, en formulant un autre vœu : que ce texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour pour la deuxième lecture, pour une application le plus tôt possible dès la fin de 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Hervé Poher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc à l’heure du bilan et du positionnement.

M. Hubert Falco. Oui, on est là pour ça !

M. Bruno Sido. Cela ne va pas être facile !

M. Hervé Poher. Or il est bien difficile de dresser un bilan objectif, détaillé et qualitatif des débats qui ont animé, agité, voire échauffé cet hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Soyons honnêtes, beaucoup ont reconnu que cela aurait pu être pire…

Difficile de dresser un bilan objectif de ce débat, ai-je dit. C’est vrai, tout d’abord parce que l’objectivité ne fait pas partie de la nature humaine. C’est normal ! Nous avons tous des humeurs, des penchants, des passions. Imaginez en plus que nous avons examiné un texte de 72 articles, sur lequel ont été déposés 677 amendements, qui parle de notre environnement, de sa perception, de son usage, de sa survie.

Oui, c’est bien un texte sur l’environnement ! Or l’environnement touche tout le monde, toutes les activités, tous les milieux.

Ce n’est pas une loi sur la chasse. C’est vrai, et cela a été dit. Reste que, quand elle n’est pas directement citée, la chasse est souvent en filigrane dans plusieurs articles. C’est logique !

De même, ce n’est pas une loi agricole. C’est vrai, cela a été dit, mais l’agriculture est omniprésente dans ce texte. C’est normal !

Je pourrais continuer à énoncer ainsi les différents domaines : économie, recherche, santé… Tout le monde est présent dans ce texte et tout le monde y est intéressé, à un moment ou à un autre.

Je l’ai dit, il est difficile de faire un bilan détaillé des débats et du projet de loi. Un collègue a récemment déclaré que ce texte était un « monstre ». C’était de sa part non pas une critique, mais simplement le constat que, du fait de son intitulé – projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages –, le texte comptait plusieurs têtes pour un seul corps. Force est de constater que nous avons en plus pris un malin plaisir à en ajouter…

Permettez-moi ensuite de ne pas m’aventurer sur le terrain qualitatif, car le mot « qualité » est à géométrie variable selon les pôles d’intérêt, le milieu et les circonstances. Dans cet hémicycle, un article peut avoir beaucoup de qualités pour les uns ou, a contrario, être porteur de tares rédhibitoires pour les autres.

Avant d’aller plus loin, permettez-moi d’adresser quelques remerciements à certains de nos collègues : tout d’abord à ceux qui, malicieusement, ont prolongé les débats uniquement pour nous prouver que les paysages nocturnes étaient différents des paysages diurnes (Sourires.) ; à ceux ensuite qui nous ont fait rêver en évoquant la richesse des territoires ultramarins ; à celle aussi qui nous a fait sourire en nous racontant la fabuleuse et incroyable aventure du coton-tige.

J’adresse enfin mes remerciements, de façon très sincère, à Jérôme Bignon, notre rapporteur. Il a mis en évidence que la fonction de rapporteur n’est pas une activité de tout repos et a su défendre certaines de ses convictions avec une vigueur que j’oserai qualifier de décoiffante… (Rires.)

Lors de la discussion générale, j’avais déclaré que nous disposions de tous les éléments pour écrire une belle histoire. Or je me suis trompé, et je vous prie de m’en excuser. Sans doute ai-je péché par inexpérience ou par fausse naïveté, mais je n’avais pas réalisé l’importance du vocabulaire dans cette maison. Normatif, déclaratif, contentieux, droit : il est difficile, même pour les plus imaginatifs, de créer de belles histoires avec ces mots-là. En revanche, il est vrai qu’on peut légiférer.

Pour terminer, je voudrais revenir sur ce qu’on appelle la « conduite à tenir ». Avant de décider d’une conduite à tenir, il faut faire un bilan.

Premier point de ce bilan : 677 amendements ont été examinés sur ce texte. Un certain nombre d’entre eux ont été adoptés, d’autres ont été rejetés, mais dans leur ensemble, et personne ne peut dire le contraire, ils ont permis d’aborder des sujets différents, des sujets d’actualité parfois, des sujets parfois irritants, mais qui, sans être consensuels, devaient être évoqués : les néonicotinoïdes, les actions de groupe, la police de l’environnement, le préjudice écologique, la gestion et l’usage des réserves naturelles.

En matière de gestion publique, rien n’est pire qu’éluder un problème sous prétexte qu’il pourrait provoquer des décharges d’adrénaline. De toute façon, un sujet sociétal contourné, occulté, évité, finit toujours par revenir sur le devant de la scène.

Deuxième point de ce bilan : si tout ne peut pas plaire à tout le monde, tout ne peut pas déplaire à tout le monde non plus. Certains pointeront donc du doigt ce qu’ils considèrent comme des reculs quand d’autres mettront en valeur ce qui leur semble être des avancées… Le problème en matière d’environnement, c’est que ce que certains considèrent comme un recul, d’autres le voient comme une avancée. En outre, nous n’étions qu’en première lecture et certaines améliorations et précisions sont attendues en deuxième lecture.

Troisième et dernier point de ce bilan : aucun article ou amendement ne prône le statu quo. Tout le monde l’admet : il y a urgence. On ne peut plus se permettre d’avoir des états d’âme. L’action s’impose et la nature n’attendra pas la fin de nos discussions. C’est l’un des paradoxes de notre démarche : nous devons réagir rapidement alors que la biodiversité a mis des millions d’années à se constituer.

En résumé, si l’on veut acter l’idée du préjudice environnemental, le principe de la réparation, l’application du protocole de Nagoya, une nouvelle forme de gouvernance, la confortation de certains outils que nous avons déjà, une nouvelle approche des paysages et si nous voulons sauver certaines de nos richesses non monétaires, nous ne pouvons pas rester l’arme au pied, car il y a urgence. Le groupe socialiste et républicain votera donc ce texte et la proposition de loi organique qui y est associée.

Quant à la belle histoire de la biodiversité, d’autres l’écriront probablement dans d’autres lieux et avec des mots plus appropriés. Ce serait malheureux de passer à côté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.