M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud.

Mme Éliane Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de ratification de l’accord de Paris a été adopté à l’Assemblée nationale, le 17 mai dernier, à l’unanimité.

Il a été examiné favorablement par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat.

Si, cet après-midi, le Sénat suit l’avis des rapporteurs, la France sera, grâce à l’adoption de ce projet de loi, le premier pays de l’Union européenne et le premier pays industrialisé à ratifier cet accord.

Adopté le 12 décembre 2015 à l’issue de la Conférence et signé formellement à New York, au siège des Nations unies, le 26 avril 2016 par 175 États – 177 aujourd’hui, ce qui constitue un record de signatures historique pour un texte international –, l’accord de Paris est le point de départ d’une profonde mutation pour notre planète.

C’est un accord historique qui marque la prise de conscience de la communauté internationale quant à la gravité de la menace du réchauffement climatique sur les équilibres internationaux.

Cet accord, nous l’attendions depuis longtemps !

Les négociations climatiques, paralysées depuis de nombreuses années, et l’échec de Copenhague nous appelaient à prendre nos responsabilités face à ce défi.

C’est incontestablement un succès diplomatique, très bien préparé par un considérable travail en amont.

À Paris, la France était au rendez-vous de l’histoire. Elle a su mobiliser toutes les énergies pour parvenir à un accord universel, ambitieux, équilibré et contraignant. C’est une victoire, madame la ministre, de « l’équipe France » ! Et c’est un premier accord multilatéral sur le changement climatique.

Madame la ministre, vous avez également, durant l’année 2015, mené les discussions sur la loi de transition énergétique et, comme mes collègues l’ont fait avant moi, je tiens à saluer votre travail, exemplaire, celui de Laurent Fabius, ainsi que l’implication personnelle du Président de la République. (Exclamations ironiques sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Cet accord confirme l’ambition de contenir l’augmentation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action pour la limiter à 1,5°degré Celsius.

Il fait de la réduction des émissions de gaz à effet de serre l’affaire de tous, grâce à la soumission ou à l’actualisation, tous les cinq ans, des contributions nationales.

Il réserve une place accrue à l’adaptation aux effets du dérèglement climatique.

Il ouvre la voie à un renforcement progressif des engagements d’atténuation et d’adaptation de tous les pays sur une base quinquennale, notamment à travers un bilan mondial, une révision à la hausse des contributions, un cadre de transparence renforcé et des mécanismes de coopération en matière de financements, de transferts de technologies et de renforcement des capacités.

La principale force de cet accord est qu’il repose sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, à tous les niveaux : la société civile, les entreprises, les collectivités territoriales, les villes.

C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’en votre présence, madame la ministre, la région Rhône-Alpes avait accueilli le sommet mondial Climat et territoires les 1er et 2 juillet 2015. Ce sommet, auquel le Président de la République a également participé, a été celui de la mobilisation des acteurs non étatiques et, à travers eux, de la reconnaissance de la dimension territoriale de l’action climatique.

L’accord de Paris est donc le fait de tous et va bien au-delà des seules considérations climatiques : la sécurité alimentaire, les migrations, les nouvelles cartes géopolitiques, la guerre et la paix sont aussi en jeu.

La mobilisation des parlementaires comme celle des élus des communes, des départements, des régions sont indispensables.

La ratification de cet accord doit aussi marquer la poursuite du travail diplomatique engagé, qui sera également prolongé à l’occasion du passage de témoin avec le Maroc.

Le Président de la République le rappelait aux maires, la semaine dernière, à l’occasion de leur congrès, « vous êtes d’abord de France, en France, et vous travaillez pour la France sans distinction ». Cet accord passera aussi par le travail qu’ils vont faire.

Nous ne pouvons pas non plus oublier que ce sommet se tenait au terme d’une année durant laquelle la France avait été meurtrie, mais aussi entourée par un soutien international considérable.

À la demande de son président, j’ai participé, avec Leila Aïchi et Cédric Perrin, à un travail de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat sur les conséquences du réchauffement climatique en Arctique, qui a montré que les répercussions du changement climatique n’étaient pas seulement environnementales, mais aussi géostratégiques.

Un monde se redessine.

En effet, lutter contre le réchauffement climatique, c’est lutter contre les inégalités à l’échelle du monde, contre l’instabilité, contre les conflits.

Les changements climatiques mettent sous tension nos systèmes économiques, sociaux et politiques.

À titre d’exemple, la problématique des déplacés environnementaux, dont le nombre pourrait atteindre 200 millions d’ici à 2050, nous oblige à repenser la vision du monde, tel qu’il est établi depuis de nombreuses années, et à anticiper ces mouvements.

Nous devons aussi avoir conscience que l’ouverture de nouvelles routes maritimes en Arctique modifie les relations géopolitiques.

L’accord de Paris était donc indispensable. Il ne règle pas tout, mais il a redonné confiance et a créé une nouvelle solidarité internationale.

Cet accord ne doit pas rester une simple déclaration d’intentions. L’urgence est toujours là et notre devoir est d’agir pour les générations futures et le devenir de l’humanité.

Agir vite, en concentrant l’essentiel de notre effort dans la mise en œuvre des contributions nationales.

Agir efficacement, en mettant en mouvement en Europe l’ensemble des dirigeants locaux, des investisseurs, des chercheurs, des acteurs économiques et sociaux et des citoyens.

Agir utilement, en encourageant les collaborations régionales et internationales ainsi que la coopération décentralisée.

Agir ensemble, élus et citoyens, pour répondre au défi global du changement climatique.

En route pour la COP 22, nous devons œuvrer au prolongement de l’accord, rester mobilisés et faire vivre l’esprit de Paris, ici au Sénat, mais également sur nos territoires, en intégrant les impératifs du climat dans notre législation, nos actions et nos décisions.

Quel lien, mes chers collègues, entre la photographie, diffusée sur tous les réseaux sociaux ce week-end, du zouave du pont de l’Alma, les pieds dans l’eau, l’ours épuisé qui n’arrive plus à atteindre la rive et les images, terribles, des migrants le long des routes ?

Je ne répondrai pas, car la réponse est complexe. Mais je sais que le désordre du monde a quelque chose à voir avec celui de la planète.

Je sais aussi que le désordre de la planète a quelque chose à voir avec moi, vous, nous tous.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain votera, avec beaucoup de plaisir, madame la ministre, ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Évelyne Didier et M. Jean-François Husson applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’adoption de l’accord de Paris, lors de la COP 21, a suscité dans le monde un réel enthousiasme, tant cet accord apparaît, sur certains points, plus ambitieux que ce qui était attendu : je pense par exemple à l’inscription de 1,5°degré Celsius comme objectif de limitation de la hausse des températures mondiales, objectif qui témoigne, six ans après Copenhague, de la prise de conscience planétaire de la gravité de cette crise.

Il faut ici le redire avec force, stabiliser le climat n’est pas un enjeu environnemental périphérique ; c’est tout simplement éviter un XXIe siècle de crises alimentaires et migratoires qui déboucheraient inévitablement sur des guerres civiles et des affrontements guerriers. Le drame syrien nous dit déjà l’inéluctable de cet enchaînement, si nous continuons de faire passer nos intérêts de court terme avant notre intérêt bien compris de long terme.

Le sommet international des ministres de la défense sur les thèmes climat et défense a d’ailleurs reconnu comme un risque stratégique à part entière le changement climatique. Je tiens à souligner que son organisation était la première recommandation du livre vert de la défense, publié sur l’initiative de ma collègue Leila Aïchi.

Aujourd’hui, tout le monde s’affirme en faveur, la main sur le cœur, d’une action climatique en général, mais ce consensus ne survit guère aux intérêts particuliers…

En France, le lobby de l’aviation continue de refuser une taxation du kérosène, voire demain une taxation du carbone, et certains rêvent même encore de nouveaux aéroports…

Les transporteurs routiers sont prêts à bloquer le pays si l’on favorise par trop les transports de marchandises par rail ou canal.

L’industrie automobile met en avant les enjeux d’emploi pour refuser des normes d’émissions trop drastiques et les éleveurs bovins ne veulent même pas que nous comptabilisions les émissions de méthane entérique.

Bref, le climat n’est encore, pour beaucoup, qu’une priorité totalement théorique !

Madame la ministre, notre premier défi est bien de convaincre, et de convaincre encore, de l’urgence absolue d’une action résolue et coordonnée à toutes les échelles, du local à l’international, en passant par le niveau européen.

À ce propos, je me dois de vous faire partager mon inquiétude, après avoir discuté avec des collègues parlementaires slovaques, à Bratislava, dans le cadre justement d’une conférence d’échanges sur le bilan de la COP 21.

La Slovaquie présidera l’Union européenne durant la COP 22 et ne prévoit pourtant de ratifier l’accord de Paris qu’à la fin de 2017, après la conclusion des négociations sur la répartition de l’effort européen dans le cadre du paquet énergie-climat. Leurs réticences sont explicites et claires : hors de question, pour eux, de menacer leurs propres intérêts économiques – charbon ou sidérurgie.

Or, vous le savez, madame la ministre, la négociation s’annonce particulièrement délicate. Qui plus est, elle aura lieu, au second semestre 2017, potentiellement sous présidence britannique…

Après des déclarations communes en faveur d’une ratification rapide de l’accord en provenance des États-Unis, de la Chine ou de l’Inde – vous venez d’en parler –, l’Europe, travaillée par ses propres lobbys du charbon, de la sidérurgie ou de la construction automobile, peut perdre son leadership climatique acquis dans les années 1990 et 2000.

Il appartient donc à la France de poursuivre son action pour une ratification rapide. Les parlementaires français peuvent être utilement mobilisés pour aider à la dynamique européenne, et je salue nos collègues Hervé Maurey et Jérôme Bignon, qui n’ont pas ménagé leurs efforts en ce sens et restent mobilisés. Hervé Maurey l’a dit, l’Union interparlementaire peut être un outil intéressant à notre disposition.

Le climat représente à la fois des engagements des États et de l’action concrète des collectivités, des entreprises et des citoyens. Sans l’action concrète de ceux que nous appelons, dans le langage onusien, les acteurs non étatiques, aucun État n’atteindra les engagements qu’il s’est fixés.

En tant que porte-parole pour le climat de la principale organisation mondiale de collectivités territoriales, je peux redire ici notre détermination à poursuivre notre mobilisation et à tenir les engagements que nous avons nous-mêmes pris, notamment lors du sommet Climat et territoires à Lyon en juillet 2015 – nous y étions ensemble – ou à la mairie de Paris pendant la COP 21.

L’accord de Paris offre un cadre opérationnel de suivi et de renforcement de l’action non étatique – ce n’est pas uniquement une déclaration d’intentions ! La COP 22 devra le préciser et renforcer l’accès aux financements, qui reste la clé de la réussite de cette mobilisation mondiale, en liant tout particulièrement les enjeux de climat et de développement.

Le sommet Climate Chance, principal sommet mondial des acteurs non étatiques, qui se tiendra à Nantes du 26 au 28 septembre prochain et dont nous dévoilerons demain le programme, sera d’ailleurs une étape importante pour avancer sur la question de la définition des outils financiers les plus pertinents.

Il s’agira aussi, à travers la vingtaine de coalitions thématiques transversales qui seront présentes à Nantes et qui continueront leurs travaux ensuite, de mesurer réalité et potentiel de ces actions afin de préparer la réévaluation, dès 2018, des contributions volontaires, qui sont encore bien trop faibles aujourd’hui. C’est un point absolument essentiel.

Nous savons aujourd’hui que l’agrégation de ces contributions volontaires nous place dans le scénario d’une augmentation de 3 degrés Celsius. En tant qu’acteurs non étatiques, notre ambition est de contribuer, le plus rapidement possible, dès la première réévaluation de 2018, à ce que les États mettent sur la table des propositions plus ambitieuses.

Madame la ministre, la route est encore longue avant que nous puissions vraiment dire que nous avons garanti, à nos enfants et petits-enfants, un XXIe siècle vivable.

La COP 21 a suscité un réel espoir, et nous n’avons d’autres choix que de l’entretenir et de le concrétiser.

La ratification unanime par le Sénat de l’accord de Paris est une étape nécessaire sur ce long chemin : le groupe écologiste la votera bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour donner au Gouvernement l’autorisation de ratifier l’accord de Paris obtenu par la France lors de la COP 21. Cela fait des années que vous organisez de grands raouts abondamment médiatisés, et pourtant rien ne change…

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les décisions qui, elles, ont un impact très concret sont généralement discutées et prises dans une opacité bien plus prononcée ; je pense au TAFTA – le Transatlantic Free Trade Agreement, ou traité de libre-échange transatlantique US-UE – et à ses conséquences dramatiques pour notre planète. Finalement, l’impact des décisions internationales est inversement proportionnel à leur médiatisation et à leur transparence !

En outre, je crois plus à des mesures peut-être moins ambitieuses, mais plus concrètes sur le terrain – je pense, par exemple, au plan de M. Borloo pour l’électrification de l’Afrique.

Certes, à la lecture de cet accord, on peut voir que le sujet environnemental, en particulier l’impact de l’activité humaine sur la nature, est un enjeu fondamental pour les années à venir : pour preuve, 195 États étaient parties prenantes.

En revanche, il est plus inquiétant que cet accord ne remette pas en cause le modèle de développement reposant sur une mondialisation sans limites qui accentue l’impact de l’activité humaine sur la nature, car elle ne répond qu’aux seules logiques de rentabilité et d’intérêt financier. Finalement, cet accord n’est qu’un outil visant à essayer de préserver la nature tout en gardant nos mauvaises habitudes !

De plus, comme le souligne le rapporteur, de nombreux sujets fondamentaux ne sont pas traités et, malheureusement, il s’agit bien souvent de sujets transnationaux.

En effet, pour engager une diminution des gaz à effet de serre, pas besoin de l’accord des voisins : on peut commencer à le faire soi-même, ce qui n’empêche d’ailleurs pas de prendre des mesures pour inviter les voisins à le faire… En revanche, lorsqu’il s’agit de transports, qu’ils soient maritimes ou aériens, ou lorsqu’il s’agit de la protection des mers ou des océans, on ne peut le faire qu’avec les autres pays.

L’énergie fossile est, elle aussi, une grande absente de l’accord. Étonnant, lorsque l’on sait la lourde part de ce type d’énergie dans l’impact environnemental de l’activité humaine.

Bref, cet accord me semble peu efficace, car il est malheureusement limité par des questions idéologiques. Quand comprendrez-vous que les frontières et la souveraineté réelle qui en découle sont des outils indispensables à l’écologie ? En effet, elles permettent de contrebalancer les décisions de pays qui, certes, pour l’affichage,…

M. Roland Courteau. Il faut conclure !

M. David Rachline. … s’intéressent à l’environnement – je pense, par exemple, à la Chine ou aux États-Unis –, mais pour lesquels ces préoccupations passent bien loin derrière leurs intérêts diplomatiques et économiques.

M. Jean-François Husson. Il faut conclure !

M. David Rachline. Pour réduire l’impact environnemental de nos activités, il existe une mesure finalement assez simple : favoriser le « produire local ». Comme le marché, malheureusement guidé par la seule main de la finance, ne le permet pas, il faut donc légiférer, et le faire sans avoir à demander l’avis de je ne sais quel technocrate bruxellois soumis aux assauts des lobbyistes et récitant son credo de concurrence libre et non faussée qui, en plus de son impact environnemental, se fait souvent sur le dos des salariés ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Alors, à quand une loi pour acheter français ? À quand la priorité nationale pour les marchés publics ? À quand des droits de douane pour les produits venant de pays pollueurs ?

M. Alain Gournac. C’est fini !

M. David Rachline. Comme ce texte a des objectifs louables, nous ne voterons pas contre, mais comme il ne remet nullement en cause le modèle qui a entraîné les perturbations environnementales que nous connaissons, nous ne voterons pas pour !

Merci de votre attention, chers collègues. Pour me rappeler à l’ordre, le président est là. Je vous demanderai donc de le laisser faire, si c’est nécessaire.

Mme Évelyne Didier. C’est nécessaire !

(M. Claude Bérit-Débat remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis vingt ans que sont menées des négociations climatiques multilatérales, les occasions n’ont pas été nombreuses de se féliciter d’un réel engagement de la communauté internationale face à la menace du réchauffement climatique.

Aussi, ne boudons pas notre plaisir face à l’accord adopté le 12 décembre 2015 à Paris en marge de la COP 21 et signé le 22 avril dernier à New York, car il s’agit tout de même du premier texte universel qui vise à « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 degrés Celsius ». Comme l’ont rappelé nos collègues Leïla Aïchi, Éliane Giraud et Cédric Perrin, dans leur très bon rapport, le dérèglement climatique serait susceptible de causer des dommages de l’ordre de 1 000 milliards de dollars par an en 2050 ! Il y avait donc urgence à s’accorder sur un plan d’action qui soit à la fois partagé et audacieux.

Il faut, de ce point de vue, souligner le travail effectué par l’ensemble de la diplomatie française depuis près de deux ans pour tirer les leçons des échecs du passé – je pense à la COP 15 de Copenhague, bien sûr – et associer au mieux les États au processus. Rappelons tout de même que 175 États ont apposé leur signature, faisant de l’accord de Paris celui qui a réuni le plus grand nombre de signatures d’un accord international dans l’histoire !

Appelés à soumettre à la conférence une contribution nationale à l’effort de réduction des gaz à effet de serre – et non en leur imposant les décisions d’en haut –, les États, sous le regard de leurs opinions publiques respectives, ont été mis en situation de se responsabiliser pour tendre vers un objectif soutenable et ambitieux pour la planète.

Le point clé de l’accord réside naturellement dans le maintien du réchauffement « bien en dessous du seuil de 2 degrés » et si possible sous celui de 1,5 degré. Même si ce volontarisme peut sembler affaibli par l’absence d’objectifs chiffrés à long terme, il n’en demeure pas moins supérieur aux engagements publiés par les États au début de la Conférence, qui permettraient seulement de limiter l’élévation de la température moyenne à environ 2,8 degrés.

En outre, il faut saluer la différenciation des efforts demandés aux pays, en fonction de leur responsabilité historique dans le changement climatique et de leur niveau de richesse – opposition récurrente entre Nord et Sud. Ce système d’équité devrait conduire à ce que les 100 milliards de dollars par an d’aide promise par les pays du Nord d’ici à 2020, afin d’aider ceux du Sud à faire face aux conséquences du dérèglement climatique, ne soient qu’un niveau plancher, appelé par conséquent à augmenter.

Enfin, même si l’on peut regretter l’absence de contrainte juridique – taillée sur mesure pour éviter un passage devant le Sénat américain – ou de réelles sanctions en cas de non-respect des engagements, la mise en place d’un cadre de transparence, donnant une image claire des mesures prises et des résultats obtenus par chacun, devrait empêcher les États de se soustraire à leurs objectifs – on peut légitimement l’espérer.

En outre, et c’est un point crucial, les engagements concernant les contributions nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront revus tous les cinq ans à partir de 2020. Il reviendra alors aux Parlements nationaux et, plus largement, aux peuples, de rappeler les dirigeants oublieux à leurs responsabilités.

Restent toutefois quelques limites que l’enthousiasme ne doit pas conduire à passer sous silence.

La possibilité de retrait pour un pays, sur simple notification « dans un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord », laisse planer un risque, celui d’un effet boule de neige semblable aux divers désengagements qu’on avait pu déplorer après la signature du protocole de Kyoto en 1997.

Au demeurant, plusieurs aspects du réchauffement climatique ont été laissés de côté. Je pense, notamment, aux transports aériens et maritimes, qui représentent tout de même plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faudra à un moment se colleter avec ce sujet, sachant que le secteur maritime doit d’abord mettre en place un dispositif de mesure des émissions qu’il rejette avant même de s’interroger sur leur limitation.

Il faut se réjouir d’avoir fixé des objectifs ambitieux tout en demeurant lucide sur le chemin restant à parcourir. En effet, en privilégiant l’institution d’obligations de moyen plutôt que de résultat, il reste à transformer la feuille de route en plan d’action crédible, car les engagements actuels des États ne suffisent pas à passer sous la barre des 2 degrés.

En étant à l’origine de la COP 21, la France se devait de montrer l’exemple en ratifiant au plus vite cet accord – conformément à ce qui est prévu, l’accord entrera en vigueur trente jours après avoir été ratifié par cinquante-cinq pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Puisse notre pays entraîner dans son sillage l’ensemble des pays industrialisés, car seuls seize pays ont ratifié l’accord à ce jour, démontrant que, au-delà des bonnes intentions, tout reste encore à faire pour être au rendez-vous de l’histoire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons rapidement ratifier cet accord pour que ce succès diplomatique soit un succès climatique. Notre groupe adoptera donc ce projet de loi avec enthousiasme ! Je pourrais m’arrêter là, mais je vais poursuivre malgré tout… (Sourires.)

Il est bien difficile de conclure des accords multilatéraux dans un monde qui se tourne vers le régionalisme. C’est d’autant plus difficile lorsque l’on aborde les questions environnementales, car la tentation est forte de les faire passer après les enjeux économiques et financiers. Reconnaissons franchement que l’accord de Paris est un succès diplomatique.

C’est une très bonne nouvelle pour le multilatéralisme, parce que l’Organisation des Nations Unies doit être confortée dans son rôle, à un moment où, pour l’essentiel, les enjeux que nous devons affronter sont globaux : ils dépassent les frontières des États et, surtout, le temps court des générations politiques.

C’est aussi une bonne nouvelle parce qu’est reconnu un principe qui m’est très cher et qu’ont défendu les délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, ici comme à l’Assemblée nationale, de même que le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Je veux parler du principe de l’autonomisation des femmes. Cet accord pose les bases et représente donc un progrès par rapport aux précédentes discussions.

Ce succès diplomatique, nous le devons au remarquable travail des équipes françaises. Nous le devons aussi à un accord politique unanime – et le Sénat a joué un rôle moteur à ce titre –, ainsi qu’à la mise en œuvre d’une nouvelle méthode, dite bottom-up.

Toutefois, cette méthode est aussi une cause de fragilité et il ne faudrait pas que ce succès diplomatique représente une fragilité climatique.

En premier lieu, pratiquement tous les orateurs l’ont rappelé, l’accord de Paris n’est qu’un socle, encore insuffisant, puisque l’engagement de limitation du réchauffement à 2 degrés Celsius n’est pas respecté – et encore moins, a fortiori, celui d’une limitation à 1,5 degré Celsius.

C’est donc un socle, mais encore faudrait-il que tous les pays tiennent tous leurs engagements. Et encore faudrait-il que, pendant cette première période qui verra une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, on n’observe pas d’effet boule de neige. Nous n’avons donc qu’un seul vœu : que cet accord soit très rapidement dépassé.

En deuxième lieu, l’accord de Paris n’est pas encore opposable. Sur ce point, il est important que la France soit l’un des tout premiers pays d’Europe à le ratifier, si elle n’est le premier, ce qu’elle aurait été si, contrairement à la Hongrie, premier pays à le ratifier, elle n’avait pas la chance d’avoir deux chambres : si nous n’avions eu qu’une chambre, nous serions en réalité le premier pays européen. (Protestations sur diverses travées.) Heureusement, nous avons deux chambres : cela permet d’avoir plus de débats, donc plus de démocratie !

Il faut que la France redouble d’efforts pour que tous les États d’Europe s’engagent et que l’Europe ratifie cet accord sans attendre la discussion sur la répartition du fardeau. En effet, comme on l’a vu pour les énergies renouvelables, cette discussion peut être longue et, si l’Europe attend pour ratifier, d’autres grandes régions attendront également.

Je pense, bien évidemment à la Chine, même si j’ai plutôt confiance en elle. En revanche, la ratification des États-Unis est peut-être un peu plus épineuse, puisqu’elle dépend de l’arrivée au pouvoir d’un étrange personnage qui considère que le réchauffement climatique est une invention chinoise !

En troisième lieu, pour que l’accord de Paris soit un succès climatique, encore faut-il aller au-delà des mots pour passer à l’action. En réalité, le succès de la COP 21 dépend totalement de la COP 22, qui devra régler les questions les plus opérationnelles, à savoir le Fonds climat, les systèmes de vérification, l’inclusion des secteurs oubliés. Tout reste à faire également pour créer un système de tarification du carbone efficient à travers le monde. Le sujet est délicat, mais il ne faut pas, pour autant, renoncer à cette ambition. Enfin, il faut faire en sorte que les systèmes de subvention aux énergies fossiles soient remis en question, comme l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’a demandé.

Cet accord est un succès diplomatique, mais de nombreuses marches restent à franchir pour qu’il soit un succès climatique. C’est la raison pour laquelle il faut s’empresser de les franchir en ratifiant cette convention internationale.

Pour être crédible, il faut agir. J’avais de nombreuses observations pas forcément agréables à vous présenter, madame la ministre, notamment sur les questions budgétaires, mais j’ai bien compris que le ton était plutôt à l’unanimité aujourd’hui. Je vais réserver ces observations pour le débat budgétaire et, surtout, pour vos collègues de Bercy. Je me limiterai donc à des questions beaucoup plus consensuelles.

Premièrement, pour que la COP 21 soit un succès en France, nous devons repenser profondément notre système fiscal. Or la réforme de la fiscalité écologique a été enterrée. C’est bien dommage, car le travail à fournir dans ce domaine est énorme.

Deuxièmement, pour que cet accord soit un succès, donnez aux territoires les clés de la réussite, madame la ministre ! Donnez-les vraiment, et non pas symboliquement en lançant des appels à projets ou des opérations d’exemplarité. Laissez aux territoires un droit à l’expérimentation dans le domaine de l’environnement et, surtout, donnez-leur les clés en tenant le plus possible à l’écart ces préfets qui ont pour seule ambition de bétonner !

Voilà, en quelques mots, ce que je souhaitais vous dire, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)