Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Bonnecarrère et Reichardt, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° A Après le mot : « susmentionnées », la fin de l’article 432-14 est ainsi rédigée : « , d’avoir en connaissance de cause et en vue de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié, octroyé cet avantage injustifié, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ou les contrats de concession. » ;

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Mes chers collègues, je me permets de vous demander de voter pour la troisième fois en faveur de cette disposition, que vous aviez déjà adoptée en première lecture, mais également dans le cadre du texte de ratification de l’ordonnance relative aux marchés publics. Je vous prie donc, par cohérence avec vos deux votes précédents, d’adopter cet amendement, qui a par ailleurs, me semble-t-il, reçu une nouvelle fois le soutien de la commission des lois.

Je vous précise, monsieur le ministre, que cet amendement a fait l’objet d’un travail commun avec vos services, en amont du travail que nous avons effectué au titre de la mission d’information sur la commande publique, dont M. Bourquin était le rapporteur pour le groupe socialiste, et dont j’étais le président.

Je vous rappelle également que cet amendement reprend une proposition du rapport pour 2015 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il a donc été validé par le président Jean-Louis Nadal et ses services.

J’expose à présent très rapidement les deux motifs de cet amendement.

Premièrement, nous partageons la volonté du Gouvernement de promouvoir les marchés publics comme outil de la compétition économique pour notre pays et nos PME, et également la possibilité de mettre en valeur les circuits courts – je vous renvoie à une déclaration récente du ministre de l’agriculture à ce sujet. Pour cela, nous avons besoin, dans une certaine mesure, d’assouplir la forme. En d’autres termes, un acheteur public ou un élu ne doit pas pouvoir être sanctionné pénalement en cas de simple erreur formelle.

Deuxièmement, la transcription des directives européennes au mois de février 2014 recommande le sourcing, à savoir que les acheteurs publics doivent aller vers les entreprises pour assurer la meilleure qualité d’achat public possible. En l’état des dispositions pénales, le risque est très important pour les décideurs publics, d’où cette proposition, qui ne change rien au fond, mais qui réécrit, sur le plan formel, les dispositions en matière de favoritisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à recentrer le délit de favoritisme, en exigeant un dol spécial. Seuls les acheteurs ayant l’intention d’avantager un concurrent pourraient désormais être condamnés. Sur le plan juridique, cet amendement, qui tend à réintroduire l’élément moral du délit, ne me choque nullement. L’avis de la commission est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous soutenons vivement cet amendement, qui a le mérite de réintroduire l’intentionnalité dans un certain nombre de délits. Le problème se pose pour le délit de favoritisme, mais aussi pour celui de prise illégale d’intérêts. Nous constatons en effet une dérive invraisemblable, puisqu’il suffit d’une erreur matérielle ou de procédure pour que le délit soit constitué.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Montaugé, Durain, Vaugrenard et Duran, Mme D. Gillot, M. Lalande, Mmes Riocreux et S. Robert, MM. Godefroy et Yung, Mmes Tocqueville et Schillinger, M. Courteau, Mme Yonnet, M. Manable, Mmes Bataille et Perol-Dumont et MM. Labazée, Raoul, Marie et Vincent, n’est pas soutenu.

L'amendement n° 76, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 154 du code électoral, sont insérés huit alinéas ainsi rédigés :

« Est également joint un bulletin n° 2 du casier judiciaire.

« Nul ne peut être candidat si ce bulletin comporte la mention d’une condamnation pour manquement au devoir de probité.

« Les condamnations pour manquement à la probité sont :

« 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ;

« 2° Les infractions de corruption et de trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;

« 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;

« 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du présent code ;

« 5° Les infractions fiscales. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous proposons, à travers cet amendement, de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale. Nous étions déjà intervenus en ce sens lors de la discussion du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique. En effet, il nous semble essentiel pour notre démocratie que les élus soient au-dessus de tout soupçon, mais aussi que certaines règles qui s’appliquent au citoyen en matière de probité et de déontologie s’appliquent aussi aux législateurs.

Car, vous le savez, le statut de la fonction publique prévoit que « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire […] si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ». Le présent article s’inspire de ce statut.

Le contexte de défiance actuel vis-à-vis de la classe politique, s’il est un drame pour notre démocratie, doit malheureusement beaucoup aux pratiques dérogatoires de certains élus en matière de probité.

Nous adopterions donc un comportement responsable si nous introduisions cette condition d’aptitude à l’exercice du mandat électif des parlementaires. Cette modification concerne effectivement tout autant les députés que les sénateurs et sénatrices, en vertu de l’article L.O. 296 du code électoral qui dispose que les conditions d’éligibilité et les inéligibilités des sénateurs sont les mêmes qu’à l’Assemblée nationale.

Il ne s’agit en aucun cas d’une double peine ou d’une sanction automatique, car n’oublions pas le droit à l’effacement de toute condamnation pour réhabilitation légale ou judiciaire, dans les conditions prévues aux articles 133-12 et suivants du code pénal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à conditionner le dépôt d’une candidature aux élections à la présentation d’un casier judiciaire vierge de toute condamnation pour des infractions liées à des manquements à la probité.

Cette disposition a été rejetée ou retirée du texte en commission en raison de son inconstitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel a déjà jugé, en 2010, qu’une peine d’inéligibilité automatique, non explicitement prononcée par une juridiction et ne tenant pas compte des circonstances propres à chaque affaire était contraire au principe d’individualisation des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cet amendement présente cette sanction comme une condition d’éligibilité, mais le Conseil constitutionnel recherche si, derrière cette formalité de droit électoral, le législateur n’a pas institué une peine. Or la volonté de réprimer des comportements pénalement et moralement répréhensibles est indéniable derrière cet amendement.

Ses auteurs présentent comme une précaution le fait que les personnes condamnées pourraient également voir cette condamnation effacée du casier judiciaire. Toutefois, jusqu’à son abrogation par le Conseil constitutionnel en 2010, l’article L. 7 du code électoral qui prévoyait une inéligibilité automatique permettait à la personne condamnée de solliciter d’être relevée de cette condamnation, y compris dès l’audience où la peine principale était prononcée. Or le Conseil constitutionnel a considéré que même cette faculté, pourtant très favorable à la personne condamnée, n’était pas de nature à permettre l’individualisation de la peine et a tout de même constaté sa contrariété à la Constitution. L’effacement du casier judiciaire n’est donc pas suffisant pour prémunir le dispositif qui nous est proposé d’une censure constitutionnelle.

Nos collègues du groupe CRC font un parallèle, intellectuellement compréhensible, entre un casier judiciaire vierge pour les candidats aux élections et pour les candidats à la fonction publique, condition que le Conseil constitutionnel admet dans ce second cas. La jurisprudence constitutionnelle ne permet cependant pas d’établir cette comparaison sur le plan constitutionnel, car l’accès à la fonction publique s’apprécie au regard de l’article 6 de la Déclaration de 1789, tandis que le droit de vote et le droit d’éligibilité, qui est rattaché au premier, se fondent sur l’article 3 de la Constitution. Et, sur ce point, depuis 1982, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence limitative : une inéligibilité ne peut être fondée que sur « une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou […] une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu », ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

J’ajoute, pour conclure, que l’amendement n° 76 relève du domaine de la loi organique.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit d’une disposition adoptée par l’Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement.

Cet avis négatif n’était pas motivé par des raisons de principe ou d'éthique, bien entendu. Nous sommes tous, me semble-t-il, favorables à la mise en œuvre de dispositions permettant d’interdire ou de limiter les possibilités pour des personnes qui ont été condamnées de se représenter – cela peut d’ailleurs arriver au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

Mais des raisons constitutionnelles fortes plaident contre cet amendement.

Tout d’abord, sur la forme, seule une loi organique pourrait prévoir d’appliquer cette disposition aux députés et aux sénateurs.

Ensuite, sur le fond, les dispositions de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui protègent strictement le droit de vote et d’éligibilité seraient incompatibles avec ce qui apparaîtrait comme une peine automatique, celle-ci étant par ailleurs sanctionnée par le Conseil constitutionnel.

Je partage donc l’opinion du rapporteur et émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Il faudrait en effet une loi organique pour que cette disposition puisse s’appliquer aux parlementaires, et c’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi organique en ce sens.

Cela étant, nous manquons assurément de crédibilité. Aux termes d’un récent sondage Louis Harris, 54 % des Français pensent que les élus sont corrompus. Ce n’est évidemment pas le cas, mais nous devons faire un effort pour entendre nos concitoyens et accepter que, comme dans la fonction publique, on demande un casier judiciaire vierge pour être candidat. Il s’agit non pas d’un jugement sur la peine, mais d’une condition d’inéligibilité, ce qui est différent. Ce que l’on exige d’un fonctionnaire, pourquoi ne l’exigerait-on pas d’un candidat ?

La réponse ne me semble pas satisfaisante, et je soutiens donc cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

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Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Article 12 bis A

Article 12

Le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifié :

1° La sous-section 3 de la section 1 est complétée par un article 435-6-2 ainsi rédigé :

« Art. 435-6-2. – Dans le cas où les infractions prévues aux articles 435-1 à 435-4 sont commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable en toutes circonstances, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6, et l’article 113-8 n’est pas applicable.

« Pour la poursuite de la personne qui s’est rendue coupable sur le territoire français, comme complice, d’une infraction prévue aux articles 435-1 à 435-4 commise à l’étranger, la condition de constatation de l’infraction par une décision définitive de la juridiction étrangère prévue à l’article 113-5 n’est pas applicable. » ;

2° La sous-section 3 de la section 2 est complétée par un article 435-11-2 ainsi rédigé :

« Art. 435-11-2. – Dans le cas où les infractions prévues aux articles 435-7 à 435-10 sont commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable en toutes circonstances, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6, et l’article 113-8 n’est pas applicable.

« Pour la poursuite de la personne qui s’est rendue coupable sur le territoire français, comme complice, d’une infraction prévue aux articles 435-7 à 435-10 commise à l’étranger, la condition de constatation de l’infraction par une décision définitive de la juridiction étrangère prévue à l’article 113-5 n’est pas applicable. »

Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 6

Après les mots :

résidant habituellement

insérer les mots :

ou exerçant tout ou partie de son activité économique

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 12 crée une nouvelle exception à la compétence territoriale, en prévoyant, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, de rendre applicable la loi française et compétente la juridiction française pour les faits commis à l’étranger par un Français, mais également par une personne « résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français ».

Ce dispositif, notons-le d’emblée, n’avait pas la faveur du Gouvernement. Mais il aurait permis de lutter plus efficacement contre l’impunité tirée de la commission des principaux actes de corruption et de trafic d’influence à l’étranger.

Or le critère de l’exercice de l’activité économique sur le territoire français pour rendre applicable la loi pénale française pour des faits de corruption et trafic d’influence commis à l’étranger a été supprimé par la commission des lois du Sénat. Selon le rapporteur, ce critère serait susceptible de concerner un trop grand nombre de personnes morales exerçant leur activité en dehors du cadre strictement national, et il s’agissait selon lui d’une affirmation trop large de la compétence française.

Notre amendement vise au contraire à rétablir ce critère. En effet, l’affirmation de la compétence française constituerait une bonne contre-mesure face à l’affirmation de leur compétence par les pouvoirs publics américains. Cela permettrait aux autorités judiciaires françaises de poursuivre, avec la même facilité que le département de la justice américain, des entreprises étrangères s’étant rendues coupables à l’étranger de fait de corruption d’agent public ou de magistrat.

Il est toutefois étonnant que les députés Les Républicains aient aussi soutenu cette disposition, invoquant l’exemple d’Alstom, au motif qu’« Alstom serait ainsi condamné aux États-Unis, en tant que groupe français, mais sa branche énergie, rachetée par General Electric, ne serait pas susceptible d’être poursuivie par la justice française ».

Enfin, l’affirmation de la compétence française permettrait aussi d’atteindre les entités du numérique, souvent dépourvues de filiales françaises ou d’établissement stable au sens fiscal et pénal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. En effet, la commission a supprimé cet ajout de l’Assemblée nationale.

Contrairement à ce que l’objet de l’amendement pourrait laisser croire, il ne s’agit pas de permettre l’application de la loi pénale française à des faits de corruption commis à l’étranger par des entreprises ayant une activité économique en France. Le cadre légal français permet déjà une telle application.

Cet amendement vise à supprimer les conditions actuelles de cette application.

Ces conditions sont doubles : l’incrimination doit exister dans le pays où a été commise l’infraction et l’action publique est réservée au parquet. Ces conditions ont été posées pour éviter de submerger nos tribunaux.

Or, en supprimant ces critères pour tout fait commis à l’étranger, ma chère collègue, vous exposez les tribunaux français à recevoir une avalanche de plaintes avec constitution de partie civile qui auraient pu être préalablement classées par le parquet.

Je ne suis pas sûr qu’une telle disposition rende service à la justice française, qui n’a pas particulièrement envie d’aller sanctionner des entreprises étrangères pour des faits commis à l’étranger. Je sais que l’expansionnisme américain, en particulier de sa justice, crée des envieux, mais il faut avoir les moyens de ses ambitions, ce qui n’est pas notre cas.

Le critère de l’activité économique, même partielle, est susceptible de concerner un très grand nombre de personnes morales exerçant leur activité en dehors du cadre strictement national.

Il me semble préférable de mener une réflexion approfondie sur le point de savoir si la justice française est la mieux à même de sanctionner des comportements n’impliquant que très indirectement la France et si elle peut être saisie, sans contrôle du parquet, de toutes les plaintes afférentes à ces infractions, avant de légiférer sur cette question.

En conséquence, l'avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Article 12 bis

Article 12 bis A

(Supprimé)

Article 12 bis A
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Article 12 ter

Article 12 bis

Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A Au 2° de l’article 40-1, après la référence : « 41-1 », est insérée la référence : « , 41-1-2 » ;

1° Après l’article 41-1-1, il est inséré un article 41-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 41-1-2. – I. – Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus aux articles 433-1, 433-2, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1, à l’avant-dernier alinéa de l’article 434-9 et au second alinéa de l’article 434-9-1 du code pénal, pour le blanchiment des infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion de celles prévues aux mêmes articles 1741 et 1743, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant une ou plusieurs des obligations suivantes :

« 1° Verser une amende d’intérêt public au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, sur une période qui ne peut être supérieure à un an et qui est précisée par la convention ;

« 2° Se soumettre, pour une durée maximale de trois ans, à un programme de mise en conformité, dans les conditions prévues à l’article 131-39-2 du code pénal et à l’article 764-44 du code de procédure pénale.

« Les frais occasionnés par le recours par l’Agence de prévention de la corruption à des experts, personnes ou autorités qualifiés, pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables nécessaires à sa mission de contrôle sont supportés par la personne morale mise en cause, dans la limite d’un plafond fixé par la convention ;

« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si la personne morale mise en cause justifie de la réparation de son préjudice, la convention prévoit également le montant et les modalités de la réparation des dommages causés par l’infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à un an.

« La victime est informée de la décision du procureur de la République de proposer la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public à la personne morale mise en cause. Elle transmet au procureur de la République tout élément permettant d’établir la réalité et l’étendue de son préjudice.

« Les représentants légaux de la personne morale mise en cause demeurent responsables en tant que personnes physiques. Ils sont informés, dès la proposition du procureur de la République, qu’ils peuvent se faire assister d’un avocat avant de donner leur accord à la proposition de convention.

« II. – Lorsque la personne morale mise en cause donne son accord à la proposition de convention, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal de grande instance aux fins de validation. La proposition de convention est jointe à la requête. La requête contient un exposé précis des faits ainsi que la qualification juridique susceptible de leur être appliquée. Le procureur de la République informe de cette saisine la personne morale mise en cause et, le cas échéant, la victime.

« Le président du tribunal procède à l’audition, en audience publique, de la personne morale mise en cause et de la victime assistées, le cas échéant, de leur avocat. À l’issue de cette audition, le président du tribunal prend la décision de valider ou non la proposition de convention, en vérifiant le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l’amende aux limites prévues au 1° du I du présent article et la proportionnalité des mesures prévues aux avantages tirés des manquements. La décision du président du tribunal, qui est notifiée à la personne morale mise en cause et, le cas échéant, à la victime, n’est pas susceptible de recours.

« Si le président du tribunal rend une ordonnance de validation, la personne morale mise en cause dispose, à compter du jour de la validation, d’un délai de dix jours pour exercer son droit de rétractation. La rétractation est notifiée au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si la personne morale mise en cause n’exerce pas ce droit de rétractation, les obligations que la convention comporte sont mises à exécution. Dans le cas contraire, la proposition devient caduque.

« L’ordonnance de validation n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation.

« La convention judiciaire d’intérêt public n’est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire. Elle fait l’objet d’un communiqué de presse du procureur de la République et d’une publication par l’Agence de prévention de la corruption.

« La victime peut, au vu de l’ordonnance de validation, demander le recouvrement des dommages et intérêts que la personne morale s’est engagée à lui verser suivant la procédure d’injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile.

« III. – Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de convention, si la personne morale mise en cause décide d’exercer son droit de rétractation ou si, dans le délai prévu par la convention, la personne morale mise en cause ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues, le procureur de la République met en mouvement l’action publique, sauf élément nouveau. Si la convention a été conclue dans le cadre d’une information judiciaire, le dernier alinéa de l’article 180-2 est applicable. En cas de poursuites et de condamnation, il est tenu compte, s’il y a lieu, de l’exécution partielle des obligations prévues par la convention.

« Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de convention ou si la personne morale exerce son droit de rétractation, le procureur de la République ne peut faire état devant la juridiction d’instruction ou de jugement des déclarations faites ou des documents remis par la personne morale au cours de la procédure prévue au présent article.

« À peine de nullité, le procureur de la République notifie à la personne morale mise en cause l’interruption de l’exécution de la convention lorsque cette personne ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues. Cette décision prend effet immédiatement. Le cas échéant, elle entraîne de plein droit la restitution de l’amende d’intérêt public versée au Trésor public prévue au 1° du I. Elle n’entraîne cependant pas la restitution des éventuels frais supportés par la personne morale et occasionnés par le recours par l’Agence française anticorruption à des experts, personnes ou autorités qualifiés pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables nécessaires à sa mission de contrôle.

« IV. – La prescription de l’action publique est suspendue durant l’exécution de la convention.

« L’exécution des obligations prévues par la convention éteint l’action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit des personnes ayant subi un préjudice du fait des manquements constatés, sauf l’État, de poursuivre la réparation de leur préjudice devant la juridiction civile.

« Le président du tribunal de grande instance peut désigner, aux fins de validation de la convention judiciaire d’intérêt public, tout juge du tribunal.

« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

2° Après l’article 180-1, il est inséré un article 180-2 ainsi rédigé :

« Art. 180-2. – Lorsque le juge d’instruction est saisi de faits qualifiés constituant un des délits mentionnés au I de l’article 41-1-2, que la personne morale mise en examen reconnaît les faits et qu’elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l’accord du procureur de la République, prononcer, par ordonnance, la transmission de la procédure au procureur de la République aux fins de mise en œuvre de la procédure prévue au même article 41-1-2.

« La demande ou l’accord du procureur de la République en vue de la mise en œuvre de la procédure prévue audit article 41-1-2 peut être exprimé ou recueilli au cours de l’information ou à l’occasion de la procédure de règlement prévue à l’article 175. Les représentants légaux de la personne morale mise en cause sont informés, dès la proposition du procureur de la République, qu’ils peuvent se faire assister d’un avocat avant de donner leur accord à la convention.

« L’instruction est suspendue en ce qu’elle concerne la personne morale faisant l’objet de la transmission pour mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 41-1-2. Les mesures prononcées, le cas échéant, au titre du contrôle judiciaire sont maintenues à l’égard de cette personne jusqu’à la validation de la convention.

« L’instruction se poursuit à l’égard des autres parties à la procédure.

« Si, dans un délai de trois mois à compter de la transmission de la procédure au procureur de la République, aucun accord sur une proposition de convention n’a été trouvé, si le président du tribunal de grande instance refuse de valider la convention, si la personne morale décide d’exercer son droit de rétractation ou si, dans le délai prévu par la convention, la personne morale ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations à sa charge, le procureur de la République transmet la procédure au juge d’instruction, accompagnée des réquisitions aux fins de reprise de l’information. »