Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Il s’agit là d’un exemple de dialogue de qualité mené avec les parlementaires, en particulier les sénateurs, et la société civile. On n’entend guère ceux dont nous allons parler, mais, sans eux, il n’y a pas de République numérique.

J’aimerais dès à présent remercier Valérie Létard et le rapporteur Christophe-André Frassa de leur implication personnelle dans ce dossier, qui nous a permis de bien avancer.

J’ai souhaité dès le départ – et j’en suis fière – que dans ce projet de loi pour une République numérique figurent des dispositions relatives au handicap, au sein des articles 43, 44 et, désormais, 44 bis, un volet étant entièrement consacré à l’accessibilité.

On s’en doute, cela n’avait au départ rien d’évident, s’agissant d’un texte à dominante économique, émanant avant tout du ministère de l’économie et des finances. C’est la raison pour laquelle ces articles ont été élaborés en étroite collaboration avec Ségolène Neuville, qui nous rejoindra tout à l’heure pour présenter le dispositif nouveau de la carte « mobilité inclusion ».

Aujourd’hui, l’accessibilité numérique est le pendant indispensable de l’accessibilité physique. Sur ce sujet aussi, nous passons du matériel à l’immatériel. Là encore, le numérique peut être un obstacle à l’inclusion, au vivre ensemble, mais si nous embrassons tout son potentiel d’innovation et d’intégration sociale, il sera une formidable chance à saisir pour favoriser l’émancipation, l’ouverture.

Sur ce sujet, les attentes des associations sont grandes, j’en ai bien conscience, et elles sont légitimes. Il faut regarder les choses en face : notre pays n’est pas en avance dans ce domaine ; d’autres ont beaucoup à nous apprendre. J’ai observé les politiques publiques menées au Canada ou dans les pays nordiques, dont nous devons nous inspirer.

Je souhaite que notre pays joue, à l’avenir, un rôle d’éclaireur, qu’il soit exemplaire, qu’il soit d’une exigence sans concessions.

J’ajoute qu’il me semble important de rappeler que nous parlons ici d’accessibilité au sens général : il ne s’agit pas d’une préoccupation concernant uniquement les personnes en situation de handicap. L’article 43 ne vise pas exclusivement les 5 millions de Françaises et de Français sourds ou malentendants ; il vise en réalité les 66 millions de Français, nous tous qui voulons communiquer avec les personnes sourdes ou malentendantes.

L’article 44 ne vise pas uniquement les personnes déficientes visuelles ou aveugles ; il concerne, lui aussi, les 66 millions de Françaises et de Français qui veulent pouvoir communiquer avec elles et accéder à des sites internet ergonomiques, simples, lisibles, adaptés à toutes et à tous, aux plus vieux et aux plus jeunes. Nous sommes en présence d’un enjeu de « littératie » numérique.

La lutte contre les discriminations est quotidienne. Elle avance progressivement, par à-coups, à force de discussions et de débats. Ce fut très précisément le cas pour l’élaboration de cet article 43. Je considère que, dans sa nouvelle version issue des travaux de la commission des lois du Sénat, son dispositif est désormais abouti et cohérent avec celui initialement envisagé par le Gouvernement, qui, certes, devait être amélioré et a largement évolué pour répondre aux attentes de toutes les parties prenantes.

Le mécanisme global, dans son esprit, reste néanmoins le même : il s’agit de répondre à des besoins très concrets des personnes en situation de handicap dans toutes les situations rencontrées dans leur quotidien, c’est-à-dire dans leurs relations avec les services publics et avec les services clients et consommateurs des entreprises, ainsi que dans leurs relations interpersonnelles.

Dans sa nouvelle rédaction, cet article répond aux attentes des associations en élargissant, par la mention des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, le public visé concernant l’offre d’accès aux services téléphoniques des services publics et des grandes entreprises au moyen d’un centre relais téléphonique qui assurera l’interprétariat en langue des signes française – il faut ici rappeler que cette langue est une langue de la République, au même titre que le français –, le codage en langage parlé complété et la transcription écrite, ces trois modes de communication répondant à des besoins variés et distincts.

L’amendement n° 614 rectifié prévoit en outre que cette offre sera proposée sans surcoût pour les utilisateurs. En effet, il n’y a pas de raison de faire supporter le coût du dispositif par ses principaux bénéficiaires : celui-ci doit être mutualisé. Cette absence de surcoût concerne les services téléphoniques publics, ceux des grandes entreprises et les offres des opérateurs.

Concernant les moyens mis en œuvre, nous avons déjà insisté, à l’Assemblée nationale, sur la nécessité d’imposer aux services publics, aux entreprises et aux opérateurs des obligations de résultat, mais aussi d’inciter au développement, dans notre pays, d’une filière économique et industrielle à même de fournir des solutions technologiques adaptées.

Il me semble important de rester dans cette logique, mais, à la suite de l’adoption de l’amendement de Valérie Létard, j’ai compris qu’il fallait préciser la méthode. Nous avons repris l’idée de mettre en place un groupement interprofessionnel. Néanmoins, il ne nous paraît ni logique ni vraiment juste de faire peser le coût et l’organisation des communications interpersonnelles sur les seuls opérateurs de télécommunications : ceux-ci fournissent l’outil, mais il incombe à l’ensemble des parties prenantes de supporter les coûts. J’ajoute que cette solution aurait été très fragile sur le plan juridique, car elle aurait entraîné une rupture d’égalité devant les charges publiques. Par cet amendement, nous proposons que le groupement interprofessionnel mutualise les coûts entre l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les services publics, les entreprises et les opérateurs, et ce sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande à tous d’adopter cet amendement. Afin d’éviter que se répètent les erreurs du passé, que les grandes ambitions affichées en restent au stade des promesses, il faut que tous ensemble vous exprimiez votre soutien à cette mesure politique forte. C’est ensemble que l’on peut vaincre ! (Mme Valérie Létard applaudit.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 657 rectifié bis, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 614

I. – Après l'alinéa 22, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la présente loi, et selon des modalités définies par le décret prévu au VI, le service de traduction mentionné à l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant du I du présent article, fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année, le service de traduction mentionné à l'article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dans sa rédaction résultant du II du présent article, fonctionne aux horaires d'ouverture des services d'accueil téléphonique, et le service de traduction mentionné à l'article L. 224-58-… du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du III du présent article, fonctionne aux horaires d'ouverture des services clients.

II. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je défendrai ce sous-amendement lorsque j’exprimerai l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.

L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. de Nicolaÿ, Mme Cayeux, M. Pellevat, Mme Lamure et MM. Bignon, Vasselle, Husson, D. Laurent et Chasseing, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes et malentendantes » ;

b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;

2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mentionnés aux trois premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »

II. – L’article L. 113-5 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises, dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret, qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Un décret précise les modalités d’application dans le temps du présent alinéa sachant qu’il ne peut prévoir la mise en place de ce dispositif au-delà de cinq années après la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique. »

III. – Après le o du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un p ainsi rédigé :

« p) Un accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de communications électroniques, incluant la fourniture, à un prix abordable au sens de l’article L. 35-1 et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service garantit les conditions de neutralité et de confidentialité mentionnées au b du présent I ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; ».

IV. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété.

V. – Le 2° du I et le III entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi. Le II entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article.

La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 43 permettait de responsabiliser l’ensemble des acteurs économiques en prévoyant l’obligation de rendre accessibles les services clients des entreprises et les services téléphoniques des services publics. S’ajoutait l’obligation, pour les opérateurs de communications électroniques, de proposer une offre de services incluant une prestation de traduction simultanée pour assurer l’accessibilité du reste des communications.

L’amendement adopté par la commission des lois du Sénat a supprimé les obligations à la charge des entreprises et des services publics pour placer sous la responsabilité unique des opérateurs l’accessibilité de l’ensemble des appels émanant de personnes malentendantes. Cela oblige les opérateurs à mettre en place et à financer un centre relais téléphonique national qui prendrait en charge ensemble de ces appels.

Outre que cette mesure semble déséquilibrée et susceptible de porter une atteinte manifeste au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques, un tel centre relais a déjà été expérimenté il y a un peu plus d’un an. Cette expérimentation a été très peu concluante, puisqu’un quart des membres du panel, tous volontaires, n’a passé aucun appel et que la moitié n’a utilisé qu’occasionnellement ce service.

A contrario, un marché de prestations de traduction adaptées animé par des acteurs spécialisés dans les solutions techniques innovantes alternatives a émergé.

Le présent amendement vise à réintroduire l’accessibilité des services téléphoniques des services publics, celle des services clients des entreprises, ainsi que l’obligation, pour les opérateurs, de fournir une offre adaptée, tout en préservant l’encouragement au développement d’applications innovantes.

Mme la présidente. L'amendement n° 56 rectifié ter, présenté par Mmes Deroche et Procaccia, MM. Bouchet et Béchu, Mmes Cayeux et Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lamure, MM. de Legge, Laufoaulu et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Pellevat, Pierre, Pillet, Revet, Vasselle, Delattre, Laménie, César, Chasseing et Husson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;

b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;

2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service de traduction ou le dispositif de communication mentionnés aux deux premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »

II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Service téléphonique d’accueil et d’assistance

« Art. L. 224-58- – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites.

« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 du code de la consommation sont des acteurs économiques au sens du présent article. »

III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :

« Chapitre … : Téléphone et télécommunications électroniques

« Art. 54  – Un accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de traduction simultanée écrite et visuelle à un prix n’excédant pas le tiers du montant mensuel de la prestation de compensation du handicap est proposé par les prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-… du code de la consommation. Cette offre de services garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »

IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article. »

V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes et malentendantes.

VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales. Le III entre en vigueur à une date et selon des modalités fixées par décret, et au plus tard trois ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps cet amendement et l’amendement n° 57 rectifié ter.

L’article 43 a pour objet de développer et de généraliser l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques, ce dont on ne peut que se féliciter.

Sa rédaction initiale prévoyait une répartition de la charge de l’accessibilité entre trois types d’acteurs : les services publics, les entreprises et les opérateurs de télécommunications. À la suite de ses travaux, l’Assemblée nationale avait étendu le champ de cette obligation d’accessibilité à l’ensemble des acteurs économiques du secteur privé en abandonnant toute considération relative au chiffre d’affaires ou à la taille de l’acteur économique concerné.

Il apparaît en effet que les entreprises de petite taille peuvent trouver à s’abonner annuellement à des services de traduction ou de transcription simultanée de la parole pour des sommes relativement modiques, de l’ordre de 70 euros par an.

Le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat refond le dispositif voté par l’Assemblée nationale en instaurant une réponse unique en matière d’accès aux services téléphoniques, par la création d’un centre relais téléphonique universel national.

À nos yeux, une telle solution pourrait contrevenir au principe de libre concurrence garanti par les traités de l’Union européenne, alors qu’un secteur économique innovant se développe et permet déjà d’offrir aux professionnels une accessibilité à un coût réduit. Par ailleurs, la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne interdit le financement par des opérateurs de communications électroniques d’activités qui ne relèvent pas de la stricte mise en œuvre des autorisations générales.

Il est vrai que, par son amendement n° 614 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement de la commission, le Gouvernement propose d’en revenir à la rédaction initiale du projet de loi et à répartir la charge de l’accessibilité. Néanmoins, cet amendement du Gouvernement, même ainsi sous-amendé, présente un certain nombre de faiblesses : il revient tout d’abord sur la généralisation de l’obligation d’accessibilité à l’ensemble des acteurs économiques en réintroduisant un critère de chiffre d’affaires et en limitant l’obligation professionnelle des entreprises disposant déjà d’un numéro de service clients ; il enserre encore l’accessibilité des personnes sourdes pour leurs besoins interpersonnels dans un cadre contraint, puisqu’il est fait mention d’un « usage raisonnable », ce qui heurte le principe même de non-discrimination ; enfin, il institue un groupement interprofessionnel dont la composition comme les missions exactes restent encore imprécises.

C’est la raison pour laquelle nous présentons ces deux amendements, dont le dispositif permet, sans création de charges nouvelles, de respecter l’esprit de la loi de 2005, de réaffirmer l’obligation intransférable d’accessibilité dont la charge doit être équitablement partagée entre État, collectivités, entreprises ou associations relevant des secteurs public et privé et acteurs de la filière professionnelle de transcription et de traduction simultanée de la parole, qui sont, dans nos amendements, substitués aux opérateurs de communications électroniques, de soutenir le développement d’une offre concurrentielle garante de la qualité de service par la filière existante tout en sécurisant un secteur économique innovant, de sécuriser un secteur économique français en plein développement et de permettre, ce faisant, le développement harmonieux d’une accessibilité complète pour les publics concernés, tant pour la prise de rendez-vous par téléphone que lors d’un rendez-vous, et d’adapter les délais d’entrée en vigueur des dispositions.

Les différences entre l’amendement n° 56 rectifié ter et l’amendement n° 57 rectifié ter portent sur le seul III de l’article 43 : le premier prévoit de charger la seule filière des professionnels de la transcription et de la traduction simultanée de la parole d’offrir aux personnes sourdes un accès direct pour leurs besoins interpersonnels pour un prix n’excédant pas le tiers du montant mensuel de la prestation de compensation du handicap ; le second, quant à lui, prévoit la création par le groupement interprofessionnel d’un centre relais téléphonique pour permettre aux publics concernés l’accès au service téléphonique, également pour leurs besoins interpersonnels.

Dans un cas comme dans l’autre, l’accès au service pour les besoins interpersonnels de la personne handicapée n’est pas limité, contrairement à ce que prévoit l’amendement du Gouvernement, même sous-amendé.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié ter, présenté par Mmes Deroche et Procaccia, MM. Bouchet et Béchu, Mmes Cayeux et Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre et de Legge, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Pellevat, Pierre, Pillet, Revet, Vasselle, Delattre, Laménie, César, Chasseing et Husson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;

b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;

2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »

II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Service téléphonique d’accueil et d’assistance

« Art. L. 224-58- – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ».

« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 sont des acteurs économiques au sens du présent article. »

III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :

« Chapitre … : Télécommunications électroniques

« Art. 54 - … – I. – Il est créé un groupement interprofessionnel des prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-… du code de la consommation, dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique pour les besoins interpersonnels. À ce titre, le groupement assure notamment la création et le fonctionnement du centre relais défini au II.

« II. – Un centre relais téléphonique est créé par le groupement interprofessionnel mentionné au I pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication pour leurs besoins interpersonnels sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.

« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français en langue des signes française, la transcription simultanée écrite, le codage en langage parlé complété, ou une communication multimodale adaptée, des appels passés et reçus par les personnes sourdes, malentendantes, ou handicapées de la communication.

« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public.

« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.

« III. – La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné sont déterminés conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. Le centre relais téléphonique garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »

IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.

V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication.

VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales.

Cet amendement a été précédemment défendu.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune et pour présenter le sous-amendement n° 657 rectifié bis.