compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Bruno Gilles.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 37 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 38

Égalité et citoyenneté

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (projet n° 773 [2015-2016], texte de la commission n° 828 [2015-2016], rapport n° 827 [2015-2016]).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre IV du titre III, à l’article 38.

TITRE III (suite)

POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE

Chapitre IV (suite)

Dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations

Section 1 (Suite)

Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le code pénal

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Articles additionnels après l'article 38

Article 38

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le chapitre II du sous-titre II du titre Ier du livre II est complété par un article 215-5 ainsi rédigé :

« Art. 215-5. – Lorsqu’ils sont commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, les crimes prévus au présent sous-titre sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité. » ;

2° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II est complétée par un article 221-5-6 ainsi rédigé :

« Art. 221-5-6. – Lorsque les infractions prévues aux articles 221-5 et 221-5-1 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;

« 2° Il est porté à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement. » ;

3° Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II est complété par un article 222-16-4 ainsi rédigé :

« Art. 222-16-4. – Lorsque les délits prévus aux articles 222-14-2 et 222-14-4 à 222-16 sont commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

« 2° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

« 3° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;

4° Le 9° de l’article 222-24 est ainsi rédigé :

« 9° Lorsqu’il a été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »

5° Après le premier alinéa de l’article 222-25, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il a été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. » ;

6° L’article 222-28 est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

7° (nouveau) Le 6° de l’article 222-30 est ainsi rédigé :

« 6° Lorsqu’elle a été commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »

8° (nouveau) Le III de l’article 222-33 est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Sur une personne à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

9° (nouveau) L’article 222-33-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’infraction a été commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, la peine est portée à quatre ans d’emprisonnement. » ;

10° (nouveau) Après le 4° de l’article 222-33-2-2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Lorsqu’ils ont été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

11° (nouveau) La section 7 du chapitre III du titre II du livre II est complétée par un article 223-21 ainsi rédigé :

« Art. 223-21. – Lorsque les infractions prévues au présent chapitre sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à trente ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;

« 2° Il est porté à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle ;

« 3° Il est porté à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;

« 4° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

« 5° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

« 6° Il est porté à quatre ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;

« 7° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;

12° (nouveau) Après le 5° de l’article 224-1 C, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Lorsque le crime est commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

13° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 224-5-2, après le mot : « organisée », sont insérés les mots : « ou à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle » ;

14° (nouveau) Le I de l’article 225-4-2 est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Lorsque l’infraction est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

15° (nouveau) L’article 225-12-6 est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° À raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

16° (nouveau) Le premier alinéa de l’article 225-15 est complété par les mots : « ou à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle » ;

17° (nouveau) L’article 225-16-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

18° (nouveau) À l’article 225-18, les mots : « ou une religion déterminée » sont remplacés par les mots : « , une religion déterminée ou à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle » ;

19° (nouveau) La section 7 du chapitre VI du titre II du livre II est complétée par un article 226-33 ainsi rédigé :

« Art. 226-33. – Lorsque les infractions prévues au présent chapitre sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

« 2° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

« 3° Il est porté à quatre ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;

« 4° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;

20° (nouveau) La section 6 du chapitre VII du titre II du livre II est complétée par un article 227-32-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-32-1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 227-18 à 227-25 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement ;

« 2° Il est porté à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;

« 3° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

« 4° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

« 5° Il est porté à quatre ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;

« 6° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;

21° (nouveau) Le 9° de l’article 311-4 est ainsi rédigé :

« 9° Lorsqu’il est commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »

22° (nouveau) Le 3° de l’article 312-2 est ainsi rédigé :

« 3° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »

23° (nouveau) La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III est complétée par un article 312-16 ainsi rédigé :

« Art. 312-16. – Lorsque les infractions prévues aux articles 312-10 à 312-12-1 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;

« 2° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Il est porté à un an d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de six mois d’emprisonnement. » ;

24° (nouveau) Après le 5° de l’article 313-2, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° À raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

25° (nouveau) L’article 314-2 est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Au préjudice d’une personne à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

26° (nouveau) Après le 8° de l’article 322-3, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

27° (nouveau) Le 3° de l’article 322-8 est ainsi rédigé :

« 3° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;

28° (nouveau) La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre IV est complétée par un article 431-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 431-2-1. – Lorsque les infractions prévues à l’article 431-1 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

« 1° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;

29° (nouveau) Le dernier alinéa de l’article 322 est ainsi rédigé :

« Lorsque l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, les peines encourues sont également portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende. »

II. – (Supprimé)

III. – L’article L. 114-2 du code du patrimoine est ainsi rédigé :

« Art. L. 114-2. – Les infractions relatives aux destructions, dégradations et détériorations du patrimoine sont sanctionnées par les peines prévues aux articles 322-1 et 322-2 du code pénal. »

IV. – (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 716, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 82

Remplacer la référence :

322

par la référence :

322-2

La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Cet amendement tend à corriger une erreur de référence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 716.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.

(L'article 38 est adopté.)

Article 38
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 38 bis

Articles additionnels après l'article 38

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 254 est présenté par Mmes Conway-Mouret, Meunier, Blondin et Monier.

L'amendement n° 316 rectifié bis est présenté par M. Longeot, Mme Férat, MM. Détraigne, Canevet, Kern et Luche, Mmes Loisier et Doineau, MM. Médevielle, Guerriau et Gabouty et Mmes Billon et Jouanno.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 1° du présent article, la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 du présent code est prononcée de plein droit à l’encontre de toute personne investie d’un mandat électif public coupable de l’une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine. »

L’amendement n° 254 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° 316 rectifié bis.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à rendre obligatoire la peine complémentaire d'inéligibilité en cas de condamnation pour atteinte volontaire à l'intégrité de la personne ou agression sexuelle.

Il s’agit bien, pour nous, de faire de l'inéligibilité une peine complémentaire obligatoire, que le juge est en principe tenu de prononcer. Toutefois, celui-ci demeure libre d'en fixer le quantum et peut, en motivant spécialement sa décision, décider de ne pas prononcer l'inéligibilité.

Serait concerné par cette peine, qui, n’ayant pas de caractère automatique, ne serait pas inconstitutionnelle, l'ensemble des condamnations pour violence.

À l’heure actuelle, l'inéligibilité sanctionnant des infractions pénales est une peine complémentaire facultative et, de fait, elle n'est que très peu prononcée. Il serait important de réaffirmer le devoir d'exemplarité des personnes représentant la population.

M. le président. L'amendement n° 560, présenté par Mmes Benbassa et Archimbaud, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 1°, la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est prononcée de plein droit à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Cet amendement, dans le même esprit que celui qui vient d’être présenté, vise à généraliser les peines d’inéligibilité pour tout individu condamné pour atteinte volontaire à l’intégrité physique ou morale d’une personne.

Actuellement, un individu condamné pour violence volontaire ou violence sexuelle peut déjà être déclaré inéligible pour une durée maximale de cinq ans, en cas de délit, et de dix ans, en cas de crime. Toutefois, cette peine est dite « complémentaire » et, de la sorte, est rarement prononcée. Il en découle un certain nombre de situations très problématiques. Ainsi, il arrive que certains élus, condamnés pour violence envers leur compagne, continuent à officier et à célébrer des mariages.

L’adoption de cet amendement ferait de l’inéligibilité une peine complémentaire obligatoire. J’y insiste, cette peine n’aurait pas un caractère automatique : le juge pourrait toujours décider de ne pas l’imposer et n’aurait, pour cela, qu’à motiver son choix. De ce fait, la disposition respecte le principe d’individualisation des peines ; elle est donc conforme à la Constitution.

Par cet amendement, nous cherchons à faciliter le prononcé de l’inéligibilité, afin de le rendre plus régulier ou plus systématique. Vous en conviendrez, mes chers collègues, il est difficile d’envisager que des personnes condamnées pour de tels faits puissent continuer à exercer ou prétendre exercer leur mandat. Il y va du rôle des élus en tant que référents sociaux et de leur devoir d’exemplarité ! Je vous appelle donc à le voter.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président !

M. le président. Vous demandez la parole, madame Gonthier-Maurin ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, parce que, même si je sais que notre temps est contraint, j’aurais apprécié que vous vous intéressiez à cette partie de l’hémicycle. Je voulais reprendre l’amendement n° 254 présenté par certains de nos collègues socialistes, mais vous ne m’avez pas vue et je n’ai pas pu le faire. Je profite donc de la présentation de ces deux amendements pour indiquer que nous les soutiendrons.

M. le président. Je tâcherai d’être plus attentif, mais, de toute façon, vous ne pouviez pas reprendre l’amendement n° 254. Quoi qu’il en soit, l’amendement n° 316 rectifié bis est identique…

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. À titre personnel, je suis très sensible au thème évoqué dans ces amendements, à savoir l’exemplarité des élus, à laquelle nous ne pouvons que souscrire les uns et les autres. Toutefois, je m’en tiendrai à l’extrême rigueur dont nous avons été conduits à faire preuve dans l’examen de ce texte.

Ces amendements visent à créer une peine complémentaire systématique d’inéligibilité pour les personnes coupables de violence. Une disposition identique a déjà été rejetée par la commission spéciale et par l’Assemblée nationale.

Comme cela a été rappelé, en l’état actuel du droit, les juges peuvent d’ores et déjà prononcer une telle peine complémentaire. Les auteurs des amendements demandent à rendre ce prononcé automatique, ce qui pose un réel souci. En effet, le juge doit toujours avoir la possibilité de ne pas prononcer la peine et d’en moduler l’ampleur – il a un pouvoir d’appréciation –, les faits doivent être graves et il doit exister un lien entre la nature des faits réprimés et la nature de la sanction.

En outre, la mesure doit avoir un intérêt au regard de l’objectif de bonne administration de la justice, notamment en permettant de prévenir une réitération de l’infraction. Ainsi, pour prendre un exemple dans un domaine complètement différent, une peine systématique de confiscation du véhicule est permise pour certains délits routiers, car il existe vraiment un lien de cause à effet.

Enfin, le Conseil constitutionnel analyse également la proportionnalité de la mesure au regard de la nature de la sanction. Or l’inéligibilité est une sanction très grave, touchant aux fondements de la citoyenneté.

À mon avis, nous pourrions rencontrer quelques difficultés d’interprétation si nous adoptions une telle disposition. Cette peine systématique pourrait uniquement être constitutionnelle si les infractions visées avaient été commises dans le cadre de l’exercice d’un mandat électif public.

La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement s’associe à l’objectif que les auteurs de ces amendements cherchent à atteindre, mais leur proposition soulève quelques interrogations, d’ailleurs très largement évoquées par Mme la rapporteur.

La mesure proposée ne présente pas de risque constitutionnel dès lors que la peine obligatoire n’est pas automatique, c’est-à-dire qu’il existe une possibilité de déroger à son prononcé. Pour autant, nous estimons que la rédaction pourrait être améliorée. Les amendements font état d’une peine prononcée « de plein droit », expression qui ne figure pas dans le code pénal : une peine est encourue, mais non prononcée de plein droit. Il serait donc préférable d’indiquer que le prononcé de la peine est obligatoire.

Cela étant, si l’un de ces amendements était adopté, nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ce point dans la suite du parcours législatif du projet de loi.

Messieurs les sénateurs, si je comprends parfaitement votre intention, je ne peux m’empêcher de noter que cette peine complémentaire obligatoire contrevient au principe d’individualisation des peines, auquel le Gouvernement est attaché. Pour déroger à cette peine complémentaire obligatoire, le juge devra motiver sa décision, alors qu’il n’a besoin d’aucune motivation spéciale pour prononcer la peine. Or il est évident que le juge tient compte de la personnalité de l’auteur de telles atteintes, en particulier si la fonction exercée a pu servir à commettre ces actes abjects, voire a été détournée à cet effet.

Par conséquent, j’y insiste, si le Gouvernement comprend votre intention, il ne peut totalement souscrire à une telle disposition, pour les raisons d’ordre juridique que j’ai exposées.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.