Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Républicains.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, estimant, à juste titre, que le développement de l’enseignement supérieur est un élément déterminant pour l’avenir de l’Union européenne et de ses États membres, le texte que nous examinons milite pour que les dépenses publiques afférentes ne soient pas prises en compte dans l’estimation par la Commission européenne du déficit public.

Les signataires de la proposition considèrent qu’une telle disposition devrait permettre à l’Union européenne de parvenir à l’objectif de 2 % de dépenses publiques en faveur de l’enseignement supérieur.

C’est un objectif de l’Union européenne plusieurs fois rappelé dans le cadre du processus de Bologne en 1999, de la stratégie de Lisbonne en 2000 et de la stratégie Europe 2020. C’est devenu un objectif des États membres, ce que la France a prouvé avec les travaux du comité STRANES, validés par le Gouvernement en 2015. J’ai salué le rapport lors de sa présentation devant la commission de la culture.

L’enseignement supérieur dans l’Union européenne compte 20 millions d’étudiants, dans environ 4 000 établissements, et emploie 1,5 million de personnes. Les besoins de financement sont élevés, en raison d’une forte augmentation du nombre d’étudiants au sein des pays de l’OCDE. Selon les estimations, ce nombre devrait doubler en 2030.

L’action de l’Union européenne reste cependant limitée, l’éducation n’étant en effet qu’une de ses compétences d’appui. Elle s’est cependant traduite par de grands programmes d’appui, le plus connu étant Erasmus, qui fête ses trente ans. Pour la période 2014-2020, Erasmus + qui regroupe l’ensemble des anciens programmes de l’Union européenne en faveur de l’éducation, de la formation et de la jeunesse, est ainsi doté d’un budget de 14,7 milliards d’euros, soit un montant en augmentation de 40 %, ce dont nous pouvons nous réjouir.

La dépense publique en matière d’enseignement supérieur dans l’Union européenne plafonne à 1,6 % du PIB. Il est donc urgent de faire évoluer les modalités de financement de l’enseignement supérieur.

C’est la raison pour laquelle Patricia Schillinger et moi-même, corapporteurs de la proposition de résolution devant la commission des affaires européennes, avons souhaité ajouter la phrase suivante dans notre rapport : « En effet, même si la compétence éducation n’est pas une compétence principale de l’Union, compléter le cadre stratégique éducation et formation existant reste possible et même souhaitable. »

Je reste convaincue que les problématiques de l’enseignement supérieur méritent une analyse approfondie et une réflexion complémentaire.

Le rapport à mi-parcours d’Erasmus + devrait être présenté au début de l’année 2017 et pourrait donner lieu à un rapport parlementaire visant à définir une position prospective sur les enjeux, la commission des affaires européennes s’y étant engagée.

Les dépenses publiques en faveur de l’enseignement supérieur peuvent relever de deux logiques. Il s’agit en tout état de cause d’investissements et elles peuvent participer de la mise en œuvre de réformes structurelles. Aux termes de sa communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne considère qu’un État peut déroger, dans une certaine mesure, à ses objectifs budgétaires dès lors que les dépenses constatées concourent à des investissements ou à des réformes structurelles.

Depuis la communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne a décidé de prendre en compte de nouveaux facteurs pouvant permettre aux États de s’affranchir relativement des objectifs du pacte de stabilité et de croissance. Je pense à l’accueil des réfugiés. Les dépenses destinées à faire face à la crise des migrants ne devraient ainsi pas être intégrées à l’évaluation des soldes budgétaires pour les années 2015 et 2016 dans le cadre de la procédure du semestre européen.

Le président de la Commission européenne a estimé, de son côté, le 18 novembre 2015 que « les dépenses de sécurité de la France devraient être exclues des calculs entrant dans le champ des règles de l’Union européenne sur les déficits ». Plus récemment, la Commission européenne a pris en compte les dépenses liées aux tremblements de terre qui ont fragilisé l’Italie en octobre et en août derniers.

La multiplication de ces dérogations ne suscite pas l’adhésion unanime du Conseil.

Des interrogations subsistent également quant à la façon d’évaluer les réformes structurelles ou sur les limites à apporter à l’application répétée des clauses de flexibilité.

L’application de la clause d’investissement est plus encadrée : les gouvernements doivent désormais soumettre des informations détaillées sur les projets d’investissements au service de réformes structurelles.

Il apparaît dans ce contexte assez délicat de proposer une nouvelle dérogation. Il convient, en outre, de relever que plusieurs observateurs jugent que les clauses sont déjà, en l’état, trop nombreuses, inefficaces et opaques. Nos collègues Fabienne Keller et François Marc avaient déjà noté cet état de fait dans leur rapport sur la phase I de l’approfondissement de la gouvernance de l’Union économique et monétaire présenté début novembre.

La proposition de résolution européenne jointe au rapport que nous avons alors adoptée à l’unanimité relève la multiplication, depuis 2015, des clauses de flexibilité au pacte de stabilité et de croissance, cette multiplication contribuant indirectement à renforcer l’opacité autour de ce dispositif sans pour autant que ces clauses apparaissent toujours efficaces. Le texte appelait, de fait, à une clarification politique dans ce domaine.

Le débat qui nous occupe apparaît toutefois légitime et je rejoins Mme Gonthier-Maurin : il s’agit d’un investissement nécessaire à l’avenir.

Néanmoins, il importe de revenir sur certaines questions et de procéder à un examen plus approfondi sur les dépenses de l’enseignement supérieur. Il faut rechercher de nouveaux moyens pour financer cet enseignement. Certains établissements font déjà appel, avec succès, à des financements privés. Il conviendrait de mener une réflexion en ce sens et de réfléchir, notamment, à une participation des entreprises dans une perspective de formation et d’employabilité.

Pour conclure, compte tenu des réserves qui ont été émises tant par la commission des affaires européennes que par la commission de la culture, le groupe Les Républicains n’adoptera pas cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.  M. Yves Détraigne applaudit également. )

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur la proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC nous permet d’affirmer une même conviction sur toutes les travées, et c’est heureux : celle que l’enseignement supérieur est primordial pour l’avenir de l’Union européenne et des États membres. Il représente un élément clé pour construire une économie « durable, intelligente et inclusive » comme l’ambitionne la stratégie Europe 2020.

L’enseignement supérieur est en effet un levier incontesté de croissance, de recherche, d’innovation, de compétitivité et d’emploi à forte valeur ajoutée.

Tout aussi important, l’enseignement supérieur concourt au développement personnel des étudiants et les prépare à une citoyenneté active fondée sur la réflexion critique, confortant ainsi les bases d’une société ouverte et démocratique.

La coopération européenne en matière d’éducation et de formation se poursuit depuis 2010 à travers le cadre stratégique européen Éducation et formation 2020, avec, en matière d’enseignement supérieur, un objectif commun ambitieux fixé à 40 % au moins de diplômés parmi les personnes âgées de 30 à 34 ans. Selon le bilan d’étape de la Commission, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur dans l’Union européenne est ainsi passé de 33,5 % en 2010 à 38 % en 2015.

De tels objectifs nécessitent un effort de financement important et continu des États pour relever le défi, tout en préservant un accès équitable à l’enseignement supérieur.

En termes de PIB, la part des dépenses est en moyenne dans l’Union européenne de 1,43 % du PIB. Elle s’élève en France à 1,5 % et se situe dans les pays du nord de l’Europe entre 1,5 % et 1,7 %.

Pour la période de 2015 à 2020, la Commission et le Conseil ont appelé les États membres à intensifier l’investissement dans l’enseignement supérieur, d’autant que depuis le début de la crise plusieurs États membres ont réduit leurs dépenses.

On ne peut donc que souscrire à l’objectif légitime de la proposition de résolution de voir les dépenses publiques d’enseignement supérieur augmenter. Cette volonté est conforme au modèle européen basé sur un financement essentiellement public de l’enseignement supérieur, à l’exception du Royaume-Uni : selon l’étude Regards sur l’éducation 2014 de l’OCDE, le taux financement public de l’enseignement supérieur était en 2011 de 80,8 % en France, de 84,7 % en Allemagne, de 77,5 % en Espagne. Il est encore plus important dans l’Europe du Nord, avec 89,5 % en Suède et 94,5% au Danemark.

Ce modèle européen tranche au sein de l’OCDE avec d’autres options plus orientées vers le financement privé reposant sur les ménages et les étudiants, comme aux États-Unis, en Australie et au Japon.

L’intensification du financement public de l’enseignement supérieur par les États membres est donc, à mes yeux, une nécessité et ne s’oppose d’ailleurs nullement à une part croissante du financement privé, à condition qu’il ne repose pas lourdement sur les frais d’inscription, mais s’appuie sur la participation des entreprises, notamment privées.

L’OCDE note que les pays où les dépenses privées ont le plus augmenté durant la période de référence 2000-2011 sont aussi les pays où les dépenses publiques ont également le plus augmenté.

Si je soutiens l’objectif d’un accroissement des dépenses publiques d’enseignement supérieur en France et dans l’Union européenne, je pense néanmoins qu’en l’état une extension spécifique de flexibilité dans l’interprétation du pacte de stabilité et de croissance ne pourra aboutir.

La volonté de s’affranchir des règles du pacte pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB à l’horizon 2025, comme le prévoient les auteurs de la proposition de résolution, se heurte au cadre actuel défini par la Commission européenne le 13 janvier 2015. Les clauses « réformes structurelles » et « investissements » ne semblent pas correspondre, en l’état actuel, à l’ampleur des investissements nécessaires. Les dépenses d’enseignement supérieur, par leur importance et par leur nature, ne peuvent pas relever non plus de ces exceptions conjoncturelles.

Le débat doit en revanche se porter sur la nécessaire relance européenne, compte tenu de l’impact des dépenses d’enseignement supérieur sur la croissance, la compétitivité et l’emploi. Tous les sociaux-démocrates défendent en Europe une relance d’ailleurs également évoquée par le Fonds monétaire international, le FMI, le G20 et l’OCDE.

Ce débat implique une réflexion non pas tant sur l’interprétation que sur la modification du pacte de stabilité et de croissance en faveur des politiques de relance. Le think tank social-démocrate Progressive Economy et l’Observatoire français des conjectures économiques défendent l’application d’une règle d’or qui exclurait les investissements publics ayant un impact positif sur le PIB des critères de déficits européens.

Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Patricia Schillinger. C’est dans cette direction qu’il nous faut travailler plutôt que dans celle d’une très hypothétique application des clauses de flexibilité dans leur cadre actuel.

Pour ma part, je voterai l’amendement du Gouvernement et je m’abstiendrai sur le texte, car j’approuve les propos de Mme Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains.

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en ce début d’année charnière, l’examen de cette proposition de résolution européenne présentée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen permet d’aborder un sujet crucial pour notre pays : celui de la formation supérieure des jeunes.

C’est donc évoquer ceux qui construiront le futur de notre pays, et y apporteront croissance économique et rayonnement culturel.

Sans tomber dans le pessimisme, les derniers chiffres du classement de Shanghai ne classent que cinq universités et grandes écoles françaises dans le top 200 mondial. À titre d’information, trente-cinq écoles et universités britanniques ainsi que cinquante-sept établissements américains figurent dans le classement.

Si les méthodes proposées par mes collègues pour renforcer l’enseignement supérieur sont louables, il est clair qu’elles sont, en cette période de contraintes budgétaires, peu réalistes. Pour autant, il est aujourd’hui impératif de consacrer l’enseignement supérieur comme une priorité.

À la croisée des politiques publiques, notre système d’enseignement supérieur et de recherche favorise la croissance de notre pays, l’insertion professionnelle des jeunes et la formation continue des salariés des entreprises françaises.

C’est donc un enjeu à la fois de rayonnement international et de dynamisme économique des territoires.

Toutefois, la volonté de porter plus de 80 % d’une classe d’âge au bac requiert une réflexion sur l’accueil et le devenir de ces jeunes après le bac.

En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 23 % des jeunes sortent de l’université sans aucun diplôme.

En outre, seuls 26 % des étudiants français obtiennent un diplôme supérieur contre 36 % en moyenne pour les pays de l’OCDE.

Il convient donc de s’interroger sur les raisons de ces faibles résultats, car le défi n’est pas simplement financier.

La question première est de savoir si l’orientation de ces jeunes est satisfaisante. De quel niveau d’information disposent-ils pour choisir une filière ? Comment favoriser leur engagement dans les filières d’avenir qui permettront leur intégration professionnelle ?

La question corollaire de la sélection se pose naturellement, notamment pour garantir la cohérence des parcours universitaires. La flexibilité et la fluidité des parcours me paraissent essentielles. Elles sont aujourd’hui encouragées et doivent être poursuivies.

L’intégration des jeunes diplômés dans le marché du travail doit être facilitée. Les liens entre l’entreprise et les établissements supérieurs doivent être étoffés de manière à garantir l’adaptation des formations au plus près des besoins des employeurs. Il convient de développer la logique des cofinancements.

L’apprentissage est un excellent moyen. Cependant, la rencontre entre apprentis et entreprises reste dans certains cas très difficile. Le secteur de l’apprentissage bénéficie toujours d’un déficit d’image, notamment pour ce qui concerne certaines filières.

Il est d’ailleurs très intéressant de voir l’essor de la formation par l’apprentissage et l’accroissement du nombre de diplômés de bac +4 et bac +5. Valorisé par les écoles, recherché par les jeunes et les entreprises, l’apprentissage est perçu comme un vecteur d’employabilité.

De même, le développement d’école de formation porté par les branches professionnelles permet de renforcer ce lien essentiel entre les emplois et les études. Il est aussi garant de la qualité et de la lisibilité des compétences des étudiants.

L’Union des industries et métiers de la métallurgie de Normandie a, par exemple, développé une école de formation intégrée. Les industriels jouent ici un rôle pivot. Il est intéressant de relever que cette connexion se fait à une échelle locale, avec l’engagement de la région.

Enfin, l’installation d’une université ou d’une école sur un territoire est un facteur d’attractivité et un moteur pour le développement économique.

Le rôle des collectivités territoriales est crucial pour mobiliser les ressources dont elles bénéficient, comme la mise à disposition du foncier, et encourager l’installation d’un établissement d’enseignement supérieur. Ce sont des leviers qui favorisent l’implantation et permettent l’attractivité et le rayonnement.

La démarche de la ville du Havre pour renforcer la diversité de l’offre d’enseignement supérieur sur le territoire a permis à de nombreux habitants du bassin de poursuivre leurs études supérieures alors qu’ils n’auraient jamais pu se rendre dans des universités ou des écoles situées dans d’autres villes éloignées du territoire.

La reconnaissance de cette démarche innovante porte dorénavant ses fruits puisque, après Sciences Po, l’ESSEC – l’École supérieure des sciences économiques et commerciales – projette de s’installer bientôt au Havre. Cela permettra aux jeunes Havrais de suivre leur cursus universitaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Ah, Le Havre ! (Sourires.)

Mme Agnès Canayer. Il est donc indiscutable que les élus doivent se fédérer autour de projet pour permettre aux étudiants de suivre leur cursus sur le territoire.

Pour conclure, la qualité de notre enseignement supérieur, certes, peut se mesurer par les sommes investies, mais aussi par la mise en œuvre de méthodes innovantes et pragmatiques, et par les politiques de soutien local.

C’est la raison pour laquelle je voterai contre cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.  M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.

M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut bien admettre que les généreux principes fondateurs de notre république en matière d’éducation et d’enseignement se sont étiolés au fil du temps.

Cette proposition reprend l’idée d’amener les dépenses d’enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l’horizon 2025 en privilégiant les financements publics.

D’abord, je note que la commission des affaires européennes et la commission de la culture considèrent que le budget de l’État ne peut supporter à lui seul la charge induite par un tel objectif. Je rappelle qu’il s’agit d’accorder chaque année 2,5 milliards d’euros supplémentaires au budget de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, je regrette que la piste d’autres sources de financement n’ait pas été suffisamment exploitée. On parle d’égalité et de justice sociale, mais on refuse une augmentation des frais d’inscription alors que cela pourrait alimenter une hausse du nombre des étudiants boursiers. De même, la question du don via des fondations ou de la participation des entreprises n’est pas véritablement traitée.

Enfin, il est quelque peu sclérosant d’aborder la question de l’enseignement supérieur par une telle approche quantitative, car elle manque l’essentiel.

C’est parfois ce qui ressort de cette proposition de résolution. Réclamer « des sous, des sous » c’est, en l’espèce, bien réducteur par rapport à l’enjeu ! C’est un peu comme les médecins de Molière qui répètent : « Le poumon, le poumon » ! Il faut tout le bon sens de Toinette, la servante, pour ouvrir les yeux du vieil Argan, pétrifié.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est donc vous la servante ! Vous n’êtes pas le grand capital ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. François Bonhomme. C’est elle qui le sauvera de Diafoirus, le médecin charlatan, qui lui administre des saignées, des purges et toutes sortes de remèdes, dispensés par des médecins pédants et soucieux davantage de complaire à leur patient que de la santé de celui-ci !

J’ajoute que le principe même de multiplier les dérogations dans le calcul des déficits publics des États membres pour tel ou tel domaine fait perdre tout sens à force d’exception et laisse accroire qu’il y aurait une martingale budgétaire là où l’État a échoué !

D’ailleurs, l’ensemble des membres du Conseil européen nous mettent en garde contre ces dérogations et ces clauses de flexibilité qui se multiplient.

La proposition présente reprend aussi l’une des propositions du comité de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES. Il s’agit de reconnaître l’enseignement supérieur comme « un investissement nécessaire à l’avenir ». Sic… Quelle nouveauté ! Quelle audace !

M. Bernard Vera. Quelle arrogance !

M. François Bonhomme. Voilà vingt, trente, pour ne pas dire cinquante ans que cette volonté est proclamée et réaffirmée, au point de devenir un sermon, une incantation un peu lancinante

D’ailleurs, je note que, sur cette même période, les crédits publics accordés à notre système d’enseignement supérieur sont en progression continue. Pourtant, force est de reconnaître que les résultats n’ont pas suivi ! (Mme Dominique Gillot s’exclame.)

Le classement de Shanghai a été évoqué précédemment. Il nous apprend qu’en 2016 la première université française arrive en trente-neuvième position, quand bien même les esprits réfractaires à ces classements détournent le regard face à la réalité ! Marcel Gauchet exposait récemment que les tentatives de réformes molles assorties de promesses n’ont finalement abouti qu’à discréditer encore la recherche française et à faire fuir les enseignants.

L’année 2016 est la première à voir le nombre de chercheurs décroître en France d’après la Commission permanente du Conseil national des universités.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas faute de les soutenir !

M. François Bonhomme. Au-delà de la novlangue parfois exaspérante qui émaille ce rapport, je me demande si vous croyez véritablement qu’il pose les jalons d’une « refondation » à laquelle, pourtant, nous aspirons tous ?

Je dirai un dernier mot sur sa composition du comité ad hoc de la STRANES. Je le dis ici, monsieur le secrétaire d'État, parce que je vous reconnais par ailleurs un sérieux, une véritable vision et une connaissance du domaine qui vous a été confié depuis votre nomination. Ce comité, qui comprend vingt-cinq personnalités qualifiées, a été nommé par Benoît Hamon, du temps de son court passage au ministère de l’éducation nationale. Le rapport qu’il remet comprend des dizaines de pages, qui reprennent pour la plupart des objectifs généraux et déclamatoires, accompagnés parfois de propos aussi creux qu’emphatiques !

M. François Bonhomme. Certes, ce n’est pas le premier rapport de ce type, et, au pire, il ira finir sa vie au service des archives de la République, ce qui n’est pas bien grave. Mais, ce qui me choque le plus, monsieur le secrétaire d'État, c’est que ce comité se présente comme étant indépendant. (Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Dominique Gillot s’exclament.) Le rapport le souligne d’ailleurs à diverses reprises.

À propos précisément de cette indépendance maintes fois revendiquée, je voudrais quand même dire un mot des conditions de la désignation de la présidente du comité de la STRANES et de son rapporteur, particulièrement affligeantes. (Protestations sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.) La première s’avère être la belle-sœur de Benoît Hamon, son ministre de tutelle !

Mme Dominique Gillot. De tels propos sont honteux !

M. François Bonhomme. Quant au rapporteur, il a pour principale qualité d’avoir été le second de liste sur la liste socialiste aux dernières élections régionales en région Occitanie !

Mme Dominique Gillot. Ce n’était pas le cas lorsqu’il a été nommé !

M. François Bonhomme. Benoît Hamon, candidat à la primaire socialiste, souhaite moraliser la vie publique et combattre les conflits d’intérêts.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. N’avez-vous rien d’autre à dire sur le fond du débat ?

M. François Bonhomme. Vous conviendrez, madame Gillot, que ces types de pratiques affaiblissent sensiblement toutes prétentions à l’indépendance ! J’ai la faiblesse de croire que le monde de l’enseignement supérieur compte suffisamment de talents et de compétences pour éviter ce genre d’écueil.

Ce n’est qu’une raison de plus pour ne pas voter une telle proposition, à l’instar de la commission des affaires européennes et de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je ne reviendrai pas sur le fond du débat. Je respecte par définition tous les points de vue, mais je trouve les attaques ad hominem contre les responsables de la STRANES déplacées.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elles sont scandaleuses !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je les mets sur le compte d’un enthousiasme inéluctable dans des débats sur l’enseignement supérieur.

Je rappelle que ce comité a déposé un rapport qui a été adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche à une très large majorité et qu’il a mené sa mission dans des conditions qui lui ont valu un satisfecit de la part de tous ceux qui ont participé à ses travaux. Les propos de M. Bonhomme me paraissent donc inopportuns.

M. François Bonhomme. Je les confirme !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je respecte votre point de vue, mais je souhaitais exprimer également le mien devant votre assemblée ! (Mme Dominique Gillot applaudit.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Je rappelle que cette proposition de résolution européenne est examinée dans le cadre d’un espace réservé au groupe CRC qui s’achève, en principe, à dix-huit heures trente. Je peux accepter de repousser cette limite à dix-huit heures trente-cinq, voire à dix-huit heures quarante, dans la mesure où la séance a commencé avec quelques minutes de retard, mais je ne pourrai aller au-delà. Il est dix-huit heures vingt, mes chers collègues, et je vous invite donc à être concis, si vous voulez terminer l’examen de ce texte.

Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne.

proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu les conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010 adoptant la stratégie « Europe 2020 »,

Vu la stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES) définie en application de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche,

Considérant que le développement de l’enseignement supérieur dans l’Union doit s’effectuer dans des conditions garantissant l’autonomie intellectuelle des universités et assurant une réelle démocratisation de l’accès aux études supérieures,

Considérant, en conséquence, que les dépenses d’enseignement supérieur doivent être essentiellement couvertes par un financement public,

Considérant que le développement de l’enseignement supérieur est déterminant pour l’avenir de l’Union et des États membres,

Invite le Gouvernement à proposer :

– que l’Union et les États membres s’engagent à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à leur avenir et retiennent un objectif de 2 % du PIB pour les dépenses d’enseignement supérieur à l’horizon 2025 ;

– que les dépenses publiques d’enseignement supérieur ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics des États membres.