M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ma position vous étonnera peut-être, mesdames, messieurs les sénateurs.

Pour avoir siégé à la commission des lois de l’Assemblée nationale, j’ai connu la jurisprudence alors appelée « Urvoas », qui consistait à refuser toute demande de rapport au moment de l’examen des projets de loi. Il se trouve que, depuis lors, le Président de la République, au cours d’une émission de télévision,…

M. Éric Doligé. D’une fameuse émission ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … a indiqué sa volonté de réfléchir aux modes de fabrication de la loi et de généraliser un peu plus ce type de consultations en amont de l’élaboration des projets de loi.

Nous disposons de statistiques, d’un bilan quantitatif de la consultation, mais pas encore d’une analyse qualitative et d’une réflexion sur les suites à donner à ce type d’exercices. Or il serait à mon sens utile, à moi, à vous et à nos concitoyens, qu’un écrit puisse relater l’histoire de la bataille institutionnelle qu’a été la mise en œuvre de cette consultation, avec des questions posées en interne, au sein de la machine de l’État, complexes et constantes.

Lorsqu’une réunion interministérielle, ou RIM, a été fixée sur des sujets arbitrés avant de soumettre le texte à la consultation, faut-il organiser une nouvelle RIM après et, donc, revenir sur les arbitrages initiaux ? Quand l’avis du Conseil d’État doit-il être donné, et sur quelle version ? Quelle suite donner à cette procédure de consultation au moment de l’arrivée du texte au Parlement ? Doit-elle s’arrêter là ou doit-elle perdurer ?

Autant de questions qui, à mon avis, pourraient appeler des réponses, d’autant plus que la France prendra la présidence du Partenariat pour un gouvernement ouvert à compter du mois d’octobre de cette année. Un sommet international accueillera plus de 70 pays à Paris au mois de décembre prochain et il s’agira, pour le gouvernement français, de mettre en avant les initiatives d’innovation citoyennes qui ont été prises dans notre pays.

Nous pourrions demander que ce rapport soit établi par la mission Etalab, par exemple, ou par la Direction générale des entreprises.

Certains parmi vous ont évoqué mon opiniâtreté. Je crois que si nous souhaitons, ensemble, généraliser ce type de procédures, il faut un écrit qui en dresse le bilan qualitatif. Par conséquent, je vous dirai : « Aidez le Gouvernement à s’aider lui-même ! ».

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 206.

M. Jean-Yves Leconte. Même si leur objet est de demander la remise au Parlement d’un rapport, ces amendements n’en sont pas moins essentiels. Ce qui est proposé, en effet, c’est d’engager une réflexion complémentaire consacrée à l’implication du numérique dans l’évolution de la démocratie. Nous venons d’avoir la démonstration que le numérique a la capacité de permettre aux citoyens de s’impliquer plus directement dans le travail législatif. Depuis trente ans, déjà, il leur est plus facile d’accéder au fonctionnement du Parlement, qui était auparavant plus hermétique.

Le numérique change aussi le mode de fonctionnement des parlementaires : ils peuvent maintenant consulter sur leurs tablettes tous les textes que leurs prédécesseurs ne pouvaient trouver qu’à la bibliothèque.

Si nous avons d’ores et déjà le bénéfice du numérique, pour l’instant, le mode de fonctionnement de la vie politique, notamment celui de la démocratie représentative, n’a pas encore complètement changé. Nous ne pouvons pas envisager d’en rester à la situation actuelle, car il nous faut tenir compte de l’appétence d’un certain nombre de citoyens à prendre en compte les nouvelles capacités technologiques pour participer directement à l’élaboration de la loi et faire en sorte que la démocratie participative progresse au sein de la démocratie représentative.

Il me paraît important de réfléchir pour mieux conjuguer ces deux notions. Or ce rapport est un pas dans la bonne direction.

M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Allons-nous continuer à nous borner de constater, au lendemain de chaque élection, qu’un désamour de la politique conduit une grande partie de nos concitoyens à se réfugier dans l’abstention ou dans le vote protestataire ?

Madame la secrétaire d'État, avec votre projet de loi, vous avez apporté la démonstration que l’appétence et l’intérêt de nos concitoyens pour le numérique pouvaient avoir un effet particulièrement positif. En effet, sans vouloir tirer des conclusions trop hâtives sur ce qui se passe à l’Assemblée nationale, je constate que, pour ce texte, consacré à un sujet ardu, vous avez réussi à obtenir l’unanimité des députés moins une voix.

Il paraît donc opportun de tirer toutes les conséquences des modalités ainsi utilisées pour permettre à la machine administrative, qui tarde d'ailleurs à pénétrer le monde numérique, de vous accompagner. Je ferai mienne votre formule et demanderai à nos collègues de l’opposition « d’aider le Gouvernement à s’aider lui-même ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 437.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er bis A demeure supprimé.

Article 1er bis A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 1er ter

Article 1er bis

(Non modifié). – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, après le mot : « prévisions », sont insérés les mots : « , codes sources ».

II. – Le 2° de l’article L. 311-5 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du d, les mots : « ou à la sécurité des personnes » sont remplacés par les mots : « , à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations » ;

2° (nouveau) Le g est ainsi rédigé :

« g) À la recherche et la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ; ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 273 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le rapporteur, je me souviens du sort réservé au premier amendement que j’ai présenté et, je vous le dis franchement, je ne lâcherai pas aussi facilement cette fois ! (Sourires.)

Nous proposons de supprimer l’alinéa 1 de cet article, afin de mettre un terme à la possibilité que soient communiqués les codes sources des logiciels. Vous le verrez, les propositions contenues dans l’amendement suivant sont légèrement différentes et un peu moins restrictives.

Le code source d’un logiciel est un ensemble de fichiers informatiques qui contient des instructions devant être exécutées par un microprocesseur, dans un langage facilement compréhensible.

Transmettre le code source d’un logiciel permet en conséquence d’accéder aux informations qui régissent ce logiciel ; il n’y a plus besoin de le pirater ! La communication des codes sources aura des effets dissuasifs sur l’innovation, tant pour les entreprises chargées d’une mission de service public que pour les partenaires, dès lors que la transmission des codes sources permettra à toute personne de s’approprier les nouvelles technologies sans avoir à effectuer le moindre investissement.

La protection qui est apportée dans ce projet de loi ne nous paraît pas suffisante et ne manquera pas de susciter de nombreux contentieux, compte tenu des intérêts en jeu.

M. le président. L'amendement n° 486 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mmes Deromedi, Cayeux et Deroche et MM. Charon, Doligé et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Le premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Constituent également de tels documents les codes-sources, à l’exception des codes sources des personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence. »

La parole est à M. Doligé.

M. Éric Doligé. Au lieu de supprimer l’alinéa 1 de l’article, cet amendement, présenté notamment par M. Vasselle, vise à le réécrire en apportant une restriction sur les codes sources. Les auteurs considèrent en effet que transmettre le code source d’un logiciel permet, en conséquence, d’accéder aux informations qui le régissent.

L’adoption de cet amendement permettrait de transmettre les codes sources, à l’exception des codes sources des personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence.

En effet, compte tenu des intérêts en jeu, cette disposition devrait susciter de nombreux contentieux, tant les GAFAMA souhaiteront s’approprier les technologies sans avoir à effectuer le moindre investissement. En conséquence, la communication des codes sources des entreprises chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence aura des effets fortement dissuasifs sur l’innovation, tant pour ces entreprises que pour leurs partenaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Doligé, je ne puis émettre un avis favorable sur ces deux amendements qui visent à exprimer une position contraire à celle de la commission. En effet, ils tendent tout simplement à supprimer le droit d’accès aux codes sources ou à ceux des personnes publiques ou privées chargées d’un service public exposé à la concurrence.

La commission demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Vous savez, monsieur Doligé, Google n’a pas besoin des codes sources de Bercy pour développer ses propres algorithmes ! En revanche, bien trop souvent, la peur du contentieux paralyse l’action. Tel me semble être le cas ici.

Si le Gouvernement est défavorable à ces propositions, c’est parce que le dispositif nous paraît désormais équilibré. Il existe des protections très importantes, afin de permettre aux organismes publics de ne pas publier les codes qui doivent, pour des raisons légitimes, rester secrets : protection du secret industriel et commercial, du secret de la défense nationale, de la sécurité publique et, désormais, de la sécurité des systèmes d’information. Ces raisons sont amplement suffisantes pour ne pas craindre de manière infondée une utilisation malvenue des codes sources qui seraient rendus publics.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Monsieur Doligé, les amendements nos 273 rectifié et 486 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Éric Doligé. J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d'État.

Je vais retirer l’amendement n° 273 rectifié, mais je maintiens l’amendement n° 486 rectifié, présenté par M. Vasselle, que j’ai cosigné avec d’autres collègues. J’accorde en effet une importance particulière à ce problème des secteurs exposés à la concurrence, qui peut avoir un effet dissuasif sur l’innovation.

M. le président. L’amendement n° 273 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 486 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 438, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Pour notre part, nous considérons que parler de « République numérique », c’est accepter que l’on questionne les outils de l’action, qu’elle soit administrative ou réglementaire, et les conséquences de leur usage. Selon nous, la communication des codes sources est déjà soumise à de restrictions assez fortes pour qu’il soit inutile d’en rajouter.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression des alinéas 2 à 5 de l’article 1er bis.

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Je sens que nous allons ramer ! En effet, pour ma part, j’étais plutôt d’accord avec la position du rapporteur, que je n’ai pas entendue complètement. Notre proposition va dans un sens différent de ce qui était proposé par l’amendement n° 486 rectifié, qui vient d’être adopté. À mon avis, cela pose question !

Notre amendement vise à lever un obstacle disproportionné et, selon nous, sans fondement technique au droit d’accès aux codes sources des logiciels, qui constituent une véritable avancée et que consacre, je le rappelle, une jurisprudence de la révolutionnaire Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, jurisprudence qui est d'ailleurs en accord avec celle du Conseil d’État.

Qu’est-ce à dire ? La communication des codes sources est déjà soumise aux restrictions prévues aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations du public et de l’administration, le CRPA, au rang desquelles figurent la protection du secret en matière commerciale et industrielle, la sûreté de l’État et la sécurité des personnes.

Selon nous, les administrations se conforment à la loi et conduisent systématiquement une analyse fine afin de vérifier à chaque fois le caractère communicable d’un document et les conditions de sa communicabilité avant toute publication. Mes chers collègues, je vous invite vraiment à examiner ce que fait la CADA. Certains trouvent qu’elle ne va pas assez loin, mais, en la matière, elle est d’une extrême prudence.

La communication du code source est donc interdite pour ces motifs. Dans ces conditions, il nous semble superfétatoire de prévoir une réserve supplémentaire. À l’heure de la société numérique, dans laquelle de plus en plus de décisions sont prises par des logiciels, le citoyen doit, plus que jamais, avoir un droit de regard, une lecture, une étude et une recherche d’erreurs en matière de programmation, notamment en ce qui concerne un certain nombre de recettes de la création de logiciels.

Bien que je sois d’un naturel optimiste, je suis très inquiète, car la disposition que nous avons votée est en retrait par rapport aux propositions de M. Frassa, dont j’ai déjà souligné les apports. J’aimerais que l’on cesse de dériver de la sorte. Sinon, autant aller nous coucher très tôt, car c’en sera fini de l’open data et de la loi numérique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Bouchoux, je ne pense pas qu’il faille dramatiser à ce point ! Je ne pense pas non plus que nous irons nous coucher très tôt ce soir… (Sourires.)

Les amendements nos 438 et 181 sont contraires à la position de la commission. Ils tendent à supprimer une précaution que j’estime indispensable dès lors que l’on rend accessibles les codes sources des administrations. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce point.

L’article 1er bis touche aux systèmes de sécurité. Si l’on rend publics les codes sources, les dispositions figurant aux alinéas 2 à 5 sont dès lors indispensables. Les supprimer reviendrait à mettre en cause bien des choses.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.

L’on peut regretter que plus d’exceptions aient été introduites à la communication des codes sources des administrations. En effet, à l’Assemblée nationale, le dispositif voté avait considérablement renforcé la protection du secret industriel et commercial.

En revanche, l’exception introduite par la commission des lois du Sénat sur la lutte contre les infractions nous semble justifiée. Elle donne en effet une garantie aux administrations, qui pourront prévenir efficacement les atteintes à la loi, notamment pour assurer une meilleure protection des biens et des personnes. Je vais vous citer un exemple très concret : la gendarmerie nationale étudie, avec la Direction interministérielle du numérique et des services d’information de l’État, de nouveaux algorithmes pour tenter de prévenir les vols d’automobiles.

Ces exceptions sont raisonnables. Nous veillerons à ce que cet ajout n’entrave ni l’action des organismes publics quant à la publication de leurs codes ni le droit des citoyens à être informés de la façon dont sont prises les décisions qui les concernent.

J’ai demandé au directeur interministériel du numérique et des services d’information de l’État, Henri Verdier, de préparer les outils pédagogiques qui doivent éclairer les organismes publics en ce sens, bien sûr en liaison étroite avec l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANESI.

Le mouvement vers la publication des codes sources publics est en marche. Il constitue un progrès pour l’ouverture des données et la transparence de l’action publique. J’en veux pour preuve la décision récente de l’administration fiscale de publier le code qui permet de calculer l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne souhaitez-vous pas que le chemin à parcourir pour calculer cet impôt soit rendu public ? Avec l’engagement en faveur du logiciel libre de plusieurs grandes entreprises publiques – je pense notamment à la SNCF –, nous accompagnons ce mouvement, qui consiste à ouvrir progressivement les codes sources dès lors que cela ne porte pas atteinte à la sécurité des systèmes d’information ni au secret industriel et commercial. Prenons bien garde à respecter cet équilibre fragile !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 438.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai quelque difficulté à comprendre. En effet, à partir du moment où, en vertu de l’adoption de l’amendement n° 273 rectifié de M. Doligé, le premier alinéa de l'article 1er bis a été supprimé…

M. Éric Doligé. Non ! Il n’a pas été adopté ! J’ai retiré l’amendement n° 273 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. D'accord. Je retire ce que je viens de dire !

En revanche, je tiens à préciser que nous sommes attachés à l’équilibre de l’article 1er bis, lequel a pour effet de rendre transmissibles et publiables les codes sources, tout en fixant des limites liées à la sécurité des personnes et à la sécurité des systèmes d’information.

Il me paraît très clair que nous ne pouvons pas voter la nouvelle rédaction de cet article 1er bis, telle qu’elle est issue de nos travaux.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er ter

Le livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Après l’article L. 300-2, il est inséré un article L. 300-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 300-4. – Toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait, si possible, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » ;

1° Au premier alinéa de l’article L. 311-1, après le mot : « tenues », sont insérés les mots : « de publier en ligne » ;

2° L’article L. 311-9 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu’à l’intéressé en application de l’article L. 311-6. La publication peut être refusée si ces documents n’ont pas fait l’objet de demandes de communication émanant d’un nombre significatif de personnes. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 439, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

, si possible,

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les données mises en ligne sont régulièrement mises à jour. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Au travers de cet amendement, nous souhaitons, tout d’abord, que les administrations qui communiquent ou diffusent des documents administratifs dans un format électronique les mettent systématiquement à disposition du public « dans un standard ouvert et aisément réutilisable », et pas uniquement « si possible », comme l’indique le texte. Nous souhaitons, ensuite, que ces documents soient régulièrement mis à jour.

Comme le souligne l’association Regards citoyens, l’un des piliers de la donnée ouverte, c’est l’absence de barrière technique. Chacun doit être en mesure de pouvoir lire et réutiliser les données publiques sans que lui soit imposé l’usage ou l’achat d’un logiciel particulier. Il s’agit d’une application simple du principe de non-discrimination dans l’accès.

Aujourd’hui, l’administration n’a pas l’obligation d’utiliser un autre logiciel format que celui qu’elle utilise habituellement. Ainsi, certaines administrations utilisent parfois des logiciels propriétaires qui ne peuvent être lus par un logiciel libre, qu’il s’agisse d’un certain nombre de documents de Pôle emploi ou de fichiers d’autres administrations.

Cela fait écho indirectement à l’avis du Défenseur des droits, lequel souligne que « la lisibilité des formulaires et procédures de consultation des fichiers administratifs nécessite un degré de familiarité avec l’outil informatique que plusieurs internautes n’ont pas forcément, exigeant de ce fait la nécessité de penser le support à l’usager dans le recours à l’outil numérique mis en place par l’administration. » La mise à disposition dans un format ouvert et aisément utilisable rejoint, dès lors, les préoccupations d’égalité dans l’accès au droit.

Enfin, une donnée obsolète est une donnée qui n’a plus de valeur. L’obligation de mise à jour systématique participe, selon nous, à la valorisation du patrimoine immatériel de l’État et des collectivités territoriales.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 93 est présenté par Mme Bouchoux.

L'amendement n° 207 est présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, si possible,

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 93.

Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement vise à lever un frein important à la mise en œuvre de la politique d’ouverture et de réutilisation des données publiques.

La mention « si possible » vient limiter l’exercice du droit à communication par la publication et constitue, selon nous, un obstacle à l’accès et à la réutilisation des informations publiques. Nous considérons que les modalités de publication des informations publiques ne doivent pas contenir une telle restriction « si possible ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 207.

M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, dont les dispositions vont rigoureusement dans le même sens, nous voulons éviter les restrictions à l’interopérabilité des données mises à disposition.

La commission a opportunément déplacé, dans un article L. 300-3 nouveau du CRPA, le code des relations entre le public et l’administration, le principe selon lequel toute mise à disposition des documents se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Figurant dans les articles liminaires du livre III du CRPA, cette disposition générique ne doit pas être restrictive, ce qui serait contraire à l’objet du projet de loi en matière de publication de données.

Je conviens, avec la commission des lois, que l’article 5, paragraphe 1, de la directive européenne de 2013 prévoit une obligation de mise à disposition des documents « si possible et s’il y a lieu, dans un format ouvert et lisible par machine, en les accompagnant de leurs métadonnées. » Le paragraphe 2 du même article 5 de la directive dispose que cette mise à disposition ne doit pas entraîner « des efforts disproportionnés ».

Or, s’il faut veiller à ne pas imposer des charges excessives aux administrations, notamment à celles des collectivités locales, assurer cette opérabilité ne représente pas une obligation démesurément lourde. En effet, toutes les administrations sont tenues, depuis 2009, au respect du référentiel général d’interopérabilité prévu par l’article 11 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005.

En conséquence, l’insertion d’un « si possible » marquerait un réel recul par rapport à ce qui est actuellement une obligation. Je pense l’avoir démontré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer une mention introduite par le législateur, sur l’initiative du Gouvernement, lors de la discussion relative à la gratuité et à la réutilisation des informations du secteur public.

Le nouvel article L. 300-4, adopté par la commission, ne fait à cet égard que reprendre la disposition figurant actuellement au deuxième alinéa de l’article L. 321-1 du code des relations entre le public et l’administration. J’appelle donc en premier lieu le Sénat à ne pas défaire ce qui vient à peine d’être fait, et, en second lieu, le législateur de manière générale à être un tant soit peu cohérent et conséquent !

Sur le fond, cette mention reprend la jurisprudence du Conseil d’État – il s’agit d’un arrêt du Conseil d’État en date du 17 février 2010 –, qui a jugé qu’une administration « n’était pas tenue d’enregistrer les documents qu’elle devait communiquer à M. A. à l’aide d’un autre logiciel ou sous un format différent de celui qu’elle utilise. » Elle permet ainsi de ne pas faire peser une charge trop lourde sur les administrations, en particulier sur celles des collectivités territoriales.

Quant à l’argument selon lequel cette mention marquerait un recul par rapport à l’obligation d’interopérabilité née de l’ordonnance du 8 décembre 2005, je tiens à appeler votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le champ d’application de cette ordonnance ne recoupe pas celui des dispositions dont nous parlons, à savoir la loi CADA codifiée.

Par « autorités administratives », l’ordonnance de 2005 entend « les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes gérant les régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou mentionnés aux articles L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif. » Les organismes gestionnaires d’un service public industriel et commercial en sont donc exclus.

Si l’interopérabilité est souhaitable, on peut saluer à cet égard la parution, le 20 avril dernier, de l’arrêté approuvant la version 2.0 de décembre 2015 du référentiel général d’interopérabilité. On ne peut toutefois imposer que tous les acteurs concernés par les dispositions que nous adoptons aujourd'hui changent tous leurs applicatifs du jour au lendemain, ou tout au moins très rapidement.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements, dont les dispositions vont à l’encontre de la position de la commission.