M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, tout au long du débat parlementaire, et malgré les efforts déployés par le Sénat pour parvenir à un texte équilibré et consensuel, le Gouvernement aura refusé de revenir sur l’erreur stratégique de la loi de « transition énergétique », c’est-à-dire la promesse électorale du candidat Hollande faite aux écologistes de réduire la part du nucléaire à 50 % du mix électrique à l’horizon de 2025.

M. Jean-Claude Lenoir. Il est mal récompensé aujourd'hui !

M. Ladislas Poniatowski. Dès lors qu’un tel couperet était maintenu pour des raisons purement idéologiques, plus aucun accord n’était possible.

Nous l’avions dit à l’époque, et les faits ne nous ont pas démentis depuis : un tel objectif est non seulement néfaste en termes de compétitivité, d’indépendance énergétique comme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi parfaitement irréaliste, comme l’attestent les reports successifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE.

En réduisant d’environ un tiers la production nucléaire, ce sont entre dix-sept et vingt réacteurs qui devront être fermés dans les dix ans, avec des effets désastreux en termes d’emplois, mais aussi pour nos finances publiques, puisqu’il faudra bien, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, indemniser l’exploitant à la hauteur du préjudice subi.

Une telle perspective est d’autant plus préoccupante qu’elle viendra impacter une filière dont les deux fleurons, EDF et Areva, connaissent déjà des difficultés importantes, qui sont, pour l’un, liées principalement à l’effondrement des prix du marché et, pour l’autre, aggravées par des choix stratégiques désastreux. Pour surmonter ces difficultés, ces deux entreprises ont un besoin impérieux de visibilité et de confiance dans l’avenir, ce que n’offre pas le cadre législatif actuel.

C’est pourquoi, dans l’hypothèse où nous serions appelés à gouverner en 2017, nous supprimerons « l’objectif-couperet » des 50 % à l’horizon de 2025, non pas par idéologie ou par « aveuglement pro-nucléaire », mais parce que les choix énergétiques passés, à qui nous devons notre électricité propre et bon marché, restent justes. Mais aussi par conviction environnementale.

Il faut le rappeler, en assurant une production décarbonée de base, flexible et prévisible, le nucléaire est le meilleur allié de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables intermittentes. Du reste, nous ne plaidons pas pour le statu quo dans la mesure où nous sommes favorables à une diversification progressive et raisonnée du mix électrique, dont le nucléaire représenterait 50 % « à terme », c’est-à-dire à un horizon raisonnable et réaliste.

Cette trajectoire impliquera, selon les cas, des prolongations, des constructions ou des fermetures. Dans ce dernier cas, il faudra privilégier, pour en limiter l’impact territorial, des fermetures partielles de tranches plutôt qu’un démantèlement complet d’une centrale.

Il nous faudra aussi revenir sur une autre mesure prévue par la loi aux conséquences encore plus immédiates : le plafonnement de la capacité de production à son niveau actuel, qui entraîne, comme vous l’avez rappelé il y a quelques instants, cher président Lenoir, la fermeture de la centrale de Fessenheim, avant même la mise en service de l’EPR de Flamanville à la fin de l’année 2018.

Pour tenter de rendre le processus irréversible avant les prochaines échéances électorales, le Gouvernement a exigé d’EDF qu’il dépose sa demande d’abrogation à la fin de ce mois, alors que cette centrale est parfaitement sûre et que l’Autorité de sûreté nucléaire a autorisé en 2011 et 2012 le fonctionnement des deux réacteurs pour au moins dix ans supplémentaires.

Aux conséquences redoutables d’une fermeture sur le plan local s’ajoutera la question de l’indemnisation non seulement de l’exploitant, mais aussi des autres parties prenantes, allemande et suisse, qui détiennent près d’un tiers de la centrale.

Or la première estimation transmise par le Gouvernement à EDF apparaît totalement farfelue : entre 80 et 100 millions d’euros, alors que, selon les experts, le préjudice véritable se chiffrerait a minima en milliards d’euros ! Les Français ne sont sûrement pas prêts à payer une telle somme !

Plus globalement, la filière électronucléaire française est aujourd’hui confrontée à des défis et, donc, à des besoins de financement importants.

Premier défi : le « grand carénage », qui doit permettre de prolonger la durée de vie du parc actuel au-delà de quarante ans, pour un coût estimé par EDF à 51 milliards d’euros d’ici à 2025. Cette prolongation permettra surtout de continuer à bénéficier, en toute sûreté, de la « rente » de centrales déjà amorties.

Deuxième défi : le renouvellement du parc existant des cinquante-huit réacteurs par environ trente-cinq EPR nouvelle génération, qui permettront de continuer à assurer une production de base décarbonée. Or, qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, les sommes en cause plaident, à mon sens, pour l’entrée de partenaires aux côtés d’EDF, comme c’est déjà le cas, je vous le rappelle, mes chers collègues, dans cinq centrales du parc actuel : Fessenheim, Cattenom, Bugey, Tricastin et Chooz. Il n’y a donc là rien de révolutionnaire, et bon nombre d’opérateurs, industriels ou énergéticiens, sont intéressés, ce qui allégerait d’autant la facture pour EDF.

Pour conclure, le nucléaire n’est pas une industrie comme les autres, c’est une industrie d’État. C’est donc à l’État d’avoir le courage de prendre toutes les décisions.

Je vous le dis, madame la secrétaire d'État, je le dis également aux responsables de ma famille politique, plus particulièrement à ceux qui briguent les responsabilités les plus hautes : vous devrez tous être clairs sur le mix énergétique qu’il faut pour la France.

Plus que jamais le nucléaire a besoin d’une vision assise sur des considérations objectives, et non sur des postulats idéologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (M. Claude Kern applaudit.)

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de regretter l’absence de Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, et son remplacement par Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d’État chargée de la ville, dont je suis, en revanche, ravi de faire la connaissance, puisque je n’avais pas eu ce plaisir jusqu’à présent. (Sourires.)

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Je vous en remercie, monsieur le sénateur !

M. Hervé Maurey. Et puisque j’en suis à exprimer des regrets, je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous rappeliez à Mme Royal que le président Lenoir et moi-même attendons qu’elle nous donne enfin une date pour que nos deux commissions puissent ensemble, comme convenu sur le principe, l’auditionner…

M. Jean-Claude Lenoir. Ne désespérons pas !

M. Hervé Maurey. … afin qu’elle nous présente elle-même le bilan de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont elle a voulu faire l’une des grandes lois de ce quinquennat.

M. Claude Kern. Très bien !

M. Hervé Maurey. À cet égard, je remercie le président Lenoir d’avoir proposé d’inscrire à l’ordre du jour de nos travaux ce débat, qui nous permettra de faire le point sur ce qui devait être l’une des priorités du quinquennat, à savoir la transition énergétique.

À en croire la première conférence environnementale de 2012, puis le débat national sur la transition énergétique, qui a mobilisé, pendant des mois, à Paris et dans les régions, de très nombreux acteurs, notre modèle de développement énergétique devait être entièrement repensé et mis au service d’une nouvelle conception de la croissance, créatrice d’emplois et de richesses. Mais qu’en est-il ?

La loi du 17 août 2015 a fixé des objectifs ambitieux ; j’en rappellerai quelques-uns : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à 1990 ; porter la part des énergies renouvelables à plus de 30 % de la consommation énergétique finale d’énergie à l’horizon 2030 ; baisser à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025 ; enfin, créer, grâce à ces mesures et à d’autres mesures concernant le bâtiment notamment, 100 000 emplois : c’était ce que l’on appelait alors « la croissance verte » !

Tout cela est très bien, mais chacun sait que ces objectifs ne sont pas tenables.

Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre n’ont pour l’instant été réduites que de 17,2 % par rapport à 1990, c'est-à-dire en vingt-six ans. On voit donc mal comment on pourrait atteindre l’objectif de 40 % d’ici à 2030, dans un peu moins de quinze ans.

La part des énergies renouvelables n’atteint que 14,6 %, en retrait même par rapport aux objectifs fixés par le précédent plan national, qui tablait sur un minimum de 16 %.

La part du nucléaire dans la production d’électricité est encore de plus de 75 %, et personne n’imagine que l’on atteigne le taux de 50 % en 2025 : chacun sait que c’est totalement utopique !

Quant aux emplois créés, l’objectif de 100 000 emplois est, lui aussi, toujours très utopique. Il relève malheureusement plus de l’incantation que de la réalité économique.

Au-delà des objectifs, des mesures ont été adoptées dans la loi du 17 août 2015, mais beaucoup reste encore à mettre en œuvre. Je prendrai quelques exemples pour illustrer cette affirmation.

Premier exemple : la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui devait être le document socle, la stratégie de notre pays en matière d’énergie. Inscrite dans la loi relative à la transition énergétique, sa publication est sans cesse reportée. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire quand la programmation pluriannuelle de l’énergie deviendra réalité ?

Deuxième exemple, sur lequel la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et son rapporteur Louis Nègre ont beaucoup travaillé : la question des transports propres.

Là aussi, nous attendons des mesures d’application, notamment le décret qui doit, par exemple, préciser les critères définissant les véhicules ayant un faible niveau d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, et ceux à très faibles émissions pouvant bénéficier de conditions de circulation et de stationnement privilégiées. Il en est de même du décret qui doit définir l’obligation d’acquérir des véhicules propres pour les flottes publiques, les loueurs de voitures, les taxis et les exploitants de voiture avec chauffeur.

Or ces mesures sont fondamentales pour déterminer notre capacité à respecter les engagements qui ont été fixés par l’accord de Paris sur le climat. À cet égard, nous nous prononcerons demain sur le projet de loi autorisant la ratification de cet accord.

Quand je dis : « nous attendons », je parle, bien sûr, non pas seulement des sénateurs impatients que nous sommes, mais aussi des filières économiques, des élus locaux et de nos concitoyens. Les choix stratégiques ou économiques de tous ces acteurs sont conditionnés à ces critères. Et il y a vraiment urgence à les définir et à respecter la volonté du législateur !

Troisième exemple : la lutte contre les gaspillages et la promotion de l’économie circulaire.

Là encore, les enjeux sont importants pour réduire notre consommation d’énergie et optimiser nos ressources. Ainsi, sur l’initiative de notre collègue Chantal Jouanno, nous avions introduit dans la loi une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire incluant, notamment, un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activités économiques, que le Gouvernement devait établir tous les cinq ans. Là encore, nous n’avons rien vu venir, madame la secrétaire d'État. Aussi, nous aimerions savoir où en est ce plan de programmation des ressources.

D’ailleurs, il est assez curieux de constater que tout ce qui concerne les documents à caractère stratégique fait défaut. Cela nous laisse malheureusement penser que nous sommes encore bien loin d’une transition énergétique voulue et organisée.

En outre, je dirai un mot sur ce que l’on peut appeler « le feuilleton Fessenheim ».

Comme cela a été rappelé, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim a été un engagement fort du Président de la République. On peut imaginer que cette fermeture était fondée sur des critères objectifs, en lien avec la sûreté nucléaire. Mais qu’en est-il réellement ? Aujourd'hui, plus personne ne sait le sort qui sera réellement réservé à Fessenheim.

Enfin, dernier exemple, mais ô combien important, la question de la fiscalité écologique.

La fiscalité, tout le monde en convient, est un instrument très important pour faire évoluer les comportements. Dans ce domaine, aucune mesure significative n’a été prise, si ce n’est la très anecdotique indemnité kilométrique vélo.

Pourtant, de nombreuses études ont démontré qu’une fiscalité écologique ambitieuse permet de favoriser les solutions vertueuses et de pénaliser celles qui ne le sont pas. Accessoirement, en créant une fiscalité écologique, on peut alléger la fiscalité qui pèse sur le travail et qui nuit à la compétitivité des entreprises et, par là même, à celle de notre pays.

En matière de fiscalité écologique, notre pays est, je tiens à le souligner, parmi les derniers de la classe en Europe. Eurostat nous place au vingt-quatrième rang sur vingt-huit pour ce qui concerne les recettes fiscales environnementales. Celles-ci représentent moins de 2 % de notre PIB, contre 5 % au Danemark et près de 3,5 % en Allemagne, la moyenne européenne s’établissant à 2,5 %.

Madame la secrétaire d’État, nous sommes, je ne vous le cacherai pas, déçus, car notre pays est loin d’être engagé dans la transition énergétique qu’il était nécessaire de mettre en œuvre pour préparer l’avenir de notre pays et, surtout, que l’on nous avait vantée, pour ne pas dire vendue, pendant des mois et des années. Il ne suffit pas de se bercer de mots et de se complaire dans l’autosatisfaction, il faut, lorsqu’on est aux responsabilités, agir et agir vraiment. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jackie Pierre applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la notion de transition énergétique est au cœur des débats depuis quelques années, que ce soit dans les médias ou dans les différentes instances de décision nationales et européennes. C’est un vocable qui, dans le cadre des réflexions sur le développement durable et les énergies du futur, fait consensus.

L’idée selon laquelle cette transition est devenue nécessaire, voire inéluctable, pour répondre à la fois à l’augmentation continue du prix du pétrole et, surtout, au réchauffement climatique semble une évidence. Tout le monde est d’accord sur ce point : il nous faut véritablement organiser une transition énergétique, même si l’on peut aussi acter que celle-ci a déjà commencé.

Toutefois, derrière les questions ayant trait à l’énergie de demain se cachent de nombreuses inquiétudes. Nous devons à l’évidence trouver de nouveaux modes de développement, de vie et de déplacement. Nous devons réduire éventuellement nos besoins et, sûrement, nos consommations ; trouver de nouvelles sources d’énergie et, dans le même temps, ne pas fragiliser nos tissus économiques et sociaux, ni renoncer complètement à notre confort, tout en étant attentif à nos factures.

C’est pourquoi la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte avait suscité de nombreuses attentes chez nos concitoyens. En effet, elle est apparue comme un impératif auquel la France devait se confronter pour répondre aux défis de demain et infléchir un modèle de consommation qui a atteint ses limites.

Certes, beaucoup de questions restaient en suspens, surtout celle des moyens. Cependant, les différents débats publics ont montré l’importance de ce sujet pour l’ensemble de nos concitoyens.

Or le bilan de l’application de la loi sur la transition énergétique nous interpelle.

D’une part, la feuille de route dénommée « programmation pluriannuelle de l’énergie », à propos de laquelle nous avions souhaité plus de précisions lors des débats, n’est toujours pas publiée dans son intégralité. Cette PPE, qui aurait dû être présentée le 8 mars dernier, a été repoussée sine die, et la publication du « premier volet » de la PPE portant sur la production des énergies renouvelables n’a pas rassuré tous les acteurs. Pire, certains considèrent qu’il s’agit d’un enterrement pur et simple de l’application de la loi relative à la transition énergétique : « Le texte a été écrit sans tenir compte de la loi votée. »

La baisse du budget relatif à l’écologie et la lenteur de la publication des décrets d’application de la loi relative à la transition énergétique nous interpellent également.

À la fin du mois d’avril 2016, 117 dispositions sur 164 restaient dans l’attente d’un décret d’application. Ainsi, ce sont 47 dispositions qui ont fait l’objet d’un décret de nature à permettre leur mise en application. Cela signifie que 77 % des dispositions de la loi n’ont toujours pas de décret d’application.

Ces retards concernent de nombreuses mesures structurantes, sans lesquelles la transition énergétique telle que définie par la loi ne peut être juridiquement engagée. Parmi celles-ci, les plus importantes sont les suivantes : la création du carnet numérique de suivi et d’entretien du logement ; la réglementation des travaux embarqués permettant d’atteindre, en une ou plusieurs étapes, pour chaque bâtiment ou partie de bâtiment, un niveau de performance énergétique compatible avec les objectifs de la politique énergétique nationale ; la création du Fonds de garantie pour la rénovation énergétique, avec les conditions de ressources des bénéficiaires ; la réforme de l’obligation d’achat et la création du dispositif de complément de rémunération pour les énergies renouvelables ; l’obligation d’achat de véhicules propres pour certaines flottes, et la liste n’est pas exhaustive !

Au niveau budgétaire, ce sont 136 millions d’euros d’annulations de crédits de paiement pour l’année 2016, qui concernent la plupart des programmes : le programme « Infrastructures et services de transports », à hauteur de 72,1 millions d’euros ; le programme « Énergie, climat et après-mines », à hauteur de 4,7 millions d’euros, sans être exhaustif, auxquels il faut ajouter 9,2 millions d’euros dans le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ».

De plus, les annulations de crédits pourraient finalement bien conduire à une revue à la baisse des subventions accordées pour la rénovation énergétique, notamment celles qui sont délivrées par l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, malgré les différents montages proposés, entre autres le redéploiement de crédits, de l’ordre de 150 millions d’euros, vers le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Il s’agit en fait d’un transfert vers l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, à destination de l’ANAH : « C’est de la tuyauterie », pour reprendre l’expression d’un journal du soir.

Or l’ambition affichée était de 500 000 rénovations annuelles à partir de 2017, et la France compte près de 4 millions de logements « passoires thermiques », extrêmement dégradés dans lesquels vivent, pour une bonne part, des ménages modestes, qui n’ont pas accès à des logements de qualité et thermiquement performants. Beaucoup d’entre eux ont du mal à se chauffer.

Ce grand chantier devait permettre de créer près de 75 000 emplois dans le bâtiment. « Un chiffre magique – ou vivement souhaité – que l’on n’atteindra probablement pas », selon le président de la CAPEB. Nous étions très attachés à cet objectif certes élevé, mais raisonnable et réaliste.

Finalement, c’est surtout dans le cadre de la libéralisation que les chantiers ont été les plus aboutis : la promotion de l’effacement par des agrégateurs privés, l’obligation d’installation des compteurs Linky, avec, en prime, l’ouverture des données de consommation des ménages, qui a engendrée des contestations.

Le grand débat que nous avions eu avec la ministre Mme Ségolène Royal nous avait passionnés et donné un peu d’espoir pour l’avenir. Aujourd’hui, la flamme n’est pas encore éteinte, mais il reste beaucoup à faire. C’est pourquoi nous attendons beaucoup de vos réponses, madame la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Delphine Bataille et M. Joseph Castelli applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tout domaine nous pouvons avoir des lectures différentes ; pas étonnant, donc, que nous nous trouvions dans ce cas cet après-midi.

À la veille de l’examen par le Sénat du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris, comment ne pas commencer par se féliciter de l’importance de cet accord universel et sans précédent, ainsi que de la part que la France a prise dans les négociations qui ont conduit à ce succès, éloignant du même coup le fantôme de Copenhague ?

L’essentiel étant de persévérer, nous serons l’un des premiers pays de la planète à ratifier cet accord, qui vise à réorienter enfin la finance vers les investissements bas-carbone. De même, avec la publication de l’arrêté relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables, nous devenons le premier pays à inscrire dans son droit national la déclinaison des engagements de l’accord de Paris.

Ainsi, pour la France, les déclarations deviennent-elles des actes.

Il faut souligner aussi l’engagement qui vient d’être pris de fixer un prix plancher du carbone au 1er janvier 2017 – un dispositif qui pourrait servir de modèle aux autres pays de l’Union européenne.

On notera donc avec satisfaction que la France se place en tête des émetteurs d’obligations vertes ; la récente demande faite aux banques publiques le confirme amplement.

En ce qui concerne la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, constatons, pour nous en réjouir, que, au 10 mai dernier, 75 % de ses décrets d’application avaient été publiés ou étaient en cours d’examen par le Conseil d’État et que 94 mesures avaient été publiées ou étaient en cours de publication. Reconnaissons qu’il s’agit d’une performance pour une loi qui compte plus de 200 articles et 160 dispositions au moins relevant du domaine réglementaire.

L’enjeu est important, car, à la clé, il y a la création de plus de 100 000 emplois en trois ans ! Ce pari, nous pouvons le gagner ; il suffit d’observer les premiers résultats des mesures prises depuis 2014 : 20 000 emplois verts ont été créés. En particulier, l’emploi a progressé de 9 % dans le secteur de la rénovation énergétique du bâtiment, grâce à un dispositif d’aide efficace ; cette tendance devrait s’amplifier à la faveur de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ainsi, le mur de l’argent ne fera plus obstacle aux travaux de rénovation.

L’emploi a également progressé, de 13 %, dans le secteur des énergies renouvelables. Les trois appels d’offres lancés depuis 2014 dans le photovoltaïque devraient susciter 1 milliard d’euros d’investissements et plus de 5 000 emplois, selon les acteurs économiques d’un secteur dans lequel, souvenons-nous, 15 000 emplois ont été détruits en 2011.

Même le secteur des véhicules électriques et hybrides a multiplié ses effectifs par trois.

Nul doute que l’annonce du doublement de l’enveloppe attribuée aux territoires à énergie positive viendra également conforter l’emploi : 400 territoires, déjà labellisés, bénéficient d’un fonds de 500 millions d’euros, susceptible d’entraîner 850 millions d’euros de travaux.

Nul doute non plus que le soutien accordé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, à 15 000 opérations dans le cadre du fonds chaleur et du fonds déchets aura aussi un effet positif.

Quant à la stratégie bas-carbone, déjà publiée, et dont traitera dans quelques instants Jean-Yves Roux, elle devrait jouer favorablement tant sur le PIB que sur l’emploi et permettre à la France de rester parmi les pays les plus avancés de l’Union européenne dans la dynamique de réduction des gaz à effet de serre.

Comment ne pas saluer cette autre avancée que constitue la mise en place par la Caisse des dépôts et consignations d’un dispositif exceptionnel de 1,5 milliard d’euros pour financer, à taux zéro, les travaux de rénovation des bâtiments des collectivités territoriales, entre autres projets ?

Un autre motif de satisfaction réside dans les textes publiés sur le tiers financement, la rénovation des bâtiments tertiaires, le fonds de garantie pour la rénovation énergétique, le financement participatif pour les énergies renouvelables et l’expérimentation du chèque énergie. Monsieur le président Lenoir, je puis vous assurer que le Conseil supérieur de l’énergie, le CSE, se réunit à un rythme fort soutenu !

Il me paraît également essentiel de souligner l’importance de l’outil innovant de programmation stratégique que constitue la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, instaurée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

M. Roland Courteau. La PPE va donner plus de visibilité aux acteurs,…

M. Ladislas Poniatowski. C’est indéfiniment repoussé !

M. Roland Courteau. … à commencer par les entreprises. Or la visibilité est fondamentale pour favoriser le basculement vers un mode décarboné de production de l’énergie.

Certes, la PPE a été reportée, le Gouvernement ayant choisi de procéder en deux temps, ce que nous pouvons comprendre : un décret a d’abord été publié pour sécuriser le développement des énergies renouvelables, qui ont grand besoin de visibilité. J’observe que les acteurs économiques se sont félicités de ce texte réglementaire, qui vise à augmenter la puissance installée des énergies renouvelables de 50 % en doublant celle de l’éolien terrestre, en triplant celle du photovoltaïque et en donnant un coup d’accélérateur aux filières bois-énergie, solaire-thermique et méthanisation, la production de la dernière devant être multipliée par sept. Voilà qui devrait favoriser la création des quelques dizaines de milliers d’emplois espérés dans le cadre de cette programmation.

Autant vous le dire nettement, madame la secrétaire d’État : j’apprécie que l’éolien flottant, qui fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt, soit doté de 150 millions d’euros. En effet, je me sens particulièrement concerné par les projets pilotes du golfe du Lion, en Méditerranée, et je plaide volontiers, une nouvelle fois, en faveur de ce dossier.

Quant à la feuille de route sur le nucléaire et à la décision de ramener à 50 % la part de celui-ci dans le mix énergétique, on peut comprendre, là aussi, que quelques semaines supplémentaires soient nécessaires pour fixer la fourchette du nombre de réacteurs à fermer. Dans la mesure où il faut tenir compte des scénarios d’évolution de la consommation électrique à l’horizon de 2025, il paraît logique que les réacteurs à fermer soient désignés ultérieurement, d’autant qu’il faudra prendre en considération aussi le contexte économique, mais également les efforts réalisés en matière de maîtrise et d’efficacité énergétiques, sans oublier le taux de pénétration des énergies renouvelables ni, surtout, l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire sur la durée de vie des centrales.

En définitive, il s’agira de concilier l’atteinte de l’objectif de réduction du nombre de réacteurs avec le respect de notre approvisionnement énergétique. Tout cela me paraît cohérent, de bon sens et parfaitement responsable.

Les concessions hydroélectriques sont un sujet sensible, à propos duquel nous avions déposé une proposition de loi visant à prolonger les concessions lorsque des investissements importants peuvent être réalisés. Cette initiative, qui a été reprise dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, nous paraît essentielle.

Enfin, nous trouvons un motif de satisfaction supplémentaire dans la publication du décret relatif à nos entreprises consommatrices de grosses quantités d’énergie, pour lesquelles la maîtrise des coûts énergétiques constitue un facteur capital de compétitivité.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en conclusion, le groupe socialiste et républicain tient à saluer le très grand nombre de dispositions prises dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. En plus d’améliorer la compétitivité et le pouvoir d’achat, cette loi invente d’une certaine manière le futur. Apprécions les mesures qui contribuent à préserver le bien mondial qu’est le climat et à faire de la France la nation de l’excellence environnementale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Le Scouarnec et Joseph Castelli applaudissent également.)