M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

Article 23
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Article 9 ter

Articles 1er bis A à 9 bis A

M. le président. Sur les articles 1er bis A à 9 bis A, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Articles 1er bis A à 9 bis A
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Articles 9 quater à 21

Article 9 ter

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Remplacer les mots :

, les I et II de l’article 6 ter et l’article 6 quater

par les mots :

et les I et II de l’article 6 ter

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Favorable.

M. le président. Le vote est réservé.

Article 9 ter
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Article 22

Articles 9 quater à 21

M. le président. Sur les articles 9 quater à 21, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Articles 9 quater à 21
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Articles 22 quinquies A et 22 quinquies

Article 22

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est complétée par un article L. 412-6 ainsi rédigé :

II. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 121-82-3

par la référence :

L. 412-6

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Il s'agit d’un amendement de mise en cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Favorable.

M. le président. Le vote est réservé.

Article 22
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Article 22 septies

Articles 22 quinquies A et 22 quinquies

M. le président. Sur les articles 22 quinquies A et 22 quinquies, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Articles 22 quinquies A et 22 quinquies
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Article 23 (début)

Article 22 septies

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

L. 123-6 du code de la consommation

par les mots :

L. 251-1 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation,

II. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 121-82-3

par la référence :

L. 412-6

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Il s'agit également d’un amendement de mise en cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Favorable.

M. le président. Le vote est réservé.

Article 22 septies
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Article 23 (fin)

Article 23

M. le président. Sur l’article 23, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…

Le vote est réservé.

Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble de la proposition de loi ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi pour l’économie bleue, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 23 (début)
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8

Modernisation des principales filières agricoles dans le cadre de la réforme de la PAC

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « Restructuration et modernisation des principales filières agricoles dans le cadre de la réforme à mi-parcours de la PAC ».

La parole est à M. Jean Bizet, orateur du groupe auteur de la demande.

M. Jean Bizet, au nom du groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat sur la nécessaire modernisation de l’agriculture française.

La première modernisation à envisager est celle de la PAC. Il faut bien le reconnaître, ce système à 55 milliards d’euros par an est à bout de souffle. Chaque État aide ses agriculteurs comme il le peut, avec néanmoins une différence de taille : certains ont adopté une stratégie offensive, alors que d’autres restent dans une attitude de sauve-qui-peut.

Je n’accuse personne. Les querelles politiciennes autour de la fin des quotas laitiers sont stériles dans le contexte actuel. Il est inutile de s’accuser mutuellement. Si on relit les textes, on doit avoir l’honnêteté de reconnaître que cette fin était prévue dès 1984.

La France a toujours fait ce qu’elle a pu pour maintenir un succédané de réglementation. Voilà quelques années, elle a imposé la contractualisation avec un succès mitigé, il faut le reconnaître. Aujourd'hui, elle active un article du règlement de la PAC autorisant les ententes entre producteurs. C’est une victoire française sur le dogme européen de la concurrence et un pas politique important pour la Commission, qu’il faut saluer, même si la plupart des observateurs sont réservés sur l’efficacité de ces ententes.

Face à cela, nous avons tous entendu un cri de désespoir : « Des prix, pas des primes ! » Tout le monde peut être d’accord avec ce beau slogan de champ de bataille. Il est fort, simple et clair, mais, hélas, sans portée, ou plutôt il est porté par des marchands d’illusions. Beaucoup d’agriculteurs se réfèrent encore au temps de la PAC à l’ancienne, avec ses prix administrés et ses garanties d’écoulement. À l’époque, un bon ministre était un ministre qui ramenait de bons prix. Voilà pourtant vingt-cinq ans que ce système n’existe plus. Il n’y a plus de prix officiel européen, les ministres ne fixent plus les prix agricoles.

Dans un système de marché, le prix est un rapport entre une offre et une demande, et un rapport de force. Ce n’est pas le prix qu’il faut fixer, c’est le rapport de force qu’il faut changer, en renforçant le poids et l’efficacité des producteurs. Tel est l’enjeu de la modernisation.

Je l’ai dit, le système PAC est à bout. Il faut accepter une introspection et une remise en question de son organisation, quitte à bousculer un peu les habitudes et les mentalités françaises.

Nous avons aujourd’hui deux piliers : un premier pilier d’aides aux revenus, financé par l’Union européenne, qui représente les trois quarts de la PAC, et un deuxième pilier dit de développement rural, cofinancé par les États et l’Union, qui en représente le dernier quart. Ce partage évolue lentement ; rien ne bouge ou presque ; la situation semble presque figée. Pourquoi ? Parce que les Français, premiers défenseurs et premiers bénéficiaires de la PAC, y tiennent plus que tout. Parce que les États ayant adhéré en 2004 ont attendu dix ans pour y avoir accès à taux plein et n’ont donc aucune intention d’y renoncer.

Pourtant, il faudra bien se poser la question de la pertinence des aides directes. Les deux questions majeures sont celles de la justice et de l’efficacité. Un tiers des agriculteurs ne vivrait pas sans ces aides directes. Un tiers vit un peu mieux avec et constitue notre cible. Le tiers restant n’en a pas toujours besoin, surtout quand les prix sont élevés, ce qui arrive parfois. Cela me permet de dire : paiement unique, paiement inique !

À défaut d’être juste, le système est-il au moins efficace ? On peut en douter. Les paiements directs permettent souvent à nos agriculteurs de garder la tête hors de l’eau, mais n’impulsent rien. Le premier pilier soutient, mais ne prépare pas l’avenir.

Un secteur a renoncé aux aides directes, et ce n’est pas celui qui se porte le plus mal – je me tourne vers mon collègue Gérard César –, c’est celui du vin. Il faut tirer les leçons de ce qui marche plutôt que voir uniquement ce qui rentre dans le portefeuille. Une réforme s’impose. Ce n’est pas parce que les Anglais ont posé cette question qu’elle est forcément mauvaise. Affaire à suivre, donc.

Le prochain chapitre concerne le deuxième pilier. C’est un régime méconnu et injustement décrié par nos agriculteurs, qui y voient une concession au courant environnementaliste et même paysagiste. Je dois avoir l’honnêteté intellectuelle de le dire, j’ai fait partie de ces gens qui n’accordaient pas au deuxième pilier le poids qu’il mérite. Pourtant, il me semble aujourd'hui que le potentiel de la PAC réside précisément dans ce deuxième pilier. En effet, il est cofinancé et mesure ainsi le véritable engagement des États. Il est multiforme et offre une liberté de choix. Il engage les acteurs régionaux, étonnamment absents pendant la crise. Surtout, bien orienté, il permet ce qui nous manque le plus, à savoir la modernisation non seulement des exploitations, mais aussi de notre outil industriel agroalimentaire. Quand on sait que nous avons perdu pratiquement trois places en moins de dix ans dans ce secteur, nous pouvons être inquiets. Nous avons donc l’obligation de regarder cette évolution avec beaucoup plus d’intérêt que par le passé.

S’interroger sur ce deuxième pilier, c’est s’interroger d’abord sur le rôle des régions. Il y a, en Europe, des stratégies régionales qui réussissent. J’ai souvent évoqué le cas de l’Allemagne. La force stratégique des Allemands est de savoir ce qu’ils veulent. Ils se fixent un objectif unique et font en sorte d’y parvenir. Mais ils ont aussi des stratégies régionales. La Bavière n’est plus le seul Land laitier. La Basse-Saxe est devenue l’autre grand Land agricole, ce qui ne les empêche pas d’avoir des positions communes. Voilà un mois, les ministres de l’agriculture des Länder se sont réunis pour adopter une position commune sur la crise laitière qui se manifeste, à son tour, outre-Rhin. Les grandes surfaces, qui, là-bas aussi, font la loi, ont prévu de nouvelles baisses de prix de 25 % !

L’Allemagne commence à se rendre compte des dégâts des mesures de libéralisation non contrôlées. Les positions ne paraissent plus aussi figées. Nos voisins allemands commencent à être un peu plus réceptifs aux appels que nous leur lançons en vain depuis déjà quelques mois. Ce sont les régions qui ont impulsé cette orientation. Les Länder représentent une force que la Chancelière a écoutée.

Il existe d’autres pays où l’agriculture réussit, souvent sur des bases régionales. Je pense notamment à l’Italie. On en entend peu parler sur les questions agricoles. Pourtant, elle réussit dans l’agroécologie et certains créneaux d’excellence. Les performances commerciales à l’export de ses produits à label – AOP et IGP – sont souvent bien meilleures que les nôtres.

Nous aurions intérêt à prendre exemple sur ce qui marche chez nos voisins, à nous ouvrir, à comparer, non pas pour copier, mais pour faire mieux. Car nous le pouvons sans craindre nos concurrents ! Celui qui a peur de la concurrence a déjà perdu la compétition…

S’interroger sur le deuxième pilier, c’est aussi s’interroger sur les financements.

Les circuits doivent être simplifiés. Plusieurs élus régionaux font état des difficultés de procédure pour avoir accès aux fonds européens. Quelles sont les responsabilités, monsieur le ministre ? Viennent-elles des régions, de l’État, des organismes payeurs ? Il y a urgence à effectuer un audit afin de régler ce problème.

La logique du deuxième pilier est celle du menu, chaque région pouvant cofinancer des actions qui correspondent à ses priorités.

Puisque ce débat s’inscrit dans l’actualité, je me permettrai d’ouvrir des pistes à un moment où il faut penser à l’avenir et être constructif. On peut parfaitement imaginer un système à deux niveaux : le premier serait celui des cofinancements régionaux, chaque région étant libre de définir ses priorités dans le menu ; le deuxième niveau reposerait sur une forte implication de l’État, qui serait cofinanceur d’actions qu’il considère comme stratégiques. C’est le cas pour l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicap naturel. La modernisation des exploitations et de l’outil industriel est un axe possible, voire nécessaire. C’est précisément mon souhait et, à mon avis, l’intérêt de la « ferme France » et de la filière agroalimentaire française.

Le règlement PAC permet la flexibilité entre les deux piliers. Nous arriverons bientôt en 2017, année où la réforme à mi-parcours peut précisément s’opérer avec un peu plus d’acuité. Ainsi, onze États ont choisi d’augmenter l’enveloppe du deuxième pilier. La France l’a fait, en transférant simplement 3,3 % de son enveloppe provenant du premier pilier. C’est 30 % de moins que les Pays-Bas, 50 % de moins que l’Allemagne et 70 % de moins que le Royaume-Uni. Regardons comment ont évolué ces pays en matière de compétitivité agricole : on a peut-être là le début d’une réponse. Le transfert maximum autorisé permettrait d’atteindre 1,1 milliard d’euros, contre 250 millions d’euros actuellement. Cette somme pourrait servir à la modernisation de nos exploitations. Les professionnels estiment les besoins financiers à 3 milliards d’euros par an. Dans le cadre de cofinancements, on pourrait trouver une grande partie de ce qui est nécessaire pour moderniser la « ferme France ».

Je voudrais également insister sur le plan Juncker. Je le rappelle, avec notre collègue Jean-Claude Lenoir, nous avions interpellé fermement Phil Hogan, pour l’inviter à souscrire à l’intégration du plan Junker dans le financement d’un certain nombre d’outils industriels.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean Bizet. Je conclus, madame la présidente.

La France vient juste de le faire au travers d’une participation de la Banque européenne d’investissement dans la construction d’une unité laitière dans la Manche. Je voudrais que de telles opérations soient déclinées dans de nombreux autres pays.

Plutôt que de redouter une nécessaire mutation, l’agriculture française doit l’assumer et s’y engager dès maintenant, en reprenant contact avec ses partenaires allemands et italiens. La commission des affaires européennes s’y emploie désormais, car il est urgent d’élaborer un programme commun agricole avec nos principaux partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Mercier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourvu que ce nouveau débat sur la PAC n’engendre pas une maigre moisson pour tous les exploitants en souffrance, qui attendent avant tout des actes !

Personne ne se souvient avoir connu, au cours des cinquante dernières années, une situation aussi dégradée économiquement, socialement et moralement dans nos campagnes. Pour le monde agricole, le symptôme est clair : une crise de confiance et un sentiment d’incompréhension. Le diagnostic est partagé : la résignation et la saturation devant l’absence de perspectives.

La PAC représente l’un des postes budgétaires les plus importants de l’Union européenne. Elle a jalonné l’histoire de l’intégration européenne et, aujourd’hui encore, elle dessine les lignes de fracture des débats entre acteurs européens. Cela s’explique en grande partie par l’hétérogénéité des représentations que se font les États membres du rôle de l’agriculture dans les économies contemporaines. Certains la considèrent comme un secteur en déclin et estiment la PAC obsolète et coûteuse, tandis que d’autres y voient une activité essentielle et estiment nécessaire une politique commune et forte dans ce domaine.

Le rôle primordial de l’agriculture ne doit pas être amoindri ou dévalorisé. Loin de se limiter à l’aménagement du paysage ou à la gestion de l’environnement, sa fonction première est de nourrir les peuples. Nous avons besoin d’une production agricole forte, et il est nécessaire de rappeler que l’agriculture n’est pas un secteur comme les autres, dans la mesure où il réclame une régulation pour produire de manière suffisante et continue et, surtout, pour assurer un revenu digne aux agriculteurs.

Voilà pourquoi la réforme et la consolidation de la PAC doivent constituer une priorité de l’Union européenne, en particulier dans la perspective inquiétante d’une hausse des prix agricoles à moyen terme et, surtout, dans un contexte de négociation du TAFTA et de libéralisation des échanges.

De six États membres à l’origine, nous sommes passés à vingt-huit. À l’égard de la PAC, les situations sont très hétérogènes et les distorsions de concurrence deviennent ainsi inévitables.

Prenons l’exemple du montant des aides à l’hectare du premier pilier. Les pays de l’Est, dont les pays baltes, sont les premiers à protester contre cette distorsion de concurrence. Nos voisins allemands n’ont recouplé aucune aide directe. Ainsi, un éleveur laitier ne reçoit pas la même aide directe, selon qu’il se trouve en Savoie ou en Bavière. Ces différences sont encore plus notables au sein du second pilier. Que d’inégalités !

Les orientations de la PAC ont aggravé la situation. De nombreux observateurs notent aujourd’hui une pression des concurrents dans les filières, et celle-ci est d’autant plus forte que la PAC joue de moins en moins son rôle de régulateur.

Pour résumer la situation, nous ne sommes pas vraiment dans une politique agricole commune, mais dans un système de production ultra-concurrentiel, avec une politique qui est très loin d’harmoniser et de maîtriser. À cet égard, l’exemple des travailleurs détachés est éclairant : c’est un dumping social institutionnalisé qui est aujourd’hui mis en place !

La tentation est grande pour la Commission européenne de rappeler dans ses objectifs de réforme la nécessaire redistribution des aides compensatrices pour mieux cadrer le démantèlement des outils de régulation. De prochaines crises sectorielles sont à prévoir et les chèques nationaux ne remplaceront jamais une vraie PAC juste, durable et efficace socialement pour les paysans.

Je souhaiterais également aborder la filière bio. Les soutiens pour la conversion à l’agriculture biologique ou son maintien sont passés en France en trois ans d’un pilier de la PAC à un autre. Cette instabilité a entraîné de nombreuses difficultés. Le retour de la mesure « conversion à la bio » dans le pilier développement rural a apporté un peu plus de cohérence, mais la pérennité est loin d’être assurée.

De plus, la distinction entre les mesures bio et les autres paiements environnementaux a été préconisée par la Cour des comptes européenne, de sorte que l’agriculture biologique s’exerce sur tout le territoire, sans zonage particulier. Cette démarche témoigne d’une volonté de ne pas cantonner l’agriculture biologique à un territoire ou à un marché, mais bien de la développer largement avec des moyens dédiés.

Compte tenu de ces grands principes, les deux principales déficiences de la politique agricole sont les suivantes : les aides actuelles DPU entraînent des surcoûts d’installation pour les nouveaux agriculteurs et ne donnent pas les bonnes incitations à la préservation de l’environnement dans les régions rurales. D’autres défaillances de marché subsistent, comme la volatilité des prix, dont l’importance a été largement sous-estimée lors des récentes réformes.

Le groupe CRC propose une nouvelle ambition, qui vise à construire la politique agricole et alimentaire européenne du XXIe siècle. Dès maintenant, la mise en place d’outils de régulation des marchés, des stocks européens de sécurité alimentaire et de mesures contre la spéculation est nécessaire. Nous portons une politique agricole au service d’une agriculture de qualité et reconnaissant le droit à une juste rémunération du travail, ce qui passe notamment par la répartition de la valeur ajoutée dans les filières.

Pour pouvoir récolter, il faut semer ! Aussi, alors que la campagne PAC 2015 n’est toujours pas close, nous proposons de remplacer les coûteux et complexes systèmes de paiement actuels par un système simplifié. Il est primordial de maintenir une intervention publique afin de garantir un prix « plancher » ou un « filet de sécurité » se limitant à des circonstances exceptionnelles. Il faudrait supprimer ou réduire les contradictions entre les programmes comme le soutien à l’agriculture intensive et les taxes sur la pollution, ou comme les paiements élevés aux cultures arables et les modestes aides agroenvironnementales. Il s’agit de mettre du bon sens dans l’ensemble de nos réglementations pour qu’elles cessent d’être contre-productives, tout en rendant concret, très rapidement, le contenu des différentes mesures d’accompagnement.

Dans notre secteur agricole, les prochaines années vont être décisives pour garder des exploitations et des agriculteurs. Maintenir et maîtriser les volumes de production, soutenir l’investissement, c’est soutenir l’agriculture, mais c’est aussi soutenir la richesse économique et sociale de notre pays ; c’est dynamiser tous nos territoires ! Notre agriculture a besoin de signes pour retrouver confiance en l’avenir, mais elle attend un revenu, une plus juste rémunération par le marché, ainsi que de la stabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat, proposé à un moment opportun du processus de réflexion sur la PAC post-2020, est bienvenu, et j’en remercie ses initiateurs.

Nous partageons tous ici le souci du devenir de l’agriculture française, une agriculture confrontée, au plan national comme européen, à des enjeux de sécurité et de qualité alimentaires, à des défis économiques, environnementaux, territoriaux. Elle doit de surcroît faire preuve de résilience à l’égard des nombreux aléas dont elle est en permanence l’objet.

Pour répondre à ces enjeux, nous devons faire une analyse juste du fonctionnement de la PAC actuelle et en déduire des objectifs pertinents pour la prochaine, en cours de préparation.

À nos yeux, la PAC post-2020 doit être construite sur les objectifs suivants : croissance, emploi et compétitivité ; contribution aux enjeux climatiques et environnementaux ; développement de la ruralité ; gestion des risques de toute nature pour une agriculture plus résiliente et plus durable.

Compte tenu du peu de temps qui m’est imparti, et sachant que nous présenterons le 30 juin prochain, avec Henri Cabanel et Didier Guillaume, une proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, je me limiterai à traiter la question de la nécessaire résilience de la future PAC face aux aléas sanitaires, climatiques et économiques.

Les agriculteurs nous le disent, et ils ont raison : « Nous ne voulons pas des primes, mais des prix ! » Cela suppose des marchés correctement rémunérateurs qui leur donnent une visibilité suffisante pour définir la bonne stratégie d’exploitation, pour faire les choix pertinents d’investissement, qui demeurent, on le sait, la condition majeure de leur compétitivité dans la durée. Ils réclament des marchés « justes » en quelque sorte.

Mais quelle est la réalité actuelle ? Force est de le constater, les mécanismes de régulation des marchés ont soit disparu – c’est le cas des quotas –, soit n’existent pas, ou alors sous des formes quasi embryonnaires.

Depuis 1962, de réforme de la PAC en réforme de la PAC, avec celle de 1992 en particulier, les principes du libre marché autorégulé ont fini par modeler l’agriculture de nos nations, de nos régions et de nos terroirs, en même temps qu’ils ont fait disparaître et souffrir trop souvent, parfois jusqu’à l’insupportable, nos paysans. Dans ce contexte éminemment politique, mais je devrais plutôt dire dogmatique, la résignation n’est pas de mise et la réaction doit être inspirée par des principes politiques empreints de pragmatisme économique et de solidarité à l’égard du monde paysan.

Dans notre réflexion, nous partons d’un fait que nous devons toujours avoir en tête : les agriculteurs n’ont pas de pouvoir de marché. Pis, quand la valeur dont ils devraient bénéficier prioritairement augmente, c’est surtout l’amont et l’aval qui en profitent. La question se pose donc immédiatement : quel rôle devrait jouer l’Europe dans ce contexte d’adossement – le mot « affrontement » serait plus approprié – aux marchés européens et mondiaux, qui détermine pour une large part les revenus de nos producteurs ?

La PAC actuelle n’intègre pas, de façon adéquate en tout cas, de mécanisme de gestion du risque de prix. À cet égard, l’observation des dispositifs mis en œuvre dans les grands pays producteurs hors de l’Union européenne est riche d’enseignements et doit être prise en compte pour définir notre boîte à outils de gestion et de couverture des différents types de risques.

Pour les risques individuels de type usuel, la gestion relève de choix privés, soutenus par des aides publiques, tels que la diversification des cultures, l’épargne de précaution, le lissage par la fiscalité ou les baisses de charges.

Quand l’aléa est maîtrisable, interventions collectives et publiques se complètent à travers la coopération de producteurs, les fonds de mutualisation des risques, les assurances récoltes au regard des risques climatiques et les assurances revenus.

Enfin, lorsque le risque est systémique ou que l’aléa est catastrophique, c’est au public d’intervenir pour rééquilibrer les marchés avec des aides contracycliques et au titre de la solidarité nationale pour les calamités naturelles.

À partir de cette typologie des risques et de l’analyse des politiques nationale et européenne dans ce domaine, quel constat peut-on faire ? Où sont les marges de manœuvre, les possibilités de progrès, les orientations à privilégier ?

D’abord, l’État intervient sur les baisses de charges et sur le lissage de la fiscalité. Il encourage les organisations collectives, telles que les coopératives, les GAEC et les GIEE, qui sont gages d’efficience accrue et de mutualisation des risques. Il intervient aussi dans le financement des assurances récoltes pour le risque climatique au moyen du contrat socle, ainsi qu’en matière de calamités sanitaires ou environnementales grâce au Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental, le FMSE.

L’État pourrait utilement approfondir la mise en œuvre des articles 36 à 39 du règlement 1305/2013 de l’UE, qui traitent de la gestion des risques. Ce point fera l’objet de la proposition de loi que nous examinerons le 30 juin prochain.

Quant à l’Union européenne, dans la perspective de la PAC post-2020, elle devrait se mettre en position de pouvoir évaluer finement les pertes de revenus agricoles. À cet égard, les retards pris en matière de numérique et de big data agricole sont importants. Elle devrait également favoriser la création de comptes d’épargne de précaution, soutenir les tests de terrain pour valider ou pas les concepts de gestion de risque et les méthodes nouvelles, développer des processus d’apprentissage à partir d’expérimentations et de modélisations et prévoir un financement suffisamment flexible pour les outils de gestion des risques en utilisant les réserves spéciales de l’Union.

Enfin, il faudrait organiser l’UE pour la supervision de la gestion des risques – c’est la question de l’assurance chiffre d’affaires et des outils de stabilisation du revenu – en restructurant le premier pilier et en lui fixant des objectifs stratégiques. Il faut aussi traiter la question de l’efficience des aides découplées et, enfin, adapter le cycle de gestion budgétaire de la PAC. En effet, la PAC peut-elle être efficace, réactive face aux situations aléatoires dans le cadre d’un cycle budgétaire annualisé ?

Je soumets à notre débat ces pistes possibles de réflexion et d’étude.

En définitive, pour penser la PAC de demain, pour la sauver, ne faut-il pas changer radicalement de mode de raisonnement ou de paradigme, comme diraient les scientifiques ? Je répondrai par l’affirmative, mais je sais aussi qu’on ne fait pas table rase d’un tel système d’un simple trait de plume. Cette réorientation stratégique nécessite de voir loin et de penser la transition pour que le remède ne soit pas plus dévastateur que le mal.

Pour aller dans ce sens, l’expérimentation, la modélisation et l’évaluation doivent être engagées sans tarder sous forme de tests ou d’expérimentations pour aboutir à des stratégies européennes de filière. Nombre d’acteurs intéressés y sont prêts.

Sur un plan plus politique, je reste convaincu que la construction d’un rapport de force impliquant toutes les parties prenantes – gouvernements des pays membres, organismes professionnels de filières, etc. – sera indispensable pour mener à bien une telle réforme.

Associer et former au plus tôt les agriculteurs eux-mêmes à ce processus de transition majeur sera aussi une condition incontournable du succès. Je sais que vous y travaillez sans relâche, monsieur le ministre, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Le Scouarnec et Raymond Vall applaudissent également.)