M. Charles Revet. Très bien !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Le président du Sénat, qui était présent comme moi ce week-end à l’assemblée des maires du Bas-Rhin, a estimé qu’il ne fallait plus, à chaque alternance, démonter le « meccano territorial », a fortiori à travers une proposition de loi, aussi légitime soit-elle. Toutefois, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, ne s’interdit pas, selon une méthode d’évaluation, de procéder à des ajustements nécessaires.

Je remercie de nouveau M. Sido et Mme Bonnefoy de leur travail. La vigilance tout à fait méthodique de la commission des lois a permis d’inscrire cette démarche dans le cadre d’une évaluation. Je pense que le rapport fait un état des lieux assez juste.

Enfin, à l’approche de Noël, je souhaite m’adresser très modestement au vice-président du Conseil d’État, pour lui dire que ce dossier illustre parfaitement la nécessité de recourir au contrat comme outil de droit souple pour adapter la réponse du service public aux nécessités locales, extrêmement variables d’un périmètre à l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

(Mme Jacqueline Gourault remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en œuvre de la réforme territoriale s’achève désormais.

Depuis plusieurs mois, les collectivités travaillent sur les transferts de compétences. La recherche d’une plus grande lisibilité, fil conducteur de tous ces textes, s’est notamment traduite par la suppression de la clause générale de compétence des régions et des départements, et par la détermination précise des champs de responsabilité de chaque échelon.

À cette occasion, le Gouvernement a fait le choix d’un renforcement des régions, identifiées comme le niveau pertinent pour l’aménagement du territoire et le développement économique. Les compétences jusqu’alors exercées par les départements en matière de transports non urbains, de transports réguliers à la demande et de transports scolaires leur ont également été transférées.

Les transports constituent en effet un élément central des stratégies de développement régional et figureront parmi les priorités des futurs schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les fameux SRADDET.

Concrètement, dès le 1er janvier 2017, c'est-à-dire dans quelques semaines, les régions seront compétentes en matière de transports interurbains. Elles seront aussi en charge des transports scolaires à la rentrée prochaine. Le législateur a fixé deux dates différentes, afin de permettre aux collectivités concernées de préparer au mieux les modalités de transfert – services, moyens, personnels… –, en cohérence bien sûr avec le calendrier scolaire.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et dont je tiens à saluer les auteurs – les sénateurs Bruno Sido, Bruno Hure et Jean-Jacques Lasserre – intervient dans ce contexte et s’intéresse plus particulièrement aux transports scolaires.

Elle vise à adapter le régime juridique de la délégation de compétences. Ainsi, un département auquel la région aurait délégué l’exercice de la compétence pourrait la déléguer à son tour à d’autres collectivités territoriales, à des groupements ou à des personnes morales de droit privé. Dans les faits, cela revient à autoriser la subdélégation et à créer des autorités organisatrices de troisième niveau.

Cette proposition de loi rouvre un débat qui a pourtant fait l’objet d’un accord entre les deux chambres en commission mixte paritaire, lors de l’examen de la loi NOTRe. À l’époque, comme vient de le rappeler M. Sido, le Gouvernement s’était constamment opposé à toute subdélégation, et il avait eu raison. Il est en effet incohérent de rechercher une plus grande lisibilité tout en acceptant la mise en place d’une organisation à trois niveaux. Cette délégation en cascade est contraire à la responsabilisation des acteurs et à la simplification de notre organisation administrative.

Je sais qu’une telle subdélégation – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, et il y est aussi fait référence dans l’exposé des motifs de la proposition de loi – est aujourd’hui autorisée en Île-de-France. De fait, seul le département de Seine-et-Marne en bénéficie aujourd’hui. Toutefois, vous conviendrez avec moi que la région capitale présente des caractéristiques propres, en particulier en matière de transports. En effet, la loi attribue directement au STIF cette compétence. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un premier niveau de délégation.

C’est pourquoi le Gouvernement était défavorable au texte initial. Je crois d’ailleurs que le rapporteur avait exprimé une position similaire au sein de la commission des lois. Or, monsieur Vandierendonck, vous avez déposé un amendement qui vise à réécrire entièrement l’article 1er.

La rédaction que vous proposez ne réinstaure pas, selon vous, de subdélégation, mais prévoit d’autoriser un département, si la convention de délégation avec la région le prévoit explicitement, à recourir à des prestataires pour l’exécution de tout ou partie des compétences déléguées. Ces prestataires pourraient être des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, des établissements d’enseignement, des associations de parents d’élèves ou des associations familiales.

Il y aurait donc lieu de distinguer, d’une part, la convention de délégation et, d’autre part, un contrat de prestation de services conclu selon les règles classiques de la commande publique, sous forme de marché public ou de délégation de service public.

Si le Gouvernement salue la volonté de trouver un compromis acceptable entre les uns et les autres, il ne peut soutenir cette nouvelle rédaction. J’aimerais en expliquer rapidement les raisons.

Tout d’abord, la proposition de loi issue de la commission remplit-elle l’objectif de clarification que nous poursuivons collectivement ? Bien sûr que non ! Elle complexifie les choses et délite les responsabilités.

L’article L. 3111-9 du code des transports, tel que modifié par la loi NOTRe, prévoit déjà la possibilité pour une région de déléguer tout ou partie de l’organisation des transports scolaires non seulement à des départements, des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, mais aussi à des établissements d’enseignement, des associations de parents d’élèves ou des associations familiales. La région pourra ainsi s’appuyer sur une large palette d’acteurs de proximité, comme le font aujourd’hui les départements. Ce double étage de responsabilité, encadré par une convention de délégation, permettra de mettre en place une organisation des transports scolaires adaptée aux spécificités de chaque territoire régional.

Certes, l’article adopté en commission vise non pas à autoriser explicitement la subdélégation, mais à permettre au département délégataire de s’appuyer, sous forme de prestation de services, sur une collectivité ou un groupement qui interviendrait en régie. Permettez-moi de m’interroger sur le sens du dispositif proposé : pourquoi permettre aux départements de se voir déléguer une telle compétence, si ce n’est pour l’exercer ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, le cadre juridique existant permet déjà d’envisager une organisation souple des transports scolaires. N’ajoutons pas un étage intermédiaire, au risque de complexifier inutilement le système.

M. François Bonhomme. La complexité, nous y sommes déjà !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ensuite, le dispositif prévoit de restreindre dans la convention de délégation la capacité du délégataire à déterminer librement les modalités concrètes d’organisation du service. Cet aspect me paraît entrer en contradiction avec l’ambition affichée d’apporter davantage de souplesse. En effet, le régime de la délégation de compétences, modernisé par la loi MAPTAM, traduit l’ambition de reconnaître la subsidiarité dans l’exercice des politiques publiques. Ainsi, le délégataire, tout en agissant pour le compte de la région, doit pouvoir décider pleinement des modalités d’exercice de la compétence. Il peut choisir d’intervenir directement sous forme de régie ou opter pour la voie de l’externalisation, dans le respect du droit de la commande publique. Là encore, vous le voyez, le droit actuel nous offre des outils suffisants.

J’en veux pour preuve les retours de terrain. Les régions, à une très large majorité, ont décidé de ne pas déléguer la compétence en matière de transports scolaires aux départements, mais au contraire de s’appuyer sur les autorités organisatrices de deuxième niveau existantes, comme les intercommunalités, voire, dans la majorité des cas, d’exercer en propre le service. Les acteurs de terrain s’emparent ainsi pleinement du cadre juridique adapté, qui avait fait l’objet, je le rappelle, d’un consensus en commission mixte paritaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler, pour votre bonne information, ce qu’il en est région par région.

Auvergne-Rhône-Alpes : délégation dans l’ensemble des départements, à l’exception de la Savoie et de la Haute-Savoie.

Bourgogne-Franche-Comté : aucune délégation départementale.

Bretagne : aucune délégation départementale.

Centre-Val de Loire : aucune délégation départementale.

Grand Est : aucune délégation départementale.

Hauts-de-France : délégation départementale, à l’exception du Pas-de-Calais, mais pour la seule année 2017 ; à partir de 2018 : pas de délégation départementale.

Normandie : pas de délégation départementale, sauf dans deux départements, la Manche et l’Orne.

Nouvelle-Aquitaine : pas de délégation départementale.

M. François Bonhomme. Occitanie ?...

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Occitanie : le transfert de compétences sera opéré en bloc le 1er janvier 2018, les délégations départementales fonctionnant jusqu’à cette date, mais pour la seule année 2017.

PACA : pas de délégation départementale.

Pays de la Loire : pas de délégation départementale.

Comme vous pouvez le constater, les régions se sont emparées – c’est normal, la loi a été conçue en ce sens – des compétences nouvelles qui leur ont été attribuées. Le débat ne concerne donc qu’un nombre infime de départements, les régions s’étant également organisées pour exercer directement cette compétence nouvelle, allant même parfois jusqu’à la subdéléguer, non pas aux départements, mais directement aux associations que vous avez évoquées.

Dans ces conditions, vous l’aurez compris, le Gouvernement, estimant que cette proposition de loi n’apporte pas de clarification du dispositif de délégation, qu’elle n’est pas de nature à améliorer le service rendu aux populations et que, enfin, les dispositifs existants permettent de répondre aux enjeux qui se posent dans les territoires, ne peut qu’y être défavorable. (Mme Odette Herviaux applaudit.)

M. François Bonhomme. Quelle exaltation…

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

M. Bruno Sido. Une ancienne présidente de région !

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, mes chers collègues, nous venons d’entendre la thèse et l’antithèse…

Le rôle accru des nouvelles régions en matière d’aménagement du territoire a eu raison de la compétence « transports » des départements, à l’exception de l’organisation et du fonctionnement des services spéciaux pour les élèves en situation de handicap, qui restent de la responsabilité des départements au titre de leur compétence générale en matière de handicap et de protection sociale.

La loi NOTRe a donc transféré aux régions la responsabilité du transport scolaire dès la prochaine rentrée ; le délai est serré ! De plus, la LOTI rend simultanément impossible pour le délégataire de faire appel à une autorité organisatrice de troisième rang. Or des départements s’appuient sur des autorités organisatrices plus petites – elles sont actuellement plus de 3 000 –, pour organiser le transport scolaire. Cette possibilité offerte aux départements et au STIF était largement utilisée, puisque, selon une enquête de l’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public, 83 % des départements avaient délégué, au moins pour partie, leur compétence en matière de transports scolaires à des autorités organisatrices de second niveau.

Il nous faut donc concilier le « bon sens » de cette proposition de loi, inspirée par un souci de proximité, qui fait le pari de transporter quatre millions d’élèves en s’appuyant sur ce qui fonctionne, et l’intérêt de la loi NOTRe, qui clarifie, regroupe les compétences et permet de donner un sens lisible à une politique globale. C’est pourquoi nous trouvons pertinent et nécessaire l’amendement porté par M. Vandierendonck, qui concilie l’expérience des territoires et la nouvelle responsabilité de la région instaurée par la loi NOTRe, par des conventions de délégation de compétences entre la région et le département, encadrant, ou non, les éventuelles subdélégations infradépartementales, via des contrats de prestation de services.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Enfin du bon sens !

Mme Marie-Christine Blandin. La responsabilité reviendrait donc à l’autorité supérieure, à laquelle il incomberait, notamment, de définir le niveau de tarification et de service, l’interopérabilité entre les modes de transport et entre les différents temps de la vie des élèves, afin de garantir l’équité sur l’ensemble des territoires infrarégionaux, pour toutes les familles et tous les enfants empruntant ces transports scolaires. La délégation ne porterait que sur les moyens d’atteindre ces objectifs.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Entre pilotage institutionnel et politique et mise en œuvre au plus près du terrain, nous touchons à des enjeux plus importants qu’il n’y paraît.

Les territoires et les collectivités territoriales sont incités, parfois obligés, à la vertu, mais sur le mode « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Ils sont sur le front de la lutte contre les dérèglements climatiques, de l’aménagement durable du territoire, des transports de demain : voies réservées, téléphériques, tram-train, vélos en libre-service, dessertes des établissements scolaires… Plus que de transports, il s’agit de la responsabilité de la mobilité durable : incitation à la mobilité douce, politique des temps, covoiturage… Tout cela est en phase avec nos engagements internationaux pour le climat et l’écho significatif que leur a donné le Gouvernement lors de leur signature.

Toutefois, cette belle synergie est encore trop souvent contrecarrée par des arbitrages irresponsables : fret SNCF confié à la route ; voyageurs impécunieux mis dans les autobus – aux riches le train et le TGV ! – et libéralisation des cars Macron en pleine COP 21… Sur ce dernier point, l’argument selon lequel cette mesure serait favorable à l’emploi ne tient pas : on enregistre déjà les premiers licenciements !

Alors, oui, confier ce genre de responsabilités aux régions est un bon choix. C’est un échelon pertinent, qui offre une surface stratégique, politique, économique et territoriale suffisamment importante, mais sans être trop éloigné des réalités des habitants. Quant à l’échelon national, il devrait s’inspirer de ces principes et donner aux régions les moyens des ambitions déclamées la main sur le cœur dans les sommets internationaux, en s’abstenant de mettre en place des politiques à contre-courant.

Je ferme cette parenthèse de mauvaise humeur, pour en revenir à cette proposition de loi. Amendée par le rapporteur, elle ne joue pas – cela aurait été dommage – la troisième mi-temps d’un arbitrage qui aurait été défavorable au département. Elle se contente d’adapter a posteriori les liens entre l’instance stratège et les instances de proximité. Nous la soutiendrons donc. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compétence des transports scolaires a fait partie du grand mouvement des lois décentralisatrices. Ce bouleversement a profité aux départements, qui se sont vu confier l’organisation et le fonctionnement de ces transports autrefois assurés par l’État.

Naturellement, cela ne s’est pas fait sans difficulté, mais, au fil des ans, à la faveur du mouvement décentralisateur, les départements ont su développer des services de transports de proximité et de qualité. Seulement voilà, peut-être parce que cela fonctionnait bien et donnait satisfaction, peut-être parce que personne ne le demandait véritablement, sous couvert d’une œuvre réformatrice, il a fallu tout chambouler.

La loi NOTRe, devenue définitive après de multiples atermoiements et en dépit des tentatives de corrections du Sénat, a maintenu les transferts de compétences au niveau régional, y compris pour les transports scolaires. Elle a confié aux régions l’organisation et la gestion de ces transports, compétences qui relevaient jusque-là des départements.

Certes, les régions pourront toujours, si elles le souhaitent, faire appel aux départements, en leur déléguant la compétence des transports scolaires. Ces derniers ne seront donc plus attributaires, mais seulement délégataires. Malheureusement, dans ce bouleversement, on a ignoré la réalité territoriale, en particulier celle des départements, qui ont su patiemment s’assurer des compétences techniques et humaines pour remplir cette mission si importante qui participe à la recherche de l’égalité des territoires, dont vous avez la charge, je crois, monsieur le ministre…

Cette réalité territoriale, tant ignorée, est pourtant éclatante. En trente ans, la plupart des conseils départementaux ont conclu avec des autorités organisatrices de transports infradépartementales, ou AO2, des conventions destinées à leur confier cette mission sur une partie de leur territoire. Aujourd’hui, la plupart des départements ont mis en place un service de transport des élèves à la carte, au plus près des contraintes des familles. Ce service public départemental sur mesure s’apprête malheureusement à être défait.

Je viens d’un département, le Tarn-et-Garonne, où le président du conseil départemental s’inquiète de l’impréparation et du flou présidant à la mise en œuvre de ce transfert. Dans l’expectative et devant les multiples questions restées sans réponse, la région Occitanie a demandé que lui soit accordée une année supplémentaire avant le transfert de compétences, pour y voir « plus clair ». La région s’interroge sur la suite à donner, façon polie de dire qu’elle ne sait pas où elle va. Et pour cause ! Ses treize départements possèdent des organisations différentes de leurs transports scolaires. Implicitement, la région reconnaît le bien-fondé de l’échelon départemental.

Sur les 3 345 A02, acteurs de terrain recensés par l’ANATEEP, l’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public, près des deux tiers sont des communes et EPCI, qui gèrent pour le compte des départements l’organisation des transports scolaires.

Cette proposition de loi a le mérite de réintroduire proximité et souplesse, en facilitant une relation étroite entre acteurs publics locaux et ressources locales pour l’exercice de cette compétence. C’est la condition de l’adaptation efficace à la diversité des situations et aux spécificités des territoires.

De grâce, plutôt que vos propos lénifiants, monsieur le ministre, sur le « grand retour des services publics » ou vos affirmations selon lesquelles les transports figureront parmi les priorités des fameux SRADDET, qui ne sont pas encore constitués, vous feriez mieux de défendre les collectivités, d’écouter l’avis unanime et transpartisan de l’Assemblée des départements de France, qui attend cette proposition de loi et ce genre de correction. Au lieu de quoi, pour justifier votre opposition, vous faites valoir un besoin de lisibilité et une prétendue complexité, alors même que cette complexité, ainsi que l’impossibilité d’organisation qui en découle pour les départements et les régions, provient de transferts de compétences consécutifs à la loi NOTRe que vous défendez. Au moins Marylise Lebranchu avait-elle reconnu – certes, un an plus tard – que le Gouvernement « n’avait pas été bon sur la loi NOTRe ».

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. François Bonhomme. Vous feriez mieux de vous inspirer de cette proposition de loi déposée par mes collègues Sido, Huré et Lasserre, qui, en permettant la généralisation de la faculté de subdélégation, introduit un correctif nécessaire. Cela me paraîtrait beaucoup plus utile que le prêchi-prêcha que vous venez de nous servir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est pour corriger l’une des nombreuses incohérences de la loi NOTRe que Bruno Sido et plusieurs de nos collègues ont déposé cette proposition de loi, selon moi pleine de bon sens, tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires.

Chacun sait ici combien notre groupe a combattu cette réforme, qui tourne le dos aux attentes d’une large majorité d’élus. Comme ils l’avaient exprimé à l’automne 2012 aux états généraux de la démocratie territoriale, qui se tenait ici même au Sénat, ces derniers aspiraient à une véritable loi de décentralisation consacrant un service public du XXIe siècle et non à une transcription technocratique de directives supranationales dictées par Bruxelles.

À l’époque, notre groupe avait affirmé que cette réforme relative à de nombreuses compétences consacrait une tutelle de la région sur les autres collectivités, en contradiction avec l’article 72 de la Constitution. La nécessité de travailler à des dispositions telles que celle que nous étudions aujourd’hui démontre à quel point nous avions raison.

L’examen de ce texte démontre surtout l’absurdité du transfert de la compétence des transports scolaires des départements aux régions. Il suffit de réfléchir cinq minutes sur cette question pour en mesurer l’incohérence. Prenons la situation d’une « région XXL » comme la Nouvelle-Aquitaine : comment, dans un territoire dont la superficie égale quasiment celle du Portugal, pourrions-nous organiser dans des conditions satisfaisantes un ramassage scolaire qui se gère, on le sait, au plus près des habitants, village par village ? Il s’agit d’un véritable travail de dentelle ! On comprend aisément que la quasi-totalité des conseils départementaux ait fait le choix de déléguer cette compétence aux structures communales, intercommunales et associatives, choix désormais interdit par la nouvelle loi.

M. Bruno Sido. C’est une recentralisation !

M. Christian Favier. Je ne peux m’empêcher de penser que ce transfert de compétences a d’abord été pensé dans l’intérêt financier des grandes sociétés privées de transport, qui ne refuseront certainement pas des marchés publics à l’échelle des nouvelles grandes régions, et au détriment de la prise en compte des besoins réels des élèves et de leurs familles, sans réelle concertation et au préjudice des petits transporteurs locaux.

Je veux en outre vous mettre en garde sur un autre aspect : le transfert de compétences des départements vers les régions pourrait représenter un recul social. En effet, nombre de départements avaient, notamment sur l’initiative des élus communistes, mis en place une gratuité des transports scolaires permettant d’élargir le droit à l’éducation gratuite au-delà de la frontière de l’école. Ces politiques de progrès pourraient aujourd’hui être remises en cause.

Même si les régions conservent la possibilité de déléguer la compétence des transports scolaires aux départements, il est aberrant qu’un système de subdélégation, tel que proposé par la présente proposition de loi, n’ait pas été prévu. En effet, aujourd'hui, 83 départements délèguent la compétence des transports scolaires à pas moins de 3 345 autorités organisatrices de second rang, pour la plupart des communes et des intercommunalités.

Pour en venir au fait, mes chers collègues, si nous restons opposés au transfert de compétences, il nous appartient – principe de réalité oblige – de prendre acte de la présente proposition de loi. Déposée par nos collègues Sido, Huré et Lasserre, tous trois présidents de conseil départemental, elle relève du bon sens. Je tiens également à saluer le travail du rapporteur, qui a déposé un amendement adopté par la commission. Celui-ci permet d’apporter une précision et des sécurités juridiques indispensables au système de subdélégation.

Si notre groupe s’apprête à voter en faveur de cette proposition de loi, c’est d’abord parce qu’elle permettra la reconduction de dispositifs pratiques, unanimement reconnus par les élus locaux, notamment en zone rurale ou de montagne. Il paraît effectivement essentiel de maintenir, pour ceux qui en font le choix, une gestion de proximité, pour accompagner, chaque matin, près de trois millions d’élèves sur le chemin de l’école. Or tel est justement l’objectif du présent texte.

Par ailleurs, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le système de subdélégation en matière de transports scolaires existe déjà en Île-de-France depuis 2008. L’Essonne a pu en faire l’expérimentation ; la Seine-et-Marne y a toujours recours, pour répondre aux besoins spécifiques de territoires éloignés du cœur métropolitain francilien. Le dispositif fonctionne bien.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de dresser un constat en forme de bilan des réformes territoriales de la législature qui se termine. Les dispositifs technocratiques mis en place ces dernières années ne résistent décidément pas à la réalité du terrain. Les grands discours sur la rationalisation, le regroupement des compétences au nom de l’austérité ou de la simplification n’auront été qu’au service de dogmes idéologiques incompatibles avec les besoins des territoires. La loi NOTRe et le transfert de la compétence des transports scolaires des départements aux régions en constituent le parfait exemple.

Notre groupe votera donc en faveur d’une proposition de loi permettant, finalement, d’atténuer une loi NOTRe contraire aux intérêts de la population et inadaptée aux besoins des territoires. C’est un premier pas, mais la véritable réforme de la décentralisation reste à faire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission.)