Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pensez-vous que les transports scolaires fonctionneront mieux quand la loi NOTRe entrera en vigueur ?

M. Pierre-Yves Collombat. Si tel était le cas, nous ne serions pas ici à tenter de réformer une loi qui n’est « nôtre » que de nom !

L’organisation des transports scolaires sera-t-elle plus lisible pour les élèves, leurs parents et ceux qui en ont la charge au quotidien ? Les responsables seront-ils plus facilement accessibles quand il faudra s’adresser à la région ? Probablement pas !

Si les départements avaient largement délégué la mise en œuvre effective du service, il devait bien y avoir une raison – raison pratique, j’en conviens, avant d’être théorique. Remarquons d’ailleurs que la loi NOTRe avait prudemment laissé aux départements le soin d’organiser le transport scolaire des élèves handicapés, en contradiction avec le dogme de l’unicité d’exercice des compétences, responsable du choix finalement fait, malgré toutes les mises en garde, de confier le transport scolaire à la région.

M. Pierre-Yves Collombat. M. le ministre vient d’ailleurs de nous rappeler les éléments de ce credo.

Nous espérons que quelque obscure raison juridique dont Bruxelles a le secret ne viendra pas bousculer la correction de bon sens qui nous est aujourd'hui proposée. On le sait déjà, tous les départements ne sont pas prêts à assumer, dans n’importe quelle condition, une compétence qui n’est plus la leur. Par ailleurs, si les régions veulent assumer directement le service, qu’elles le fassent ! On jugera au résultat.

Troisième interrogation : le coût du transport scolaire sera-t-il moins élevé après la loi NOTRe, que cette proposition de loi de bon sens aille ou non au bout du marathon parlementaire ? Non, bien évidemment ! D’ailleurs, vous l’aurez remarqué, on ne parle plus guère des 20 milliards d’euros d’économies que les réformes de la loi RCT puis de la loi NOTRe devaient permettre de réaliser. En l’espèce, aux coûts des services de gestion des transports, qu’il faudra maintenir à proximité, s’ajoutera le coût du service régional. Encore une fois, si on entend sauvegarder l’essentiel, à savoir un service de proximité, il faudra bien y mettre les moyens !

Le traitement des transports scolaires par la loi NOTRe est emblématique des impasses dans lesquelles nous conduisent des réformes, qui, au lieu de partir des problèmes concrets, procèdent d’a priori : il y a trop de communes en France, trop de niveaux administratifs, trop de fonctionnaires ; tous les regroupements permettent de faire des économies d’échelle ; c’est dans les métropoles qu’est créée la richesse, laquelle « ruisselle » ensuite sur l’ensemble du territoire… Autant de sornettes dont on se garde bien de vérifier la pertinence ! On aurait, sinon, quelques surprises…

Je me plais à imaginer une réforme qui ne distribuerait pas des compétences, mais se préoccuperait des services à la population, évitant ainsi de séparer la compétence du territoire sur lequel elle va s’exercer. Ainsi, dans l’expression « transport scolaire », qu’est-ce qui est le plus important ? « Transport » ou « scolaire » ? Pour moi, c’est « scolaire », parce que c’est cette mission qui conditionne le choix des moyens et leur organisation, et non l’inverse. Vu d’un bureau, c’est évidemment le bus que l’on voit, et non pas les élèves de nos petites écoles rurales, leurs conditions de vie – la neige et le verglas – et leur rapatriement en catastrophe en cas de danger, quand l’inspection académique téléphone pour dire : « Vite, il est treize heures trente, il faut rapatrier les enfants ! » Vu d’un bureau, tout ça, on ne sait même pas que ça existe.

M. Simon Sutour. Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat. Elias Canetti a écrit que le papier « supporte tout ». Visiblement, celui de la loi aussi ! Toutefois, je crains que tel ne soit pas le cas de la réalité.

Vous l’aurez compris, le RDSE votera cette proposition de loi de bon sens, en espérant que son examen parlementaire arrivera à terme. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Simon Sutour applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires s’inscrit dans un contexte institutionnel incertain. En effet, après les lois MAPTAM et NOTRe, la suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements, le transfert de la compétence en matière de transports scolaires et interurbains ou encore l’émergence des « super régions », concomitante avec la montée de l’échelon intercommunal, se posent de nombreuses questions, à la fois financières, juridiques et politiques.

La loi NOTRe a fait surgir des interrogations et de la complexité en transférant aux régions les transports scolaires dès la rentrée prochaine. En parallèle, elle leur octroie la possibilité de déléguer cette compétence aux départements, tandis que ces derniers conservent cette même compétence pour les élèves handicapés.

En France, les cas de figure sont différents. Certaines régions, minoritaires – vous l’avez indiqué, monsieur le ministre –, vont déléguer leur compétence en matière de transports sous forme de convention. C’est le cas de figure le plus clair, qui aura l’avantage de s’appuyer sur des dispositifs ayant fait leurs preuves, en termes d’efficacité et de rationalité. D’autres régions, plus nombreuses, la Nouvelle-Aquitaine, où je suis élu, par exemple, exerceront cette responsabilité. Elles auront l’obligation de transférer cette compétence aux communautés d’agglomération lorsque celles-ci sont présentes sur un plan départemental. Cela provoquera bien entendu des complexités extrêmement importantes, quant à la cohérence du service rendu, mais également sur le plan financier – j’y reviendrai plus tard.

Actuellement, il est fréquent que les départements, par voie de convention, confient la compétence des transports scolaires à des communes, des EPCI, des syndicats mixtes, des établissements d’enseignement, des associations de parents d’élèves ou des associations familiales. Or, lorsque les régions auront délégué aux départements leur compétence en matière de transports scolaires, ces derniers ne pourront pas la subdéléguer ; ils ne pourront donc plus reconduire les solutions aujourd’hui choisies, lesquelles s’adaptent réellement à des situations concrètes.

Ainsi, cette proposition de loi semble la bienvenue et vient corriger une imperfection, une de plus, contenue dans la loi NOTRe.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Jean-Jacques Lasserre. Je salue donc l’initiative prise par notre collègue Bruno Sido ainsi que le travail de notre rapporteur, René Vandierendonck, …

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Moi aussi !

M. Jean-Jacques Lasserre. … qui a apporté une modification acceptée par tous en commission. En effet, introduire la possibilité d’une convention de délégation et d’un contrat de prestation de services pour l’exécution de cette compétence déléguée est une bonne solution, qui permettra de contourner certaines difficultés posées par l’option choisie dans le texte initial, qui s’inspirait du modèle particulier de l’Île-de-France.

Les transports scolaires représentent une compétence très importante : quatre millions d’élèves sont transportés chaque jour par les départements dans la France entière, pour un budget départemental de 2 milliards d’euros par an. Cela a été dit, monsieur le ministre, le département est sans conteste l’échelon territorial le plus approprié pour l’exercice de cette compétence. Il doit la conserver, y compris pour pouvoir, s’il le souhaite, la subdéléguer, pour des raisons logiques, pratiques, qui collent aux réalités du terrain.

Le département a toujours entretenu une proximité de terrain avec les usagers et les citoyens, ce qui lui permet, en son sein, d’assurer la poursuite d’une politique globale et cohérente eu égard notamment à ses propres compétences, ou du moins à celles qu’il conserve : la politique des transports et celle des collèges, s’agissant entre autres des sujets relatifs à la sectorisation ; la compétence routière, qu’il exerce en tant que gestionnaire des routes départementales, et les transports routiers de personnes, donc les problèmes de mise en accessibilité, veille hivernale, sécurité des points d’arrêts, aménagement, etc. ; les transports spécialisés destinés aux élèves handicapés et l’adaptation de l’ensemble des dessertes à l’exigence de bonne inclusion de ces publics particuliers.

La loi NOTRe, certes, donne de la clarté, mais elle casse la proximité et l’intelligence des solutions.

Si cette délégation aux autorités organisatrices semble naturelle et appropriée pour le département, nous devrons cependant rester vigilants sur certains points.

Je pense à la question des dates de transfert des lignes régulières interurbaines et des lignes scolaires, respectivement fixées au 1er janvier et au 1er septembre 2017, et donc de la concomitance de ces deux transferts. Je pense également au devenir des actions liées à la mobilité durable hors du ressort territorial des AOM, à l’articulation de ces transferts avec la question des élèves handicapés et aux difficultés opérationnelles que cela engendrera sur le terrain.

Il nous faudra également veiller au budget alloué par la région et à la nécessité de renégocier périodiquement les conventions, selon des conditions à préciser.

Il serait nécessaire, enfin, de mesurer la pertinence du déploiement par un échelon politique d’un schéma organisationnel décidé par un autre échelon.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi relève pour nous de l’évidence. Dans un souci de souplesse et de respect de la logique du terrain, nous la voterons avec enthousiasme.

Je souhaiterais conclure en appelant votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur la situation des régions qui choisissent d’exercer ces compétences. Les compétences en matière de transports scolaires et interurbains seront d’office transférées aux communautés d’agglomération. Ces dernières disposeront, à cette fin, de leur propre fiscalité. Par conséquent, il convient de préciser les conditions financières de ces transferts ainsi que les charges transférées des départements aux régions.

M. Jean-Jacques Lasserre. Ce transfert ne peut en aucune façon concerner les charges supportées par les communautés d’agglomération, charges qui sont elles-mêmes adossées sur leur propre fiscalité.

La voracité des régions ne doit pas conduire à un racket des départements. Monsieur le ministre, votre position nous paraît étonnante : les régions, qui sont gigantesques, briseront la proximité ; les transports demandent une attention soutenue, exigent du « cousu main ». Laisser aux acteurs locaux les moyens de s’organiser et de décider reste la meilleure des solutions ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et au banc de la commission.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires, que nous examinons aujourd’hui, est considérée par certains, à juste titre, comme une rustine à la loi NOTRe ; elle n’en demeure pas moins essentielle pour enfin clarifier la répartition de la compétence « mobilité-transport » entre les collectivités territoriales, plus précisément, entre les départements et les régions.

Comme l’indiquait il y a quelque temps un magazine bien connu traitant du sujet des collectivités locales, « il s’agit d’une équation à multiples inconnues ».

M. Simon Sutour. Il faut commencer par saluer nos trois collègues, Bruno Sido, Benoît Huré et Jean-Jacques Lasserre, qui sont à l’origine du dépôt de cette proposition de loi.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Absolument !

M. Simon Sutour. À mesure que nous nous rapprochons de l’échéance principale, à savoir le transfert du transport scolaire aux régions à la rentrée de 2017, les modalités de mise en œuvre de ce transfert sont, il faut bien l’avouer, de moins en moins claires.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Simon Sutour. En effet, compte tenu des différents systèmes existant dans chaque département, faisant appel, comme Bruno Sido l’a indiqué, à 3 345 intervenants, compte tenu également des souhaits hétérogènes des exécutifs, en la matière, dans les conseils régionaux et les conseils départementaux, compte tenu, enfin, des réponses du Gouvernement, il était temps d’en finir avec les surenchères d’ingéniosité dédiées à contourner la LOTI et de mettre fin à l’insécurité juridique, dans un domaine où, précisément, il ne doit y avoir aucune place pour l’insécurité.

Chaque jour, deux millions d’élèves bénéficient de ce service, pour un coût annuel de 4 milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas d’un sujet anodin. Au-delà de l’aspect formel et financier, le transfert aux départements, par les lois de décentralisation de 1982 et de 1983, des transports publics interurbains, d’une part, et des transports scolaires, d’autre part, compétences jusqu’alors exercées par l’État, a été l’un des éléments clés de la décentralisation.

Pour l’avoir vécu et mis en place, à l’époque, dans mon département, le Gard, en tant que directeur général des services, je peux vous assurer que le transfert de cette compétence a largement contribué à réduire les inégalités entre les territoires urbains et ruraux dans des départements comme le mien.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Oui !

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Simon Sutour. Permettre à chaque élève, quel que soit son lieu d’habitation, d’avoir accès à un établissement scolaire qui lui correspond, c’est ça, l’égalité !

La souplesse du régime juridique actuel est parfaitement adaptée aux différentes problématiques territoriales : les départements, en tant qu’autorités organisatrices des transports de premier rang, les AO1, comme il est de coutume de les nommer, assument cette compétence de manière particulièrement efficace.

S’agissant du transfert aux régions, je souhaite que ces dernières puissent faire aussi bien, même si, dans ce domaine en particulier, la proximité entre les donneurs d’ordres et les exécutants me semble essentielle. On le voit notamment à l’occasion des alertes météorologiques, qui nécessitent de la précision et de la réactivité de la part des départements, lorsqu’il s’agit d’interrompre de manière préventive tout ou partie du transport scolaire pour une période déterminée. Élu d’un département où les épisodes cévenols sont nombreux, j’en sais quelque chose !

Pour le moment, donc, les départements assument cette compétence, soit directement, soit en la confiant à des autorités organisatrices de second rang, afin de coller au mieux aux réalités du terrain. Notre rapporteur, René Vandierendonck, que je salue également pour la qualité de son travail sur ce texte,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. Simon Sutour. … rappelait que seuls 17 % des départements assument directement les responsabilités inhérentes à l’exercice de cette compétence ; les autres font tous appel à des AO2.

Dans le Gard – veuillez m’excuser, mes chers collègues, d’insister sur ce cas –, environ 28 000 élèves sont transportés quotidiennement pour un budget annuel de près de 22 millions d’euros. Une participation annuelle de 70 euros est désormais demandée, pour un coût réel de plus de 900 euros. La majeure partie de ces trajets sont effectués par un délégataire pour le compte du département. Ce délégataire assure également, la plupart du temps – je voudrais souligner ce point –, une compétence en matière de transports non urbains, à savoir les liaisons intradépartementales qualifiées de régulières et les services à la demande.

La compétence en matière de transports non urbains sera transférée aux régions à compter du 1er janvier 2017. Ce décalage entre les dates respectives, 1er janvier et 1er septembre 2017, du transfert des transports non urbains et de celui des transports scolaires, est pour le moins curieux. En effet, dans la pratique, la dissociation entre le transport interurbain et le transport scolaire est parfois artificielle. Les élus départementaux, qui sont nombreux sur ces travées, le savent : environ un tiers des élèves empruntent en réalité des lignes régulières interurbaines. C’est dire la complexité de ce dossier, qui est beaucoup moins simple que l’on a bien voulu nous le dire.

Globalement, les usagers sont satisfaits, même si, ces dernières années, face à l’augmentation des coûts et au poids des contraintes budgétaires, de nombreux départements, dont le mien, où la gratuité, par le passé, était totale, n’ont eu d’autre choix que de demander une participation financière aux familles pour couvrir une infime partie du coût réel.

En tant que farouche défenseur des services publics, je défendrai toujours le principe de la différence entre un client et un usager. Je défendrai toujours les élèves qui habitent loin des centres urbains, afin qu’ils puissent se rendre à l’école gratuitement, ou pour un prix modique, y compris s’il faut faire appel à des taxis, comme c’est parfois le cas.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Simon Sutour. Il est prévu, dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, que nous précisions ce dispositif. Il ne s’agit pas aujourd’hui, monsieur le ministre, de rediscuter de l’opportunité du transfert de la compétence en matière de transports scolaires aux nouvelles régions, mais plutôt de nous attacher à rendre ce transfert possible et efficient.

M. Simon Sutour. J’ouvre une brève parenthèse pour rappeler que le même problème s’était posé ici même, il y a une année, au sujet de la protection des forêts contre l’incendie.

M. Simon Sutour. En supprimant la clause générale de compétence des départements, la loi NOTRe remettait en cause la capacité de certains départements dits « sensibles », comme le département du Gard – veuillez une nouvelle fois m’excuser, mes chers collègues, de citer mon département –,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très beau département !

M. Simon Sutour. … à intervenir pour défendre leurs forêts contre l’incendie. Fort heureusement, une proposition de loi, devenue loi, a entre-temps corrigé cette anomalie.

La notion de continuité du service public prend ici tout son sens, et l’on constate qu’une mesure contenue dans une loi peut remettre en cause ce principe fondamental.

J’en reviens au sujet qui nous intéresse aujourd’hui : le principal écueil relatif au transfert aux régions de la compétence en matière de transports scolaires est celui de la délégation, avec son corollaire, la subdélégation – la plupart de nos collègues qui sont intervenus l’ont évoqué. En effet, selon les cas, certaines régions – vous en avez donné la liste, monsieur le ministre – souhaiteront exercer pleinement cette compétence et pourront, comme la loi le permet à l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, l’exercer directement ou la déléguer à des AO2 existantes ; mais, pour les régions qui ne souhaitent pas l’exercer directement et préfèrent la déléguer aux départements, se pose le problème de la subdélégation.

Certes, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, ce problème se pose pour une année seulement ; mais il faudra bien, pendant cette année, transporter les élèves ! Je rappelle que la subdélégation est formellement interdite par la loi, à une exception près, celle des départements franciliens ayant reçu délégation du STIF, qui sont autorisés à subdéléguer.

Pour l’heure, donc, et tant que la proposition de loi que nous examinons n’est pas votée par le Parlement, c’est un peu, si je puis me permettre cette expression, « la foire ». Certains départements ne veulent pas se voir déléguer cette compétence ; d’autres le souhaitent ; certaines régions souhaitent déléguer totalement ou partiellement, dans l’immédiat ou de manière différée ; d’autres, au contraire, nombreuses, veulent l’exercer pleinement ;…

M. Bruno Sido. C’est le bazar !

M. Simon Sutour. … d’autres, enfin, comme la mienne, l’Occitanie, se laissent du temps et demandent le report de la mise en œuvre de ce transfert au 1er janvier 2018.

M. François Bonhomme. On réfléchit…

M. Simon Sutour. Des états généraux du rail et de l’intermodalité y ont en effet été lancés.

M. François Bonhomme. On se contorsionne…

M. Simon Sutour. La loi est très claire : une collectivité territoriale ne peut déléguer à une collectivité territoriale ou à un EPCI à fiscalité propre qu’une compétence dont elle est attributaire.

Dans le cas où une région décide de déléguer la compétence aux départements qui la composent, ces derniers deviennent donc instantanément des autorités organisatrices de second rang et se trouvent par conséquent dans l’impossibilité juridique de poursuivre leur mission par l’entremise de leurs actuelles autorités organisatrices des transports.

Le texte initial de la proposition de loi remédiait à cet imbroglio en accordant aux départements qui s’étaient vu transférer cette compétence par les régions, devenus donc autorités organisatrices de second rang, AO2, la possibilité de subdéléguer ladite compétence à leurs actuelles autorités organisatrices de second rang en passant une convention avec elles. Par glissement, ces dernières deviendraient des autorités organisatrices de troisième rang, AO3.

Visant à éviter la généralisation de cette faculté et la multiplication du nombre d’intervenants de troisième rang, et donc, à terme, le risque d’une dilution des responsabilités et d’une trop grande insécurité juridique, l’amendement de notre rapporteur, adopté à l’unanimité en commission des lois, a pour objet de border la subdélégation. Il est en effet précisé que les départements ayant reçu délégation de la région pour l’organisation et la gestion des transports scolaires peuvent, si la convention le prévoit, recourir à des prestataires, via une convention de prestation de services, pour exécuter tout ou partie des compétences déléguées.

La « subdélégation » serait donc rendue possible dans les conditions fixées par la loi, notamment par l’article L. 3111-9 du code des transports, qui accorde au département ou à l’autorité compétente pour l’organisation des transports urbains, et donc, bientôt, à la région, la capacité de déléguer tout ou partie de l’organisation des transports scolaires à des communes, à des EPCI ou à des associations de parents d’élèves, par exemple.

En conséquence, les régions confiant cette compétence, via de nouvelles conventions, aux départements, ces derniers continueraient dans les faits, en tant qu’autorités organisatrices de premier rang, d’organiser les transports scolaires ; selon l’étendue de la convention passée entre un département et une région, un département comme le Gard pourrait très bien continuer, pour le compte de la région, à confier son service de transport scolaire à ses prestataires actuels.

J’y insiste, monsieur le ministre, ce texte nous donne la possibilité de faire le point avec le Gouvernement et les administrations à la veille du transfert de compétences, mais aussi et surtout, avec souplesse, de laisser les collectivités s’organiser pour mener à bien ce transfert.

J’ai cependant un petit regret : compte tenu du calendrier, la proposition de loi risque de ne pas être votée à temps. Nous souhaitons néanmoins que ce texte soit adopté le plus largement possible ici, aux Sénat, et que l’Assemblée nationale puisse trouver une « niche » pour l’examiner.

Mes chers collègues, une nouvelle fois, le Sénat joue son rôle, à proximité des territoires.

M. Simon Sutour. Le groupe socialiste, vous l’avez compris, votera cette proposition de loi amendée et précisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Mme Marie-Christine Blandin et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux saluer l’initiative de nos trois collègues au moment où nous mettons en œuvre la nouvelle architecture de nos territoires, notamment le lourd dossier du ramassage scolaire quotidien et la répartition des compétences entre les régions et les autres collectivités. L’audace des auteurs de la proposition de loi est d’allier le sens de la proximité à celui de l’efficacité.

Je veux également saluer le travail de la commission des lois, qui a enrichi ce texte au service d’une appréhension fine des réalités territoriales, dans le sens, là encore, de la proximité et de l’efficacité, tout en veillant également au problème des coûts laissés à la charge des familles.

Il est si rare de lire un texte tissant de manière aussi fine la toile d’araignée du territoire. Il s’agit de garantir, au quotidien, la satisfaction d’une mission, celle du ramassage scolaire, donc de régler un problème essentiel, stratégique pour les familles. Un dialogue, surtout, est ouvert, via cette proposition de loi, entre les régions, les départements et les acteurs des territoires, intercommunalités, communes, EPCI et même familles, lorsque celles-ci sont organisées. Ce texte organise la prise en compte de ce qui se passe sur nos territoires et la reconnaissance de l’efficacité de ces acteurs au bénéfice des enfants.

Autre point à porter au crédit de la proposition de loi : la prise en compte des entreprises locales de transport, qui, via des emplois ancrés dans nos territoires, font vivre, au quotidien, d’autres familles.

Il y va donc de l’aménagement du territoire dans son ensemble et du maillage de notre France, à la fois rurale et urbaine. On a parfois, peut-être, trop négligé cette dimension, au gré de la massification qu’a représentée la création des régions. En tant qu’élu de la grande région du Grand Est, je mesure la réalité de ces difficultés et la nécessité du rapprochement, du dialogue avec les départements et les territoires.

Je voudrais insister également sur la rapidité avec laquelle a été instituée cette nouvelle organisation territoriale, qui n’a pas toujours, tant s’en faut, été portée par les acteurs des territoires. Cette réforme s’est un peu faite à marche forcée. Il s’agit de revenir à la réalité du quotidien et, donc, tout simplement au bon sens. Cette proposition de loi nous ramène à nos racines.

Lorsque des structures existent, lorsque des missions sont remplies – c’est une véritable mission que de ramasser nos enfants au quotidien –, lorsque ça marche bien, pourquoi remettre en cause l’existant ? De ce point de vue, je voudrais de nouveau rendre hommage à la commission : l’esprit que j’indique l’a animée dans ses travaux.

Monsieur le ministre, cette proposition de loi n’est pas une remise en cause de la loi NOTRe ; il s’agit plutôt de rendre l’application de cette loi vivable et viable au quotidien. Rien n’est plus beau qu’un dispositif consensuel, efficace pour les familles et pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)