Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 10
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 11 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 11

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une évaluation des conditions de gestion des travailleurs pluriactifs ou saisonniers par les régimes de protection sociale est présentée par le Gouvernement au Parlement. Cette évaluation établit les conditions d’une prise en charge mutualisée de la protection sociale de ces travailleurs en vue notamment de la mise en place des guichets uniques mentionnés au troisième alinéa de l’article 59 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. – (Adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 11 bis (début)

Article 11 bis

(Non modifié)

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 87 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est ainsi rédigée :

« Le cas échéant, le contrat précise que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l’horaire réel effectué et qu’elle est lissée sur l’année. »

Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Comme je le disais à l’instant, j’ai participé au groupe de travail interministériel sur les saisonniers. À l’occasion de la loi Travail, nous avions obtenu une première avancée grâce à l’introduction de la notion de « saisonnalité » dans le code du travail, même si cette définition ne me convient pas complètement.

L’objectif du groupe de travail était d’encadrer l’utilisation abusive des contrats de travail à caractère saisonnier par les employeurs. Ces derniers les utilisaient en lieu et place des CDD pour surcroît de travail, afin de s'exonérer du paiement de certaines cotisations et du versement de la prime de précarité.

L’article 11 bis représente un retour en arrière pour les droits des travailleurs saisonniers. En effet, le lissage de la rémunération des saisonniers tout au long de l’année a des conséquences négatives. À première vue, la modulation du temps de travail et le lissage de la rémunération qu’elle entraîne sur une année peuvent apparaître comme un élément de stabilité financière pour les travailleurs. En réalité, ce lissage évite surtout aux entreprises qui emploient des travailleurs saisonniers de payer les heures supplémentaires qu’elles devraient régler en temps normal.

Autre effet pervers : le lissage du temps de travail et donc de la rémunération entraînera la perte des indemnisations que perçoivent les saisonniers pendant l’intersaison.

Si, en apparence, l’article 11 bis apporte davantage de sécurité aux saisonniers, il sera en réalité à l’origine de pertes de revenus importantes. Pour ces raisons, mon groupe demande la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Je rappelle que l’article 11 bis supprime une disposition qui est source de rigidité et qui risquait de faire échouer l’expérimentation prévue par la loi Travail.

Une expérimentation sera bientôt lancée pour autoriser les employeurs de travailleurs saisonniers à conclure des CDI intermittent, en cas d’absence d’accord ou de convention au niveau de la branche ou de l’entreprise, alors que le droit commun n’autorise la conclusion de tels contrats de travail que dans les conditions fixées par un accord ou une convention.

L’article 11 bis apporte de la souplesse, car il prévoit que le lissage de la rémunération des salariés qui participeront à cette expérimentation sera facultatif, et non plus obligatoire.

La commission est donc défavorable à l’amendement de Mme David.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L’article 11 bis vise à laisser de nouveau l’employeur et le salarié choisir les modalités de la rémunération versée dans le cas d’un CDI intermittent saisonnier. La rémunération ne peut être lissée sur l’année que dans les cas où le salarié et l’employeur sont tous deux d’accord.

La suppression de cet article, madame la sénatrice, rigidifierait le dispositif et imposerait au contraire le lissage de la rémunération, car il n’y aura alors plus d’autre solution possible.

Le Gouvernement considère qu’il est préférable de laisser le choix du mode de rémunération aux deux parties au contrat de travail.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je voudrais tout d’abord faire remarquer que c’est notre collègue députée Mme Bernadette Laclais qui a rendu le lissage de la rémunération facultatif, et que ce lissage n’est donc plus obligatoire.

J’ajoute que les institutions représentatives du personnel ont également leur mot à dire.

Mme Annie David. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Compte tenu des deux précisions que je viens d’apporter, j’estime que nous pouvons accorder la souplesse que le dispositif requiert.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - La première phrase du premier alinéa de l'article 87 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation du parcours professionnel est complétée par les mots : « pour les entreprises qui en sont pourvues ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement a pour objet d’apporter une précision à l’article 87 de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri.

Cet article prévoit que, dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé, les emplois à caractère saisonnier peuvent donner lieu jusqu’au 31 décembre 2019 à la conclusion d’un contrat de travail intermittent en l’absence de convention ou d’accord d’entreprise ou d’établissement, ou en l’absence d’accord de branche, après information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.

Cet amendement vise à préciser que cette dernière procédure d’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel ne doit bien sûr être observée que lorsque l’entreprise est pourvue d’un comité d’entreprise ou de délégués du personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. L’article 87 de la loi Travail prévoit une expérimentation dans des branches saisonnières que le Gouvernement devra désigner par arrêté autorisant les employeurs à avoir recours au CDI intermittent, même si aucun accord de branche ou d’entreprise n’est conclu, ainsi que le requiert le droit commun.

L’amendement vise à préciser que l’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel dans le cadre de la mise en œuvre de cette expérimentation ne se fera que pour « les entreprises qui en sont pourvues ».

Cette précision me semble superflue : l’absence de ces institutions représentatives du personnel, soit parce que l’entreprise n’a pas atteint le seuil à partir duquel leur constitution est obligatoire, soit en raison d’un défaut de candidatures, n’empêchera pas celle-ci de bénéficier de l’expérimentation.

C’est pourquoi la commission vous demande de retirer votre amendement, mon cher collègue. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Aujourd’hui, il importe surtout que le Gouvernement désigne les branches qui participeront à l’expérimentation. Peut-être pourrez-vous nous donner des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui lui semble satisfait.

En effet, une expérimentation du CDI intermittent saisonnier est déjà prévue dans le cadre de la loi Travail, dans une rédaction identique à celle qui est proposée. Cette disposition figure à l’article 87 de cette loi.

Le Gouvernement, en particulier Mme la ministre du travail, s’attache actuellement à faire en sorte que la mise en œuvre de cette disposition soit rapide.

Mme la présidente. Monsieur Hervé, l'amendement n° 28 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis.

(L'article 11 bis est adopté.)

Article 11 bis (Texte non modifié par la commission)
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Articles additionnels après l’article 11 bis (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 11 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 180 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.

L'amendement n° 254 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

L'amendement n° 331 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, M. Raison, Mme Imbert, MM. Pierre, Chasseing, Bizet, Chaize, Mandelli, Houpert, Dufaut, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La gestion des troupeaux exercée par les groupements pastoraux constitués exclusivement d’agriculteurs est considérée comme le prolongement de l’activité principale de leurs membres. Les dispositions législatives en matière du droit du travail applicables aux agriculteurs qui en sont membres bénéficient également auxdits groupements. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.

M. Loïc Hervé. Des groupements dits « groupements pastoraux » peuvent être créés dans les formes prévues par les lois et règlements en vigueur pour la constitution de sociétés, associations, syndicats et groupements d’intérêt économique, en vue de l’exploitation des pâturages.

Par principe, ces groupements pastoraux sont constitués exclusivement entre agriculteurs. Par exception, certains groupements peuvent compter des collectivités locales parmi leurs membres.

En tout état de cause, et quelle que soit sa composition, l’activité principale d’un groupement pastoral consiste à gérer des troupeaux composés d’animaux appartenant aux agriculteurs qui en sont membres. Cette activité s’inscrit donc dans le prolongement direct de l’activité principale desdits agriculteurs. C’est bien là l’unique raison d’être du groupement pastoral, dont l’activité principale est indissolublement liée à celle des éleveurs qui le composent.

Par conséquent, pour cette activité de gestion de troupeaux, et seulement pour celle-ci, le groupement pastoral peut, par extension, avoir recours aux contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles qui sont accordées aux agriculteurs qui en sont membres.

Les autres activités du groupement pastoral qui ne s’inscriraient pas dans le prolongement de l’activité desdits agriculteurs relèvent, eux, du droit commun des contrats.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 254 rectifié.

Mme Hermeline Malherbe. Pour compléter le propos de mon collègue, j’ajoute que nous souhaitons trouver un équilibre entre les conditions accordées directement aux agriculteurs et aux éleveurs quand ils recourent à ce type de contrats et les dispositions qui s’appliquent aux groupements pastoraux, qui, bien qu’exclusivement constitués d’éleveurs ou d’agriculteurs, n’ont actuellement pas le droit de recourir à de tels contrats.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 331 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Les groupements pastoraux existent essentiellement dans les massifs et cet amendement concerne donc bien la montagne.

Nous voulons que ces groupements puissent bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont accordés aux exploitants agricoles. Comme le groupement pastoral est le prolongement d’une activité agricole, et dès lors qu’il est exclusivement composé d’exploitants agricoles, il est absolument stratégique et essentiel de leur permettre de recourir à des contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles dont profitent les exploitants à titre individuel. C’est d’abord important en termes d’aménagement du territoire. C’est surtout très important dans le contexte actuel, où les charges sont élevées et où il est primordial de ne décourager personne de se lancer dans l’exploitation de nos montagnes, qui sont des territoires parfois difficiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Ces trois amendements concernent les groupements pastoraux.

Ces groupements d’éleveurs, qui font l’objet d’un agrément accordé par l’État selon des règles fixées par le code rural et complétées selon des conditions établies dans chaque département, gèrent et valorisent collectivement des surfaces pastorales.

Ils peuvent choisir de se constituer sous la forme d’associations loi 1901, de sociétés civiles, de sociétés coopératives ou de syndicats professionnels.

En théorie, les groupements pastoraux peuvent mettre des locaux ou des véhicules, éventuellement du personnel – mais ce n’est pas nécessairement l’objectif principal –, à disposition des agriculteurs. Ils peuvent employer un salarié ou préférer recourir à un prestataire.

Selon les informations dont je dispose, rien dans le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime n’interdit à un groupement pastoral d’embaucher du personnel en CDD.

Dès lors qu’il respecte les règles de droit commun pour éviter la requalification du CDD en CDI – je pense au contrat écrit, aux cas de recours, ou au délai de carence –, il peut embaucher un salarié en CDD classique ou en CDD saisonnier.

Ces amendements me semblent satisfaits par le droit en vigueur. Je demanderai donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement partage l’avis de la commission.

En effet, les groupements pastoraux peuvent se constituer sous différentes formes juridiques, comme une association ou une société. Ils sont affiliés à la Mutualité sociale agricole, la MSA, comme le sont les employeurs agricoles à part entière. Ils peuvent donc tout à fait embaucher des salariés saisonniers en CDD pour garder les troupeaux, sous réserve évidemment de respecter les critères définis par le code du travail en matière d’emploi saisonnier.

Ces amendements qui assimilent les groupements pastoraux à des exploitants agricoles ne sécurisent nullement leur recours au CDD saisonnier, puisque cette faculté existe déjà. Mme la rapporteur a donc raison de dire que les trois amendements sont déjà satisfaits.

En outre, les conventions collectives applicables à ces groupements peuvent déjà définir par activité la nature des emplois saisonniers permettant le recours au CDD saisonnier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Roux. Les auteurs de ces amendements revendiquent le droit d’inscrire dans le code du travail la possibilité pour les groupements pastoraux de conclure des CDD dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les agriculteurs qui en sont membres. Pourquoi les groupements pastoraux ne se constitueraient-ils pas en groupements d’employeurs, ce qui leur permettrait de conclure des CDI intermittents, comme le prévoient l’article 11 bis du projet de loi et l’article 87 de la loi Travail ?

S’il s’agit d’embaucher des bergers pour des estives, cette possibilité contribuerait au développement de la pluriactivité en zone de montagne, laquelle est bénéfique pour l’économie de ces régions. De plus, cela permettrait aux bergers de compléter leur formation et d’avoir une activité toute l’année.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. J’ai bien entendu les propos de Mme la rapporteur, ainsi que ceux de M. le ministre.

Si vous nous confirmez que le groupement pastoral peut aujourd’hui bénéficier des mêmes conditions pour recourir à un CDD que celles qui sont accordées aux exploitants agricoles qui composent le groupement, je retirerai évidemment mon amendement, car il sera satisfait.

M. Daniel Gremillet. Seulement, avant de le retirer, j’aimerais en être bien sûr. Pour le moment, ce n’est pas le cas et le propos que vient de tenir notre collègue Jean-Yves Roux crée de nouveau le doute dans mon esprit. Il semble dire qu’il serait nécessaire de créer une nouvelle structure. Or le monde agricole est arrivé à saturation et en a assez des complications administratives : faisons tout simplement en sorte que les groupements pastoraux bénéficient bien des mêmes droits que les exploitants agricoles !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je vous confirme que c’est bien le cas, monsieur le sénateur !

Mme la présidente. Monsieur Gremillet, l'amendement n° 331 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Je le retire donc, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 331 rectifié est retiré.

Monsieur Hervé, l'amendement n° 180 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Non, je le retire également.

Mme la présidente. L'amendement n° 180 rectifié est retiré.

Madame Malherbe, l'amendement n° 254 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hermeline Malherbe. Je le retire aussi, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 254 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Articles additionnels après l’article 11 bis (début)
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Discussion générale

9

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen qui se tiendra jeudi prochain à Bruxelles doit être une étape essentielle dans la mise en œuvre des priorités qui avaient été fixées au sommet de Bratislava, qu’il s’agisse de la réponse européenne à la crise des migrations, de la sécurité et de la défense européennes, des questions économiques et sociales ou du soutien à la jeunesse européenne.

Concernant les migrations, un pas important a été franchi au cours des derniers mois avec la transformation de l’agence FRONTEX en corps européen de gardes-côtes et gardes-frontières, dont le mandat est élargi et qui sera doté d’une réserve mobilisable permanente de 1 500 agents fournis par tous les États membres.

Nous avons également engagé devant le Parlement européen la révision du code frontières Schengen et des travaux législatifs doivent commencer sur le système ETIAS de contrôle systématique électronique des entrées et des sorties. Ces législations doivent être adoptées au plus vite. De même, la France insiste sur le respect des principes de responsabilité et de solidarité en matière de migration, donc d’asile, responsabilité des pays de première entrée pour ce qui concerne le contrôle et l’enregistrement des réfugiés comme l’organisation des réadmissions des immigrants illégaux – à cet égard, des accords doivent être établis avec les pays de provenance –, et solidarité de l’ensemble des États membres quant à l’accueil des réfugiés et au soutien au pays de premier accueil. De ce point de vue, je le souligne, la France, qui est le premier pays pour ce qui concerne les relocalisations des réfugiés en provenance de la Grèce, a montré qu’on pouvait assumer ses responsabilités. Nous demandons à tous les États membres de faire de même.

Le Conseil européen se penchera plus spécifiquement sur la dimension externe de la politique migratoire européenne. Il devrait souligner l’importance de mettre en œuvre, dans toutes ses dimensions, la déclaration conjointe de l’Union européenne et de la Turquie du mois de mars dernier, afin de poursuivre la maîtrise des flux migratoires en Méditerranée orientale. Malheureusement, nous assistons de nouveau à une certaine augmentation de ces flux, avec environ 200 arrivées par jour. Ce chiffre était descendu à moins de 100. Pour autant, nous sommes très loin des arrivées massives précédentes : avant cet accord, 1 500 à 2 000 personnes prenaient chaque jour la mer vers la Grèce, en provenance de la Turquie, ce qui occasionnait, vous le savez, de multiples drames. Quoi qu’il en soit, nous devons insister sur le fait que la Turquie doit respecter ses engagements en matière de lutte contre les passeurs et les migrations illégales.

Certains États membres pourraient être tentés, comme l’Autriche et les Pays-Bas l’ont fait ce matin au cours de la réunion du Conseil des affaires générales, alors que nous débattions de la politique d’élargissement, de soulever la question plus générale du dialogue avec la Turquie et d’une suspension éventuelle de celui-ci. Pour nous, il est clair que, si la Turquie a le droit de se défendre contre les putschistes, après la tentative de coup d’État du 15 juillet dernier, ou contre les terroristes, qui ont encore frappé le pays ces derniers jours et que nous combattons à ses côtés, elle doit le faire dans le respect de l’État de droit et de manière proportionnée.

Les évolutions de ces dernières semaines sont à cet égard graves et préoccupantes, et l’Union européenne a exprimé avec force, le 8 novembre dernier, son inquiétude face à la répression qui touche des députés kurdes, des journalistes, des universitaires, lesquels n’ont rien à voir ni avec le coup d’État du 15 juillet ni avec les attentats terroristes.

Le dialogue avec la Turquie doit donc se poursuivre sur la base de la clarté et de la fermeté. De ce point de vue, il a été convenu ce matin qu’aucun chapitre de négociation ne peut être ouvert dans les circonstances actuelles. Lors de la réunion du Conseil européen, il sera rappelé que la Turquie, qui est un partenaire stratégique de l’Union européenne en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, les migrations illégales et les trafiquants d’êtres humains, doit tenir les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’accord du 18 mars entre l’Union européenne et la Turquie.

Au-delà de cet accord, il faut agir sur les causes profondes des migrations en provenance d’Afrique, compte tenu notamment de ce qui se passe en Méditerranée centrale et des arrivées importantes sur les côtes italiennes de réfugiés.

Bien évidemment, une action diplomatique doit être menée pour trouver une solution à la situation de la Libye. Les chefs d’État ou de gouvernement feront aussi le point sur les premiers résultats du cadre de partenariat renforcé, engagé avec cinq pays prioritaires : l’Éthiopie, le Niger, le Nigeria, le Mali et le Sénégal. Un premier accord a ainsi été noué avec le Mali dimanche dernier ; il en sera rendu compte. L’élargissement géographique éventuel des pactes migratoires au-delà de ces cinq pays pourra être envisagé en fonction des premiers résultats concrets obtenus et en tenant compte des possibilités financières de l’Union européenne.

Il s’agit d’aider ces pays dans leur développement économique, en particulier de faire en sorte que les jeunes puissent y rester : ils doivent pouvoir trouver une formation, puis un emploi. Il s’agit également de renforcer leur capacité de contrôle de leurs propres frontières et de lutte contre les trafiquants d’êtres humains, et de mettre en place des accords en matière d’asile, de reconduite à la frontière des demandeurs non fondés à demander l’asile et des migrants en situation illégale.

Au titre de cette action en profondeur, il faut aussi saluer l’accord trouvé au Conseil sur le Fonds européen de développement durable, ainsi que sur le mandat externe de la Banque européenne d’investissement, ces dispositifs permettant de compléter les instruments dont dispose l’Union européenne, dans le prolongement des décisions prises lors du sommet de La Valette.

Le deuxième grand sujet à l’ordre du jour de ce Conseil européen sera la politique de défense commune et les questions de sécurité. C’est le point sur lequel sont attendues les avancées les plus nouvelles et d’une grande importance : l’Europe doit se donner les moyens d’assumer davantage de responsabilités en matière de défense. Personne n’assurera la sécurité des Européens à leur place. La France insiste depuis longtemps sur ce message, aujourd'hui repris par plusieurs de nos partenaires, notamment l’Allemagne. Vous le savez, les ministres des affaires étrangères et de la défense français et allemands ont publié cet été et cet automne des documents comportant des propositions qui ont fourni la base des débats du Conseil des affaires étrangères, qui s’est réuni le 14 novembre dernier.

Ce conseil constitue une étape particulièrement importante. Il a en effet permis d’enregistrer des avancées significatives dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune. La Commission a présenté le 30 novembre dernier un plan d’action européen pour la défense. Elle propose notamment la création d’un fonds européen de la défense, afin de soutenir les investissements dans la recherche et le développement conjoint d’équipements et de technologies de défense, ainsi qu’un recours aux fonds structurels et à la Banque européenne d’investissement, en appui à l’industrie de défense.

Il est donc important que le Conseil européen reprenne les conclusions du Conseil des affaires étrangères du 14 novembre sur la mise en œuvre de la stratégie globale de sécurité de l’Union européenne. Il faut que les impulsions nécessaires soient données, pour passer aux travaux pratiques, dans les domaines des financements, de l’organisation et de la coopération.

Nous souhaitons également qu’une revue européenne annuelle de défense soit désormais effectuée sous la coordination des États membres. Cela instaurera une sorte de semestre européen de défense, lequel permettra d’évaluer les besoins en matière de capacité, de coordination, d’interopérabilité et de soutien à nos industries de défense. Car les efforts doivent être mieux partagés sur le plan financier. Nous rappellerons l’objectif retenu par tous les États membres de l’Union européenne par ailleurs membres de l’OTAN de consacrer 2 % de leur PIB à la défense. La France s’est engagée en ce sens.

Les efforts doivent être mieux coordonnés et partagés. Je pense notamment à ceux qui visent à soutenir la base industrielle et technologique de défense. C’est aussi une condition de l’autonomie stratégique.

De même, nous devons avancer dans le domaine des opérations extérieures communes, menées sous l’égide de l’Union européenne, en révisant le mécanisme de financement Athena et en établissant une capacité de conduite et de planification permanente. Il s’agit de mettre en place un état-major européen, au-delà des actuels battle groups, lesquels n’ont d’ailleurs pas été utilisés. Nous devons également renforcer le soutien aux capacités de défense des États partenaires, notamment en Afrique, dans le cadre du CBSD, Capacity Building in Support of Security and Development. C’est un élément de notre projection de stabilité à partir de nos propres capacités.

Tout cela pourra conduire, le moment venu, si nécessaire, à la mise en place d’une coopération structurée permanente de la part des États membres prêts à avancer davantage dans ce domaine. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des États membres est aujourd'hui concerné.

Quant aux enjeux de sécurité intérieure, beaucoup a aussi été fait, notamment sous l’impulsion des ministres de l’intérieur français et allemand. Je veux rappeler l’adoption de la directive relative à la lutte contre le terrorisme et les propositions sur les armes à feu et la lutte contre le blanchiment. La mise en œuvre effective de la directive sur le PNR, relative à l’utilisation des données des dossiers passagers, l’interopérabilité de nos systèmes d’information, ainsi que la mise en place de contrôles à l’entrée et à la sortie, dans le cadre du « paquet frontières intelligentes », sont très importantes.

Le Conseil européen reviendra sur les priorités fixées à Bratislava en matière de croissance, d’emploi et de soutien à la jeunesse. Nous sommes parvenus à un accord pour étendre le plan Juncker, qui passera de 315 milliards d’euros à 500 milliards d’euros. Il s’agit de prolonger et de développer l’initiative européenne pour la jeunesse et de financer la garantie pour la jeunesse.

Ce conseil sera l’occasion pour les Vingt-Sept de se retrouver pour faire le point sur la préparation des négociations en vue de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous nous appuierons sur les principes suivants : l’unité des Vingt-Sept, le lien entre les quatre libertés du marché unique et le fait qu’un État tiers ne pourra en aucun cas être dans une position plus favorable qu’un État membre.

Je serai bien évidemment à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour revenir sur les dispositions qui seront établies entre les Vingt-Sept concernant la conduite des négociations qui seront engagées avec le Royaume-Uni, dès que Mme Theresa May, comme elle s’y est engagée, soit au plus tard avant la fin du mois de mars prochain, aura engagé la procédure de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux points qui seront débattus au cours de ce Conseil européen. Bien évidemment, nous reviendrons également sur la situation en Syrie, l’urgence humanitaire à Alep et la nécessité d’une solution politique à la crise syrienne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)