M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, contrairement aux auteurs de la proposition de résolution, je ne suis pas ému par un taux de croissance de 1,2 %, dont rien ne garantit la pérennité, ni satisfait des réponses européennes à une crise venue, certes, des États-Unis, mais rendue européenne par un système financier gorgé de créances douteuses, puis par un mode de construction de l’euro non viable. Cela dit, je tiens à les féliciter sincèrement et chaudement pour leur vigilance et leur clairvoyance.

Le danger qu’ils soulignent est bien réel, les points du débat qu’ils relèvent tout à fait pertinents. Ceux-ci ayant été clairement exposés par Didier Guillaume, il serait inutile de vous les rappeler.

Le groupe du RDSE, unanime, soutiendra donc sans réserve, globalement et dans ses détails, la proposition de résolution qui nous est présentée. Reste à espérer qu’elle sera entendue par le très démocratique comité de Bâle, tellement transparent qu’il en est devenu invisible (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.), ce qui suppose qu’on ne se couche pas sous prétexte qu’« il n’y a pas d’alternative », comme le disait une grande humaniste qui, je le constate, a fait de nombreux adeptes.

M. André Gattolin. Comparaison n’est pas raison !

M. Pierre-Yves Collombat. Tout de même, chers collègues, que signifie cette nouvelle alerte ? Tout simplement que les propriétaires et gardiens du système financier, loin d’avoir tiré les enseignements de la crise, continuent sur la même lancée. Dans le cas d’espèce, les remèdes pour juguler les crises et pour prévenir celles qui risqueraient de se produire sont pires que le mal.

Comme on n’a pas sauvé la Grèce, mais les banques françaises et allemandes installées en Grèce, comme on a réglé la question des faillites bancaires en appelant les déposants à la rescousse sans interdire aux banques de spéculer, il s’agit ici de reporter sur les emprunteurs les risques des prêts immobiliers et, accessoirement, de relancer ce marché en facilitant la spéculation.

Cela a été dit, la pénalisation des prêts à long terme à taux fixes, par rapport aux prêts à taux variables, revient à déplacer le risque des banques vers les particuliers ; elle revient aussi à reléguer à la marge le financement de l’immobilier par l’épargne.

Asseoir l’éligibilité des emprunteurs sur la valeur du bien détenu plutôt que sur leur solvabilité, préférer l’hypothèque au cautionnement sont aussi des invitations à la titrisation, aux produits dérivés qui les suivent et à la spéculation qui va avec.

Comme par hasard, la Commission européenne et la Banque centrale européenne entendent aujourd’hui relancer la titrisation, une titrisation qui, nous dit-on, serait sans risque cette fois, bien évidemment !

M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont vraiment irrécupérables ! À se demander si Vivianne Forrester n’avait pas raison : le système se nourrit des catastrophes qu’il crée.

En tout cas, je souscris pleinement à cette initiative qui prouve que tout le monde ne baisse pas les bras. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. M. Michel Canevet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage largement, avec les membres du groupe Les Républicains, l’objectif des auteurs de cette proposition de résolution : rappeler l’attachement des parlementaires à un modèle français de financement de l’immobilier qui a fait preuve, nous le constatons tous, d’une grande résilience lors de la grande crise financière et qu’il convient à ce titre de préserver.

Cet objectif doit toutefois être concilié avec la nécessité de finaliser le nouveau cadre réglementaire mis en place après la crise, dont l’accord international dit de « Bâle III » constitue l’un des jalons essentiels. La commission des finances du Sénat, consciente des enjeux, a interrogé les services de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, sur les négociations en cours au comité de Bâle pour éviter d’éventuelles mauvaises surprises et mieux appréhender les évolutions futures.

Je tiens tout d’abord à revenir sur l’inquiétude de nos concitoyens, dont la presse s’est fait l’écho, qui considèrent à juste titre que la proportion de 85 % de prêts immobiliers à taux fixe doit être préservée. En France, comme vous le savez, ce sont majoritairement les banques qui supportent le risque de taux, et non les ménages. C’est évidemment une bonne chose, la crise des subprimes ayant rappelé à quel point il est difficile pour les particuliers de gérer ce risque.

Toutefois, notre attachement à ce modèle ne doit pas nous conduire à sous-estimer le risque qu’il emporte pour les banques. Pour rappel, la mauvaise gestion du risque de taux par les caisses d’épargne américaines dans les années quatre-vingt avait coûté plus de 120 milliards de dollars au contribuable américain. Les événements s’inscrivent d’ailleurs toujours dans des cycles, car c’était le plan de redressement des caisses d’épargne américaines qui avait inspiré au ministre Edmond Alphandéry des propositions en vue du sauvetage, à l’époque, du Crédit lyonnais – je ne suis pas certain que la solution de la « bonne » et de la « mauvaise » banque était judicieuse, mais c’est un fait !

Aussi, dans un contexte inédit de taux bas, le comité de Bâle a souhaité renforcer la convergence de l’encadrement prudentiel du risque de taux, suscitant de nombreuses inquiétudes.

Depuis, les négociations ont bien avancé. Nous pouvons être rassurés, mes chers collègues : il n’y aura finalement pas de nouvelle charge en fonds propres imposée systématiquement aux banques françaises. En effet, on peut le constater, les banques européennes respectent toutes les mesures qui ont été prises précédemment lors des accords dits de « Bâle II » et de « Bâle III ». En revanche, les banques américaines s’en dispensent largement.

Pour ce qui concerne les groupes français, il reviendra au superviseur européen d’apprécier au cas par cas l’ampleur de ce risque. Ce compromis nous semble bon, mais nous devrons rester vigilants.

En matière de régulation, il me semble que nous avons fait, en leur temps, tous les efforts nécessaires. Bien sûr, ils ont été coûteux pour le système bancaire français, mais ils ont apporté une garantie à nos concitoyens. Désormais, nous pouvons considérer que le travail a été fait et qu’il est même renforcé à l’échelle européenne.

Une deuxième inquiétude est relative au risque de crédit.

Pour calculer leurs exigences de fonds propres en matière de crédits immobiliers, les banques peuvent, soit retenir l’approche standard déterminée par le comité de Bâle, soit utiliser leur propre modèle interne. Là est, en réalité, le principal enjeu.

M. Richard Yung. C’est en effet très important !

M. Francis Delattre. Nous souhaitons que les banques françaises puissent s’inspirer de leur propre modèle interne, qui a fait ses preuves.

Qu’il s’agisse de l’approche standard ou des modèles internes, d’importantes évolutions sont naturellement en cours.

À l’heure actuelle, le comité de Bâle discute d’une nouvelle approche standard relative au risque de crédit. Sur ce front, je souscris tout à fait aux inquiétudes exprimées ici ou là : il est regrettable que les nouvelles pondérations proposées ne tiennent pas compte du taux d’endettement de l’emprunteur.

Toutefois, gardons à l’esprit que cette approche dite « standard » ne concerne que 15 % des crédits immobiliers octroyés sur le sol français. Ce constat nous conduit à notre véritable motif d’inquiétude face au risque de crédit, à savoir – je le répète – la volonté du comité de Bâle de restreindre l’usage du modèle interne, qui concerne 85 % des crédits immobiliers français.

M. Pierre-Yves Collombat. Forte proportion !

M. Francis Delattre. Là encore, il faut raison garder : pour des actifs similaires, plusieurs études ont mis au jour des variations importantes et non justifiées des résultats des modèles internes employés par les banques. Plutôt que de contester ces dispositifs, mieux vaut renforcer leur harmonisation et leur fiabilité. Ce serait plus opportun !

En revanche, l’idée d’instaurer des planchers impératifs de fonds propres pour faire le lien entre l’approche standard et l’approche interne, par exemple en imposant que le résultat obtenu par le modèle interne représente moins de 90 % de celui qu’aurait dégagé le modèle standard, doit être examinée avec beaucoup de circonspection.

Gardons cette réalité à l’esprit : si les régulateurs ont fortement encouragé le développement des modèles internes, c’est parce que les modèles standardisés donnent souvent des résultats trop frustes et réduisent l’incitation des banques à développer des outils fins de gestion et de suivi des risques. Cela étant, peut-être le Gouvernement pourrait-il nous indiquer quelle position notre pays défend sur ce sujet ?

Avant de conclure, j’évoquerai brièvement un troisième et dernier motif d’inquiétude évoqué par nos collègues, auxquels je m’associe pleinement : il est indispensable que le cautionnement soit reconnu comme un mécanisme équivalent à l’hypothèque.

En la matière, force est de constater que le document de consultation publié en décembre dernier par le comité de Bâle ne fait référence qu’à l’hypothèque, ce qui est regrettable. L’ACPR nous a toutefois indiqué que, dans les faits, les prêts cautionnés pourront être pondérés en fonction de la qualité du garant. Sur ce point, peut-être le Gouvernement pourrait-il également nous fournir quelques précisions ?

Monsieur le secrétaire d’État, ce débat doit nous conduire à poser la question du coût des hypothèques : pourquoi ces dernières sont-elles si chères en France par rapport à d’autres États européens ? Le développement de ce dispositif s’en trouve freiné dans notre pays. Or, pour les banques, l’essor des hypothèques présenterait un véritable intérêt, leur refinancement sur le marché étant beaucoup plus aisé.

En conclusion, il nous semble important que le Gouvernement apporte des précisions face aux différents motifs d’inquiétude invoqués par nos collègues dans leur proposition de résolution.

J’en suis convaincu, il est parfaitement possible de concilier stabilité financière et préservation de notre modèle de financement des crédits immobiliers. Que chacun en soit assuré : à l’instar des membres de la commission des finances, les élus du groupe Les Républicains resteront particulièrement vigilants quant à l’issue des négociations en cours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, au nom du groupe UDI-UC, je tiens à m’associer aux propos que M. Guillaume a prononcés à la suite des nouvelles dégradations subies par les biens matériels de l’État. J’espère que le Gouvernement mettra en œuvre tous les moyens dont il dispose pour retrouver les auteurs de ces exactions.

Cette précision étant faite, je remercie M. Guillaume et, plus largement, les membres du groupe socialiste et républicain d’avoir déposé cette proposition de résolution. En effet, ce texte nous permet de discuter d’une question importante : le crédit immobilier et les conditions dans lesquelles il est possible d’accéder au logement dans notre pays.

Chacun connaît le contexte dans lequel se trouve notre pays en matière de logement. On ne saurait en faire abstraction dans le cadre de cette discussion.

Nul n’ignore que ce secteur ne va pas très bien. En 2012, le Président de la République s’était engagé à ce que, durant son mandat, 500 000 logements soient construits chaque année. L’année dernière, on en a totalisé, sauf erreur de ma part, 387 000. On est donc bien loin des objectifs fixés. On est également bien loin de répondre aux besoins de la population !

Ceux d’entre nous qui sont maires ou présidents d’intercommunalité le savent mieux que quiconque : en matière de logement, les listes d’attente sont extrêmement longues.

M. Charles Revet. Et elles le sont de plus en plus !

M. Michel Canevet. Un effort est nécessaire pour que chacun puisse trouver un logement correspondant à ses attentes. On ne peut supporter plus longtemps de voir des personnes vivre dans la rue, faute de recevoir la moindre offre de logement.

Plus précisément, la présente proposition de résolution porte sur de nouvelles dispositions que le comité de Bâle pourrait adopter.

Avant tout, les élus du groupe UDI-UC se réjouissent que le comité de Bâle existe. Cette instance a été créée il y a plus de quarante ans. Son intervention s’est révélée efficace et opportune face aux crises qu’ont subies différents continents, notamment l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord. La grande crise financière qui a frappé les États-Unis en 2007, avant de prendre une ampleur mondiale, est encore dans tous les esprits. Nous n’avons cessé de la dénoncer depuis lors.

À cet égard, nous pouvons bel et bien louer le comité de Bâle : grâce à la réflexion commune menée par les pays qui le composent, ont été mises en place diverses règles prudentielles qui ont permis à l’ensemble des opérateurs d’être beaucoup plus fiables. Il était nécessaire de restaurer la confiance dans notre système financier. À défaut, on aurait mis en péril l’économie mondiale dans son ensemble et l’économie française en particulier.

Voilà pourquoi je salue les travaux du comité de Bâle, qui ont ensuite été traduits dans les droits nationaux.

Monsieur Guillaume, à ce titre, permettez-moi de vous rassurer. Vous semblez vous inquiéter des conséquences des discussions en cours au sein du comité de Bâle. Mais ce dernier ne fait qu’établir des normes standard. Ensuite, chaque pays doit traduire ces dispositions dans sa législation pour qu’elles deviennent effectivement opposables aux tiers. (M. Richard Yung manifeste sa circonspection.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas si simple !

M. Michel Canevet. Il est bien clair que, si nous ne transcrivons pas, dans notre droit, les mesures décidées à Bâle, ces dernières ne s’appliqueront pas.

De plus, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, l’a clairement expliqué devant la commission des finances : la priorité n’est pas de conclure un accord de Bâle IV, mais de parachever l’accord de Bâle III. Dans ce cadre, l’enjeu, c’est que les banques continuent de travailler en confiance avec l’ensemble de leurs clients.

Cela étant, j’en conviens, les travaux du comité de Bâle peuvent susciter des inquiétudes en France. Notre pays a un réel attachement au logement et à la propriété individuelle. Environ 57 % des Français sont propriétaires de leur résidence principale. Dans le territoire que j’ai l’honneur d’administrer, ce taux avoisine même les 68 %. On le constate clairement, nos concitoyens sont attachés à la propriété de leur logement.

Les politiques publiques mises en œuvre doivent accompagner toutes celles et tous ceux qui veulent devenir propriétaires. Hélas, le taux d’accédants a diminué au cours des dernières années.

M. Michel Canevet. André Gattolin a évoqué, pour le financement des prêts bancaires, une enveloppe d’encours d’un peu moins de 1 000 milliards d’euros, mais il faut savoir que, pour l’essentiel, les crédits immobiliers aujourd’hui accordés dans notre pays sont destinés à des personnes qui sont déjà propriétaires. Les primo-accédants représentent à peu près 16,6 % des bénéficiaires de crédits. Or, je le répète, ce taux n’a cessé de baisser depuis quelques années. Cela prouve bien que des efforts sont nécessaires pour promouvoir l’accès à la propriété.

En France, le dispositif privilégié est le recours au taux fixe. Environ 85 % des crédits octroyés sont assortis d’un taux fixe et l’on ne peut que s’en féliciter. En effet, il faut se méfier des taux variables. Aujourd’hui, ceux qui gèrent des collectivités territoriales mesurent pleinement les conséquences des emprunts dits « toxiques » !

M. Charles Revet. Exactement !

M. Michel Canevet. À une époque où l’inflation était élevée, un certain nombre de particuliers accédant à la propriété ont, à l’instar de telle ou telle collectivité locale, eu recours à des emprunts à taux variables. Par la suite, ces derniers ont parfois connu de très fortes évolutions.

Nous devons absolument conserver ce modèle fondé sur les taux fixes : malgré les incidents que les uns et les autres peuvent subir au cours de leur vie, ce choix est le mieux à même de sécuriser l’ensemble des accédants à la propriété et il garantit le bon fonctionnement de notre système financier.

Je le répète, les membres du groupe UDI-UC voteront cette proposition de résolution, qui a le mérite d’aborder de véritables problèmes ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2012, le secteur du crédit immobilier a connu des moments difficiles dans notre pays. Cette crise a conduit à la mise en place d’un plan de résolution du Crédit immobilier de France, le CIF.

Depuis, vous le savez, le personnel du CIF a payé la facture de la résolution avec un millier de suppressions d’emplois. Les prêts gérés par le CIF ont été placés sous le contrôle des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, les SACICAP, au sein d’une structure d’extinction.

Dans le plan de résolution, malgré le nombre très réduit de défauts de paiement par les emprunteurs, les SACICAP se sont trouvées face à l’absence de dividendes. Certaines d’entre elles ont même été dans l’incapacité de majorer de manière significative leurs fonds propres. Voilà la situation.

Le modèle économique du crédit immobilier en France risque d’être confronté aux évolutions du travail de sécurisation des activités financières engagé par le comité de Bâle. Les recommandations de ce comité, connues sous le nom d’accords de Bâle III, posent en effet la question du devenir de nos organismes de crédit immobilier.

Dans leur version actuelle, les recommandations du comité tendent à durcir les conditions d’attribution des prêts par un établissement à concurrence de la réalité et de la consistance de ses fonds propres.

Par malchance, nos SACICAP seront confrontées jusqu’en 2018 à l’absence ou à la quasi-absence de versements de dividendes par le Crédit immobilier de France, quand elles en sont les actionnaires de référence, dans l’exécution du plan de résolution. En conséquence, il n’est pas possible d’assurer par ces produits financiers essentiels une partie d’un résultat positif susceptible de nourrir ensuite les fonds propres de ces sociétés.

Sauf erreur de ma part, les normes de Bâle III n’ont pas été adoptées aux États-Unis – ce n’est pas un aspect secondaire du sujet. Fondamentalement, elles visent à accroître la part des fonds propres « durs » figurant dans le bilan des établissements de crédit. Dans ce cadre, le noyau dur, c’est-à-dire les fonds propres, doit représenter 4,5 % du total de bilan, auquel s’ajoute un « matelas de sécurité » de 2,5 % supplémentaires. En outre, le comité de Bâle a fixé la limite des engagements de chaque établissement à trente-trois fois le montant de ses fonds propres.

Dans les faits, ce modèle de gestion bancaire tend à favoriser les établissements de crédit susceptibles ou capables de mettre en œuvre un « dégonflement » de leur bilan. Nous avons pu le constater la semaine dernière, avec les précisions apportées par les représentants du groupe Société générale quant à ses activités offshore.

Cette exigence de fonds propres et cette limitation de l’effet de levier, figurant à la base des recommandations de Bâle III, sont évidemment en forte contradiction avec le modèle de distribution de prêts des SACICAP. Ce système est largement fondé sur la proximité entre l’établissement et sa clientèle. À cet égard, il relève du « sur mesure », et la recherche de rentabilité s’y révèle somme toute relativement secondaire.

Pour augmenter ses fonds propres, comment procède aujourd’hui un établissement de crédit ? Quand il a également une activité de dépôt, ce qui, précisons-le, n’est pas le cas des SACICAP, un tel établissement procède à une augmentation du prix de ses services bancaires en vue de financer largement ses coûts de structure. Il accroît la sélectivité de sa politique de prêts et finit ainsi par éviter toute sinistralité.

Dès lors, que peuvent faire les établissements de crédit immobilier de type SACICAP, lesquels ne sont pas des établissements de dépôt ? Accroître la sélectivité des prêts revient en quelque sorte à nier le fondement même de l’activité des sociétés coopératives.

Une autre solution consiste à accroître le rendement des prêts accordés, en les indexant sur l’inflation ou, plus généralement, en les rendant variables. Ce choix revient exactement à pratiquer des méthodes qui, pendant ces trente ou quarante dernières années, ont plongé bien des ménages de notre pays dans de véritables catastrophes, appelant des plans de redressement liés aux sinistres.

Aujourd’hui, la grande majorité des accédants préfèrent des prêts à taux d’intérêt fixes et à mensualités stables, pour ne pas se trouver confrontés aux situations auxquelles exposent les prêts variables.

À cet égard, nous comprenons très bien le sens de cette proposition de résolution.

Nous devons préserver notre modèle de crédit immobilier aux particuliers, lequel n’a rien à voir avec les subprimes américains qui ont provoqué la crise financière de 2008. En la matière, il importe que le Gouvernement fasse preuve d’une détermination plus nette que celle qu’il avait affichée lors du plan de sauvetage du Crédit immobilier de France.

Cet enjeu nous semble d’autant plus important que, avec le regroupement définitif des composantes du logement social en un seul collecteur à vocation nationale, Action Logement, les accédants à la propriété risquent fort de voir leurs éventuels besoins de financement sacrifiés sur l’autel de la régulation budgétaire.

N’ayons pas peur des mots. Avec une participation des entreprises à l’effort de construction placée dans l’orbite directe du budget général et des établissements de crédit immobilier mis dans l’incapacité de travailler et de produire de nouveaux prêts, nous risquons fort de nous retrouver sans les outils nécessaires au financement de l’accession sociale à la propriété. C’est donc tout à fait naturellement que nous approuverons les termes de cette proposition de résolution.

Mes chers collègues, vous pouvez bien sûr compter sur la vigilance des élus du groupe communiste républicain et citoyen pour que la question posée aujourd’hui reçoive les réponses les plus adaptées : celles qu’attendent nos compatriotes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Lenoir applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, mes chers collègues, par cette proposition de résolution, nous nous adressons au Gouvernement, représenté par M. le secrétaire d’État. Mais, nous en avons bien conscience, ce n’est pas le Gouvernement qui siège à Bâle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est la banque !

M. Pierre-Yves Collombat. Le vrai pouvoir !

M. Richard Yung. Au sein de ce comité, qui rassemble les banques centrales, notre pays est représenté par la Banque de France et par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cela étant, nos débats vont dépasser les limites de cet hémicycle et leur écho atteindra le Palais-Royal, d’où il sera relayé vers d’autres cercles.

Notre but, c’est d’aider les négociateurs français. La préparation des accords de Bâle III n’est pas achevée. Elle devrait être conclue pour la fin de l’année.

Or, sur le dossier qui nous occupe ici, à savoir celui de l’immobilier, la France a du mal à trouver des alliés.

Le modèle français a été longuement décrit : je ne reprendrai donc pas cette présentation. Je souligne simplement que ce dispositif fait l’objet d’une offensive forte menée par divers pays, notamment par les États-Unis. À cet égard, nous devons l’énoncer clairement : l’opinion française n’est pas prête à voir bouleverser un système dont les qualités ont été rappelées.

Au demeurant, c’est là un des problèmes généraux des négociations menées par la Banque des règlements internationaux, la BRI, et au sein du comité de Bâle. Les États-Unis sont très organisés et défendent des positions fortes. A contrario, l’Europe se présente en ordre dispersé. Ses différents pays se rendent à Bâle de manière isolée. L’Union européenne fait peu entendre sa voix, alors qu’elle pourrait et devrait jouer un rôle de catalyseur. En conséquence, les positions anglo-saxonnes – et ce n’est pas là un propos dirigé contre les Anglo-saxons – occupent une place prédominante.

En outre, cette discussion relative au financement de l’immobilier implique d’autres débats qui poseront sans doute problème, notamment pour la France.

Je pense, entre autres sujets, à la question des ratios.

En la matière, les États-Unis souhaitent remanier de fond en comble différents dispositifs en vigueur, notamment le système des ratios de fonds propres. Ils estiment que les mesures existant en Europe ne sont pas suffisantes. Ils font valoir que les banques américaines se sont vu imposer des ratios plus élevés. Encore faut-il préciser qu’aux États-Unis ces normes sont limitées aux sept ou huit plus grandes banques, dites « banques systémiques ». Tout le reste du système bancaire y échappe. À l’inverse, l’Europe a adopté le modèle de la banque universelle. Nous avons donc intérêt à défendre nos positions de manière vigoureuse.

J’ajoute que les États-Unis, vertueux, comme chacun sait, appliquent les règles prudentielles de Bâle quand celles-ci les arrangent, et qu’ils ne les appliquent pas quand elles ne les arrangent pas.

M. François Marc. Bref, ils les appliquent prudemment… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Richard Yung. Cependant, personne ne leur fait la moindre réflexion. D’ailleurs, aucune autorité n’est en mesure de leur dire quoi que ce soit à cet égard. On ne peut aller jusqu’à affirmer que ces questions sont traitées de manière informelle. Mais, comme un intervenant l’a rappelé, elles relèvent dans certains cas du G20, dans d’autres du comité de Bâle. Nous sommes donc face à des méthodes de gouvernance assez floues, voire peu transparentes.