M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En fait, deux conceptions différentes de ce que l’on peut appeler communément « la succession numérique » s’opposent, deux visions que traduisent, d’un côté, le texte de la commission des lois et, de l’autre, l’amendement présenté, qui rétablit le texte de l’Assemblée nationale.

En commission, nous avons déjà très longuement débattu de ces deux visions, lors de l’établissement du texte.

La succession numérique doit-elle être différente d’une succession « normale » ? Doit-on traiter différemment ce qui a été mis en ligne sur les réseaux et les biens que l’on retrouve dans l’appartement d’un défunt ? Conserve-t-on tout simplement une vie privée après la mort ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il faut l’organiser !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce qui est clair, c’est que le code civil dispose que la vie privée s’arrête avec la vie.

M. Roger Karoutchi. Allons bon ! (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pour certains, il doit en aller autrement. C’est l’esprit dans lequel a été adopté le texte de l’Assemblée nationale. De son côté, la commission du Sénat a retenu une autre vision des choses.

Cet amendement pose plusieurs problèmes de fond.

Son adoption priverait les héritiers du droit d’accès aux comptes numériques du défunt, au nom du droit au respect de la vie privée. Or, comme je viens de le dire, il n’y a plus de vie privée une fois que l’on est mort. (M. Yves Rome hoche la tête en signe de doute.)

Le principe constant du droit civil est que le droit au respect de la vie privée cesse à la mort de l’intéressé, dont les héritiers ont alors le devoir de veiller à protéger la mémoire, ce qui est tout à fait différent.

Le dispositif proposé remet totalement en cause cette construction et crée une césure complète entre la succession numérique et la succession physique. Alors que, dans le monde physique, il appartient à chacun de protéger, par anticipation, ses secrets, dans le monde numérique, le principe serait celui du secret.

Les difficultés pratiques posées par ce dispositif sont nombreuses : par exemple, si le défunt a stocké ses photos de famille sur le nuage – le cloud –, les héritiers n’y auront plus accès, alors que, dans une succession physique, le partage des albums de famille est, bien entendu, possible. De la même manière, le courrier électronique sera inaccessible, alors que les courriers papier sont remis sans problème aux héritiers.

Finalement, à qui profitera cette disposition ? Tout simplement aux opérateurs numériques, qui n’auront plus personne pour surveiller l’usage qu’ils continueront à faire des données personnelles de celui qui n’aura pas pris la précaution de rédiger des directives précises.

Les dérogations prévues en faveur des héritiers seront largement ineffectives : pour demander à accéder à une donnée personnelle susceptible d’être nécessaire pour la liquidation de la succession, encore faut-il savoir que cette donnée existe, ce qui nécessite de pouvoir consulter plus largement le traitement, afin d’identifier ce qui peut être utile. Or les héritiers n’auront pas le droit de procéder à cette consultation plus large…

Le dispositif proposé par les députés débouche sur une impasse, et je regrette que certains veuillent le reprendre ici.

J’ajoute, enfin, que se pose aussi la question du devenir des biens numériques : faut-il estimer que la propriété cesse à la mort de l’intéressé et que rien ne passe alors aux héritiers ?

Réfléchissons bien ici et, surtout, maintenant aux conséquences de ce que nous risquons de voter : rien ne justifie de traiter différemment la mort physique de la mort numérique.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. C’est pourquoi je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Voilà un débat passionnant. J’espère que chacun s’exprimera sur le fond, et que cette question ne sera pas tranchée en fonction des appartenances politiques.

Ce débat porte sur la mort numérique. Monsieur le rapporteur, vous parlez, vous, de « succession numérique ». Pourquoi pas ? Toujours est-il qu’il s’agit de savoir ce que l’on fait des données liées à un individu après le décès de celui-ci.

Dans le monde physique, que se passe-t-il en cas de décès ? Les héritiers ont le droit d’accéder aux informations personnelles du défunt. Comme l’a décidé la Cour de cassation, « la vocation successorale est étrangère au respect de la vie privée ». Voilà la règle. En cas de succession, si aucun vœu n’a été précisément exprimé, le rôle du notaire, en particulier, est de rechercher les biens du défunt, y compris ceux qui étaient liés à sa vie privée, et de les transmettre ensuite aux héritiers qu’il aura identifiés.

Pourquoi cette question se pose-t-elle ici ? Parce que l’on sent bien que le patrimoine, dans la vie physique, diffère du patrimoine dans la vie numérique. Le patrimoine numérique, ce sont les traces que l’on laisse. C’est, par exemple, sur un compte personnel ou un réseau social, des messages que l’on rédige, des photos postées par des amis, des photos personnelles mais pas forcément identifiantes, des achats que l’on effectue, des préférences que l’on émet sur des sites de vente, des avis que l’on écrit… Tout cela, finalement, est lié à la vie personnelle.

Cependant, les héritiers doivent-ils pouvoir accéder à ce patrimoine sans aucune restriction ?

Ce que vise l’amendement, c’est un principe d’interdiction à l’accès aux données personnelles en ligne, assorti d’exceptions. En cela, effectivement, il opère un renversement, aboutissant à une plus grande protection de la vie privée et des données personnelles dans le monde numérique que dans le monde physique, pour les raisons que je viens de décrire.

Ces exceptions sont tout de même liées à la succession. Au moment de liquider la succession, il faut naturellement que les héritiers puissent avoir accès aux informations personnelles liées au défunt et à la fermeture des comptes utilisés couramment par celui-ci.

Pour ma part, je considère que la boîte à chaussures que l’on retrouvait dans le grenier du défunt n’équivaut pas à ce que l’on trouve dans le nuage informatique – le cloud. À moins que la boîte à chaussures n’ait les dimensions d’un container maritime… Il faut donc actualiser la loi Informatique et libertés.

La question qui se pose aussi est celle de notre vision du droit : celui-ci doit-il être statique ou évolutif ? Doit-il, de manière générale, intégrer les pratiques nouvelles ?

Quoi qu’il en soit, il faut encourager les utilisateurs des réseaux sociaux à expliciter leurs intentions. Il faut les encourager à avoir ce que l’on appelle de l’« hygiène numérique », c'est-à-dire à faire le tri dans leurs propres informations, à les supprimer lorsque c’est nécessaire, et, finalement, et c’est le sens de cet amendement, limiter le champ des informations personnelles qui peuvent être transmises aux héritiers au moment de la mort.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Se pose à nous une question de principe essentielle, que notre rapporteur a, de mon point de vue, parfaitement formulée.

Vous avez raison, madame la secrétaire d'État : cette question ne doit nullement être tranchée en fonction de nos appartenances politiques.

Les nouvelles technologies de l’information font naître une sorte de vertige prométhéen, qui nous conduit à réinterroger les règles les plus fondamentales de la vie en société, comme si ces technologies avaient pour effet de les périmer du seul fait que nos contemporains y ont recours massivement. Les générations qui se les sont appropriées plus que les autres ont aussi le sentiment que tout est à construire, que nous sommes entrés dans un monde nouveau qui ne ressemble à aucun des mondes antérieurs.

Je crois, au contraire, que les règles fondamentales de la vie en société, que les droits fondamentaux de la personne humaine, d’une part, n’ont pas eu besoin des nouvelles technologies pour être affirmés et, d’autre part, ne sont pas invalidés par celles-ci. J’en tire la conclusion que dissocier deux régimes distincts de succession en fonction du support matériel de l’objet de la succession introduit une brèche extrêmement dangereuse dans notre droit et un doute interstitiel sur ce que sera le droit de l’avenir.

Je ne pense pas qu’en fixant toutes les règles qui touchent au secret de la vie privée nos anciens aient posé des règles contingentes, qui, aujourd'hui, seraient dépassées par les nouveaux instruments ; au contraire, je les considère comme étant indépendantes de ces instruments.

Chacun d’entre nous a ses secrets. Il lui appartient de les défendre par ses propres moyens.

La règle veut que, à notre décès, tout secret que nous n’avons pas confiné de telle manière que nul ne puisse y accéder soit accessible à nos héritiers. Je ne vois pas pourquoi cette règle pourrait être modifiée pour les seuls secrets conservés sur internet et maintenue, en revanche, pour ceux qui le seraient sur des supports différents des supports électroniques. Il n'y a strictement aucune raison tenant aux droits fondamentaux de la personne d’introduire cette différenciation. Je crains fort que, si nous entrions dans cette voie, nous n’entraînions une dissociation de nos règles fondamentales… Pourquoi ne pas modifier, demain, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en considérant qu’internet l’a périmée ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je mets en garde contre des remises en cause parfaitement latérales de droits fondamentaux.

En l’occurrence, il ne s’agit plus de régir internet ; il s’agit de régir le secret de la vie privée et les règles de la succession, dont je ne vois pas pourquoi elles devraient changer. C'est la raison pour laquelle je souscris totalement à l’exposé très brillant de notre rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. N’étant pas membre de la commission des lois, je n’ai pas assisté à ce débat passionnant sur ce que l’on devient quand on est mort. (Sourires. – M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, s’exclame.) Moi qui espérais des obsèques tranquilles, je constate qu’il n’en sera rien…

Je n’ai pas de boîte à chaussures, madame la secrétaire d'État, je ne sais pas trop ce qui adviendra lors de mon décès. Au reste, je ne suis pas un internaute surdoué…

Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas très bien le débat. Si l’on possède des documents papier que l’on ne tient pas à montrer à ses héritiers, qu’on les détruise ! Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur et le président de la commission. Après tout, personne n’est tenu de vouloir que ses héritiers sachent tout de ce qu’ont été les turpitudes de son existence… Bien évidemment, mes chers collègues, je ne parle pas de mon cas personnel : vous savez que je suis irréprochable. (Nouveaux sourires.)

Ce qui me gêne, dans le dispositif de l’amendement et dans la vision qui l’inspire, c’est ce qu’il adviendra des données personnelles si ce ne sont pas les héritiers qui les récupèrent.

Bien évidemment, l’idéal est de pouvoir faire le ménage avant sa mort, si l’on en a le temps. Sauf que l’on ne reçoit pas forcément de préavis !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Un accident est si vite arrivé… (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Mon successeur sur la liste en serait ravi, mais je crains pour lui que ce ne soit pas encore le moment ! (Nouveaux sourires.)

Sincèrement, je ne sais pas forcément qui sera mon héritier le moment venu, mais, compte tenu du lien qui m’unira nécessairement à lui, je préfère que ce soit lui qui défende mon image et ma mémoire, plutôt que les réseaux sociaux. Pardon de le dire ainsi, mais, une fois que je serai mort, les réseaux sociaux se ficheront éperdument de savoir qui je suis et, si ce qu’ils peuvent récupérer leur permet de faire du buzz, ils le feront à mes dépens ! De cela, je ne veux pas.

Par conséquent, je suis sur la ligne du rapporteur et du président de la commission.

Si l’on reçoit un préavis, il faut faire de l’« hygiène numérique », pour reprendre votre très jolie expression, madame la secrétaire d'État. Sinon, il faut faire confiance à ses successeurs : il est quand même probable qu’ils soient plus favorablement disposés à notre égard que les réseaux sociaux !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, monsieur Karoutchi, je vous remercie beaucoup de vos interventions, qui permettent d’éclairer le débat.

Je ne suis pas certaine qu’il faille accorder à cet amendement des effets aussi importants que ceux que vous avez mentionnés, monsieur le président Bas. Au reste, il n’est pas ici question de modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !

Il s’agit de tenir compte de la réalité numérique pour respecter la mémoire du défunt, au-delà de son décès, lorsque cette personne ou ses héritiers n’ont pas été en capacité de contrôler les informations qui ont pu le concerner.

Pour ma part, je trouve le dispositif de l’amendement protecteur de la mémoire dans l’espace numérique – ce que n’est pas, aujourd'hui, le code civil.

Plusieurs notaires nous ont fait remarquer cette inadéquation entre le droit et les pratiques et demandent qu’y soit mis un terme. Aujourd'hui, ces professionnels se trouvent confrontés à des conflits de conscience : faut-il permettre l’accès à certaines informations que la personne défunte aurait très certainement détruites s’il s’était agi de documents papier ? Quid des informations qui figurent sur les réseaux sociaux, dans un message électronique envoyé parmi des dizaines de milliers d’autres, sur un relevé bancaire dématérialisé, faisant état, par exemple, d’un versement mensuel à un enfant non reconnu et non connu des héritiers ? Autant de situations que la personne défunte aurait pu délibérément cacher de son vivant, ce qu’elle n’a pas été en mesure de faire du fait de la dimension potentiellement « multiplicative » de l’identité individuelle dans l’ère numérique. Il me semble donc fondamental d’adapter notre droit pour répondre à cette situation nouvelle.

Sur ce sujet, nous avons naturellement eu des discussions très abouties avec la Chancellerie, laquelle est favorable à l’introduction de dispositions spécifiques, notamment l’obligation, pour les plateformes, de proposer aux personnes qui s’inscrivent en ligne, notamment sur un réseau social, la possibilité d’exprimer leurs vœux avant le décès physique, ce qui est plutôt une très bonne chose.

La Chancellerie souhaitait ajouter aux exceptions mentionnées, notamment la succession – cet amendement répond donc complètement à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Karoutchi –, une autre exception, liée aux « souvenirs de famille », pour reprendre l’expression jurisprudentielle éprouvée, que l’on pourrait donc étendre à l’univers numérique.

Je pourrais déposer un sous-amendement visant à permettre aux héritiers d’accéder à toutes les informations nécessaires à la décision la plus éclairée possible concernant l’héritage et les successions, puisque c’est, finalement, le but.

Mais faut-il hériter de la totalité de la mémoire du défunt ? Faut-il que le numérique emporte une transparence absolue de la vie après la mort ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame la secrétaire d'État, comme vous l’avez dit en introduction de votre propos, ce débat n’est pas de nature politique. C’est en tant qu’être humain que chacun témoigne de ce qu’il ressent et expose sa conception du sujet.

Tout à l'heure, vous avez utilisé l’expression de « mort numérique », affirmant la préférer à celle de « succession numérique ». Cependant, j’ai noté que, dans vos propos, vous avez mentionné au moins à cinq reprises le mot « succession » !

En fait, ce qui est le plus important dans la mort numérique, ce sont les héritiers numériques, les héritiers de tout ce bien immatériel que l’on lègue – parce qu’il y a, selon moi, un héritage numérique.

Sur ce point, il n’y a pas de combat à mener. Il y a vraiment deux conceptions, qui ne sont pas en opposition, mais entre lesquelles il faut choisir aujourd'hui et qui sont peut-être, à terme, lourdes de conséquences.

Ce qui m’a non pas choqué mais dérangé dans la conception de l’Assemblée nationale, c’est qu’il faille, de son vivant, autoriser l’accès de ses futurs héritiers à tout ce que l’on a mis dans le cloud ou sur un réseau social.

Or, dans le monde physique, ils y auront accès, quoi qu’il arrive. Pour prendre un exemple simple, le jour de mon décès – le plus tard possible, ce à quoi je m’emploie quotidiennement (Sourires.) –, mes héritiers ne me demanderont pas l’autorisation d’aller farfouiller dans mes papiers ni de regarder mes photos qu’ils se partageront entre eux. Et c’est justement la question du partage qui pose problème avec le cloud.

La jurisprudence à laquelle vous faites référence, madame la secrétaire d’État, parle de l’accès aux données numériques, mais ne dit rien du partage. Est-ce à moi, futur défunt, de régler cette question ?

C’est pour cette raison qu’il vaut mieux en rester à notre version, que je préfère à celle de l’Assemblée nationale qui interdit aux héritiers l’accès aux données du défunt, sauf déclaration expresse.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Non, ce n’est pas cela !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Si, madame la secrétaire d’État. Le texte des députés dispose bien que les héritiers n’ont pas accès aux données personnelles du défunt, à ses photos et à tout ce qu’il a pu placer dans le nuage, sauf déclaration expresse contraire.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La question est de savoir ce que l’on fait quand le défunt n’a pas laissé de dispositions !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Dans ce cas, madame la secrétaire d’État, les héritiers n’ont pas accès à ces données. C’est bien le sens de la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. (Mme la secrétaire d’État marque son désaccord.)

La conception de la commission s’oppose à celle de nos collègues députés. Cette nouvelle rédaction de l’article 32 dispose que les héritiers ont accès à toutes les données personnelles du défunt, sauf directive contraire.

Le code civil précise que le droit à la vie privée cesse au moment où l’on s’éteint. Dès lors, si je ne veux pas que mes héritiers aient accès aux données que j’ai placées dans le cloud, je dois m’y opposer de mon vivant en prenant les dispositions nécessaires par anticipation.

La rédaction proposée par les auteurs de l’amendement n° 242 dit exactement l’inverse, à savoir que les héritiers peuvent avoir accès à ces données si le défunt les y a autorisés. Et c’est cette disposition qui me dérange.

Il s’agit vraiment de deux conceptions totalement opposées. Nous souhaitons aligner les successions numériques sur le modèle des successions physiques.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il s’agit d’établir un régime unique !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’en veux pour preuve le fait que les réactions des internautes – je plaide coupable, madame la secrétaire d’État : j’ai jeté un œil sur les réseaux sociaux pendant que vous parliez… – traduisent une certaine incompréhension.

Je ne dis pas qu’une de ces deux conceptions est meilleure et que l’autre est mauvaise. Je dis simplement qu’elles correspondent à des logiques différentes. Nous souhaitons aligner les règles des successions numériques sur celles des successions physiques, ce qui sera aisément compréhensible pour les familles. Nous rapprochons la mort numérique de la mort physique, les règles applicables aux biens immatériels du défunt de celles applicables à ses biens matériels…

La conception retenue par l’Assemblée nationale sera source de problèmes, de malentendus pour les familles. En outre, elle revient à laisser les opérateurs, les plateformes, les réseaux sociaux décider de qui aura droit à quoi, ce qui me met mal à l’aise.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 210 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 136
Contre 210

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 32, modifié.

(L'article 32 est adopté.)

Article 32
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article additionnel après l'article 33

Article 33

(Non modifié)

I. – L’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Lorsque le responsable d’un traitement ne respecte pas les obligations découlant de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut le mettre en demeure de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’il fixe. En cas d’extrême urgence, ce délai peut être ramené à vingt-quatre heures.

« Si le responsable du traitement se conforme à la mise en demeure qui lui est adressée, le président de la commission prononce la clôture de la procédure.

« Dans le cas contraire, la formation restreinte de la commission peut prononcer, après une procédure contradictoire, les sanctions suivantes :

« 1° Un avertissement ;

« 2° Une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues à l’article 47, à l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État ;

« 3° Une injonction de cesser le traitement, lorsque celui-ci relève de l’article 22, ou un retrait de l’autorisation accordée en application de l’article 25.

« Lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure, la formation restreinte peut prononcer, sans mise en demeure préalable et après une procédure contradictoire, les sanctions prévues au présent I. » ;

1° bis Le II est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « peut, après une procédure contradictoire, engager une procédure d’urgence, définie par décret en Conseil d’État, pour » sont remplacés par les mots : « , saisie par le président de la commission, peut, dans le cadre d’une procédure d’urgence définie par décret en Conseil d’État, après une procédure contradictoire » ;

b) Au 2°, la référence : « premier alinéa » est remplacée par la référence : « 1° » ;

2° Au III, les mots : « de sécurité » sont supprimés.

II. – Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 46 de la même loi, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Elle peut ordonner que les personnes sanctionnées informent individuellement de cette sanction, à leur frais, chacune des personnes concernées. »

III. – Au second alinéa de l’article 226-16 du code pénal, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 3° ». – (Adopté.)

Article 33
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Article 33 bis A (supprimé)

Article additionnel après l'article 33

M. le président. L'amendement n° 548 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, n’est pas soutenu.

Article additionnel après l'article 33
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Article 33 bis B

Article 33 bis A

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 122 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Luche, Guerriau et Bonnecarrère, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Lasserre, Longeot, Gabouty et Pellevat.

L'amendement n° 135 est présenté par M. Navarro.

Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 243, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre V de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complétée par un article 43 ter ainsi rédigé :

« Art. 43 ter. – Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par le même responsable de traitement de données personnelles, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales, une action collective de protection des données personnelles peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur.

« Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement mentionné au premier alinéa, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis, soit de ces deux fins.

« Seules les associations ayant pour objet la protection de la vie privée et des données personnelles ainsi que les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation, lorsque le traitement de données personnelles affecte des consommateurs peuvent exercer l’action mentionnée au premier alinéa.

« L’exercice de l’action collective de protection des données personnelles est subordonné à l’accomplissement de démarches préalables auprès du responsable de traitement afin qu’il fasse cesser la violation. »

La parole est à M. Pierre Camani.

M. Pierre Camani. L’article 33 bis A, qui prévoyait la possibilité de procéder à une action collective afin de faire cesser un manquement en matière de données personnelles, a été supprimé par la commission des lois au motif que le dispositif n’était ni légalement assuré ni opportun.

Or nous pensons exactement le contraire. Nous sommes d’autant plus confortés dans cette démarche que nous proposons une rédaction différente de celle qui a été initialement retenue par l’Assemblée nationale afin de tenir compte des observations de notre commission des lois.

Cet amendement rétablit la faculté d’exercer une action collective de protection des données personnelles devant une juridiction civile en vue de faire cesser une violation à la loi Informatique et libertés.

Seules les associations ayant pour objet la protection de la vie privée et des données personnelles, ainsi que les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411–1 du code de la consommation, lorsque le traitement de données personnelles affecte des consommateurs, pourront exercer l’action mentionnée au premier alinéa.

Il s’agit de répondre à la préoccupation de la commission des lois, qui souhaite éviter les procédures abusives. Nous visons bien une atteinte collective, c’est donc un intérêt collectif qui motive l’action.

L’action de groupe est particulièrement indiquée en matière de données personnelles, puisque c’est l’agrégation des données de plusieurs milliers de consommateurs qui en fait la valeur pour les responsables de traitement.

Afin que les actions en justice soient équitables, il est indispensable que le rapport de force entre les parties soit équilibré.

Enfin, cette disposition est soutenue par la CNIL, elle est se révèle complémentaire des prérogatives de cette dernière et elle reprend les recommandations du Conseil national du numérique et du Conseil d’État.