Mme Aline Archimbaud. On nous propose de faire coexister deux modes de transport très inégalitaires : pour certains, une liaison directe, confortable et rapide ; pour tous les autres, des retards, des pannes, des trains annulés et des rames bondées.

On nous dit souvent que les autres grands aéroports bénéficient de lignes rapides pour le transfert des touristes en centre-ville. C’est vrai pour certains d’entre eux, mais encore faut-il regarder attentivement les services proposés chez nos voisins.

À Berlin, suivant l’aéroport, on doit prendre le bus ou le train. Le trajet jusqu’au centre-ville dure vingt-huit minutes et coûte 3 euros.

À Rome, un train direct relie l’aéroport à la gare centrale en une trentaine de minutes, pour un coût de 14 euros.

À Bruxelles, le billet est à 8,5 euros et le trajet dure vingt minutes.

Dans ces différents exemples, on est loin du coût prohibitif annoncé du CDG Express et bien plus proche, qu’il s’agisse du temps de trajet ou du prix du billet, du service assuré par le RER B, quand il fonctionne et relie directement le centre-ville de Paris et l’aéroport.

Par ailleurs, le nouveau train n’apporterait aucun bénéfice aux villes de Seine-Saint-Denis traversées, puisqu’il ne s’y arrêterait pas ! En revanche, le passage des rames, huit fois par heure de cinq heures du matin à minuit, induirait de nouvelles nuisances visuelles et sonores. Et tout cela pour quoi ? Pour un gain de dix minutes par rapport au RER B quand celui-ci fonctionne bien, et ce au prix d’un engorgement prévisible des voies existantes, qui seront en partie utilisées par le nouveau train. Mécaniquement, cette situation engendrera encore plus de retards.

À nos yeux, ce projet n’est pas acceptable en l’état. On ne peut pas mépriser à ce point les usagers quotidiens du RER B et les territoires de Seine-Saint-Denis qu’il est prévu de traverser.

Par ailleurs, le projet ne tient pas compte des nouvelles évolutions prévues en matière d’aménagement du territoire. Je pense notamment à la ligne 17 du Grand Paris Express, qui, en 2023, doit relier l’aéroport Charles-de-Gaulle à la gare de Saint-Denis-Pleyel. Cette dernière est censée devenir un lieu d’intermodalité, offrant de nombreuses correspondances. Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi un tel doublon ?

Enfin, le rapport issu de l’enquête publique met en exergue l’existence de zones d’ombre. En particulier, deux réserves sont formulées concernant le financement : outre qu’il est « difficile d’apprécier le bien-fondé des dépenses », la rentabilité du projet ne serait pas forcément suffisante pour atteindre l’équilibre. De surcroît, l’enquête publique déplore « le manque de précision sur le recours aux fonds propres ou à l’emprunt, aux subventions publiques ou européennes ».

Vous nous avez indiqué qu’aucune subvention publique ne serait octroyée, mais nous n’avons pas très bien compris ce qui serait à la charge de la SNCF, laquelle est déjà lourdement endettée. Ainsi, à nos yeux, le montage financier est encore extrêmement peu clair à ce stade.

Mme Éliane Assassi. Il est même opaque !

Mme Aline Archimbaud. Par principe, nous voulons être sûrs qu’un système de transports aussi inégalitaire ne sera pas financé par de l’argent public.

En conclusion, les membres du groupe écologiste souhaitent la mise en œuvre, en matière de transports, de projets conciliant la volonté légitime de développer l’attractivité économique de Paris et de l’Île-de-France et une bonne qualité de mobilité pour tous les usagers.

À cette fin, nous proposons de concentrer les investissements publics selon deux objectifs.

D’une part, il faut améliorer de façon significative et structurelle le fonctionnement du RER B. À cet égard, il y a urgence, eu égard à la colère qu’expriment les usagers.

D’autre part, il faut assurer le financement de la future ligne 17, infrastructure qui permettra une desserte aéroportuaire moderne et de qualité.

Dès lors, l’Île-de-France disposerait d’un système de transport permettant à la fois une desserte aéroportuaire de qualité et des liaisons, directes et omnibus, au bénéfice des Franciliens, des salariés de l’aéroport et des voyageurs.

Le groupe écologiste ne votera pas, en l’état, le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Roissy-Charles-de-Gaulle, premier aéroport français, deuxième d’Europe par sa taille et neuvième à l’échelle mondiale par son trafic, est la principale interface entre la France et le reste du monde. C’est le lieu par lequel transitent la majorité des 15 millions de visiteurs étrangers qui se rendent chaque année à Paris, première destination touristique au monde.

Pourtant, ses accès sont aujourd’hui fortement congestionnés, qu’il s’agisse des autoroutes A1 et A3 ou du RER B. Les temps de trajet oscillent entre trente minutes et une heure trente, et l’expérience du voyageur coincé dans les embouteillages ou dans un RER bondé, sans espace pour les bagages, n’est pas satisfaisante. La qualité du voyage en France s’en trouve pour partie dégradée.

La réalisation du projet CDG Express, qui vise à relier directement, d’ici à 2023, l’aéroport au centre de Paris en vingt minutes, est dès lors nécessaire pour améliorer la qualité du voyage et de l’accueil de nos visiteurs et pour donner une image plus moderne de notre pays.

Il s’agit là d’un enjeu essentiel pour l’attractivité économique et touristique de l’Île-de-France, d’autant que les aéroports européens de même rang sont déjà dotés d’un tel équipement et que Paris a besoin d’infrastructures de transport de haut niveau dans la perspective de ses candidatures à l’organisation des jeux Olympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025.

L’enjeu économique est donc majeur, alors que l’on prévoit un doublement du trafic aérien mondial d’ici à quinze ou vingt ans et que notre pays s’est fixé pour objectif global d’accueillir 100 millions de touristes par an à l’horizon 2020.

Aujourd’hui, le secteur du tourisme souffre énormément du lourd climat que nous connaissons. « C’est l’état d’urgence dans l’industrie touristique », écrivait le journal Le Monde le 17 octobre dernier. Bien entendu, nous espérons que cette situation ne sera que temporaire. Cela étant, c’est là une donnée que nous avons la responsabilité de prendre en compte, le tourisme étant l’un des secteurs clefs de notre économie : il représente entre 7 % et 8 % de notre PIB et deux millions d’emplois directs et indirects.

L’amélioration de la qualité d’accueil des visiteurs est ainsi l’un des axes du travail à accomplir pour soutenir ce secteur : la France a perdu un million de touristes entre les seuls mois de janvier et d’août 2016, ce malgré l’organisation de l’Euro de football.

Le Charles-de-Gaulle Express s’inscrit dans une complémentarité avec l’ensemble des autres projets de transports en commun du Nouveau Grand Paris, notamment la nouvelle ligne 17.

L’amélioration des infrastructures de transports au service des Franciliens des petite et grande couronnes a certes tardé, mais il ne faut pas mettre en concurrence ces deux projets d’infrastructures, d’autant qu’il ne s’agit pas des mêmes financements et que la réalisation de ce projet de desserte directe aura également la vertu de soulager le transport routier ainsi que les transports publics dédiés aux déplacements du quotidien. (Mme Aline Archimbaud manifeste son scepticisme.)

Certes, quelques derniers points restent à régler pour boucler une partie du financement du projet, dont le coût global est estimé à 1,4 milliard d’euros.

Par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a introduit un article additionnel visant à autoriser SNCF Réseau à déroger à la règle d’or qui s’impose à lui depuis 2014, pour lui permettre de participer en fonds propres au financement de l’infrastructure, à hauteur de 100 millions à 300 millions d’euros.

Il ne s’agit pas là, à proprement parler, d’une aggravation de la dette, dans la mesure où seront mobilisés des fonds propres pour contribuer à la création d’un actif, dont l’équilibre financier sera assuré d’une part par les recettes des gestionnaires de l’exploitation, d’autre part par une redevance complémentaire. Le niveau de risque est donc réduit.

À l’inverse, l’absence de cet article imposerait que l’État compense à SNCF Réseau sa participation aux fonds propres de la société en 2017. Cela remettrait en cause le principe selon lequel « l’État ne participe pas financièrement à l’opération ». La déclaration d’utilité publique s’en trouverait juridiquement affaiblie. Dès lors, c’est l’ensemble du projet qui serait en péril.

En réalité, ce projet traîne depuis 2006, tout le monde en convient. Nous ne pouvons donc plus attendre pour engager sa mise en œuvre. C’est pourquoi j’appelle la majorité sénatoriale, qui a supprimé l’article 1er bis en commission, à amender son opposition, qui confine à l’obstruction au projet, pour autoriser le rétablissement du dispositif proposé par le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, en tant que rapporteur pour avis, depuis deux ans, de la mission « Transports aériens » du projet de loi de finances, je souhaite par ailleurs vous interroger sur un autre volet du financement du projet. Bien qu’il ne soit pas, à proprement parler, traité dans le présent texte, il en est indissociable, et nous devons profiter de cette occasion pour l’aborder.

Il est actuellement envisagé de taxer à hauteur de 1 euro par passager les compagnies aériennes opérant des vols au départ de l’aéroport Charles-de-Gaulle, ce dès 2017, afin de dégager une recette d’environ 40 millions d’euros par an.

Vous venez d’annoncer que cette participation financière ne serait instaurée qu’en 2023. C’est là un point positif. Toutefois, nos compagnies aériennes sont aujourd’hui confrontées à un environnement de concurrence féroce en termes de coûts. Retenir une telle solution de financement entrerait en contradiction avec l’intention manifestée par le Gouvernement de soutenir un secteur économique dont les acteurs français sont confrontés à un déficit de compétitivité qui hypothèque leur avenir.

À cet égard, je rejoins mon collègue député Bruno Le Roux, qui écrivait, en 2014, dans son rapport relatif à la compétitivité du transport aérien, que « le pavillon français profite très peu de la croissance du trafic aérien, et voit ses parts de marché diminuer. L’acquittement d’un grand nombre de taxes spécifiques et l’instabilité des réglementations qui s’appliquent à nos compagnies aériennes font partie des maux qui les affaiblissent. »

Par conséquent, la stabilisation et la simplification des réglementations, ainsi que l’amélioration de l’environnement fiscal, dans un contexte européen qui, en la matière, attend encore d’être harmonisé, sont des objectifs que nous devons continuer à viser. Or la création d’une taxe sur les passagers pour contribuer au financement du CDG Express n’irait pas dans ce sens. Les voies d’une autre répartition de la taxe, mobilisant davantage les ressources d’ADP, peuvent être explorées. Dans le même esprit, une solution alternative pourrait consister à réaffecter au projet CDG Express le surplus de recettes de la taxe de solidarité, aujourd’hui soumise à un plafond de 210 millions d’euros, au-delà duquel son produit est reversé au budget général. Le reversement a été de l’ordre de 12 millions d’euros en 2015, de 20 millions d’euros en 2016 : cet excédent pourrait être affecté au financement du CDG Express.

De même – je rejoins là encore les recommandations du rapport Le Roux –, l’assiette de cette taxe destinée à financer la lutte contre les maladies en Afrique pourrait être élargie. Elle est aujourd’hui supportée par les seules compagnies aériennes.

Ces deux voies pourraient permettre de mieux répartir les contributions des divers acteurs concernés sans remettre en cause les engagements de la France en matière de solidarité internationale.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, la réalisation rapide de ce projet est cruciale pour notre pays, au vu des retombées à en attendre. Il serait extrêmement préjudiciable de la compromettre en votant ce projet de loi sans fixer le cadre juridique dont le Gouvernement a besoin pour assurer sa réalisation.

En retour, monsieur le secrétaire d’État, il importe que, par votre voix, le Gouvernement nous apporte un éclairage sur les arbitrages qu’il entend opérer en termes de financement et se montre ouvert à la discussion lors de l’examen des textes financiers : c’est ainsi que nous pourrons trouver un compromis cohérent avec notre souhait commun de soutenir les acteurs français du tourisme et du transport aérien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la création de la liaison ferroviaire CDG Express entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle est un véritable serpent de mer.

Apparu dès les années 2000, ce projet ressurgit régulièrement dans le débat public. Ses contours sont évolutifs, mais le fond, lui, est toujours le même : il s’agit de relier directement Paris à l’aéroport Charles-de-Gaulle, au motif que l’offre actuelle ne serait pas adaptée et qu’il conviendrait de séparer les voyageurs aériens des autres usagers.

Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, nous nous sommes toujours opposés à la création de cette infrastructure.

En effet, nous considérons que ce projet ne relève pas de l’intérêt général, puisque, eu égard à ses caractéristiques, il ne concerne qu’une seule catégorie d’usagers. Sa tarification particulière, de l’ordre de 24 euros pour un aller simple, atteste d’ailleurs de la spécificité de l’offre envisagée, qui n’entre pas dans les grilles de tarification du STIF et se place ainsi hors du champ du pass navigo. Très logiquement, une telle ligne ne constituerait donc pas un élément du service public de transports collectifs.

Tout, dans ce projet, est dérogatoire, qu’il s’agisse des procédures d’expropriation d’urgence, prévues par la loi Macron, dont la commission a d’ailleurs allongé la durée, ou des conditions d’exploitation du service. L’article 2 crée ainsi une dérogation au monopole de la SNCF en ouvrant l’exploitation de cette ligne la concurrence. Une telle mesure laisse craindre des conditions sociales tirées vers le bas pour les salariés, comme cela a été le cas lors de l’attribution de l’exploitation de la Tangentielle Nord à une filiale de la SNCF.

Nous n’approuvons pas ces procédures, qui placent ce projet hors du droit commun et témoignent d’une volonté de libéralisation accrue des transports publics, au détriment de la cohérence de l’offre et de l’unité du réseau ferroviaire.

S’y ajoute un autre motif de désaccord : nous considérons que la mise en regard de l’intérêt public d’une telle structure et de son coût ne plaide pas pour sa réalisation.

Évalué à 1,4 milliard d’euros, soit près de deux fois le montant estimé en 2007, le coût de ce projet semble en décalage avec les besoins exprimés. En outre, cette estimation paraît peu réaliste : certains coûts, notamment ceux des importants dévoiements du réseau de gaz à Mitry-Mory, n’ont pas été pris en compte.

Par ailleurs, par rapport à la DUP de 2007, la situation a évolué. Dans les conditions actuelles, ce projet est redondant avec la ligne 17 du Grand Paris Express.

Enfin, la réalisation de cette nouvelle ligne, qui utiliserait vingt-quatre des trente-deux kilomètres d’infrastructures existantes, risque de contribuer à la sursaturation du réseau, au détriment des usagers du quotidien. Ce risque a d’ailleurs été pointé par le STIF dans son avis du 1er juin dernier. Le STIF a ainsi estimé à 1,5 milliard d’euros le coût de la perte de ponctualité pour les autres modes de transports.

À l’évidence, la mise en service du CDG Express perturbera le fonctionnement non seulement du RER B, mais aussi des lignes K et P, des TER Picardie et du transport de fret.

Dès lors, comment comprendre que l’on accepte ce projet, qui va rendre plus difficiles les conditions de transport quotidien de 870 000 personnes, afin de satisfaire les 22 000 usagers prévus chaque jour pour ce futur réseau de transport ?

De surcroît, les impacts environnementaux seront lourds. Les huit nouveaux kilomètres de ligne seront construits au prix du changement de destination de vingt-neuf hectares de terrains agricoles.

Dans ce cadre, la zone Natura 2000 du parc de la Poudrerie n’a pas été prise en compte. Alors que le Grenelle de l’environnement et les travaux de la COP devraient nous conduire à utiliser les espaces naturels avec précaution, ce projet contribuera à l’artificialisation des sols. L’Autorité environnementale a d’ailleurs considéré que ce projet était incohérent et non conforme au code de l’environnement.

À nos yeux, l’urgence est bien de répondre aux besoins de tous, passagers aériens, salariés –notamment ceux des plateformes aéroportuaires, dont il n’est pas question dans ce projet – ou usagers franciliens.

Pour cette raison, nous estimons qu’améliorer les conditions de circulation du RER B est le meilleur moyen d’améliorer les conditions de transport de tous en respectant les enjeux environnementaux de la région-capitale.

Les défenseurs de ce projet brandissent l’argument de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques. Je rappelle que, en septembre 2015, le président de l’Assemblée nationale lui-même avait déclaré que la meilleure option pour obtenir les jeux Olympiques en 2024, c’était de faire porter l’effort sur le RER B. Nous souscrivons à cette analyse et nous avons toujours formulé des propositions en ce sens.

Nous préconisons donc le bouclage du RER B entre Mitry-Claye et l’aéroport, un meilleur cadencement de la ligne K, le doublement du tunnel entre Châtelet et la gare du Nord et, bien sûr, la rénovation des voies et des matériels roulants, dont le mauvais état entraîne retards et gêne pour les usagers.

Il nous est toujours rétorqué que les financements manquent pour mettre en œuvre ces propositions. Lorsque nous suggérons de dégager des ressources nouvelles, par exemple en augmentant le versement transport, on nous répond qu’il ne faut pas pénaliser les entreprises. Et là, comme par magie, des financements sont trouvés : c’est bien la preuve qu’il s’agit de choix politiques divergents.

Au demeurant, l’ordonnance que l’on nous demande de ratifier n’est pas conforme à l’habilitation à légiférer par ordonnance qui a été donnée dans le cadre de la loi Macron. En effet, la loi Macron prévoit un financement privé. Or, dans le montage qui nous est proposé, on trouve partout de l’argent public : SNCF Réseau et Aéroports de Paris sont détenus, respectivement, à 100 % et à 51 % par l’État.

Un tel montage juridique et financier, peu crédible du reste, comme l’ont souligné les conclusions de l’enquête publique, ne respecte pas l’objectif initialement fixé. Ainsi, alors que SNCF Réseau est exsangue, elle serait amenée à contribuer à hauteur de 250 millions d’euros. Dois-je rappeler que sa dette ne cesse d’augmenter ? Elle atteint désormais près de 50 milliards d’euros ! Cette situation a d’ailleurs conduit l’ARAFER et la Cour des comptes à émettre des réserves sur ce financement.

À la lumière de ces explications, on comprend que ce projet est éminemment politique.

Mme Éliane Assassi. Il marque des priorités en matière d’investissement public auxquelles nous n’adhérons pas, puisqu’elles opposent différentes catégories d’usagers, en privilégiant ceux qui ont les moyens de recourir à un mode de transports dédié. Une telle conception remet en cause l’idée même de service public au service de l’intérêt général. Nous voterons donc contre ce texte, qui entérine un projet inutile, coûteux et même dangereux, confirmant l’instauration d’une société à deux vitesses ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous le savons bien, la création de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle n’a pas été un long fleuve tranquille, tant s’en faut. Historiquement, c’est peut-être ce qu’il advient en général des chantiers aéroportuaires.

Pourtant, depuis son inauguration, en 1974, cet aéroport est devenu le deuxième d’Europe. En 2015, près de 65 millions de passagers ont transité par lui. Chaque année, Paris accueille 15 millions de touristes étrangers. La ville s’est portée candidate à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025 et doit, dans cette perspective, se préparer à la gestion des flux d’usagers et de touristes, qui peut se révéler délicate.

Ainsi, le présent projet de loi vise principalement à fixer le cadre juridique qui permettra de relancer la création de la future ligne directe reliant l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle à la gare de l’Est en vingt minutes, à savoir la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express, dont l’entrée en service est prévue pour 2023.

Nous ne sommes pas véritablement sensibles à l’argument en vertu duquel la liaison Charles-de-Gaulle Express constituera un élément important dans le choix de Paris comme destination touristique. Toutefois, il est indéniable que cette infrastructure rendra plus agréables le début et la fin du séjour des visiteurs étrangers qui l’emprunteront, ainsi que le quotidien des usagers du RER B.

Ces derniers, nous l’espérons, disposeront d’un plus grand nombre de places, mais, étant donné que la fréquentation de cette ligne ne cesse de croître, constateront-ils réellement une différence par rapport à la situation actuelle ?

Mes chers collègues, l’attractivité d’un pays ne se mesure pas à l’existence d’une liaison directe entre l’aéroport principal et le centre de la capitale. À preuve, à l’heure actuelle, son absence n’empêche pas Paris d’être la première destination touristique du monde.

La question de l’opportunité de ce projet ne se pose plus, le législateur s’étant prononcé en sa faveur. Néanmoins, deux problèmes persistent, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur : l’impact de la mise en service de la nouvelle ligne sur les usagers des trains du quotidien et le financement, qualifié de « lacunaire » par la commission chargée de l’enquête publique.

Pour ce qui concerne le premier point, il faut rappeler qu’environ 870 000 voyageurs empruntent le RER B tous les jours. La saturation de cette ligne rend la situation insoutenable pour les Franciliens se rendant à leur travail, confrontés à des retards fréquents.

La coexistence, sur un même tronçon, de deux usages différents ne doit pas conduire à un arbitrage au détriment des usagers du quotidien lors de l’attribution des sillons. Monsieur le secrétaire d’État, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce sujet qui préoccupe légitimement les usagers comme les élus locaux, en particulier dans le Val-d’Oise, où j’ai mené un certain nombre de consultations ?

À cet égard, il est nécessaire d’inscrire le projet du Charles-de-Gaulle Express dans une vision globale de l’offre de transports et de rappeler que la future ligne 17 reliant Saint-Denis-Pleyel à Roissy doit entrer en service en 2024.

Concernant le financement de la liaison Charles-de-Gaulle Express, qui va coûter 1,4 milliard d’euros, la société de projet, dont les actionnaires majoritaires seront SNCF Réseau et Aéroports de Paris, devra apporter 30 % de ce montant en fonds propres.

Dans cette perspective, le projet de loi prévoyait, avant son examen en commission, une dérogation à la « règle d’or » instaurée lors de la réforme de 2014 afin de maîtriser la dette du gestionnaire du réseau ferré national, laquelle s’élève à plus de 40 milliards d’euros. Qui doit payer : les usagers, la société de projet, le contribuable, à travers un subventionnement public ? La réponse à cette question tout à fait légitime n’est pas, pour l’heure, très claire.

Dans tous les cas, il est inacceptable que le ratio déclenchant l’application de la règle d’or soit d’ores et déjà atteint, ce qui compromet toute perspective de développement pour SNCF Réseau. Plutôt que de contredire l’esprit de la loi de 2014, il serait préférable de sortir l’établissement public de l’impasse afin de lui permettre d’investir.

Concernant l’équilibre financier de la ligne, se pose la question de la concurrence, notamment en dehors des heures de pointe, du RER B, qui, en l’absence de perturbations, relie la gare du Nord à l’aéroport en trente-quatre minutes pour un coût de 10 euros, contre 24 euros pour le Charles-de-Gaulle Express, même si l’on peut espérer que celui-ci captera des usagers de la route. Cela est souhaitable, à la fois pour désengorger les axes routiers et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

C’est pourquoi il est essentiel d’évaluer le coût de ce projet de manière sincère. Son estimation est tout de même passée de 780 millions à 1,4 milliard d’euros, aux conditions économiques de 2014. Il est certes compliqué de procéder à une évaluation financière précise à un stade précoce, mais ce doublement du coût prévisionnel est extrêmement préoccupant.

Mes chers collègues, si des interrogations et des doutes demeurent quant aux conditions de réalisation et de financement de ce projet, ce qui nous impose de rester très vigilants et doit inciter le Gouvernement à prendre en compte les remarques de notre assemblée, les sénateurs du RDSE le soutiendront néanmoins, car sa mise en œuvre leur semble indispensable à la région-capitale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas très convaincant…

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet est crucial tant pour l’aéronautique française que pour l’attractivité de Paris, de l’Île-de-France et de l’ensemble du pays.

Sa réalisation permettra de remédier à un problème qui est régulièrement pointé comme majeur dans les études et les classements internationaux. Les Français qui voyagent ou résident à l’étranger affirment qu’il s’agit d’une des trois grandes réformes à conduire dans ce pays. Il faut en être conscient.

En faisant ce rappel, je suis en total accord avec le rapporteur, dont je veux saluer le travail. Comme il l’écrit dans son rapport, il faut en finir avec les atermoiements sur ce dossier, car « il n’y a pas d’autre option crédible pour absorber la croissance du trafic de l’aéroport et répondre aux besoins spécifiques des passagers aériens. […] Tout l’enjeu consiste à mettre en place le meilleur schéma possible. » Il qualifie enfin d’« anomalie française » l’absence de liaison directe entre l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et la capitale.

Je marcherai dans ses pas en affirmant qu’il convient en effet de réaliser cette liaison, tant pour soutenir le secteur aéronautique que pour renforcer l’attractivité de Paris et de l’Île-de-France, ainsi que le prestige de notre capitale. Il y va de la relance du tourisme, de l’emploi et de l’économie du pays.

En tant que rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et président du groupe d’études Aviation civile du Sénat, j’ajouterai que, dans la compétition mondiale qui oppose les grands aéroports, les principaux hubs, la réalisation de ce projet est une des conditions essentielles de la réussite aéronautique et aéroportuaire française. Tous les acteurs s’accordent pour affirmer qu’il s’agit d’un élément majeur pour notre attractivité.

Il est bien d’identifier les réformes à entreprendre, les blocages et les difficultés à lever, mais il est mieux de trouver des solutions, de donner une portée concrète aux projets, si nous voulons être des modernisateurs conséquents.

Ce dossier difficile a connu un certain nombre de vicissitudes. Il faut avouer que, collectivement, nous avons posé des verrous, voire accroché des boulets.

La première difficulté réside dans le fonctionnement problématique du RER B, dont je puis en témoigner pour en être un usager. Il ne fallait pas, bien entendu, que la réalisation du projet du CDG Express enlève des crédits à cette ligne ou crée des difficultés supplémentaires à son exploitation. Après le « RER B + », il y aura le « RER B + + », et des investissements seront encore engagés cette année ici et là sur la ligne. Souhaitons que cela permette d’améliorer la situation.

J’ai bien compris que, dès lors que nous avons fixé, à l’article 2 de la loi relative au Grand Paris, une règle selon laquelle le Charles-de-Gaulle Express ne pourra bénéficier d’investissements publics, le RER B ne perdra pas de crédits. M. le secrétaire d’État a rappelé que 150 millions d’euros supplémentaires devaient être consacrés à améliorer la « robustesse » du RER B. Nous serons extrêmement vigilants sur ce point.

Lorsque nous avons instauré la règle que je viens d’évoquer, nous avions à l’esprit que les lignes 16 et 17 devaient être réalisées parallèlement à la modernisation du RER B. Ce chantier est essentiel, mais j’observe que la ligne 17 reliant Saint-Denis-Pleyel à l’aéroport Charles-de-Gaulle desservira neuf autres stations et que la nécessité de changer de quai à Saint-Denis-Pleyel induira une rupture de charge : il ne s’agira donc nullement d’une liaison directe, au contraire du Charles-de-Gaulle Express ; les deux dossiers sont tout à fait distincts.

Nous avons donc imposé l’absence de financement public pour le CDG Express et veillé à ce que rien ne soit ôté aux enveloppes destinées aux transports du quotidien. Nous travaillons dans un contexte très détérioré, monsieur le secrétaire d’État, de sous-financement des transports publics franciliens : en Île-de-France, l’investissement par voyageur est tragiquement insuffisant et la situation des transports en commun y est aujourd’hui encore assez scandaleuse, même si l’État et les collectivités se sont entendus pour renforcer les moyens qui leur sont destinés.

Dans un autre contexte, nous aurions naturellement demandé que cette infrastructure soit réalisée sur fonds publics provenant de la région, de la Ville de Paris et des autres collectivités concernées.

Aéroports de Paris et SNCF Réseau, de facto impliquée dans l’opération puisque la nouvelle ligne empruntera ses voies sur les deux tiers du parcours, doivent donc trouver une solution.

Différents projets ont été avancés. Monsieur le secrétaire d’État, les difficultés ont commencé dès lors qu’il a fallu envisager de prévoir une dérogation à la règle d’or. À ce sujet, je rappellerai à mon excellent collègue Louis Nègre que, pour ma part, je suis allé au bout de la logique qui sous-tend cette règle d’or en défendant un amendement visant à renforcer celle-ci. Mon groupe m’a suivi et nous avons voté le texte, ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde ici, monsieur le rapporteur…