M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le bilan de l’application des lois suivies par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable fait, lui aussi, apparaître les grandes tendances mises en avant par les autres commissions permanentes du Sénat : une amélioration dans la mise en application des lois, avec une progression de la plupart des indicateurs qui permettent d’en rendre compte ; un délai moyen devenu plus raisonnable pour la parution des décrets d’application, et un point noir, déjà souligné, à savoir le taux nettement insuffisant de remise des rapports demandés par le Parlement au Gouvernement.

Cette année, nous avons plus particulièrement relevé trois points positifs.

La loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, seule loi relevant de notre compétence promulguée cette année, a été entièrement et rapidement appliquée par le Gouvernement. C’était nécessaire, et nous nous en félicitons.

Autre motif de satisfaction : l’amélioration du taux d’application des lois plus anciennes suivies par la commission, grâce à la publication de 18 décrets en Conseil d’État, de 8 décrets simples, de 16 arrêtés et d’une ordonnance.

C’est nettement plus satisfaisant que l’an dernier, où nous n’avions relevé que 15 mesures d’application.

Enfin, mais c’est la moindre des choses, aucune des lois suivies par notre commission depuis dix ans n’est aujourd’hui totalement inapplicable : chacune d’elles a fait l’objet d’au moins une mesure réglementaire d’application.

Voilà pour les points positifs, mais, comme les années précédentes, plusieurs motifs d’insatisfaction demeurent. J’en développerai deux.

Tout d’abord, près du tiers des lois relevant des domaines de compétence de la commission attendent encore une ou plusieurs mesures d’application. Sur les 36 lois suivies dans le cadre de notre bilan, 10 ne sont encore que partiellement applicables, et la moitié d’entre elles seulement ont fait l’objet d’une nouvelle mesure d’application au cours de la période. C’est évidemment insuffisant !

De même, nous déplorons, cette année encore, la lenteur de remise des rapports demandés au Gouvernement : au cours de l’année parlementaire 2014-2015, seuls 3 rapports intéressant notre commission ont été déposés au Sénat.

Pour illustrer cette lenteur, je vous rappelle que le rapport sur les impacts de l’autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes, daté de mai 2015 par ses auteurs, n’a été reçu à la commission que le 9 mars 2016, alors que la loi exigeait sa remise avant le 31 décembre 2014 !

Avant de terminer mon propos, je voudrais insister sur quelques textes emblématiques suivis par notre commission. Je réserverai néanmoins pour le débat prévu à la suite de celui-ci mes commentaires sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d’autant que Jean-Claude Lenoir en a parlé.

Je souhaiterais insister sur la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur. La publication de l’ensemble des mesures réglementaires attendues a été effectuée rapidement, ce qui a rendu ce texte totalement applicable. C’est un point positif !

Nous avons même eu la satisfaction d’obtenir le rapport qui avait été demandé, mais, malheureusement, celui-ci ne comporte pas tous les éléments que nous avions souhaités à l’article 3 : il manque des éléments sur l’évolution de l’offre de taxis dans les métropoles et des propositions de pistes de réforme concernant la procédure de délivrance des autorisations.

Ensuite, j’aborderai la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire. Si la quasi-totalité des textes réglementaires d’application ont été pris, il reste encore trois dispositions importantes et sensibles à mettre en œuvre.

En premier lieu, et c’est malheureusement d’actualité, nous attendons toujours le « décret-socle » inscrit à l’article 17, qui doit fixer les règles relatives à la durée du travail dans les entreprises ferroviaires et d’infrastructures. Un projet de décret a été transmis au Conseil d’État au mois de mars, et sa version définitive doit impérativement être publiée avant le 1er juillet, date à laquelle le régime de travail actuel deviendra caduc.

Il y a donc urgence !

Au-delà des textes réglementaires d’application, il faut également signaler le retard pris dans la conclusion des contrats-cadres devant être signés entre l’État, d’une part, et les trois établissements publics industriels et commerciaux du groupe public ferroviaire, d’autre part.

Or ces contrats de performance sont déterminants pour que l’État exerce effectivement son rôle d’État stratège et que la trajectoire financière de ces EPIC, en particulier celle de SNCF Réseau, soit davantage maîtrisée et prévisible.

Ces contrats ne seront vraisemblablement pas conclus avant l’année 2017. Ils doivent en effet être précédés d’un rapport stratégique d’orientation, dont le Haut Comité du système de transport ferroviaire n’a toujours pas été destinataire…

Je terminerai en évoquant la loi du 17 décembre 2009 relative la lutte contre la fracture numérique, qui reste emblématique du non-respect de la volonté du législateur. En effet, son taux d’application n’évolue malheureusement pas. Le décret devant fixer les critères d’attribution des aides du Fonds d’aménagement numérique des territoires et l’alimentation de ce fonds n’a toujours pas été pris et ne le sera vraisemblablement jamais, le Gouvernement ayant fait le choix de mettre en place un autre dispositif, à travers un fonds national pour la société numérique.

Je ne peux que regretter ce choix, qui marque une intention délibérée des gouvernements successifs de ne pas respecter la volonté du législateur en la matière.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai en évoquant à mon tour quelques chiffres.

Sur les 106 mesures attendues, 83 sont parues, soit 80 %, mais seulement 40 % ont été prises dans le délai réglementaire de six mois. Les lois de finances sont toujours votées dans des délais très brefs ; il est dommage que les mesures d’application ne soient pas soumises à un calendrier aussi serré.

Nous contrôlons l’application des lois votées par le Parlement, mais la législation financière se fait de plus en plus par ordonnance, en particulier lorsqu’il s’agit de transposer des directives.

J’ai constaté que, si 8 projets de loi ont été déposés pour ratifier les 10 ordonnances prises sur le fondement des habilitations données par la loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne du mois de décembre 2014, aucune ordonnance n’a été ratifiée à ce jour. L’une d’entre elles le sera bientôt ; c’est celle qui transpose en droit français tout le dispositif de l’Union bancaire, du mécanisme de résolution unique et de la garantie des dépôts. La procédure retenue a été celle d’un amendement déposé par le Gouvernement au projet de loi « Sapin II ».

Nous contrôlons aussi la remise des rapports demandés au Gouvernement. Je voudrais le rappeler, si les parlementaires demandent des rapports, ce n’est pas toujours pour le plaisir ou pour contourner l’article 40 ; c’est parce qu’ils considèrent que les lois ou les politiques publiques doivent faire l’objet d’évaluations, afin, au besoin, d’être améliorées.

La commission des finances travaille beaucoup cette année sur les questions de fraude, d’évasion ou d’optimisation fiscales internationales. Le projet de loi « Sapin II », que nous examinerons bientôt, nous amènera à poursuivre notre effort, puisqu’il comporte des dispositions transposant dans notre droit interne des recommandations du projet BEPS, pour Base Erosion and Profit Shifting, de l’OCDE.

À cet égard, il nous aurait été particulièrement utile de bénéficier depuis le début de l’année des deux annexes au projet de loi de finances relatives, pour l’une, au fonctionnement de notre réseau de conventions fiscales et, pour l’autre, à la mise en œuvre par l’administration fiscale des divers outils permettant de lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. Nous avons interrogé publiquement le ministre du budget et des représentants de l’administration fiscale, qui nous ont promis ces documents dans les meilleurs délais. Nous attendons encore…

À l’inverse, il arrive que des rapports fournissent des informations utiles au travail législatif. La loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence prévoyait, à la demande du Sénat, la remise d’un rapport au mois de mai 2016. Une lecture attentive de ce document nous a permis, à M. le rapporteur général et à moi-même, d’identifier des difficultés dans la mise en œuvre de cette loi ; certaines ne pourront être résolues que par de nouvelles modifications législatives.

Ainsi, le montant cumulé des contrats collectifs de retraite non réglés après la cessation d’activité du bénéficiaire est particulièrement élevé, jusqu’à 7 milliards d’euros selon les estimations de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Cela montre que le phénomène a été fortement sous-estimé jusqu’à aujourd’hui.

Je conclurai en constatant, de manière assez banale, que l’absence de publication des mesures réglementaires peut porter préjudice à la mise en œuvre de réformes attendues.

À trois jours du début de l’Euro, je prendrai l’exemple de l’article 67 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, qui a réformé la taxe de séjour, et à la suite duquel un décret a prévu la publication, le 1er juin et le 31 décembre, d’un fichier informatique reprenant les informations relatives à la taxe de séjour dans toutes les communes l’ayant instaurée.

Il s’agit notamment de permettre aux plateformes de type Airbnb, qui peuvent désormais collecter la taxe de séjour pour le compte des logeurs, de mettre en place ce système de manière simple pour chaque commune, sans avoir à se procurer toutes les délibérations une à une. Aujourd’hui, Airbnb ne collecte la taxe de séjour qu’à Paris et à Chamonix ! Les modalités de ce fichier doivent être précisées par un arrêté… qui n’est toujours pas paru.

Par conséquent, les communes ne bénéficieront pas autant qu’elles l’auraient pu des recettes liées à l’organisation de l’Euro 2016. Afin de limiter les inconvénients d’une telle situation, le ministère de l’intérieur a toutefois mis en ligne les délibérations scannées des communes qui les ont transmises.

Telles sont les quelques observations que je voulais formuler. Je remercie particulièrement M. le président du Sénat et M. le président Claude Bérit-Débat de leur investissement en faveur de la bonne application des mesures votées par le Parlement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, commission dont l’intitulé démontre bien l’ampleur des missions. (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le rapport très instructif de M. le président de la délégation du Bureau, Claude Bérit-Débat ; son exhaustivité me permettra de faire preuve de concision, puisque je n’ai pas besoin de revenir sur le détail de tous les textes.

Au vu du bilan que nous avons établi au sein de la commission des lois, il reste à mes yeux de très importantes marges de progrès pour assurer la bonne application des lois.

Certes, nous avons déjà enregistré des progrès. Mais l’objectif annoncé depuis 2012 d’un taux d’application des lois de 100 % six mois après leur promulgation est loin d’être atteint. En 2014-2015, 75 % des mesures réglementaires prévues ont été prises. C’est la vieille histoire du verre aux trois quarts plein ou au quart vide. Il reste tout de même un quart des mesures à prendre, ce qui est beaucoup trop.

Au demeurant, cette proportion doit être fortement nuancée. D’abord, la dimension qualitative des mesures prises est évidemment plus difficile à évaluer. Ensuite, il y a un certain nombre de mesures « secondaires ». Surtout, six mois après la fin de la session, des mesures ne sont toujours pas prises.

Il faut noter que le recours à la procédure accélérée s’est particulièrement intensifié cette année ; il serait d’ailleurs intéressant d’analyser le rapport entre le recours à cette procédure et la vitesse d’application des textes…

L’usage de la procédure accélérée était moins fréquent lors des deux sessions précédentes ; il est nettement reparti à la hausse dans la période récente. Près de 80 % des textes promulgués au cours de la session sont concernés. Cela représente en réalité 91 % des projets de loi et, fait à souligner, également 57 % des propositions de loi.

Certes, on peut comprendre que le recours à cette procédure puisse parfois se justifier par l’urgence qu’il y a à légiférer. Mais force est de constater que son utilisation est désormais devenue quasi systématique. Je souligne le contraste qui existe parfois entre le bref délai laissé au législateur pour légiférer et la célérité moindre du Gouvernement pour appliquer les textes ainsi votés…

Je centrerai mon propos sur plusieurs points importants.

D’abord, la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures couvre un vaste éventail de sujets en matière de droit civil et de procédure pénale. Les dispositions réglementaires requises pour son application sont peu nombreuses. Mais nous pouvons constater que l’administration n’a aucune hâte à appliquer les lois de simplification… Plusieurs dispositions de cette loi avaient été jugées inapplicables par le Sénat ; il se trouve qu’elles n’ont pas été appliquées.

Dès lors, on peut se dire que les difficultés d’application devraient rétroagir sur notre manière de légiférer et qu’il y aurait parfois intérêt à être plus attentif aux mises en garde des rapporteurs du Sénat.

Je pense notamment à la réforme de l’enseignement des auto-écoles. Nous avions souligné qu’il n’y avait pas de pertinence à faire former des candidats au permis de conduire par des maîtres n’ayant pas eux-mêmes achevé leur formation. Nous n’avons pas réussi à trouver la disposition d’application de cette nouvelle règle.

Idem pour la création du tribunal foncier en Polynésie française. Nous nous demandions comment le représentant du Gouvernement de la Polynésie française pourrait intervenir dans chaque affaire de terres. Pour l’instant, il n’intervient dans aucune, puisqu’on n’a pas réussi à prendre le décret d’application.

Je souhaite également évoquer la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. La comparaison entre le temps parlementaire et le temps exécutif n’est pas à la faveur de ce dernier. Pour l’application de cette loi, la parution des textes réglementaires a été beaucoup plus lente que la cadence à laquelle nous avons dû conduire le débat législatif. Heureusement, pratiquement tous les décrets sont publiés aujourd'hui.

Je terminerai en évoquant les aspects qualitatifs. Parfois, une dynamique d’application des lois se crée en s’écartant des objectifs du législateur, non pas à partir de textes réglementaires, mais du fait d’une doctrine d’application mise en œuvre par les préfets.

C’est notamment le cas pour l’application des dispositions relatives aux intercommunalités de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Les arrêtés de périmètre prévoient en zone rurale le regroupement de plus de 50 ou 100 communes, voire plus, alors que la loi n’a prévu aucun instrument juridique pertinent pour permettre le bon fonctionnement de telles intercommunalités. Résultat : le législateur devra de nouveau intervenir pour apporter des solutions indispensables à ces difficultés ; l’enjeu est essentiel pour la démocratie locale.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, il est important que la commission des affaires européennes puisse s’exprimer dans ce débat ; je vous remercie de l’avoir permis.

L’attachement traditionnel du Sénat au suivi de ses travaux législatifs se retrouve aussi en matière européenne. Nos collègues y sont légitimement très attachés.

Le 3 mars dernier, la commission a ainsi adopté un rapport d’information qui fait le point sur les différentes positions européennes de notre Haute Assemblée. Ce débat requiert toutefois que je concentre mon propos sur les résolutions européennes adoptées sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution et adressées au Gouvernement.

Entre le 1er octobre 2014 et le 11 février dernier, le Sénat a adopté 17 résolutions européennes, dont 10 sont issues d’une proposition de résolution de notre commission, et 7 d’une initiative d’un ou plusieurs de nos collègues ; 7 ont donné lieu à un rapport d’information de notre commission, et 10 à un rapport d’une commission législative ; 3 ont été l’occasion d’un débat en séance publique.

Les modalités de suivi des positions européennes du Sénat recouvrent une variété de méthodes.

Il y a d’abord les fiches de suivi établies par le Secrétariat général des affaires européennes, ou SGAE. Elles sont le plus souvent, je dois le dire, très complètes et de grande qualité ; mais elles sont généralement communiquées trop tardivement. Cela ne permet pas d’en tirer le meilleur parti. Surtout, et en dépit de nos critiques passées à cet égard, ces fiches continuent de ne concerner que des résolutions portant exclusivement sur des actes européens de nature législative. Elles laissent ainsi de côté d’autres résolutions, pourtant significatives, comme celles sur la réforme de la gouvernance de l’Internet, la lutte contre le terrorisme ou l’union des marchés de capitaux.

Mais il existe d’autres modalités de suivi, en particulier lorsque le sujet est d’une grande importance. Je pense par exemple au groupe de travail sur les négociations du traité transatlantique ou aux communications que nous présentent nos rapporteurs sur les évolutions intervenues sur tel ou tel texte à Bruxelles. Notre commission s’est livrée à cet exercice à six reprises depuis le 1er octobre 2014, y compris en présence du rapporteur du Parlement européen.

Le rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations conduisant à l’élaboration de la législation européenne et, par conséquent, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.

Nos résolutions constituent un instrument efficace dans l’établissement d’un véritable dialogue avec le pouvoir exécutif. De fait, les positions arrêtées par le Sénat ne restent pas lettre morte.

En fonction des suites qu’elles ont reçues, les résolutions européennes du Sénat peuvent être classées en trois catégories.

Première catégorie, dans plus de la moitié des cas, nos résolutions ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif. Je peux mentionner le règlement des différends dans le cadre du traité transatlantique, les médicaments vétérinaires, le PNR européen – cela nous a demandé beaucoup de temps, mais nous y sommes parvenus –, le plan Juncker, le paquet « Mieux légiférer », la pêche au bar, les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire ou encore les importations de sucres, avec les enjeux afférents pour nos collectivités d’outre-mer.

Deuxième catégorie, dans près de 30 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies, par exemple sur le paquet « déchets », sujet sur lequel notre collègue Michel Delebarre s’est particulièrement investi – vous devinez les implications pour les collectivités locales –, le programme de travail de la Commission pour 2015, la lutte contre le terrorisme, la stratégie européenne du numérique et le secteur laitier.

Troisième catégorie, le Sénat n’a pas obtenu satisfaction jusqu’à présent dans environ 20 % des cas. Trois sujets précisément nous interpellent : la gouvernance mondiale de l’Internet, l’expression des parlements nationaux lors du renouvellement de la Commission européenne et l’union des marchés de capitaux.

Vous le voyez, le bilan est très largement positif, le Sénat étant entendu dans 80 % des cas. Pourtant, le suivi de nos résolutions européennes pourrait être encore amélioré.

Le SGAE s’est montré ouvert à plusieurs propositions que je lui ai faites en ce sens. Il pourrait nous adresser ses fiches de suivi avec plus de régularité, afin qu’elles visent moins à dresser un bilan qu’à permettre un dialogue. Ces fiches pourraient aussi être établies non plus juste après l’accord politique sur un texte, ce qui en reporte l’échéance éventuellement fort loin, mais de manière intermédiaire, pour faire un point sur l’évolution des négociations.

Nous demandons depuis longtemps que ces fiches portent aussi sur des résolutions ne faisant pas l’objet d’un acte ; le SGAE a évoqué une telle avancée, notamment lorsque notre résolution concerne des négociations internationales.

De même, M. le secrétaire d’État aux affaires européennes m’a donné son accord pour faire le point régulièrement devant la commission. Il serait aussi très pertinent d’auditionner le ministre concerné en commun avec la commission permanente compétente, avant les réunions du Conseil abordant des questions ayant fait l’objet d’une résolution européenne.

Le message est donc passé auprès tant du SGAE que du secrétaire d’État aux affaires européennes ; il a été entendu.

Enfin, le suivi de nos résolutions doit également, me semble-t-il, permettre de faciliter le bon déroulement de la transposition des directives. L’an dernier, le Conseil d’État avait publié une étude intitulée Directives européennes : anticiper pour mieux transposer.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Ce document comporte des développements sur l’amélioration de l’information du Parlement tout au long de la négociation. Il était ainsi proposé de réunir une fois par semestre, au niveau politique, un comité de liaison pour échanger sur la programmation des travaux législatifs de transposition. Cela permettrait de faire le point sur les négociations en cours. Les rapporteurs des résolutions européennes auraient toute leur place dans cette enceinte et pourraient ainsi informer notre commission.

M. le président. Monsieur le président de la commission des affaires européennes, je salue cette première.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du rassemblement démocratique, social et européen.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année depuis 1971, le débat consacré au bilan d’application de la loi est aussi l’occasion pour nous de réfléchir sur nos méthodes de travail.

Au-delà des aspects quantitatifs de la mise en œuvre, l’application de la loi est inextricablement liée à sa qualité ; personne ne le contestera.

Mieux légiférer, c’est un souci qui traverse toutes les institutions chargées de pouvoirs normatifs, y compris les institutions européennes. D’ailleurs, elles sont récemment parvenues à un accord interinstitutionnel à cet égard.

La défiance qui anime de nombreux citoyens est un motif supplémentaire pour conduire une réflexion approfondie sur notre capacité à légiférer, si possible à bon escient – chacun sait que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires –, puis à faire appliquer des normes dans des délais raisonnables. Mais on se saurait confondre vitesse et précipitation.

Le contrôle de l’application des lois est absolument nécessaire pour le Parlement. À long terme, retarder l’entrée en vigueur de dispositions annoncées, donc attendues par les citoyens, contribue à affaiblir la loi et la parole publique. Il est donc impératif de poursuivre les efforts qui sont les nôtres dans l’usage de nos prérogatives de contrôle en la matière. Sans les textes d’applications qui s’imposent, une loi adoptée par le Parlement et promulguée par le président de la République risque de demeurer lettre morte.

En tant que parlementaires, nous disposons de peu de moyens juridiques pour lutter contre les retards de publication de textes d’application. Mais il est positif de constater la multiplication de comités de suivi destinés à surveiller les effets d’un texte après son adoption.

Certaines dispositions méritent, en effet, une vigilance particulière en raison de la menace qu’elles présentent pour les libertés – c’est le cas de l’état d’urgence, monsieur le secrétaire d’État – ou de la complexité de leur exécution – la refondation de l’école, par exemple.

Le déficit d’information est également une problématique récurrente. Malgré nos précédentes mises en garde, nous ne pouvons que regretter que le taux de communication de rapports d’origine gouvernementale n’ait pas augmenté depuis la dernière session puisqu’il stagne autour de 60 %.

À première vue, selon les estimations de notre excellent rapporteur, l’augmentation du taux de parution des décrets d’application pris lors de la session parlementaire 2014-2015, qui porte à 80 % le taux de parution pour la XIVe législature, est une évolution réjouissante. La réduction à moins de six mois du délai moyen de parution des décrets d’application procède du même effort gouvernemental.

Toutefois, ces résultats cachent des disparités entre les textes et ne permettent pas, à eux seuls, d’apprécier la mise en œuvre effective des dispositions adoptées par le Parlement lors de cette législature.

Les auteurs du rapport annuel soulignent que le taux de publication des décrets d’application n’est pas un indicateur suffisant pour juger de l’opérabilité d’un dispositif. Il arrive en effet qu’une loi soit appliquée sans que les mesures d’application n’aient été prises. Dans d’autres cas, les mesures d’application sont décrétées, mais la mise en œuvre se heurte à des difficultés sur le terrain.

Paradoxalement, ces bons résultats quantitatifs interviennent à l’issue d’une session qui a été marquée par un phénomène que l’on pourrait qualifier de « densification législative ». Le nombre de lois examinées a diminué, mais leur taille moyenne a augmenté, tout comme la part des textes d’origine gouvernementale. Il s’agit de lois conçues comme des grands ensembles. Cela présente l’avantage de la cohérence : en embrassant l’ensemble des aspects du sujet, le législateur cherche à maîtriser toutes les conséquences des nouvelles dispositions. Cependant, lorsqu’elle est conjuguée à la procédure accélérée, cette pratique réduit considérablement les temps d’examen et d’amendement parlementaire, et le risque de la « loi fourre-tout » n’est jamais bien loin.

Au-delà de l’inflation législative qui en résulte, l’absence de deuxième lecture nous contraint à une très grande réactivité dans des délais particulièrement courts. Il est donc très décevant de constater que l’urgence qui justifiait la mise en œuvre de la procédure accélérée disparaît parfois au moment de la publication des mesures d’application de ces mêmes textes !

Au-delà de ces remarques générales sur l’évolution de l’examen et de l’application des lois, je voudrais également insister sur quelques dispositions plus précises.

À l’heure de leur application, certains textes semblent souffrir de leur gigantisme, sans que l’on puisse discerner clairement les causes réelles des retards de publication observés. On parle beaucoup de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, parue au Journal officiel il y a plus de deux ans, qui nécessite encore un très grand nombre de mesures d’application pour produire tous ses effets. Il ne s’agit cependant pas d’un cas isolé, puisque la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, promulguée en octobre 2014, connaît les mêmes difficultés de mise en œuvre.

Pour les thèmes qui ont accaparé l’actualité lors de la session précédente, les retards de publication de décrets d’application sont moindres, mais parfois préoccupants. S’agissant de la loi relative à la réforme du droit d’asile, parue il y a bientôt un an, plusieurs décrets en Conseil d’État se font toujours attendre pour permettre sa pleine application. De même, il est étonnant de constater que le décret relatif à la détermination des modalités et des conditions d’échanges d’informations entre les services de renseignement et les autres autorités administratives ne soit pas encore paru, alors que le Gouvernement justifie la prorogation de l’état d’urgence par la menace terroriste…

Enfin, les retards n’épargnent pas les décrets d’application de textes d’origine parlementaire, quand bien même ils concernent des dispositions très attendues par nos concitoyens. Il s’agit, par exemple, du décret simple visant à préciser les conditions d’intervention de l’inspecteur du travail lorsqu’il constate qu’un stagiaire occupe un poste en méconnaissance de dispositions du code du travail.

Logement, agriculture, réfugiés, sécurité, emploi : tous ces textes ont des implications très concrètes sur la vie des Français. Au nom du groupe du RDSE, je souhaite donc alerter le Gouvernement sur les retards constatés s’agissant des mesures d’application, retards que rien ne semble justifier, d’autant moins que les mesures sont souvent très attendues sur le terrain par les acteurs concernés.