Sommaire

Présidence de Mme Isabelle Debré

Secrétaires :

Mme Corinne Bouchoux, M. Christian Cambon.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Candidature à un organisme extraparlementaire

4. Candidatures à des commissions mixtes paritaires

5. Abrogation de la « loi Travail ». – Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi

M. Dominique Watrin, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Gilbert Barbier

M. Jean-Marc Gabouty

M. Jean Desessard

Mme Nicole Bricq

Mme Annie David

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Myriam El Khomri, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Serge Dassault

M. Christian Favier

M. Jérôme Durain

M. Éric Bocquet

Mme Laurence Cohen

M. Pierre Laurent

Rejet, par scrutin public, de l’article unique de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

6. Enseignement supérieur. – Rejet d’une proposition de résolution européenne

Discussion générale :

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la proposition de résolution européenne

M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. Éric Bocquet

Mme Mireille Jouve

M. Claude Kern

Mme Marie-Christine Blandin

Mme Dominique Gillot

Mme Colette Mélot

Mme Patricia Schillinger

Mme Agnès Canayer

M. François Bonhomme

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

Clôture de la discussion générale.

Texte de la proposition de résolution

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.

Vote sur l'ensemble

Mme Dominique Gillot

M. François Bonhomme

Rejet, par scrutin public, de la proposition de résolution européenne.

Suspension et reprise de la séance

7. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

8. Nomination de membres de commissions mixtes paritaires

9. Renvoi pour avis unique

10. Littoral et changement climatique. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable

M. Michel Vaspart, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Philippe Bas, président et rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Évelyne Didier

Mme Hermeline Malherbe

M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

11. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

12. Demande par une commission des prérogatives d'une commission d'enquête

13. Dépôt d’un rapport

14. Littoral et changement climatique – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme Annick Billon

M. Ronan Dantec

Mme Nelly Tocqueville

M. Jean-François Rapin

Mme Odette Herviaux

M. Jérôme Bignon

Mme Agnès Canayer

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 25 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 26 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 – Adoption.

Article 2 bis

Amendements identiques nos 29 de la commission et 42 du Gouvernement. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 14 rectifié bis de M. Xavier Pintat. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3

Amendement n° 30 de la commission. – Adoption.

Amendements identiques nos 5 rectifié bis de M. François Marc et 23 rectifié de M. Ronan Dantec. – Devenus sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 bis – Adoption.

Article 4 (suppression maintenue)

Articles 5 et 5 bis – Adoption.

Article 6 (suppression maintenue)

Article 7

Amendement n° 37 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 8 (suppression maintenue)

Article 8 bis (supprimé)

Amendement n° 19 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 9 A (nouveau)

M. Michel Le Scouarnec

M. François Marc

Amendement n° 20 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° 36 du Gouvernement et sous-amendement n° 44 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.

Amendement n° 4 rectifié bis de M. François Marc. – Retrait.

Amendement n° 9 rectifié ter de M. Jacques Cornano. – Adoption.

Amendements identiques nos 3 rectifié bis de M. François Marc et 22 rectifié de M. Ronan Dantec. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 15 rectifié bis de M. François Marc. – Retrait.

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Rejet.

Amendement n° 27 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 13 rectifié de Mme Nelly Tocqueville. – Rejet.

Amendements identiques nos 8 rectifié bis de M. Jacques Cornano et 21 de M. Ronan Dantec. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 16 de M. Jean Bizet. – Adoption.

Amendement n° 31 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 9 A

Amendement n° 17 rectifié de M. Cyril Pellevat. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 9 B (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l'article 9 B

Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 28 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 6 rectifié de M. François Marc et 24 de M. Ronan Dantec. – Rejet des deux amendements.

Article 9 – Adoption.

Article 9 bis

Amendement n° 38 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 10 et 11 – Adoption.

Article 12

Amendement n° 32 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 33 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 34 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 12 bis

Amendement n° 40 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 35 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 13

Amendement n° 12 de Mme Nelly Tocqueville. – Rejet.

Amendement n° 41 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 43 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 13

Amendement n° 2 rectifié ter de M. Daniel Percheron. – Rejet.

Article 14 (suppression maintenue)

Article additionnel après l’article 14

Amendement n° 39 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Corinne Bouchoux,

M. Christian Cambon.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Robert Parenty, qui fut sénateur des Hauts-de-Seine de 1975 à 1977.

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Centre scientifique et technique du bâtiment.

La commission des affaires économiques propose la candidature de M. Philippe Dallier.

La candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Candidatures à des commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des affaires économiques a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services.

Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, article 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente :

- d’une part, à la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;

- d’autre part, à la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.

Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, aliéna 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « Loi Travail »
Discussion générale (suite)

Abrogation de la « Loi Travail »

Rejet d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, de la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues (proposition n° 155, résultat des travaux de la commission n° 260, rapport n° 259).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « Loi Travail »
Article unique (début)

Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dix jours après l’entrée en vigueur de la loi dite « loi Travail », le groupe CRC et moi-même demandons l’abrogation de ce texte.

Notre attitude est sans ambiguïté ; elle se fonde sur l’illégitimité de cette loi, sur sa profonde nocivité pour les salariés et, à terme, pour notre économie.

Oui, madame la ministre, cette loi, votre loi, est illégitime. Elle n’a pas été négociée, et elle a été imposée à l’Assemblée nationale à trois reprises par le biais du 49.3. Votre texte n’y a donc pas recueilli de majorité. Il a été voté par défaut grâce à l’habituel chantage à la dissolution. Ce recours au 49.3, l’ancien Premier ministre Manuel Valls tente aujourd’hui vainement, et maladroitement, de s’en débarrasser, comme il le ferait d’un sparadrap qui lui colle à la peau.

Qui peut croire que cet article a été dégainé « à l’insu de votre plein gré » ? Pas grand monde ! C’est en toute connaissance de cause qu’il a été utilisé pour imposer à votre majorité un texte de casse du droit du travail qui ne figurait pas dans le programme de François Hollande, un texte qui tourne le dos à l’histoire de la gauche fondée, pour une large part, sur les conquêtes des salariés et l’élaboration dudit code.

Nous vous rappelons donc, madame la ministre, que ce texte est minoritaire. Le respect de la démocratie exige par conséquent son abrogation. Non seulement votre majorité ne vous a-t-elle pas suivie à l’Assemblée nationale, mais, enquête après enquête, notre peuple reste très massivement opposé à cette loi. C’est pour cela que vous n’avez pas pu tourner la page de la loi Travail ; c’est pour cela que le livre du quinquennat reste bloqué sur ces lignes : les lignes du renoncement, les lignes d’une politique contre nature qui a surpris la droite sur son propre terrain, les lignes du libéralisme, de la soumission sans frein, ou si peu, des salariés aux exigences patronales.

Dès lors, comment s’étonner, madame la ministre, que la droite exige désormais le démantèlement du code du travail, puisque vous en avez sapé les fondations ?

C’est donc l’illégitimité profonde de ce texte qui explique la vivacité et la force de la demande en faveur de son abrogation, y compris au sein de vos propres rangs.

C’est également son contenu même.

C’est avec colère, voire un certain effarement, que nous avons en effet redécouvert les principaux chapitres de votre texte à l’occasion de son entrée en application, le 1er janvier dernier.

Je pense évidemment à l’inversion de la hiérarchie des normes. Le résultat de décennies de luttes, d’affrontements souvent durs, meurtriers parfois, avec le patronat tout-puissant et ses représentants politiques, pour gagner l’assurance d’une loi protectrice de tous les salariés est en grande partie annihilé par la loi Travail, au nom des dogmes libéraux.

C’est maintenant à l’échelle de l’entreprise que l’essentiel des dispositions relatives au temps de travail sera négocié, la loi, celle des 35 heures par exemple, pouvant à cette occasion être largement remise en cause.

Hormis l’historique 1er mai, auquel vous n’avez heureusement pas osé toucher, l’ensemble des congés payés pourra être supprimé par accord d’entreprise. Certes, cette inversion avait déjà été engagée par vos prédécesseurs de droite, comme M. Xavier Bertrand. Mais est-ce à votre honneur d’avoir eu recours à des recettes que vos électeurs avaient clairement rejetées le 6 mai 2012 ? Vous constatez aujourd’hui le résultat politique de ce ralliement aux thèses libérales les plus éculées.

À force de dire que le code du travail est trop épais – il l’est pourtant bien moins que le code de commerce – ou trop vieux, qu’il est un obstacle à la libre entreprise, vous avez permis à François Fillon et consorts d’en exiger la fin. Vous avez permis à Emmanuel Macron, votre ancien collègue, de proposer de le rendre transparent, translucide, évanescent.

Mais cette loi de casse du droit du travail, ce n’est pas que l’inversion de la hiérarchie des normes.

Les nouveaux accords de préservation et de développement de l’emploi s’appliquent depuis le 1er janvier. Ces fameux « accords offensifs » le sont surtout contre les droits des salariés, quand ils autorisent, par exemple, une entreprise en difficulté à faire travailler plus ses employés sans augmentation de salaire. Les salariés qui refuseraient cet oukase s’exposent dorénavant à un licenciement facilité pour « motif spécifique ».

L’application de cette loi au 1er janvier implique aussi la fin de la visite obligatoire d’embauche par la médecine du travail, à l’exception des emplois exposés.

Madame la ministre, vous pouvez tourner les choses dans tous les sens, mais comment ne pas constater un recul d’un droit social essentiel dans l’entreprise ? Vous pourrez avancer que, bien souvent, cette visite n’existait plus dans les faits, faute de médecin ou de volonté de l’entreprise. Mais l’honneur d’un gouvernement de gauche n’eût-il pas été de pleinement restaurer ce droit à la santé au travail plutôt que de le piétiner ?

Alors qu’une caissière a récemment été privée de son travail pour avoir fait une fausse couche dans son entreprise, sans assistance et livrée à son sort ; alors qu’une postière a fait un AVC en plein labeur, sans aide ni prise en charge ; alors que nous connaissons des cas de suicide de salariés, dont nous savons l'angoisse au quotidien et la souffrance dans les transports, vous imposez par le 49.3 un recul majeur dans ce domaine crucial de la gestion de la santé au travail.

Oui, nous proposons d’abroger cette mesure inique pour replacer la médecine du travail au centre des préoccupations.

Cela étant, j’ai constaté une tentative de vos services de médiatiser l’émergence d’un droit à la déconnexion pour tenter de positiver la réforme. Cet essai est dérisoire, car ce droit à la déconnexion n’est pas imposé par la loi. Là encore, c’est la négociation dans l’entreprise, et donc le bon vouloir patronal, qui primera. Cette mesure, comme quelques autres, ne fait pas le poids face à la déstructuration du droit du travail que vous avez engagée, accélérée, imposée.

Une question me taraude, madame la ministre, comme elle taraude sans doute des millions d’électeurs et d’électeurs de gauche : pourquoi avoir fait cela ? La réponse se trouve sans doute dans l’engrenage libéral dont le Président de la République et ses soutiens n’ont pas voulu sortir, contrairement aux engagements pris. (Mme Nicole Bricq proteste.)

Vouloir affronter la finance pour permettre une relance économique en injectant l’argent gaspillé dans les circuits financiers, dans l’économie réelle, c’est-à-dire l’investissement productif et scientifique pour la croissance et pour l’emploi, exigeait une rupture avec les dogmes libéraux qui fondent, en particulier, la construction européenne actuelle.

Or il n’y a pas eu le moindre début de commencement non pas d’une rupture, mais d’une renégociation du traité budgétaire Merkel-Sarkozy qui impose l’austérité à l’Europe, cette austérité qui détruit la dépense publique faite au service de l’intérêt général pour protéger les intérêts capitalistes, ceux des actionnaires. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Le résultat de ce renoncement de l’automne 2012 ne s’est pas fait attendre : le pacte de compétitivité, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE, la loi Macron et son florilège de mesures libérales, et, pour finir, cette ultime réponse aux exigences de Bruxelles, sous peine de sanctions, la loi Travail.

Votre loi, madame la ministre, c’est en effet une réponse à la Commission européenne, qui depuis des années demandait aux États, notamment à la France, de décentraliser le dialogue social à l’échelon des entreprises pour flexibiliser le travail. Dès février 2015, la Commission européenne regrettait explicitement que « le principe de faveur continue de s’appliquer pour tout ce qui concerne les salaires minima ».

L’abrogation de cette loi est donc nécessaire pour construire un code du travail du XXIe siècle et élaborer de nouveaux rapports sociaux entre le patronat et les salariés.

Le code du travail du XXIe siècle doit élargir le droit du travail aux enjeux d’aujourd’hui : la précarisation du salariat, l’ubérisation de l’économie, l’automatisation du travail. L’évolution du droit du travail doit faire entrer la citoyenneté dans l’entreprise pour encourager la moindre subordination des salariés et leur plus grande autonomie, pour sécuriser leur vie professionnelle. Cela requiert d’inscrire le droit à l’emploi dans une vision nouvelle du travail, impliquant la reconnaissance du droit à l’évolution, à la progression professionnelle et à une mobilité professionnelle positive.

C’est pourquoi nous soutenons le projet d’une sécurisation de l’emploi et de la formation permettant d’alterner période d’emploi et période de formation choisie, sans perte de salaire et sans chômage.

Les 32 heures, pour partager le travail sans perte de salaire, l’encadrement strict des heures supplémentaires et le rétablissement de la suprématie de la loi sont des piliers de ce projet, tout comme les nouveaux droits des salariés en matière de contrôle des aides publiques ou des licenciements collectifs infondés.

Nous défendons également l’interdiction des licenciements boursiers. Comment accepter la suppression de 175 postes à La Voix du Nord, alors que l’entreprise est bénéficiaire ? Cette entreprise est l’une des premières à utiliser une disposition de votre loi, madame la ministre, pour licencier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Patrick Abate. Très bien !

M. Thierry Foucaud. Très bon exemple !

Mme Éliane Assassi. Pour un tel projet, il faut de l’argent. Croyez-moi, madame la ministre, notre pays est riche. Il suffit de constater l’indécent progrès des dividendes du CAC 40. Une nouvelle répartition des richesses fonde nos propositions de rupture avec les choix libéraux.

Ces combats pour l’abrogation de la loi Travail et pour de nouveaux droits, la lutte quotidienne contre les licenciements sont difficiles. Je tiens aujourd’hui d’ailleurs à apporter notre soutien aux salariés de Goodyear qui ont été poursuivis pour leur action revendicatrice.

Mme Éliane Assassi. Si l’un d’entre eux a été relaxé par la cour d’appel d’Amiens, les autres ont été condamnés à des peines avec sursis ou de mise à l’épreuve. Nous les avons soutenus, nous les soutenons et nous les soutiendrons encore.

Notre proposition de loi visant à abroger la loi Travail est un appel à refuser la résignation, à poursuivre la lutte pour encourager, à l’occasion des élections présidentielle et législatives, le rassemblement en faveur d’une société plaçant l’humain au cœur de son destin : l’humain d’abord, face à la violence du marché et à la violence libérale.

Le droit du travail, le droit des salariés à vivre dignement, sereinement est au centre de ce projet. Défaire la loi Travail est donc un passage obligé dans cette bataille. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Watrin, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je voudrais avant toutes choses remercier les fonctionnaires du Sénat qui m’ont grandement aidé dans mon travail de rapporteur.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par le groupe CRC, vise à abroger la loi Travail du 8 août 2016.

La position des auteurs de ce texte est claire. Tout en reconnaissant quelques avancées limitées, je pense notamment au compte personnel d’activité ou à la généralisation de la garantie jeunes, ils considèrent que la loi Travail comprend un si grand nombre de régressions sociales que son abrogation pure et simple est une nécessité.

Sur la forme, le Gouvernement a eu une lecture très contestable des dispositions de l’article L. 1 du code du travail, en élaborant son projet de loi sans véritable concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux ni document d’orientation, et en sélectionnant soigneusement ses interlocuteurs. Le Conseil d’État, dans son avis, a tenté autant que faire se peut de valider la procédure suivie, au terme d’un raisonnement casuistique qui ne trompe personne. Alors que la loi Travail est censée revigorer le dialogue social, la consultation des partenaires sociaux lors de son élaboration n’a pas été exemplaire, tant s’en faut.

Et que dire de l’engagement à trois reprises de la responsabilité du Gouvernement sur ce texte ? L’ancien Premier ministre Manuel Valls a beau jeu aujourd’hui de se poser en victime du 49.3, qui lui aurait été « imposé » par une majorité indocile. Qui a imposé aux parlementaires un texte aussi antisocial ?

Vous-même, madame la ministre, avez vécu le recours au 49.3, selon vos propres aveux, comme une « immense blessure ». Sans remettre en cause vos propos, j’estime que les premières victimes de cette procédure sont les salariés, qui voient disparaître des protections majeures que leur offrait jusqu’à présent le code du travail.

Cette loi engage d’abord la refonte du code du travail, consacrant l’inversion de la hiérarchie des normes et la suppression du principe de faveur qui était pourtant l’un des fondements de notre droit du travail. Une commission d’experts devrait prochainement être mise en place pour généraliser à l’ensemble du code sa nouvelle architecture, qui repose sur le triptyque ordre public, champ de la négociation collective, dispositions supplétives, déjà appliqué par la loi Travail aux dispositions relatives au temps de travail et aux congés. Soulignons d’ailleurs que ni les parlementaires ni les acteurs sociaux n’y seront représentés.

Les travaux de cette commission devraient aboutir, d’ici à 2018, à un code du travail faisant prévaloir la négociation d’entreprise sur le rôle de la branche et sur les prérogatives du législateur. L’article 8 de la loi Travail prévoit déjà que le cadre protecteur et harmonisé de la branche ne s’applique plus, en cas d’accord d’entreprise, au taux de majoration des heures supplémentaires, lequel peut être abaissé à 10 %.

Ce sont désormais vingt-trois domaines – pas moins ! - dans lesquels la branche ne peut plus interdire les accords d’entreprise dérogatoires, qui pourront donc affaiblir le niveau de protection des salariés.

La philosophie générale de la loi Travail est très largement contestée non seulement par la majorité des syndicats, mais également par le patronat, à l’exception, sans surprise, du MEDEF, qui s’accordent à reconnaître à la branche un rôle essentiel pour lutter contre la concurrence sociale déloyale entre toutes les entreprises d’un secteur d’activité, quelle que soit leur taille.

À rebours de cette analyse, que je partage pleinement, la loi Travail offre aux grandes entreprises une boîte à outils pour faciliter le dumping social et économique. De plus, l’inversion de la hiérarchie des normes ne peut pas être favorable aux salariés quand on connaît la réalité des relations sociales dans la plupart des entreprises françaises et les discriminations subies par les représentants des salariés.

En un sens, ce texte dénature la finalité même du code du travail, qui doit d’abord protéger le salarié dans le rapport de subordination qui le lie à son employeur et non déterminer le niveau de flexibilité, de précarité ou d’éjectabilité de son contrat de travail.

Dans le même temps, la légitimité de l’action syndicale sera affaiblie par la possibilité pour des organisations minoritaires d’obtenir l’organisation d’un référendum d’entreprise pour valider un accord rejeté par les syndicats majoritaires.

Par ailleurs, la loi Travail facilite grandement les licenciements. Le développement des accords de compétitivité dits « offensifs » va permettre aux employeurs d’exiger de leurs salariés de nouveaux sacrifices, même quand leur entreprise est en bonne santé, comme cela est maintenant le cas chez Renault. Pour cet exemple, je vous renvoie, mes chers collègues, à la lecture de mon rapport. Les salariés qui refuseront ces accords pourront même être licenciés sans bénéficier des protections accordées aux victimes d’un licenciement économique.

De plus, les règles du licenciement économique ont été considérablement assouplies, satisfaisant ainsi d’anciennes revendications patronales. Dans les grandes entreprises, un employeur pourra licencier dès lors qu’il constate une baisse significative de son carnet de commandes ou de son chiffre d’affaires pendant un an. Nous en avons malheureusement un exemple vivant dans ma région, à La Voix du Nord, dont le quart des effectifs doit être supprimé, alors que l’entreprise réalise cinq millions d’euros de bénéfice net.

Avec cette permissivité, comment éviter aussi que des groupes n’organisent artificiellement des difficultés économiques pour rentrer dans ces critères et privilégier les intérêts des actionnaires ?

Enfin, la loi Travail dénature les missions de la médecine du travail. C’est un point important. Ainsi, depuis le 1er janvier dernier, les salariés ne bénéficient plus que d’une simple visite d’information et de prévention effectuée après leur embauche par un professionnel de santé membre de l’équipe pluridisciplinaire, le plus souvent un infirmier. Le principe de visites périodiques tous les vingt-quatre mois est lui aussi supprimé.

Le décret du 27 décembre 2016 a confirmé nos craintes, en entérinant le principe d’un suivi médical à géométrie variable et en portant à cinq ans la périodicité maximale des visites de contrôle pour la majorité des salariés. Pour, d’une part, ceux qui font l’objet d’un suivi individuel renforcé et pour, d’autre part, les travailleurs mineurs, les travailleurs de nuit et les travailleurs handicapés, ce délai est respectivement fixé à quatre ans et à trois ans. Tout cela, pour ne prendre qu’un exemple, alors que des études médicales établissent un lien entre travail de nuit et développement du cancer du sein.

De plus, peu ont noté que la loi Travail modifie la procédure de recours contre les avis d’aptitude ou d’inaptitude, recours qui doit désormais être porté devant le conseil de prud’hommes et non plus devant l’inspecteur du travail. En cas de contestation de cet avis par le salarié, la contre-expertise est maintenant à ses frais, alors qu’elle était auparavant réalisée gratuitement par le médecin inspecteur du travail. Cette réforme me paraît particulièrement choquante, car elle affectera surtout les salariés connaissant les situations personnelles les plus dramatiques.

Plus globalement, je déplore, madame la ministre, la méthode suivie par votre gouvernement pour réformer la médecine du travail. Avant d’envisager la modification des règles du suivi médical, il aurait peut-être fallu lancer un ambitieux plan national pour renforcer l’attractivité de cette filière auprès des étudiants en médecine. Faute d’une telle initiative, la réforme apparaît comme un aveu d’échec face au déclin réel du nombre de professionnels. Pis, cette mesure entre en contradiction avec le troisième plan santé au travail qui érige comme priorité les actions de prévention et de reclassement.

En conclusion, je regrette que la commission des affaires sociales ait repoussé la présente proposition de loi d’abrogation le 21 décembre dernier. Depuis cette date, en effet, l’abrogation de la loi Travail est devenue, vous l’avez certainement noté, mes chers collègues, un thème incontournable du débat politique, car elle est proposée par plusieurs candidats à l’élection présidentielle.

Certes, j’en suis convaincu, cette abrogation n’est pas suffisante, mais elle est selon moi nécessaire pour dessiner les contours d’un nouveau code du travail, rénové et simplifié, répondant aux évolutions technologiques, économiques et sociales, tout en rétablissant et étendant les protections des salariés et leur pouvoir d’intervention. C’est pourquoi je forme le vœu que le Sénat adopte cette proposition de loi, afin d’envoyer un message fort à l’attention de nos concitoyens soucieux de la préservation de notre modèle social. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. La parole à la défense !

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il me soit permis en préambule de mon propos, et avant d’entrer dans le vif du sujet, de vous adresser à toutes et à tous, ainsi qu’à vos proches et à l’ensemble des collaborateurs de la Haute Assemblée, mes vœux les plus chaleureux et les plus amicaux pour cette nouvelle année.

L’année électorale qui s’ouvre ne doit pas nous faire perdre de vue le bien le plus précieux que nous avons en commun : l’attachement à notre pays et à la République.

Précisément, la loi Travail est désormais loi de la République. Depuis le 1er janvier dernier, la très grande majorité de ses dispositions est entrée en vigueur. En effet, 80 % des décrets qui devaient être pris l’ont été à la fin de l’année 2016. Les 20 % restant le seront avant la fin du quinquennat.

Quel sens y aurait-il à abroger aujourd’hui une loi qui vient tout juste d’entrer en vigueur ? Aucun.

La commission des affaires sociales ne s’y est d’ailleurs pas trompée, en refusant d’adopter la présente proposition de loi qui vise, au fond, à tenter de relancer le débat que nous avons eu durant quinze jours au sein de la Haute Assemblée. Mais je reconnais au groupe CRC sa très grande constance sur le sujet. À l’issue de cette discussion générale, je vous apporterai, comme j’ai eu l’occasion de le faire au cours de nos échanges sur la loi susvisée, des réponses très précises aux questions que vous avez posées, qu’il s’agisse de la réforme de la médecine du travail ou de la situation des salariés de La Voix du Nord.

Vous le savez, le texte a été l’otage de considérations fort éloignées de son objet. C’est ainsi. On ne légifère pas pour soi, ni même pour le temps présent. On légifère pour ouvrir de nouvelles perspectives,…

Mme Éliane Assassi. C’est ce qui nous inquiète… Il ne fallait pas utiliser le 49.3 dans ce cas !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … pour redresser son pays, pour créer les conditions de nouveaux progrès sociaux adaptés au monde qui vient.

Au moment où elle entre en vigueur, je veux rappeler que nous croyons plus que jamais au bien-fondé et à l’utilité de la loi Travail.

Ce texte renforcera nos syndicats, les protections des salariés et nos entreprises. Son contenu repose sur le point d’équilibre le plus juste : nous avons respecté le compromis passé avec les syndicats réformistes et intégré aussi le point de vue de ceux qui ont notamment souhaité voir réaffirmer le poids des branches.

Avec cette loi, nous portons une ambition qui puise dans l’histoire longue de notre histoire sociale, de la gauche de gouvernement, de la gauche réformatrice. Elle est d’ailleurs farouchement combattue par la droite, et ce n’est pas sans raison.

Mme Éliane Assassi. Chez vous aussi, elle est combattue !

Mme Myriam El Khomri, ministre. La droite a déjà tenté, au Sénat, de réécrire l’intégralité du texte – comme un écho avant l’heure au programme de François Fillon –, avec des amendements visant notamment à supprimer les 35 heures, la garantie jeunes ou le compte personnel d’activité…

Comment, en sortant des postures, nier les avancées sociales considérables que contient la loi Travail et qui vont bientôt être une réalité pour des millions de salariés ?

Mme Éliane Assassi. Malheureusement ! Même au parti socialiste, on ne veut pas de cette loi !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous créons un droit à la déconnexion pour protéger la vie personnelle à l’heure du tout-numérique. Tout le monde aujourd’hui, y compris dans la presse étrangère, remarque et salue cette avancée.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai ! Que disent les salariés ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous créons le compte personnel d’activité pour que chacun bénéficie de sécurités renforcées et puisse être acteur de son parcours professionnel.

Nous créons aussi un compte engagement citoyen, valorisant ainsi l’activité associative de millions de Français. Croyez-vous que les salariés vont dénoncer cette mesure ou, au contraire, y voir un progrès en phase avec leurs aspirations et leurs pratiques ?

Nous sanctuarisons les 35 heures comme durée légale hebdomadaire, car, contrairement à d’autres, nous ne croyons pas que la vie d’un homme se résume à une vie de labeur.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Contrairement à ce que vous dites, madame Assassi, nous préservons totalement et améliorons les congés qu’un salarié peut prendre à l’occasion d’un mariage, d’une naissance ou d’un décès, et nous créons un congé nouveau pour ceux qui apprennent le handicap de leur enfant.

Mme Éliane Assassi. Vous ne connaissez même pas votre loi !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous améliorons considérablement le congé de proche aidant, ce qui était une attente forte des associations œuvrant dans ce domaine, ainsi que le dispositif d’emploi accompagné pour les personnes en situation de handicap.

Nous sanctuarisons le compte personnel de prévention de la pénibilité pour que ceux qui ont eu les carrières les plus difficiles puissent, s’ils le désirent, partir plus tôt à la retraite parce que, n’en déplaise à ceux qui en freinent aujourd’hui l’application, c’est là une mesure de justice sociale profonde : comment pourrions-nous aujourd’hui, en hommes et femmes de gauche que nous sommes, accepter cette inégalité sociale, sans doute parmi les plus choquantes, à savoir l’inégalité devant la vie et devant la mort ?

Mme Éliane Assassi. Cela ne marche pas ! Allez voir les salariés de La Voix du Nord !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous généralisons la garantie jeunes, un dispositif qui rencontre un franc succès sur le terrain – interrogez les jeunes qui en ont bénéficié ! –…

Mme Éliane Assassi. Nous l’avons fait !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … et qui montre toute son efficacité.

M. Jean-Pierre Bosino. Avec 25 % de jeunes au chômage ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est notre réponse à ces jeunes les plus éloignés du retour vers l’emploi.

Nous soutenons les syndicats et augmentons de 20 % leurs moyens.

Nous jetons les bases d’un droit universel à la formation.

Nous créons des droits nouveaux pour les collaborateurs de plateformes numériques, quand certains semblent encore n’être qu’au stade de la découverte des conséquences sociales de l’ubérisation de notre économie…

Entre le statu quo espéré par les uns et les vieilles lunes libérales des autres, il existe une autre voie, celle d’un progrès négocié qui fait confiance aux acteurs du terrain et aux partenaires sociaux pour trouver les compromis les plus efficaces et les plus justes.

Mme Éliane Assassi. C’est pour ça qu’ils ne veulent plus de vous !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Permettez-moi à cet instant de mon propos d’avoir une pensée pour François Chérèque, inlassable défenseur d’une certaine culture de la négociation et qui a démontré, s’il le fallait, qu’on pouvait être un homme de dialogue et de compromis, et un grand syndicaliste.

Au cœur de nos discussions, depuis des semaines, il y a la place que nous souhaitons accorder à la négociation d’entreprise. Ce débat, nous le savons, dépasse d’ailleurs le cadre du Parlement et traverse aussi le champ syndical.

En réalité, cette loi s’inscrit dans un mouvement long, dans la continuité des lois votées depuis 1982, 1998 et 2012, qui donnent la priorité à la proximité, à la démocratie dans l’entreprise, aux salariés et à leurs représentants !

La loi doit protéger, évidemment, mais la loi venue d’en haut ne sait pas, ne sait plus, traiter de chaque situation particulière de façon juste et efficace. Pour changer la société, il faut agir par le haut et par le bas. C’est évidemment le logiciel de la gauche réformiste et, d’ailleurs, de nombreux républicains, au-delà de la seule gauche.

Nous avons décentralisé la République, avec succès ; à nous de décentraliser aussi la démocratie sociale !

La loi renforce d’abord les branches, en réaffirmant leur rôle de régulation et en procédant à leur rationalisation. Le nombre de celles-ci passera ainsi de 700 à 200 en trois ans. Les deux décrets sur la restructuration des branches ont d’ores et déjà été pris, signe de notre volonté d’avancer sur ce chantier décisif pour la qualité et la modernisation du dialogue social dans notre pays.

Aujourd’hui, dans certains domaines, les accords de branche priment et, dans d’autres, ce sont, au contraire, les accords d’entreprise qui l’emportent ; il en existe d’autres dans lesquels aucun principe n’est fixé : pour ceux-là, les partenaires sociaux devront se prononcer et définir les thèmes pour lesquels il ne sera pas possible de déroger aux accords de branche.

Nous avons aussi conforté les branches dans deux domaines : l’égalité professionnelle et la pénibilité.

Enfin, je le rappelle, car c’est un élément décisif, la validité d’un accord d’entreprise est toujours conditionnée au soutien de syndicats représentant au moins 50 % des voix exprimées lors des élections professionnelles, contre 30 % auparavant.

Je souligne, pour terminer, que nous avons garanti dans la loi l’étroite association des partenaires sociaux pour la suite, puisqu’il reviendra au Haut Conseil du dialogue social de formuler des propositions à la commission de refondation du code du travail.

Répétons-le avec force, il est totalement contre-productif d’opposer les différents niveaux de négociation : les accords d’entreprise, les conventions collectives et le code du travail sont les piliers d’une démocratie sociale moderne, dynamique et génératrice de progrès.

La loi Travail entre aujourd’hui dans le quotidien des entreprises, de nos concitoyens. C’est là, au contact de la réalité du quotidien des salariés, qu’elle va véritablement entrer dans la vie des Français. Ces derniers pourront apprécier, mesure par mesure, ce que ce texte recouvre de progrès. Notre ambition, nous l’assumons, aura été de faire progresser notre pays vers une culture du compromis telle que la pratiquent depuis des décennies certaines social-démocraties européennes.

Pourquoi notre pays ne pourrait-il pas s’inspirer parfois de certains succès de ses voisins en matière de dialogue social ? La France, c’est vrai, est marquée par une histoire sociale et syndicale faite de radicalités, et n’est pas toujours encline à mener un dialogue apaisé et respectueux des parties.

M. Thierry Foucaud. La radicalité n’est pas forcément du côté qu’on croit !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je crois pourtant, sincèrement, que se dessine là une véritable voie de progrès pour notre démocratie sociale.

Cette loi est d’abord porteuse de progrès pour les jeunes, les précaires, les travailleurs saisonniers ou ceux des plateformes numériques, les salariés qui peinent parfois à concilier leurs vies personnelle et professionnelle.

Elle est aussi porteuse de progrès pour des millions de Français grâce, par exemple, au compte personnel d’activité – j’aurais l’honneur de le lancer demain avec certains de mes collègues ministres et le Premier ministre –, qui pose les premières bases d’une véritable protection permettant à chacun de maîtriser son parcours professionnel.

Elle est ensuite un pari, celui de faire confiance aux partenaires sociaux, celui de croire qu’il est possible de réformer notre pays par le compromis. Car la France doit renouer avec la confiance : confiance en soi-même et en nos concitoyens.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que vous avez fait !

Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est aussi et surtout un choix que le Gouvernement assume pleinement, celui d’avancées sociales réelles inscrites dans le temps long, plutôt que la défense du statu quo et le vacarme, parfois vain, du temps présent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, vous avez évoqué la mémoire de François Chérèque. Je m’associe à cet hommage. Je veux aussi avoir une pensée pour Danièle Karniewicz, qui vient de nous quitter, et qui avait beaucoup œuvré pour défendre la protection sociale. (Mme Nicole Bricq opine.)

Cela étant, cinq mois après la promulgation de la loi du 8 août 2016, dite « loi Travail », le groupe CRC nous propose d’ores et déjà de revenir sur ce texte dont l’encre est à peine sèche et qui, c’est vrai, en fit couler beaucoup.

Abroger une loi antérieure est d’ordinaire un classique de nos alternances démocratiques. Rappelons-le, François Hollande, ses ministres, comme Manuel Valls ou Arnaud Montebourg, ses conseillers, comme Emmanuel Macron, ont, par exemple, abrogé derechef en 2012 la fiscalité anti-délocalisation votée quelques mois auparavant.

Je constate que M. Hollande, rattrapé par la réalité, a reconnu ses erreurs en rétablissant – mais après combien d’emplois détruits ? – une forme de fiscalité anti-délocalisation en augmentant les taux de TVA et en instaurant un crédit d’impôt dit « compétitivité entreprises ».

Pour les autres, c’est avec gourmandise que nous pouvons observer le match des idées dans le cadre de la primaire PS-PRG-UDE.

M. François Patriat. Ne s’agirait-il pas de politique ?…

M. Alain Néri. Cela prouve que nous avons des idées !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ainsi, Arnaud Montebourg s’est déclaré, hier, partisan de l’abrogation de la loi Travail « dans sa totalité »,…

Mme Nicole Bricq. Il l’avait dit !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. … à l’unisson, donc, du groupe CRC.

M. Thierry Foucaud. Encore un agitateur !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. « Abrogation » n’est d’ailleurs pas un gros mot. Nous, à droite et au centre, si les Français nous font confiance, nous abrogerons les dispositifs mal nés que vous léguez, comme celui du tiers payant généralisé.

S’agissant de la loi Travail, on se souvient combien le débat fut pour le Sénat un rendez-vous manqué, après avoir été un rendez-vous tronqué à l’Assemblée nationale, où le texte ne fut adopté que par le « recours brutal », pour citer Dominique Watrin, au 49.3.

Aussi, peut-être François Hollande parlait-il, hier, de lui-même – il aime beaucoup le faire ! – lorsqu’il évoquait, lors de ses vœux au monde économique, le risque de blocage qui produit « face à la brutalité […] une autre brutalité ».

Au total, la méthode employée à l’occasion de la loi Travail constitue « une rupture avec la culture du dialogue social qui s’était ancrée dans le paysage politique ces dernières années à la suite de la loi Larcher ». Cet hommage au précédent quinquennat figure en ces termes dans le rapport de Dominique Watrin, et je veux l’en remercier.

Si le travail accompli dans cet hémicycle, de nombreuses heures durant, fut riche de l’unique examen complet du projet de loi, peu des apports du Sénat – 358 amendements issus de toutes les travées – furent conservés dans la version définitive de la loi.

Exit une simplification ambitieuse !

Exit les accords d’entreprise pour définir un temps de travail adapté à la diversité des situations !

Exit le doublement des seuils sociaux !

Exit la possibilité de recentrer le compte pénibilité sur les quatre premiers critères !

Exit la baisse du forfait social pour renforcer l’épargne salariale !

Exit le développement de l’apprentissage !

Exit donc, hélas, le reflux massif du chômage !

Alors, certes, il y a la consécration du mouvement de décentralisation du dialogue social que François Fillon et Xavier Bertrand avaient largement engagé comme ministres du travail.

Parce que nous croyons profondément au dialogue social et au fait qu’il permet d’accroître la performance des salariés comme la performance sociale des entreprises, nous pensons qu’il doit être rénové.

Le taux de participation catastrophique aux élections professionnelles dans les très petites entreprises – 5 % ! – est un indicateur de plus, s’il le fallait, de l’impératif de rénovation du dialogue social.

Ce dialogue doit être rénové au plan local, dans l’entreprise, en parachevant ce mouvement qui redonne à la base, aux salariés dans l’entreprise, confrontés au réel, le pouvoir de dire oui ou non.

Je signale, s’agissant des accords d’entreprise, que même un syndicat contestataire comme la CGT signe 85 % des accords depuis près de vingt-cinq ans.

Quant au pouvoir de dire oui ou non par consultation, par référendum, c’est non pas la négation du dialogue social, mais bien la prise en compte de l’aspiration croissante des citoyens, notamment des salariés, à donner directement leur avis.

Bref, il s’agit de faire en sorte que l’entreprise soit vraiment un bien commun à tous, salariés et entrepreneurs, comme le revendique régulièrement François Asselin.

Ce n’est pas une lubie – Jean-Marc Gabouty nous en a d’ailleurs parfaitement parlé. J’en veux pour preuve la transmission de l’entreprise La Générale de Bureautique, à Nantes, par son dirigeant Éric Bélile à ses quarante-cinq salariés.

Ce dialogue social doit aussi être rénové au plan national, interprofessionnel, pour être créateur de solutions face aux problématiques économiques et sociales que nous rencontrons. Les partenaires sociaux savent parfaitement en leur for intérieur que ne pas conclure une négociation sur l’assurance chômage revient à remettre en cause leur capacité à incarner une forme d’intérêt commun et supérieur.

Face à cet impératif de rénovation, certains menacent déjà d’un « troisième tour social ». Ce serait nier l’expression démocratique des Françaises et des Français !

Qu’il y ait un affrontement entre une majorité de syndicats et le Gouvernement lorsque celui-ci propose à neuf mois de la fin de son mandat une réforme qui n’était pas inscrite au programme présidentiel, au pacte fondateur, on peut le comprendre. Mais pas lorsqu’il faut prendre des mesures d’urgence sociale au lendemain d’un scrutin présidentiel qui mobilise huit électeurs sur dix !

Dans sa sagesse, le législateur a d’ailleurs prévu un tel cas de figure. L’article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher, vise ainsi une procédure d’urgence. Dans ce cas-là, « lorsque le Gouvernement décide de mettre en œuvre un projet de réforme en l’absence de procédure de concertation, il fait connaître cette décision aux organisations […] en la motivant dans un document qu’il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l’urgence. »

C’est pourquoi le chef de l’État, je le dis comme je le pense, a manqué d’un peu de hauteur de vue en évoquant hier d’imaginaires « voix [qui] puissent réclamer de mettre un terme au dialogue social ». Il y a seulement un état d’urgence économique et social auquel il faut répondre ! Et il y a bien urgence, car les défis à relever sont nombreux.

Nous pourrons ainsi en finir avec cette fatalité très française d’un chômage structurellement plus élevé que chez nos voisins – 500 000 chômeurs supplémentaires en catégorie A depuis 2012 ! –, et aborder avec les bonnes lunettes et les bons outils l’économie transformée par le numérique. De ce point de vue, le compte personnel d’activité est un concept intéressant, mais quelque peu vicié par ce fameux compte pénibilité rejeté pour sa complexité. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas traiter ce sujet. Mais il faut le faire en partant de la réalité des entreprises, et non en imposant du haut une formule condamnée à l’échec.

Il faudra également travailler sur le chantier urgent du statut de l’indépendant et de sa protection sociale.

Au total, la loi Travail ne mérite ni excès d’honneur ni excès d’indignité. La révolution copernicienne de l’article 8, ex-article 2, ne fait pas oublier les verrous qui ont été posés sur de nombreux dispositifs – barème prud’homal indicatif, référendum… –, en raison desquels de nombreuses mesures ont l’apparence de la réforme, mais n’en auront pas l’efficacité.

Au moment où nous sommes tous tendus vers les Français, à leur écoute et à leur rencontre pour préparer la France de demain et construire un nouveau contrat social qui table sur l’alliance du capital et du travail et ne les oppose pas, le groupe Les Républicains laissera les différentes composantes de la gauche face à leurs contradictions et ne prendra pas part à ce vote.

Mme Nicole Bricq. C’est courageux !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Si nos vies valent mieux que leurs profits, nos voix valent mieux que vos conflits ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jean Desessard. Phrase historique !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen nous propose aujourd’hui d’abroger la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, appelée plus communément « loi Travail ».

Nos collègues nous ont rappelé que cette loi avait été marquée par une absence de concertation préalable avec les partenaires sociaux, qu’elle avait été imposée par le Gouvernement et qu’elle exprimait un recul social inacceptable.

Certes, la méthode employée par le Gouvernement – concertation avec les partenaires sociaux intervenant après la présentation du texte en conseil des ministres et recours systématique au 49.3 – est pour le moins contestable. Nous sommes bien loin des promesses du candidat Hollande « de clarifier la responsabilité de chacun, de respecter les acteurs sociaux et de promouvoir la culture de la négociation et du compromis » et de « modifier la Constitution pour qu’elle reconnaisse et garantisse cette nouvelle forme de démocratie sociale. »

Le Président de la République avait confirmé au début de son quinquennat qu’il n’y aurait « pas de loi dans le domaine de la vie économique et sociale qui pourrait être votée par le Parlement sans qu’il y ait eu une phase de dialogue et de concertation », faisant ainsi du dialogue social la pierre angulaire de sa méthode de gouvernance !

S’agissant de la philosophie générale de la loi, j’entends les inquiétudes de mes collègues du groupe CRC. Nous devons toutefois avoir conscience que la France connaît depuis trente-cinq ans un chômage de masse lié à un environnement inadapté et à un droit du travail rigide, qui freine la compétitivité de nos entreprises.

Gardons à l’esprit, mes chers collègues, que notre pays a besoin d’entreprises, d’entrepreneurs et de salariés, et que la mission de l’État, comme celle du législateur, est de les accompagner au mieux en adaptant le droit du travail aux nécessités de notre époque, imposées par une concurrence internationale forte, que l’on ne saurait oublier. C’est le seul chemin possible pour lutter efficacement contre le chômage.

Un certain nombre de nos partenaires européens ont entrepris ces réformes et bénéficient aujourd’hui d’une reprise manifeste de leur activité économique.

M. Jean-Pierre Bosino. À quel prix !

M. Gilbert Barbier. C’est la raison pour laquelle le Sénat, lors des débats sur le projet de loi Travail, avait proposé un texte ambitieux qui permettait de libérer et de décomplexifier notre marché du travail. Ce texte, madame la ministre, reprenait du reste bon nombre de dispositions formulées dans votre avant-projet de loi et présentes dans le rapport Combrexelle : plafonnement des dommages et intérêts accordés aux prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou prise en compte du périmètre national en matière de licenciement économique, notamment.

Malheureusement, face aux pressions, le Gouvernement a reculé sur ces points et a intégré dans la précipitation certaines dispositions pour adoucir, semble-t-il, la contestation sociale. La loi Travail, adoptée aux forceps, n’est pas la réforme d’ampleur annoncée et tant attendue qui devait déverrouiller le marché du travail et faciliter l’embauche.

Pour autant, la proposition de loi du groupe CRC me semble pour le moins radicale. Parce que vous contestez la primauté des accords d’entreprise, le licenciement économique, les accords de préservation et de développement de l’emploi, ou encore le démantèlement de la médecine du travail, vous nous demandez, mes chers collègues, d’abroger purement et simplement la loi Travail, sans formuler d’autres propositions,…

Mme Éliane Assassi. Mais si ! Vous n’avez pas écouté…

M. Gilbert Barbier. … faisant fi des avancées que contient le texte. Cette loi a, par exemple, augmenté les congés pour événements familiaux, renforcé la protection des parents contre le licenciement à la suite de la naissance d’un enfant, renforcé la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes en entreprise, facilité l’intégration des personnes handicapées dans le monde du travail, permis la conclusion de contrats intermittents pour l’emploi des saisonniers sans qu’un accord de branche le prévoie, ou encore renforcé la lutte contre le détachement illégal.

Vous voulez abroger purement et simplement cette loi, sans proposer d’autre dispositif. (Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Bosino protestent.)

Nous avons entendu certains candidats à l’élection présidentielle, comme François Fillon, présenter leur projet. Pour notre part, nous proposons également autre chose. Aussi, la très grande majorité du groupe du RDSE ne pourra soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, dont les membres du groupe CRC nous proposent aujourd’hui l’abrogation, nous ne l’avions finalement pas votée, car elle était bien trop éloignée du texte approuvé par la majorité sénatoriale.

Nous avons au moins eu la possibilité d’en débattre. Vous avez été à cette occasion, madame la ministre, très attentive, mais bien peu réceptive. Quant à l’Assemblée nationale, elle devait subir la frustration du 49.3. Et nous avons dû supporter la même intransigeance au moment de la commission mixte paritaire, au cours de laquelle nos propositions ont reçu une fin de non-recevoir, y compris d’ailleurs celles qui paraissaient plus satisfaisantes aux yeux des partenaires sociaux.

La commission des affaires sociales du Sénat a fondé sa démarche sur une approche essentiellement pragmatique visant à réformer en profondeur le droit du travail, de manière à instaurer de nouvelles règles mieux adaptées au contexte économique et culturel de notre époque.

Le code du travail n’est pas une bible immuable. Il doit être avant tout un outil au service des entreprises et des salariés, tendant à définir des règles de fonctionnement équilibrées, parce que respectueuses des intérêts des parties dans le cadre d’un contrat librement négocié au niveau de l’entreprise ou de la branche professionnelle.

L’approche sociétale de la fonction travail ne doit pas être négligée, mais elle ne doit pas être non plus un prétexte pour rigidifier les rapports entre les entreprises et les salariés dont les destins professionnels sont souvent intimement liés.

Notre objectif était de rechercher l’efficacité et la simplicité, afin de faciliter, sur le terrain, les relations entre les partenaires sociaux et de permettre aux entreprises de s’adapter à une concurrence mondialisée plus âpre. Cette démarche est indispensable pour mettre notre économie en situation de produire plus de richesses et d’emplois dans un environnement à la fois plus exigeant et plus instable en termes de compétition internationale. Préserver le travail de ceux qui en ont et surtout permettre aux millions de chômeurs d’accéder à l’emploi passe obligatoirement par une économie performante avec des approches sociale et économique cohérentes, car indissociables l’une de l’autre.

Le texte adopté par le Sénat, plus sobre sur le plan rédactionnel, évitait les mesures trop complexes, inutiles ou inapplicables, comme celles qui ont été retenues à propos de l’instauration d’instances de dialogue social dans les réseaux de franchise, de l’ébauche de responsabilité sociale des plateformes électroniques, du compte personnel d’activité, ou encore des modalités de négociation en matière d’emploi saisonnier. De récents événements ont eu tendance à prouver, pour ce qui concerne les plateformes, que le dispositif retenu n’éviterait ni les ambiguïtés ni les abus et que, sur ce sujet, une réflexion beaucoup plus large devra être engagée pour l’ensemble des travailleurs non salariés, indépendants ou auto-entrepreneurs.

Nous avions également souhaité sur le principe, à l’instar du Gouvernement, favoriser un dialogue direct au niveau de l’entreprise en élargissant le champ des possibilités dans la manière de fixer le temps de travail ou les modalités de négociation au sein des entreprises. Il est dommage que le texte final ait plombé cette liberté par un dispositif de mandatement très dissuasif à l’échelon des dirigeants, mais aussi des salariés dans les PME et TPE. On prive en effet celles-ci de la possibilité d’accords de proximité, y compris par l’intermédiaire d’une consultation directe des salariés.

Il s’agit là d’une contradiction majeure dans l’optique retenue par le Gouvernement. La contrepartie de cette souplesse aurait pu être de redonner, certes à titre supplétif, un caractère plus équilibrant aux branches professionnelles, ou du moins à celles qui fonctionnent de manière satisfaisante depuis de nombreuses années. La réforme de celles-ci qui est envisagée dans ce texte est une bonne chose.

À cet égard, je reconnais que les accords types de branche représentent une mesure intéressante.

Nous avions aussi eu la préoccupation de prévoir une réactivité qui se traduirait par la réduction de délais de mise en œuvre, de recours ou de jugement. L’instauration d’un rescrit social, élaboré par la délégation aux entreprises du Sénat, s’inscrivait dans la même démarche innovante permettant de mieux sécuriser les initiatives et les projets dans le cadre de relations sociales plus apaisées.

Ce souci de rapidité, de sécurisation et d’équité, nous avions voulu l’introduire dans une formulation différente du licenciement économique consécutif aux difficultés rencontrées par les entreprises.

Pour ce qui concerne la médecine du travail, nous aurions souhaité maintenir l’universalité de la visite d’aptitude à l’embauche, en désengorgeant un flux encombré par une majorité de visites liées à des contrats courts. On ne peut pas non plus se résigner à une diminution perpétuelle du nombre de médecins du travail, sans avoir fait auparavant les efforts nécessaires pour rendre ce métier plus accessible et plus attractif. Si nous n’allons pas dans cette direction, il faut alors envisager d’abandonner la médecine du travail ou de la privatiser ! Il faut fournir les efforts nécessaires et prévoir les moyens indispensables pour la maintenir.

Enfin, le travail détaché, qui est souvent dénigré, est aujourd’hui indispensable au développement de notre économie. Il est souhaitable qu’une nouvelle directive européenne encadre mieux les risques de dumping social, en particulier du point de vue des charges, et que les moyens de contrôle de la régularité de la situation des travailleurs détachés et de leurs employeurs soient renforcés. Même sur ce point, notre proposition d’étendre les sanctions à l’égard des entreprises ayant des pratiques frauduleuses n’a pas été retenue.

Dans ce projet de loi, l’apprentissage, essentiel à l’insertion des jeunes et à la préservation des savoir-faire, aurait dû trouver une place plus significative, comme l’avait proposé mon collègue rapporteur Michel Forissier.

L’essence de notre texte reposait au final, malgré les critiques qui en ont été faites, sur un équilibre entre la recherche de la performance des entreprises et l’aspiration légitime des salariés à disposer d’une formation, d’un emploi, et à mieux bénéficier des résultats financiers dans le cadre de l’amélioration des dispositifs d’intéressement que nous avions proposés, en particulier dans les PME et TPE.

Face à ce texte, nous ne pouvons aujourd’hui formuler que des regrets, ceux du temps perdu, des contradictions et de la complexité, bien éloignés de la démarche révolutionnaire qu’avait claironnée en son temps le Premier ministre.

Inévitablement, ce sujet sera remis en discussion, peut-être dès cette année, et nous aurons déjà les uns et les autres l’expérience de réflexions et d’échanges très argumentés.

Mais le débat de ce jour n’est pas le nôtre, car il oppose toujours – calendrier électoral oblige – la gauche de la gauche aux socialistes, les frondeurs au Gouvernement, et la France insoumise à la France du surplace. C’est la raison pour laquelle, dans sa grande majorité, mon groupe ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Chers collègues du groupe CRC, avec cette proposition de loi insolite, vous nous proposez aujourd’hui l’abrogation d’une loi récente par un article unique.

Parce que les écologistes n’ont pas voté la loi Travail, parce que texte a été promulgué après usage du 49.3, que renie aujourd’hui celui qui l’utilisa,…

M. Jean Desessard. … parce que le vote se fit dans un contexte social conflictuel, avec l’opposition de nombreux syndicats, nous pourrions voter en faveur de cette proposition de loi. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Plusieurs orateurs du groupe Les Républicains. Mais…

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser parler M. Desessard, car vos interruptions lui laissent moins de temps pour s’exprimer !

M. Jean Desessard. D’ailleurs, le groupe socialiste, avec notre soutien, utilisa cette méthode et abrogea au mois de janvier 2013 la loi Ciotti,…

M. Jacques Grosperrin. Une très bonne loi !

M. Jean Desessard. … qui permettait de suspendre le versement des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire des enfants ; sept articles, déjà mis en œuvre, étaient concernés.

Avec cette proposition de loi, l’innovation législative vient du fait que l’on touche à 123 articles, soit près de 250 pages de code, un texte entré en vigueur, dont les trois quarts des décrets d’application ont été pris.

Mme Éliane Assassi. Il y en a eu d’autres !

M. Jean Desessard. La méthode est quelque peu radicale (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), et il nous aurait semblé plus simple et plus efficace de proposer la suppression des seuls articles qui posaient problème.

Mais nous comprenons que la brutalité de cette proposition de loi répond à la brutalité avec laquelle la loi Travail a été adoptée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Sur le plan social, comment expliquer aux salariés, aux employeurs, et plus généralement à l’ensemble de nos concitoyens, que l’on adopte une loi dans le but de promouvoir le dialogue social sans consulter, en amont, les partenaires sociaux ? Comment justifier une telle entorse à l’article L. 1 du code du travail qui pose le principe d’une telle consultation dès lors qu’un projet de loi porte sur les relations du travail, l’emploi et la formation professionnelle ?

Sur le plan politique, je n’ai pas besoin d’en rajouter sur le caractère antidémocratique du 49.3, puisque vous-même, madame la ministre, ainsi que l’ancien Premier ministre, en avez reconnu la brutalité.

Nous rappellerons que la diversité des sujets traités et des dispositifs proposés par cette loi rend son analyse complexe.

Le groupe écologiste est ainsi favorable à certaines dispositions. Le compte personnel d’activité, qui entérine l’individualisation des droits sociaux, peut représenter la première étape vers le revenu universel. Si nous souhaitions l’ouverture du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, la garantie jeunes, sans aller si loin, constitue tout de même un premier minimum social à destination des jeunes précaires. D’ailleurs, le compte personnel d’activité entre en vigueur demain.

D’autres dispositions, en revanche, nous posent fortement problème. C’est le cas de l’inversion de la hiérarchie des normes…

Mme Éliane Assassi. C’est la colonne vertébrale du texte !

M. Jean Desessard. … qui permet désormais la signature d’accords d’entreprise moins favorables que la loi aux droits des travailleurs. S’il peut être pertinent de favoriser la démocratie d’entreprise, nous considérons néanmoins que dans la situation économique actuelle d’adaptation à la mondialisation, avec le chômage et la précarité que nous connaissons, le rapport de forces cantonné à l’entreprise ne peut pas être favorable aux salariés.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Jean Desessard. Par ailleurs, alors que nous défendons le principe d’une harmonisation sociale à l’échelle européenne, dessaisir l’État au profit des entreprises nous semble aller dans le sens exactement contraire.

Les nouvelles règles applicables aux licenciements pour motif économique permettent aux entreprises de licencier trop facilement. Le plan de sauvegarde de l’emploi engagé hier par le quotidien La Voix du Nord – l’exemple a été cité par M. le rapporteur – en est le triste exemple. Ainsi, une entreprise bénéficiaire peut désormais, en justifiant une légère baisse de son activité, licencier le quart de ses salariés….

Nous regrettons également l’affaiblissement structurel de la médecine du travail qu’entraîne cette loi en supprimant l’universalité de la visite d’aptitude à l’embauche.

Le principe de cette proposition de loi d’abrogation est pourtant source de difficultés. D’un côté, elle a notre sympathie puisqu’elle remet en cause une loi dont nous n’approuvions ni les principales dispositions ni les conditions d’adoption.

M. Jean-Pierre Bosino. Alors, n’hésitez pas !

M. Jean Desessard. Si, justement !

D’un autre côté, il n’est pas évident de voter en faveur d’un texte qui supprime des dispositifs déjà en application.

Mme Éliane Assassi. C’est déjà arrivé !

M. Jean Desessard. Face à ce constat, nous considérons qu’il sera nécessaire de revenir sur cette loi Travail. Trois des candidats de la primaire socialiste, le candidat écologiste et le candidat de la France insoumise…

M. Jacques Grosperrin. Et le candidat macroniste !

M. Jean Desessard. … se sont prononcés pour abroger ou modifier en profondeur ce texte. Voilà des éléments qui permettraient de construire bientôt ensemble, avec les partenaires sociaux et les citoyens, une nouvelle réforme du droit du travail.

Dans cette réforme, il faudra aussi s’attaquer à la future protection sociale des travailleurs de l’économie « ubérisée ».

Cette volonté de reconstruire le code du travail ne se limite pas à l’abrogation d’un texte déjà en application, mais nécessite un travail prospectif, que cette proposition de loi n’engage pas.

Aussi, le groupe écologiste s’abstiendra. (Exclamations sur les travées du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Chers collègues du groupe CRC, vous proposez une solution radicale à l’encontre d’une loi que vous avez ardemment combattue, ici, au Sénat, et dans la rue.

M. Thierry Foucaud. Et pour cause !

Mme Nicole Bricq. Vous le faites avec le sérieux, le calme et la conviction que nous vous connaissons dans cet hémicycle.

Il revient à Mme la ministre de faire le bilan de cette loi au moment même où celle-ci entre en application. Ne l’oublions pas, elle « marche » maintenant ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Qu’est-ce qui marche ? C’est vous qui êtes en marche !

Mme Nicole Bricq. Vous voulez refaire le débat. Pour ma part, je ne le souhaite pas, même au prétexte que le 49.3 a été utilisé à trois reprises à l’Assemblée nationale. En effet, ici, au Sénat, nous avons débattu pleinement et nous avons voté librement. Pour ce qui est du groupe socialiste et républicain, dont je suis l’oratrice, la liberté a été totale : nous n’avons pas été d’accord sur certains points, notamment le fameux article 2 devenu article 8. Nous observerons cette même liberté aujourd’hui lors du vote final de cette proposition de loi.

S’agissant du 49.3, je considère qu’il est un symptôme : il est préférable d’avoir une bonne majorité dès le début. Or très tôt, dès 2013 – à l’époque, il n’était pas question de la loi Travail ! –, sont apparues des failles dans la majorité qui soutenait l’action du premier gouvernement du Président de la République.

Mme Éliane Assassi. C’est votre problème !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est un requiem !

Mme Nicole Bricq. L’argument du recours au 49.3 ne suffit pas pour abroger le texte en cause. Il faut aussi s’interroger sur la construction de la loi, surtout celle dont nous parlons aujourd’hui, qui n’a pas été élaborée de façon…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Exemplaire, dites-le !

Mme Nicole Bricq. Voilà !

Je n’ose pas évoquer un autre texte, qui, lui, a donné lieu à une construction, à une discussion et à une application exemplaires. Vous m’accuseriez de partialité !

Le groupe CRC a trouvé le bon moment : il a bien remarqué, comme moi et d’autres dans cet hémicycle, que des candidats à la primaire élargie du parti socialiste prônaient l’abrogation de la loi Travail. Deux d’entre eux l’ont annoncé et un troisième a évoqué une abrogation partielle, sans dire précisément ce qu’il comptait faire. Nous attendons ses propositions. C’est le débat démocratique.

Il n’y a pas de suspense, le groupe socialiste et républicain, dans son immense majorité, exprimera une ferme opposition à la remise en cause que veulent opérer les auteurs de cette proposition de loi.

Sans refaire le débat, je m’arrêterai un instant sur la fameuse hiérarchie des normes, qui a capté, et même vampirisé, le débat. Elle a fait oublier des parties extrêmement intéressantes de la loi. Madame la ministre, vous en avez évoqué certaines ; je reviendrai, pour ma part, sur les plus novatrices, qui sont des promesses pour l’avenir. C’est ce qui m’intéresse : que fait-on après ?

Juridiquement, on peut s’interroger sur la portée de l’inversion de la hiérarchie des normes. Il ne faut pas oublier que l’accord d’entreprise nécessite aussi un accord majoritaire. S’il y a une grande novation dans la loi, c’est bien le principe de l’accord majoritaire.

Du reste, tous les accords conclus – accords compétitivité ancienne formule, accord de branche dans la métallurgie, accord chez PSA l’année dernière et chez Renault – sont majoritaires. Ce sont de bons exemples du fait que l’on peut négocier de la souplesse et, dans le même temps, des protections, des priorités à l’investissement et au maintien en France de l’industrie, en l’occurrence métallurgique et automobile.

M. Jean-Pierre Bosino. C’est plutôt du chantage !

Mme Nicole Bricq. Ce qui compte, ce sont les faits, le réel !

De la même manière, on voit – certes, cela a pris du temps puisque la loi Macron a été votée depuis bientôt deux ans, avec un débat sérieux mené tant dans l’hémicycle qu’à l’extérieur sur le travail le dimanche – que le principe majoritaire permet de conclure des accords.

M. François Patriat. Très bien !

Mme Nicole Bricq. La branche du commerce était défavorable à l’ouverture du travail le dimanche. Cela s’est fait concrètement dans les grandes entreprises et dans les grands magasins. C’est bien la preuve que le réel n’est pas conforme à ce que vous auriez souhaité voir figurer dans la loi. Et c’est bien le réel qui compte !

Il est vrai que ces accords concernent des grandes entreprises. La culture du compromis n’a pas encore passé la barrière des entreprises de taille plus modeste, mais je crois que ce texte va permettre d’y contribuer très fortement !

La loi confie aux branches une mission essentielle : construire des référentiels de branche pour permettre aux chefs de PME de négocier. Constatant les difficultés à conclure ces référentiels, je me demande si le niveau de la branche est le meilleur. Les branches ont un rôle à jouer, et elles ne le font pas. Il faut le reconnaître, c’est le patronat qui traîne les pieds. Tous les acteurs ne jouent pas forcément le même jeu…

Je veux maintenant revenir sur quelques éléments très novateurs de la loi, et qui sont des promesses.

Je pense d’abord à la responsabilité sociale des plateformes. C’est un point extrêmement important, au moment même où les travailleurs de certaines d’entre elles luttent, à bon droit du reste, pour leurs conditions de travail et leur rémunération. Vous ne pouvez pas le nier, la responsabilité sociale leur fournit un point d’appui.

Je veux aussi évoquer la négociation interprofessionnelle lancée sur le travail saisonnier. Nous en avons reparlé au moment de la discussion de la loi Montagne. Il est aussi très important que l’on facilite la reconduction des contrats…

Mme Annie David. On en est loin !

Mme Nicole Bricq. C’est vrai, mais la loi permet d’avancer, notamment par la prise en compte de l’ancienneté. C’est une avancée majeure, ne le niez pas !

La lutte contre le détachement illégal a progressé – ma collègue Anne Émery-Dumas a contribué à améliorer la loi par ses amendements. Avec le Premier ministre, vous avez, madame la ministre, lancé ce qui avait été voté dans le cadre de la loi Macron : la carte professionnelle dans le BTP. J’ai lu une statistique effrayante : 40 % du travail dans ce secteur serait du travail détaché illégal. Dès lors que les contrôles sont renforcés, y compris le week-end et le soir – c’est, me semble-t-il, la volonté du Gouvernement –, la carte professionnelle constitue un outil qui nous permet de mieux nous battre contre la directive européenne.

M. Jean-Pierre Bosino. Il faudra embaucher à l’inspection du travail !

Mme Nicole Bricq. Sur la question du détachement, il n’y a pas de débat entre nous : nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut modifier la directive.

Je veux aussi parler, bien sûr, du droit à la déconnexion qui fait partie de la négociation annuelle obligatoire. L’absence de sanction en cas d’échec de la négociation fait dire à certains éminents juristes que ce n’est pas un droit. Il s’agit néanmoins d’un principe de droit qui fixe, pour la première fois, une frontière entre la vie personnelle et familiale et la vie au travail.

Une autre proposition avait été formulée dans le rapport Mettling, le devoir de déconnexion du salarié. C’est le choix du droit à la déconnexion qui a été fait. Nous verrons ce qu’il en adviendra, mais je relève que l’Association nationale des directeurs des ressources humaines – je m’attache toujours à la réalité – a déjà mis en place une charte de référence pour les entreprises.

Dans le droit fil du droit à la déconnexion, j’évoquerai l’article 57, qui prévoit des négociations interprofessionnelles sur le télétravail. Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer qu’elles seront bientôt engagées ?

Une disposition est passée complètement inaperçue : celle de l’article 23 sur l’accord de groupe. La loi donne à ce dernier plus d’importance en permettant qu’une négociation à ce niveau qui aboutit à un accord majoritaire dispense de la négociation d’entreprise. C’est essentiel pour les droits des salariés, car au niveau des groupes, les organisations représentatives disposent des meilleurs experts et conseils, et de la meilleure formation possible. Si l’accord de groupe permet de se dispenser d’un accord d’entreprise et s’applique directement, cela constituera un progrès pour l’ensemble des salariés.

Les orateurs qui m’ont précédée ont évoqué la garantie jeunes visée à l’article 46 et qui devient universelle. Elle est assortie d’un parcours d’accompagnement vers l’emploi, ce qui est encore plus important que le revenu dont peuvent bénéficier les jeunes. En effet, un jeune sans ressource, sorti de tous les systèmes, a besoin de cet accompagnement pour sa santé, son logement, ses déplacements. Sinon, il ne peut exercer réellement son droit à la garantie jeunes. C’est un symbole fort.

Madame la ministre, je veux aussi vous dire que le groupe socialiste et républicain n’est pas satisfait de tout, et n’a notamment pas été convaincu – vous le savez – par la réforme de la médecine du travail. Nous avons noté la logique de prévention. Avec vos collègues Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine, vous avez confié à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, une mission sur l’attractivité du métier de médecin du travail. Cela ne me semble toutefois pas être le problème essentiel.

Un individu ne se découpe pas en tranches de vie, vie personnelle et vie au travail. Si une personne qui rencontre des problèmes familiaux importants se suicide sur son lieu de travail, c’est un signal. De la même manière, si un salarié subit un harcèlement sur son lieu de travail ou s’il est confiné à une activité insatisfaisante, il peut en arriver à se suicider chez lui. Une personne est un tout, et elle n’est pas différente au travail et dans sa vie privée. Nous avons regretté que ce type de texte ne soit pas également défendu par le ministre chargé de la santé. Néanmoins, je note que vous vous étiez engagée à lancer cette mission, ce qui était un point positif ; vous avez tenu parole.

J’achèverai mon propos en évoquant le contexte de la mise en œuvre de la loi. Voilà à peine une semaine, à quelques pas d’ici, à l’église Saint-Sulpice, lors de la cérémonie d’adieu et d’hommages à François Chérèque, 2 500 personnes ont acclamé le leader syndical qu’il fut. Sa méthode, qui reposait sur la négociation, le compromis et les résultats, doit nous inspirer. C’est la même qui est prônée par son successeur Laurent Berger, que je veux saluer. Il aura été un défenseur de la loi. Sa parole n’en a eu que plus de poids lorsqu’il s’est ému d’une disposition qui n’avait pas fait l’objet d’un accord. Sa voix a été entendue par le Gouvernement. Après le vote de la loi, il a donné à l’automne 2016 une longue interview à un magazine : « L’idée que c’est au plus près des salariés, donc dans l’entreprise, que l’on répond le mieux à leurs préoccupations et aspirations. […] Cette idée, c’est déjà celle de la création de la section syndicale en 1968 ; des lois Auroux en 1982 ; de la représentativité [reposant] sur le vote des salariés en 2008 ; de la modernisation du dialogue social en 2015 ; et maintenant du renvoi à la négociation d’entreprise sur les questions d’organisation du travail. »

Il faut s’inspirer de cette méthode. Je ne saurais mieux dire au regard des progrès qu’il nous reste à accomplir pour rehausser la démocratie sociale. Encore faut-il qu’ils soient recherchés par les parties prenantes à la négociation.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. Le patronat rechigne encore à la mise en œuvre complète du compte pénibilité, pourtant introduit en 2003 sur l’initiative du même François Chérèque, dont vous applaudissiez la mémoire voilà quelques jours.

Chers collègues de la droite, jouer la montre en attendant une victoire au mois de mai prochain de François Fillon, c’est prendre un risque,…

Mme la présidente. Concluez, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. … celui de jouer En attendant Godot. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour une socialiste, pour une femme de gauche, comme d’ailleurs pour mes collègues de droite, il faut se poser trois questions face à un texte de cette nature.

Mme la présidente. Le temps qui vous était imparti est écoulé, madame Bricq ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. Va-t-il dans le sens de l’émancipation des travailleurs ? Favorise-t-il la démocratie sociale ? Y a-t-il un équilibre entre la souplesse accordée aux entreprises et les protections nécessaires pour ces dernières ? (Protestations sur les mêmes travées.)

À ces trois questions, je réponds et nous répondons, dans notre immense majorité : oui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près de 56 milliards d’euros versés en dividendes et en rachats d’actions : il en est pour qui les effets de la crise financière ne sont pas synonymes de sacrifices ! Et ce sont justement ceux-là que vous avez décidé d’aider, madame la ministre, avec votre loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Imposée par le 49.3, car elle n’a trouvé aucune majorité, ni dans le pays ni à l’Assemblée nationale, cette loi entraîne les salariés dans une précarité généralisée et la remise en cause des 35 heures, facilite les licenciements par l’élargissement du motif économique et affaiblit le code du travail avec l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur.

De plus, elle s’est faite sans concertation avec les organisations syndicales. J’ai moi aussi, à cet instant, une pensée particulière pour les présents comme pour ceux qui nous ont quittés, notamment pour Georges Séguy, inlassable défenseur des travailleurs et des travailleuses et de la négociation, et qui fut secrétaire général de la CGT, premier syndicat dans notre pays. (Mmes Éliane Assassi et Laurence Cohen et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.)

En outre, ce texte s’est fait sans concertation avec les organisations de jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.) Pourtant, les jeunes n’ont jamais été autant mobilisés depuis le contrat premier embauche, le CPE, en 2006. Cette mobilisation n’a pas faibli pendant cinq mois et dénonçait l’attaque portée à leur projet de vie. En effet, pour pouvoir entrer dans la vie professionnelle dans des conditions optimales, nos jeunes doivent pouvoir bénéficier d’une bonne protection salariale. Or non seulement cette loi organise la casse du code du travail, mais elle les plonge dans une grande précarité, les poussant à accepter des conditions de travail de plus en plus pénibles.

Preuve de cette précarité croissante, le chômage des 15-24 ans grimpe cette année à 25,1 %, son plus haut niveau depuis 2012. Pendant ce temps, madame la ministre, vous multipliez les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. Mais ces derniers ne font pas baisser le chômage ; ils en diminuent simplement les chiffres officiels ! Même le rapport de la Cour des comptes, du mois d’octobre 2016, relatif à l’accès des jeunes à l’emploi est frileux à propos de leur efficacité.

Quant à la garantie jeunes, bien que son objectif puisse paraître louable, elle a raté sa cible : les jeunes les plus en difficulté et qui auraient le plus besoin d’accompagnement professionnel sont minoritaires parmi ses bénéficiaires. Ainsi, seuls 4,9 % des jeunes inscrits sont issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville et non titulaires du baccalauréat. Finalement, madame Bricq, cette garantie jeunes se traduira surtout par un contrat précaire supplémentaire pour faire de la jeunesse une main-d’œuvre corvéable aux besoins des employeurs.

Or ce dont nos jeunes ont urgemment besoin, c’est d’emplois stables. Nous devons en recréer en France, en réindustrialisant nos territoires et en réinvestissant dans les services publics. Aussi, il faut pénaliser les contrats courts et l’intérim, pour que le CDI redevienne la norme. De plus, nous devons adopter une loi de sécurisation de l’emploi et de la formation, permettant aux salariés d’alterner emploi et formation choisie, sans perte de salaire et sans passer par le chômage. Alors, nos jeunes seront mieux préparés à affronter le monde du travail et à faire valoir leurs droits, notamment leurs droits à la santé et à la sécurité.

Vous le constatez, mes chers collègues, nous avons des propositions à formuler ! Et nous en avons encore beaucoup d’autres.

Je crois que le travail peut et doit être facteur de santé. Mais votre loi, madame la ministre, ne s’en soucie guère, comme en témoigne le sort qu’elle réserve à la médecine du travail – le groupe socialiste et républicain fait apparemment le même constat, ce qui n’est pas peu dire – et à l’inspection du travail.

Auparavant, la visite médicale à l’embauche permettait d’identifier les risques auxquels les nouveaux salariés pouvaient être exposés et d’agir en amont, en adaptant le poste. Elle constituera dorénavant un simple rendez-vous d’information et de sensibilisation.

M. Thierry Foucaud. C’est vrai !

Mme Annie David. Cette mesure, dite « de prévention », est absurde, car une prévention efficace ne peut se faire que sur le lieu de travail. De plus, les rendez-vous de suivi avec la médecine du travail seront espacés : ils auront lieu tous les cinq ans, intervalle réduit à trois ans pour les travailleurs mineurs ou handicapés.

Dans ces conditions, comment pouvez-vous croire que les visites garderont une quelconque utilité ? Qu’elles permettront de détecter le mal-être, les mauvaises postures ou le développement de maladies professionnelles ? Tout cela sous prétexte d’un manque de médecins du travail !

Malgré des visites plus rares, du fait de la multiplication des contrats courts et précaires, le nombre de visites est en constante augmentation, entre visites d’embauche, visites d’aptitude pour les postes à risques, visites périodiques et de suivi. Les médecins du travail que nous avons auditionnés doutent eux-mêmes de pouvoir toutes les réaliser… Comme le souligne le rapport Aptitude et médecine du travail rédigé en 2015 par le député socialiste Michel Issindou, il n’y a plus d’adéquation entre les obligations réglementaires et les réels besoins de santé.

Selon le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise, le CISME, 30 millions de visites devront être réalisées chaque année à la suite de l’adoption de votre texte. De plus, 15 des 22 millions de visites d’embauche concernent des contrats de moins d’un mois et devront donc être renouvelées. Dans le même temps, on compte 17 millions de salariés… Dans ces conditions, combien de visites passeront à la trappe ? Combien de salariés ne seront pas suivis par manque de temps pour les médecins, à qui vous demandez de faire toujours plus sans aucun moyen supplémentaire ?

M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas exagérer !

Mme Annie David. Votre volonté de mettre fin à l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude constatée par la médecine du travail va, de plus, favoriser les licenciements. Comment contester les conditions de travail et la hiérarchie quand plane la menace du licenciement et du chômage ? En outre, fragiliser la relation de confiance qui existait entre médecins et salariés est contraire à toute logique de prévention.

L’inspection du travail constitue une autre facette de la santé au travail. Ses agents, malgré leur sous-effectif, voient leurs moyens d’action et d’alerte encadrés et contrôlés par un code déontologique. Sont-ce vraiment nos inspectrices et inspecteurs du travail qui ont besoin de plus de déontologie ?

Or les jeunes représentent justement la population la plus à risques : ils sont victimes de trois fois plus d’accidents. Chez les intérimaires, les accidents sont deux fois plus nombreux.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous contestons la logique de la loi Travail. Il faut, de notre point de vue, adapter le travail à l’homme. Engageons une véritable réflexion sur la santé physique et psychique au travail, dont nombre des facettes et besoins ne sont aujourd’hui que survolés. Il faut rétablir l’obligation de reclassement et d’adaptation des postes, mettre en œuvre un pilotage régional des agences de médecine du travail, un suivi médical par bassin d’emploi, et non par entreprise.

Bien sûr, certains décrets d’application sont déjà en vigueur et des accords en découlent ! Pour autant, nous pouvons demander l’abrogation de la loi Travail et ensuite, au cas par cas, aborder chaque situation et ses conséquences, à l’instar de l’accord intervenu chez Renault ou du plan en cours à La Voix du Nord. Dans mon département, c’est l’entreprise MikroPul, du groupe Nederman, une multinationale suédoise, qui vient de licencier vingt et un salariés, sous prétexte de problèmes économiques.

L’ordre de publication de ces décrets est, par ailleurs, révélateur de vos objectifs : vous avez donné la priorité aux aspects les plus contestés,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Annie David. … alors que d’autres décrets n’ont toujours pas été publiés, notamment ceux relatifs à l’égalité professionnelle. Vous êtes pourtant sensible à cette question, madame la ministre !

Vous l’aurez compris, nous sommes farouchement opposés à la loi Travail et souhaitons l’abroger, à défaut de pouvoir la réécrire. Et ce n’est pas le droit à la déconnexion ou le compte personnel d’activité, si importants soient-ils, qui nous feront changer d’avis.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame David !

Mme Annie David. Nous voulons proposer un autre code du travail, répondant aux besoins du monde du travail du XXIe siècle, un code qui ne promet pas comme seul avenir de perdre sa vie à la gagner. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi visant à abroger la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », n’a pas été adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat. C’est donc de sa version initiale que nous débattons aujourd’hui.

Cette proposition de loi est l’occasion de revenir sur un texte qui a focalisé le débat public pendant plusieurs mois et mobilisé des milliers de Français dans la rue. Ce mécontentement a paralysé tout notre pays, accentué les difficultés de notre économie, découragé les touristes étrangers de visiter la France et dissuadé les investisseurs de s’y installer.

Mme Éliane Assassi. N’exagérons rien !

Mme Patricia Morhet-Richaud. Et je ne parle pas des difficultés quotidiennes, notamment dans les transports… Chaque déplacement devenait une véritable aventure !

Ce texte, au fond, ne satisfait personne, puisque le Gouvernement a fait le choix du passage en force, en recourant à trois reprises à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Est-ce, pour autant, mes chers collègues, un motif suffisant pour abroger aujourd’hui cette loi ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Comme cela a été souligné, un important travail législatif a été réalisé au Sénat sur ce texte. Je rappelle, d'ailleurs, que le groupe Les Républicains avait formulé des propositions très précises, notamment sur l’apprentissage et la formation en alternance, le franchissement des seuils, l’intéressement et la participation.

Si, dans un premier temps, on pouvait espérer une refondation du code du travail, le résultat final en est bien éloigné.

À cet égard, la séquence électorale de 2017 va permettre d’ouvrir un large débat autour de la question du travail en France. En effet, il s’agit bien, au final, de notre rapport au travail, des règles qui le régissent, de la place que nous souhaitons lui donner au sein de notre société.

Il est vrai que nous ne partageons pas tous la même vision économique et sociétale. Notre rapport au travail dépend de nos territoires, de notre histoire collective ou individuelle, de notre place sur l’échiquier politique.

Mais, il faut bien le reconnaître, loin de simplifier le droit du travail ou de fluidifier le marché de l’emploi, la loi Travail complexifie encore davantage une législation déjà trop abondante, véritable frein à l’embauche.

Bien sûr, il faut protéger les salariés, car de bonnes conditions de travail et de santé sont indispensables à un marché du travail dynamique. Mais le code du travail n’a pas vocation à s’épaissir au gré de nos séances ou en fonction des spécificités de tel ou tel secteur d’activité. Le droit du travail doit revenir à l’essentiel. Il doit répertorier ce qui relève des normes sociales fondamentales.

Nos collègues qui ont pris l’initiative de cette proposition de loi ont dénoncé l’absence de dialogue social et le fait que les principes de la loi Larcher aient été ignorés par le Gouvernement – exemple, si besoin était, que le dialogue social, pour être plus proche de son objectif, doit être simplifié, s’appuyant sur des organisations représentatives moins nombreuses et plus cohérentes…

En tant que membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, je porte une attention particulière au marché de l’emploi et je suis en contact régulier avec le monde du travail. Ce sont souvent les mêmes requêtes qui remontent des territoires : « oui, les besoins existent ; laissez-nous travailler ! »

Vous avez raison, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, la loi Travail ne représente pas une avancée. Elle ne favorise ni la compétitivité ni l’emploi. Mais pas pour les raisons que vous évoquez !

Mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même sommes convaincus qu’il faut rendre le marché du travail plus fluide. Il faut redonner de la compétitivité à notre appareil productif. Il faut abaisser les charges fiscales et sociales pesant sur nos entreprises. Il faut simplifier le droit du travail.

Vous le savez, à l’heure de la mondialisation, l’utopie des 35 heures est restée une exception française. Je ne crois pas qu’abaisser encore le temps de travail en le faisant passer à 32 heures soit synonyme d’embauches en nombre et de réduction du chômage de masse.

Ce n’est pas en facilitant les licenciements que l’on aggrave la précarité des salariés. C’est en laissant des millions de Français sans emploi que l’on augmente la pauvreté ! La majorité des entreprises présentes sur le territoire national comprend un faible nombre de salariés. La flexibilité est une condition indispensable à l’embauche !

L’abrogation de loi Travail est un axe majeur du programme du candidat à l’élection présidentielle de 2017 qu’est Jean-Luc Mélenchon. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Vous comprendrez donc aisément que mon groupe ne prenne pas part au vote de la présente proposition de loi ! Nous laissons aux Français le choix de trancher cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous apporter quelques réponses, en complément du débat que nous avons eu dans cette enceinte même pendant quinze jours.

Nicole Bricq a indiqué que c’est « le réel qui compte ». Je suis bien évidemment attentive à la manière dont les acteurs du dialogue social s’approprieront les nouvelles règles en matière d’accords d’entreprise. Je constate que même des organisations syndicales qui étaient opposées à la loi Travail – je pense par exemple à Force ouvrière ou à la CFE-CGC – ont signé – par exemple, le 26 septembre dernier, dans la métallurgie – des accords permettant de moduler le temps de travail sur trois ans, en échange de contreparties.

Je considère que nous n’avons pas à juger si ces accords sont bons ou mauvais. Pour ma part, je ne connais que des accords signés ou non. Ce n’est pas à la démocratie politique de remplacer la démocratie sociale : les acteurs de terrain sont les plus à même de voir si ces accords correspondent à la réalité du quotidien de l’entreprise et si les contreparties sont suffisantes – je le dis d'autant plus volontiers qu’il s’agit d’accords majoritaires. J’y insiste, je n’ai pas à juger si l’accord concernant Renault est bon ou mauvais : des organisations syndicales représentant plus de 50 % des salariés ont estimé que l’accord prévoyait des contreparties suffisantes. C’est tout l’intérêt du dialogue social.

Par ailleurs, madame Morhet-Richaud, je considère, pour ce qui concerne l’ordre public social, que nous devons conserver la durée légale du travail. Je l’ai souvent dit dans cette enceinte ! Le débat que nous avons eu dans cet hémicycle portait sur la possibilité de se mettre d’accord sur des adaptations. En l’absence d’accord, c’est le droit actuel qui s’applique. Je n’estime donc pas que le temps de travail doive faire l’objet d’une discussion entreprise par entreprise : en la matière, la loi doit protéger.

Comme je l’indiquais précédemment, il ne faut pas opposer les différents niveaux de négociation.

S’agissant, par exemple, du travail saisonnier, vous ne pouvez pas, madame David, d’un côté, déclarer que nous ne nous sommes pas suffisamment engagés dans la concertation, alors même que nous avons pris nos responsabilités en la matière, en évoquant la possibilité d’une ordonnance au cas où les négociations n’aboutiraient pas au niveau des branches, et, de l’autre, nous reprocher aujourd'hui de permettre aux acteurs de se mettre d’accord ! En la matière, le secteur des remontées mécaniques est, de fait, un cas spécifique.

Pour ce qui concerne la pénibilité, qui relève des branches professionnelles, j’ai moi-même dénoncé la loi portant réforme des retraites de 2003, qui, à la suite d’un amendement de Xavier Bertrand, prévoyait des négociations sur cette question au niveau de chaque branche. Treize ans plus tard, il n'y a toujours pas de référentiel de branche dans certains secteurs, parfois importants : je pense notamment à celui du bâtiment et des travaux publics.

Cependant, les chefs d’entreprise sont obligés, aujourd'hui, d’appliquer le compte personnel de prévention de la pénibilité, même s’ils ont la possibilité de revenir sur leur déclaration jusqu’au mois de septembre.

Les chefs des plus petites entreprises attendent d’être soutenus par la branche. Les organisations patronales auxquelles ils adhèrent devraient les aider à mettre en place des référentiels de branche. Notre objectif, sur ce plan, était de simplifier. La branche doit notamment soutenir les plus petites entreprises et leur faciliter l’élaboration du compte personnel de prévention de la pénibilité. Bien évidemment, les grands groupes, qui disposent d’experts, pourront définir leur propre référentiel, mais les petites entreprises, elles, seront en difficulté, en raison de l’incapacité des branches. Telle est la réalité !

Madame David, vous avez évoqué la politique que nous avons mise en œuvre en direction de la jeunesse. Je m’étonne que vous repreniez, sur la question des emplois aidés, les arguments de la Cour des comptes, auxquels le ministère du travail, le collectif Alerte, la Fédération des acteurs de la solidarité – la FNARS – ont répondu. Je rappelle que la garantie jeunes, qui concerne 96 % de jeunes en situation de grande précarité qui ne suivent pas d’études, ne sont pas en formation ou ne bénéficient pas d’un emploi, permet à ceux-ci de toucher une allocation de 461 euros et, ainsi, de s’habiller et de payer leurs frais de transport pour se rendre à un entretien d’embauche. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Elle permet de leur donner une nouvelle chance !

Pour ma part, je suis fière que 100 000 jeunes en aient bénéficié en 2016. Je suis fière que la loi Travail propose ce droit universel, qui est, d'ailleurs, salué dans de nombreux rapports. Le comité scientifique d’évaluation de la garantie jeunes a montré que ce dispositif augmentait de 10 points la chance, pour les jeunes concernés, de trouver un emploi. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Telle est la réalité ! Au reste, cela s’accompagne d’un budget renforcé des missions locales.

Dès lors, on ne peut tenir deux discours selon que l’on est dans cet hémicycle ou dans mon bureau, pour me demander de mettre en place des dispositifs attendus par les acteurs sur le terrain !

Mme Éliane Assassi. Qui est venu dans votre bureau ?

M. Thierry Foucaud. C’est qui « on » ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il m’arrive bien souvent de recevoir des parlementaires qui sollicitent davantage de contrats aidés pour leur territoire…

Je suis étonnée que l’on se réfère dans cet hémicycle au rapport de la Cour des comptes, notamment sur les contrats aidés en direction des jeunes, alors même que nous avons renforcé la formation, que les emplois d’avenir permettent de former trois jeunes sur quatre et que les contrats sont plus longs. Non, les emplois créés ne sont pas fictifs ! Non, ces dispositifs ne sont pas inefficaces !

Mme Éliane Assassi. Nous ne vous avons rien demandé !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Offrir une première expérience professionnelle à des jeunes qui sont parfois discriminés n’est jamais une politique inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

D'ailleurs, les chiffres de Pôle emploi, auxquels un rapport sénatorial, au contenu excellent (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Myriam El Khomri, ministre. … a redonné de la véracité, écartant toute manipulation statistique, montrent que le chômage des jeunes a diminué, avec 30 000 jeunes chômeurs de moins qu’au mois de mai 2012. Voilà aussi la réalité des politiques de l’emploi que nous avons menées en direction des jeunes, même si ces derniers sont encore bien évidemment beaucoup trop nombreux à être au chômage !

M. Thierry Foucaud. Quel travail ont-ils après leur formation ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Allez expliquer que la garantie jeunes n’apporte rien à des jeunes à qui l’on tend enfin la main et qu’on ne laisse pas au bord du chemin ! Il faut poser certains diagnostics avec lucidité.

Par ailleurs, pour ce qui concerne la médecine du travail, je veux encore parler du réel. J’entends bien qu’il y a une incompréhension. J’entends l’attente que les services de santé portent l’essentiel de la réforme de la médecine du travail, la question de la santé au travail étant primordiale. La réalité, c’est que, dans notre pays, la médecine du travail connaît un problème d’attractivité depuis de nombreuses années – les postes ouverts ne sont pas pourvus. Comment renforcer cette attractivité ? Telle est la question centrale qui est posée.

Sur ce point, je m’étais engagée auprès de vous à demander, avec mes collègues ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et ministre des affaires sociales et de la santé, un rapport à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. Nous venons de signer la lettre de mission en ce sens. Pour ma part, j’attends beaucoup de ce document.

Dans un communiqué, le Centre interservices de santé et de médecine au travail en entreprise, le CISME, soutient, comme les partenaires sociaux au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail, le COCT, cette réforme de la médecine du travail.

Je crois qu’il faut toujours en revenir au réel. De ce point de vue, il me semble essentiel de rappeler quelques éléments.

Cette réforme a été engagée notamment à la suite du rapport de Michel Issindou, qui montrait clairement, au-delà de la question de la qualité de l’emploi, qui, bien évidemment, nous importe, que, en raison du grand nombre de contrats courts, le nombre de visites médicales s’établit à 3 millions par an, pour 20 millions d’embauches. Dans ces conditions, pouvons-nous dire que la visite médicale d’embauche était un droit effectif ? Non !

Cela signifie concrètement que des personnes occupant des postes à risques n’ont jamais vu de médecin du travail : bien souvent, elles ne rencontraient un médecin que tous les sept ou huit ans, comme le rapport Issindou l’a montré. Il me semblait important de rappeler cette réalité.

La loi Travail rend ce droit plus effectif, puisque tous les salariés devront être vus par des professionnels de santé sous le contrôle du médecin dès l’embauche ou dans les trois mois suivant celle-ci, puis, au plus tard, tous les cinq ans. Je tiens à dire avec force qu’il s’agit d’une durée maximale, qui pourra être raccourcie par le médecin du travail pour tenir compte de l’état de santé du travailleur et du poste occupé. Bien évidemment, le salarié pourra aussi demander lui-même à rencontrer un médecin du travail.

Dans leur intervention, certains ont évoqué le principe d’universalité : ce principe est sanctuarisé dans la loi et s’accompagne d’un principe d’individualisation du suivi, pour coller au mieux à la situation du salarié.

Nous avons également harmonisé le contentieux. Nous en avons longuement débattu. Nous avons notamment renvoyé la contestation devant la seule instance compétente en matière de contrat de travail, à savoir le conseil de prud’hommes, avec la désignation d’un médecin expert, dont l’avis se substituera à celui du médecin du travail. Je rappelle que le système n’était pas satisfaisant, l’inspecteur du travail devant prendre une décision de nature médicale sur laquelle il n’a pas de compétence et sans avoir accès au dossier médical. C’est aussi cette réalité que nous devons prendre en compte.

Bien évidemment, si le droit à la visite médicale avait été effectif, nous n’aurions pas engagé la réforme de la médecine du travail. Ce droit est-il effectif ou pas ? Telle est la question qui se pose aujourd'hui. Si ce droit n’est pas effectif, il faut refuser le statu quo et améliorer les choses. Au reste, si cette réforme n’est que transitoire, si l’attractivité de la médecine du travail se renforce, je pense que nous serons tous ravis !

Avec cette réforme, les collaborateurs du CISME pourront aussi se rendre plus souvent dans les entreprises, ce qu’ils ne peuvent pas toujours faire aujourd'hui, compte tenu des difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leur mission. C’est un enjeu essentiel, et c’est aussi ce qui explique l’accueil réservé par le CISME à la réforme.

Pour ce qui concerne le télétravail, les discussions sont en cours du côté des partenaires sociaux. Bien évidemment, la balle est dans leur camp. Nous avons encore encouragé les différentes parties à aboutir. La négociation devrait être lancée dans les plus brefs délais.

J’en viens au travail détaché. La loi Savary, la loi Macron, la loi Travail se sont emparées de ce sujet. Cependant, nous n’avons pas fait que légiférer. Nous avons multiplié les contrôles, dont le nombre mensuel est passé de 500 à 1 500, et même à 2 000 au mois de juin dernier. Par ailleurs, 880 amendes ont été prononcées – pour un tiers, à l’encontre des donneurs d’ordre – et 5 millions d’euros ont été récupérés. Nous agissons au plan national. Aujourd'hui, il faut impérativement réviser la directive Détachement de 1996, pour tenir compte à la fois du dumping social et de l’indignité à laquelle sont confrontés les travailleurs dans l’espace européen. Nous travaillons sur plusieurs propositions, défendues en lien avec la députée européenne Élisabeth Morin-Chartier, corapporteur pour la révision de la directive. Ainsi, nous avons demandé l’interdiction des entreprises boîtes aux lettres et l’intégration de l’hébergement – la question est essentielle – dans le noyau dur des droits. Nous renforçons également les moyens de lutte en interne, notamment avec la carte professionnelle dans le BTP qui a été citée tout à l'heure.

Je veux évoquer la situation préoccupante des salariés de La Voix du Nord. J’y suis bien évidemment sensible, mais rendre l’adoption de la loi Travail responsable de la préparation du plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, à l’encontre de ces salariés me paraît infondé. Cette loi n’introduit aucune disposition nouvelle en matière de PSE. Elle ne donne aucune nouvelle compétence aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, pour se prononcer sur le motif économique d’un PSE dans le cadre des procédures d’homologation. Cette appréciation, dont vous avez débattu lors de l’examen de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, relève strictement du juge, si celui-ci est saisi.

L’homologation d’un PSE par une DIRECCTE, qui a pour rôle de vérifier si la procédure et le contenu du plan sont conformes, n’a donc aucun rapport avec la loi Travail, dont je rappelle qu’elle n’introduit aucun nouveau motif de licenciement économique : elle se contente de codifier la jurisprudence existante.

Le critère de sauvegarde de la compétitivité n’est que la reprise d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1995.

La mise en œuvre de l’éventuel PSE projeté par le groupe belge Rossel, propriétaire du quotidien susvisé, peut être imputée non pas à la loi Travail, mais, plus globalement, aux difficultés économiques que connaît le secteur de la presse. Nous accompagnons d’ailleurs certaines situations. Je pense, par exemple à Nice-Matin, à L’Obs ou au groupe Lagardère. De nombreux plans sociaux fleurissent dans ce secteur depuis des années. Nous cherchons à soutenir ces réorganisations, ces mutations, à travers les aides à la presse que mobilise Audrey Azoulay.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le sujet !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Les entreprises de presse ne sont pas des entreprises privées comme les autres, car c’est la qualité de l’information qui est en jeu. C’est la raison d’être des aides à la presse que j’évoquais.

Certains groupes de presse connaissent des difficultés économiques depuis de nombreuses années,…

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le cas de La Voix du Nord !

M. Pierre Laurent. Nous allons justement vous en parler !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … dans un contexte de révolution numérique bien connu.

Les PSE existent depuis longtemps dans ce secteur, malheureusement pour les salariés qui en sont victimes. Le même PSE aurait très bien pu être mis en œuvre voilà six mois, avant l’adoption de la loi Travail.

Certaines entreprises, bien que bénéficiaires, anticipent des évolutions moins favorables de leur activité. C’est dans ce cadre qu’elles décident de recourir à un PSE. Le rôle de l’administration du travail n’est pas de regarder le bien-fondé du PSE – vous avez déjà eu ce débat lors de la discussion de la loi relative à la sécurisation de l’emploi… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi travail »

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « Loi Travail »
Article unique (fin)

Article unique

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est abrogée.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, sur l'article unique.

M. Serge Dassault. La loi de Mme El Khomri comporte un grand nombre d’articles très favorables aux salariés et à l’emploi. Je ne comprends pas l’agressivité des syndicats à l’égard de ce texte qu’ils veulent à tout prix supprimer. Les syndicats ne seraient-ils plus les défenseurs des salariés ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Alain Néri. Rien ne nous sera épargné !

Mme la présidente. Seul M. Dassault à la parole, mes chers collègues !

M. Serge Dassault. La loi Travail a inséré un article L. 3121-44 dans le code du travail extrêmement favorable aux salariés et aux entreprises en ce qu’il permet, grâce à une certaine flexibilité des horaires, de conserver un personnel surabondant en cas de baisse de commandes dans l’attente d’une amélioration de l’activité.

Si la présente proposition de loi était adoptée, cet article serait supprimé, ce que je ne comprends pas. À titre personnel, je suis tout à fait opposé à l’abrogation de la loi Travail, même s’il ne reste plus grand-chose du texte initial.

Je veux maintenant dire un mot du problème des jeunes qui n’ont pas de travail, qui ne sont pas formés, qui sortent du collège sans savoir rien faire – ils sont 150 000 dans ce cas chaque année ! La responsabilité en revient à l’instauration du collège unique, qui empêche la formation professionnelle des jeunes,…

M. Alain Néri. Parlez de ce que vous connaissez !

M. Serge Dassault. … lesquels feraient mieux d’apprendre un métier plutôt que de perdre leur temps dans les collèges.

M. Alain Néri. C’est vous qui perdez votre temps en disant de telles bêtises !

Mme la présidente. Monsieur Néri, je vous en prie !

M. Alain Néri. Mais c’est de la provocation, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article unique.

M. Christian Favier. Je veux revenir sur les nouvelles règles applicables en matière de santé des salariés.

Comme l’a souligné Mme David, la visite médicale d’embauche n’est désormais plus obligatoire. Surtout, et je le déplore, le suivi médical des salariés se fait non plus tous les deux ans, mais tous les cinq ans, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur l’état de santé des salariés et donc rejaillir, à terme, sur notre économie.

Je prendrai l’exemple du secteur aérien, que connaît bien M. Dassault, fleuron de notre économie, pilier de l’attractivité du Val-de-Marne où 175 000 emplois directs et indirects dépendent de l’aéroport d’Orly.

Une expertise commandée par les représentants syndicaux indique que, à Orly, dans les professions de la sûreté et de l’assistance portuaire, allant du nettoyage au chargement des bagages, le nombre de maladies professionnelles est aujourd’hui quatre fois plus fort que dans l’ensemble du monde du travail. On ne compte plus les traumatismes physiques dus aux levées de charges lourdes et aux mouvements répétitifs. La situation ne fera qu’empirer avec une médecine du travail qui n’est plus en capacité de protéger les salariés tout au long de leur carrière.

De même, et alors que plus d’un million de salariés en France se voient chaque année notifier des restrictions d’aptitude, principalement en raison des effets de l’augmentation continue du temps de travail, un sous-traitant de l’aérien, anticipant les décrets de la loi Travail, a déjà diminué le taux horaire des heures supplémentaires.

Toujours plus d’heures supplémentaires, c’est toujours plus de fatigue pour les salariés et donc plus de risques de burn-out, de dégradation de la santé, de dysfonctionnements au travail, dans un secteur qui demande pourtant une attention permanente.

Madame la ministre, une économie du XXIe siècle devrait, selon nous, allier progrès social et réussite économique. La régression de l’un entraîne la récession de l’autre. Sur la question de la santé au travail comme sur d’autres, votre loi va à l’encontre des besoins de notre temps. C'est la raison pour laquelle nous demandons son abrogation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, sur l'article unique.

M. Jérôme Durain. Je veux revenir sur l’objectif du débat du jour.

Certains de mes collègues voient dans la présente proposition de loi une opération politique. C’est une opération politique, dans un calendrier politique. Il est d’ailleurs peu probable que la majorité des parlementaires de cette assemblée choisisse de soutenir ce texte. Je crois pourtant que le débat sur la loi Travail n’est pas clos et qu’il est même devant nous.

Personne n’a oublié, et certainement pas vous, madame la ministre, que l’hostilité à l’égard de ce texte a atteint des niveaux considérables. La France a pu constater l’importance de cette opposition : des manifestations d’envergure, il y en a eu ; des déceptions de la part des partenaires sociaux, il y en a eu ; des pétitions, il y en a eu – Caroline de Haas, à l’origine de la plus importante d’entre elles, a ainsi réuni plus de 1,3 million de signatures pour s’opposer au texte ; des difficultés parlementaires, il y en a eu, à tel point que le Gouvernement a perdu sa majorité lors des lectures du projet de loi au Parlement.

L’engagement de sa responsabilité par le Gouvernement a constitué, pour beaucoup, le signe irréfutable que ce texte n’était pas suffisamment accepté pour être efficace.

Comment s’en étonner ? Cette loi, dont les dispositions ne figuraient pas parmi les engagements de l’actuel Président de la République, a pourtant été imposée par la procédure du 49.3. Certains semblent penser aujourd’hui que l’adoption définitive de cette loi et sa promulgation au Journal officiel ont mis fin au débat. Il existe pourtant une réalité politique, qui doit s’imposer aux décideurs.

Le Premier ministre de l’époque déclare maintenant que le recours au 49.3 n’est pas une bonne méthode. Il a le droit d’avoir changé d’avis, la réalité n’est jamais figée.

Mes chers collègues, à certains moments, un minimum de cohérence s’impose. À titre personnel, je voterai en faveur de cette proposition de loi visant à abroger la loi Travail, car le candidat que je soutiens à la primaire de la gauche – Arnaud Montebourg – a pris le même engagement, tout comme d’autres candidats à cette primaire ou à l’élection présidentielle.

Cette loi, dont on ne peut pas dire qu’elle bénéficie d’un consensus syndical ou populaire, mérite d’être reprise depuis le début. Cela ne signifie pas une opposition aux progrès sociaux qu’elle a permis – je pense notamment au compte personnel d’activité ou au droit à la déconnexion.

S’il faut conserver ces éléments, je ne doute pas qu’une consultation large des partenaires sociaux permettra de les définir sereinement. L’essentiel est de prévenir en amont les électeurs de ce que l’on va faire pour prendre le temps de construire un vrai compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC – M. Alain Néri applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article unique.

M. Éric Bocquet. En tant que sénateur du Nord, je ne pouvais manquer l’occasion d’intervenir sur la situation de La Voix du Nord, évoquée à plusieurs reprises au cours du débat.

Aux termes de la loi Travail, les conditions du licenciement économique sont désormais clarifiées de sorte qu’un licenciement économique puisse être prononcé si l’entreprise est confrontée à une baisse des commandes ou de son chiffre d’affaires, à des pertes d’exploitation ou à une importante dégradation de sa trésorerie. Or M. Gabriel d’Harcourt, directeur délégué général de La Voix du Nord, indiquait hier, sur le plateau de France 3 Régions : « Nous gagnons de l’argent actuellement. Nous sommes une entreprise rentable. » En effet, le chiffre d’affaires du groupe Rossel La Voix s’est élevé, en 2015, à 253,9 millions d’euros et, en 2016, à 256 millions. Le groupe a dégagé des bénéfices.

Dans votre intervention liminaire, madame la ministre, vous avez dit que votre loi renforçait les droits des salariés. Je me demande comment les salariés confrontés à ce PSE qui leur tombe sur la tête vont entendre vos propos. Ils sont sous le choc et ont exprimé aujourd’hui, par le biais d’un communiqué intersyndical unanime, leur opposition radicale à ce plan social d’une ampleur inégalée.

Le cas de La Voix du Nord est un cas d’école : que vous le vouliez ou non, il existe un lien entre cette situation et votre loi. Mon groupe exprime en cet instant son soutien total aux salariés concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article unique.

Mme Laurence Cohen. Ce débat pourrait laisser penser que nous vivons dans deux mondes différents…

À l’aube de cette nouvelle année, nous aurions pu espérer, madame la ministre, au regard des conséquences qu’entraînent les décrets d’application de votre loi et que M. Bocquet vient d’évoquer à travers un exemple précis, que vous ayez réfléchi davantage.

Las, vous brandissez toujours les mêmes arguments pour défendre votre loi : l’inversion de la hiérarchie des normes n’emporterait, selon vous, aucune conséquence négative ; la suppression du principe de faveur n’aurait aucun effet dévastateur… Vous restez sur les mêmes positions.

Pour notre part, nous nous appuyons pourtant sur des auditions, entre autres, d’inspecteurs du travail qui révèlent les effets néfastes de votre loi.

Plusieurs de nos collègues nous reprochent d’être un peu trop radicaux en demandant l’abrogation de ce texte dont certaines mesures sont positives.

Toutefois, la conquête des acquis sociaux repose sur la convergence de luttes et de lois progressistes. On peut donc toujours faire bouger les choses et modifier les textes en vigueur.

Si le droit à la déconnexion, évoqué par certains dans cet hémicycle, répond à un réel problème, la loi Travail ne l’a encadré d’aucune obligation, d’aucune contrainte à la charge des employeurs. Il s’agit d’une coquille vide, dont l’inscription dans une charte dépend du bon vouloir des employeurs.

Ce droit illusoire ne permet pas de garantir les revendications des salariés, notamment des cadres. Vous n’avez pas entendu les organisations syndicales qui vous ont fait des propositions – je pense, par exemple, à l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT.

Ce que vous considérez comme une avancée majeure ne répond pas réellement à l’enjeu de la santé au travail et du développement du travail numérique et ne règle aucunement la question de la charge de travail ni celle de la réduction du temps de travail.

Alors qu’il était question d’inscrire une garantie positive pour les travailleurs dans le marbre de la loi, nous nous retrouvons avec un dispositif optionnel qui n’est plus, au final, qu’une coquille vide. C'est la raison pour laquelle il est important d’abroger la loi Travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l'article unique.

M. Pierre Laurent. L’un des arguments sur lequel repose notre proposition de loi tient à la légitimité de la loi Travail.

Juridiquement, celle-ci est légitime. Politiquement, l’usage du 49.3 permet d’en douter. Nous avions déjà fortement soulevé cette interrogation lors de l’adoption de la loi : le Gouvernement, qui n’avait aucune majorité parlementaire, avait alors préféré passer en force.

Or, depuis, le Premier ministre de l’époque a lui-même rouvert le débat sur le 49.3. Dans les rangs de la majorité présidentielle, plusieurs responsables politiques d’importance, dont certains sont candidats à l’élection présidentielle, ont également insisté sur cette question.

S’agit-il de paroles de campagne qui seront mises au rancart dans quelques mois ? Je ne le crois pas. J’y vois plutôt des engagements politiques.

Puisque le débat persiste dans le pays, notre proposition de loi est l’occasion de rouvrir le chantier. M. Desessard nous reproche d’être trop radicaux, mais à entendre Mme la ministre, les plages de débat éventuelles ne sont pas très nombreuses dans la mesure où elle continue de défendre, point par point, l’intégralité de la loi. Alors que la question de la médecine du travail, par exemple, inquiète tous les parlementaires de gauche, aucune ouverture n’est faite.

Cette proposition de loi d’abrogation est le moyen, mis à la disposition de la représentation parlementaire, de rouvrir l’ensemble de ce chantier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à abroger la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail ».

J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe CRC, l’autre, du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 86 :

Nombre de votants 156
Nombre de suffrages exprimés 140
Pour l’adoption 25
Contre 115

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « Loi Travail »
 

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Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir
Discussion générale (suite)

Enseignement supérieur

Rejet d’une proposition de résolution européenne

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, de la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir, présentée, en application de l’article 73 quinquies du règlement, par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 104, rapport de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication n° 258, rapport de la commission des affaires européennes n° 179).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la proposition de résolution européenne.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la proposition de résolution européenne. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans la continuité des propositions que le groupe communiste républicain et citoyen soutient en faveur d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur. Enjeu d’importance, tant l’enseignement supérieur et l’enseignement scolaire sont confrontés à une complexification croissante des savoirs. C'est pourquoi nous militons pour que le service public de l’éducation dans sa globalité permette une élévation des connaissances et des qualifications pour toutes et tous.

Voilà près de dix-sept ans, les États européens s’étaient engagés, au travers de la stratégie dite de Lisbonne, à faire de l’Union européenne, d’ici à 2010, « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».

Cette stratégie a échoué. Pour ne citer qu’un chiffre, je rappellerai que l’Union européenne avait prévu d’affecter au budget de la recherche 3 % de son produit intérieur brut. Elle n’y consacre, dans son ensemble, que 1,9 %.

Parmi les raisons de cet échec, il en est une qui est peu invoquée, mais qui figure pourtant au cœur de la problématique : la stratégie de Lisbonne n’a pas été dotée de moyens financiers spécifiques !

En France, si la dépense intérieure d’éducation a progressé, la part de l’État, elle, n’a cessé de diminuer depuis 2000.

Ainsi les États membres qui ont fixé les objectifs de la stratégie de Lisbonne se sont-ils heurtés à leurs propres politiques de déconstruction des services publics d’éducation.

Dans le cadre de la stratégie Europe 2020 ont été fixés, par ailleurs, cinq objectifs.

Un seul concerne l’éducation : « améliorer les niveaux d’éducation, en particulier en s’attachant à réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 % et en portant à 40 % au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent. »

Cet objectif est étroitement inspiré des conclusions du Conseil Éducation de mai 2009, lequel a donc, à juste titre, considéré développement de l’enseignement supérieur comme un enjeu « prioritaire ».

Les États membres ont bien pris conscience que la croissance des emplois à forte intensité de connaissances justifie plus que jamais une politique de démocratisation de l’enseignement supérieur.

Cette dernière est également indispensable pour répondre à un autre grand objectif de la stratégie Europe 2020, objectif déjà contenu dans la stratégie de Lisbonne, consistant à porter à 3 % du PIB l’effort en matière de recherche, objectif qui suppose lui aussi une importante augmentation de l’emploi dans ce secteur.

De la même façon, renforcer la capacité d’innovation des économies européennes passe par un élargissement de l’accès aux études supérieures.

Or l’examen de la situation à mi-parcours fait apparaître des résultats contrastés.

Certes, la part des diplômés dans la population âgée de 30 à 34 ans a progressé, passant de 34 % en 2010 à plus de 38 % en 2015. L’objectif de 40 % en 2020 semble donc atteignable.

Toutefois, les écarts entre les pays membres s’agissant des conditions d’accès à l’enseignement supérieur restent considérables.

Ainsi, les frais d’inscription en premier cycle vont de la gratuité à plus de 11 000 euros. Le montant des bourses sur critères sociaux varie lui aussi fortement d’un État membre à l’autre : inférieur à 1 000 euros dans la plupart des nouveaux pays membres, il dépasse 9 000 euros dans certains États membres plus anciens.

En réalité, l’augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur s’est effectuée dans un contexte global de stagnation ou de diminution des dépenses publiques en faveur de l’enseignement supérieur, même si, là encore, les situations sont contrastées.

Depuis 2010, ces dépenses ont en effet augmenté dans certains États membres, mais elles ont stagné ou diminué dans la plupart d’entre eux, en lien direct avec ce que certains nomment avec pudeur « le resserrement de la discipline budgétaire ».

Reste un constat : la dépense publique moyenne pour l’enseignement supérieur au sein de l’Union demeure inférieure à 1,3 % du PIB.

Les conditions d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur à l’échelle de l’Union ne sont donc pas réunies. Sortons du double langage, et parlons clair ! On ne peut pas, d’un côté, prôner la démocratisation de l’enseignement supérieur, sans l’asseoir, de l’autre, sur des moyens publics pérennes.

Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, illustré par l’importance des « classements » des universités, le développement d’un enseignement supérieur dont le financement repose de plus en plus sur les étudiants et leurs familles va s’accélérer et devenir source de davantage d’inégalités.

L’exemple des États-Unis montre pourtant les effets néfastes d’une telle évolution. Certes, la dépense totale en faveur de l’enseignement supérieur, qui représente 2,8 % du PIB, est élevée, mais les conséquences sociales d’un tel modèle sont extrêmement lourdes : fortes inégalités entre les établissements, logique financière et concurrentielle, endettement considérable des étudiants lors de leur entrée dans la vie professionnelle. Aujourd’hui, la dette cumulée des étudiants américains atteint 1 160 milliards de dollars, soit plus de 6 % du PIB des États-Unis ; elle dépasse désormais celle des ménages américains !

L’Union européenne et les États membres doivent donc rompre avec cette logique inacceptable qui assimile l’enseignement supérieur à un marché.

Seul un financement essentiellement public, en effet, peut garantir, d’une part, une véritable autonomie intellectuelle des universités, incompatible avec une logique marchande, et, d’autre part, la poursuite d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur, incompatible, elle, avec des droits d’inscription élevés et des bourses sur critères sociaux ne couvrant qu’une part réduite des dépenses incompressibles d’un étudiant.

Ce constat a été parfaitement dressé dans le rapport du comité pour une stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES, prévue par la loi Fioraso de 2013, dont nous avons débattu ici, mes chers collègues, en mai dernier.

Pour rappel, les auteurs de ce rapport, s’ils évoquent des pistes possibles de financement complémentaire, au nombre desquelles le mécénat, le recours aux fondations ou la formation continue, se prononcent pour le maintien d’un financement essentiellement public de l’enseignement supérieur.

À cette fin, la STRANES fixe deux objectifs, ceux-là mêmes qui figurent dans la présente proposition de résolution européenne : porter à l’échelon européen un objectif de 2 % du PIB consacré à l’enseignement supérieur d’ici à 2025 ; exclure du calcul des déficits publics les dépenses publiques d’enseignement supérieur.

Ce sont ces deux propositions que nous défendons – nous ne sommes pas les seuls, si j’en crois les messages de soutien que je reçois depuis quelques jours.

C’est dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, que l’amendement déposé en dernière minute par le Gouvernement, tendant à supprimer de cette proposition de résolution européenne la disposition prévoyant d’exclure les dépenses publiques d’enseignement supérieur du calcul des déficits publics, prend toute sa « saveur ».

Cela confirme, hélas ! le choix de ce gouvernement, déniant au passage sa propre STRANES, d’assimiler l’enseignement supérieur à un marché. Votre argument est le même que celui des deux corapporteurs de la commission des affaires européennes : il s’agit de ne pas donner « un nouveau coup de canif dans le pacte de stabilité ».

Mon collègue Éric Bocquet reviendra longuement sur ce point, et ce débat est loin d’être clos, soyez-en sûrs, mes chers collègues !

C’est pour cette raison que le groupe CRC a inscrit cette proposition de résolution européenne à l’ordre du jour de sa niche parlementaire, tant ces revendications sont consubstantielles à un projet d’émancipation humaine pour lequel nous sommes mobilisés tous azimuts : à l’instant pour l’abrogation de la loi Travail, maintenant pour un financement pérenne de l’enseignement supérieur, demain sur la situation de l’hôpital public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir soulève des questions fondamentales pour notre société : d’une part, quels sont les besoins de financement, à l’horizon 2025, de l’enseignement supérieur européen, dans un contexte de massification des effectifs et de concurrence internationale accrue, d’autre part, comment doivent se répartir financement public et financement privé ?

Je me réjouis que, grâce à cette initiative de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et de nos collègues communistes, nous ayons l’occasion, une nouvelle fois, de débattre de ces enjeux au sein de notre hémicycle.

En dépit d’une communauté de préoccupations, notre commission de la culture, comme la commission des affaires européennes avant elle, a choisi de ne pas adopter ce texte. Je tiens à m’en expliquer devant vous, ce rejet n’étant évidemment pas la marque d’une quelconque indifférence à l’égard des enjeux de l’enseignement supérieur, bien au contraire !

Reprenant très directement l’une des propositions du comité pour la STRANES en matière de financement de l’enseignement supérieur, la présente proposition a pour objet, en premier lieu, de reconnaître l’enseignement supérieur comme « un investissement nécessaire à l’avenir » ; en deuxième lieu, d’amener les dépenses d’enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l’horizon 2025 ; en troisième lieu, d’exclure les dépenses d’enseignement supérieur et de recherche du calcul des déficits publics.

S’agissant du premier point – reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir –, je pense que nous sommes, sur toutes les travées de cet hémicycle, unanimement d’accord ; nous avons conscience du rôle et des fonctions de l’enseignement supérieur. C’est là, bien évidemment, un objectif de l’Union européenne et de ses États membres, à commencer par la France. La reconnaissance par l’Union et par les États membres de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à leur avenir n’est donc pas, me semble-t-il, un sujet nécessitant l’adoption d’une résolution européenne.

S’agissant du deuxième point – amener les dépenses d’enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l’horizon 2025 –, nous sommes également tous d’accord pour reconnaître que les besoins de financement de l’enseignement supérieur, en France comme en Europe, sont majeurs, puisqu’il s’agit de faire face à la fois à la massification des effectifs et aux besoins d’amélioration et de modernisation continue des prestations offertes par les établissements, dans un contexte de vive concurrence internationale.

Mais l’objectif des 2 % du PIB est encore loin : la France est en dessous de 1,5 %, et l’Union européenne dans son ensemble n’atteint pas les 1,3 % ; nous sommes loin, très loin, derrière les États-Unis et le Canada, qui dépassent les 2,5 %. Il s’agit donc d’un objectif certes souhaitable, mais très ambitieux.

Les auteurs de la proposition de résolution estiment par ailleurs que « les dépenses d’enseignement supérieur doivent être essentiellement couvertes par un financement public ».

Pour ma part, s’agissant de la France, je considère que l’État ne peut supporter à lui seul la charge de l’investissement dans l’enseignement supérieur : les étudiants et leurs familles, ainsi que les entreprises, doivent aussi participer à cet investissement dont ils seront bénéficiaires.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si je partage l’ambition des auteurs de la proposition de résolution s’agissant des besoins de financement de l’enseignement supérieur, je considère que la répartition qu’ils préconisent entre financements public et privé est malheureusement irréaliste.

Le troisième point, à savoir l’exclusion des dépenses d’enseignement supérieur et de recherche du calcul des déficits publics, est plus financier et technique.

Depuis son entrée en vigueur en 1997, le pacte de stabilité et de croissance fixe respectivement à 3 % et à 60 % du PIB les valeurs de référence pour le déficit budgétaire annuel et l’endettement public. Le pacte laisse cependant à la Commission et au Conseil une marge d’appréciation pour évaluer la viabilité des finances publiques à la lumière des circonstances spécifiques à chaque pays.

C’est ainsi que la Commission a pu réserver un traitement particulier, en 2015, aux dépenses liées à l’accueil des réfugiés, aux dépenses de sécurité de la France ou encore aux dépenses liées aux tremblements de terre en Italie.

Ces dérogations à l’application des règles du pacte sont cependant très loin de faire l’unanimité, parmi les États membres comme parmi les experts internationaux, et le Conseil les a fortement encadrées depuis fin 2015.

La commission des affaires européennes du Sénat a, pour sa part, adopté récemment une proposition de résolution européenne pour déplorer la multiplication, depuis 2015, de ces clauses de flexibilité qui renforcent, selon elle, l’opacité autour du pacte.

À la suite de la commission des affaires européennes, la commission de la culture n’a pas estimé souhaitable de demander la création d’une nouvelle dérogation à l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance.

C’est pourquoi la commission de la culture vous propose de ne pas adopter la proposition de résolution européenne qui nous est soumise, même si nos préoccupations sont en partie convergentes avec celles de ses auteurs.

Le Gouvernement a déposé hier soir un amendement – je le rappelle pour mémoire, même s’il s’agit d’un fait récent (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – visant à demander la création d’une dérogation au pacte de stabilité et de croissance pour les dépenses d’enseignement supérieur.

Cette initiative, qui a reçu un avis défavorable de la commission, n’infléchit pas notre position de rejet global de ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je reconnais à Mme Gonthier-Maurin, qui connaît bien ces sujets, une constance dans la défense de ses positions.

Ce qu’elle a dit est tout à fait juste : l’Europe ne s’est pas dotée d’objectifs chiffrés s’agissant de ses dépenses en matière d’enseignement supérieur. La conférence de Lisbonne a bien fixé un objectif – 3 % du produit intérieur brut – pour les dépenses de recherche-développement, mais elle ne l’a pas fait pour les dépenses d’enseignement supérieur, non plus d’ailleurs que pour la répartition, en la matière, entre financement public et financement privé.

C’est dans le cadre de la STRANES que, pour des raisons tenant principalement à la nécessité d’élever le niveau des compétences et des connaissances au regard de grandes mutations que votre assemblée connaît bien, la France a choisi de se doter d’une perspective qui, au terme d’une trajectoire sur dix années, l’amènerait à consacrer 2 % du PIB au financement de l’enseignement supérieur.

Madame la sénatrice, votre texte contient deux propositions : premièrement, que la France défende l’application au niveau de l’Union européenne de cet objectif fixé au niveau national par la STRANES ; deuxièmement, que la part publique dans ce financement soit exclue du calcul du déficit budgétaire.

Il peut être intéressant de faire un point précis sur la situation en Europe s’agissant de ces deux questions : combien les pays dépensent-ils en matière d’enseignement supérieur – la réponse à cette question permettra de mesurer le chemin qui reste à parcourir ? Et quelle est la structure de financement, c’est-à-dire la part respective du public et du privé ?

Les dépenses d’enseignement supérieur s’élèvent en moyenne aujourd’hui pour les vingt-deux pays de l’Union européenne étudiés dans le rapport le plus récent de l’Organisation de coopération et de développement économiques – les chiffres sur lesquels vous avez raisonné, madame la sénatrice, sont peut-être un petit peu datés – à 1,6 % du PIB, et à 1,4 % du PIB pour l’ensemble des pays de l’OCDE. La France se situe entre les deux, puisque les dépenses d’enseignement supérieur y représentent 1,5 % du PIB.

Existe-t-il dans l’Union européenne des pays se situant à 2 % du PIB ? Il y en a un seul ! C’est l’Estonie. Quelques pays nordiques n’en sont pas très loin – la Finlande et le Danemark sont à 1,9 % – ; d’autres pays, en particulier le Royaume-Uni, sont à 1,8 % du PIB. L’Allemagne est à 1,3 %.

La fixation d’un tel objectif conduirait donc l’ensemble des pays européens, à une exception près, l’Estonie, à faire un petit ou un gros effort, et plutôt un gros effort, de l’équivalent d’un demi-point de PIB.

Par ailleurs, quelle est la part de ces dépenses qui est respectivement financée par le public et par le privé ?

En la matière, les situations sont radicalement divergentes.

Il y a un bloc de pays, à savoir les pays nordiques, auxquels j’ajoute la France et l’Allemagne, dans lesquels la charge, en matière de dépenses d’enseignement supérieur, repose presque exclusivement, en tout cas en très grande partie, sur le public : à 95 % pour les pays nordiques – le financement privé y est presque inexistant –, 82 % pour la France et un taux similaire pour l’Allemagne.

Dans certains pays, à l’inverse, les dépenses publiques sont minoritaires par rapport aux dépenses privées. Au Royaume-Uni, auquel je pense en particulier, elles représentent environ 45 % du total. Le bon résultat de ce pays tient donc principalement aux efforts des familles – c’est en effet essentiellement cela, le financement privé… –, qui assument environ 47 % ou 48 % de la dépense, le financement étant un peu complété par des partenariats avec les entreprises.

La position du Gouvernement figure, je l’ai dit, dans la STRANES : nous estimons qu’atteindre 2 % du PIB est souhaitable, mais cet objectif ne doit pas masquer la grande disparité des réalités nationales et mériterait d’être affiné.

Figure également dans la STRANES la nécessité d’ouvrir la réflexion sur la prise en compte des sommes consacrées à la préparation de l’avenir, qu’il s’agisse d’ailleurs de l’enseignement supérieur ou de la recherche, dans le déficit public.

C’est ici que les difficultés commencent, et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement : il partage l’objectif préconisé, mais, à ce stade, il ne souhaite pas arbitrer entre les différentes possibilités susceptibles d’être défendues à l’échelle européenne. Faut-il, comme vous le demandez, madame la sénatrice, exclure du calcul du déficit les dépenses d’enseignement supérieur ou, autre proposition, les dépenses de recherche du calcul du déficit ? Faut-il plutôt privilégier les dépenses liées à la défense ou à la conduite de certaines opérations extérieures ?…

Des arbitrages doivent être effectués entre les différentes réflexions amorcées au niveau européen et qui doivent encore trouver leur chemin. Nous ne pouvons donc pas souscrire à une proposition de résolution selon laquelle ce sont les dépenses d’enseignement supérieur qui doivent sortir du calcul du déficit – sous-entendu : pas les autres. Peut-être s’avérera-t-il plus judicieux, par exemple, d’en exclure les dépenses de recherche, et c’est ce qui me gêne dans la proposition de résolution.

Si son amendement était adopté, le Gouvernement ne verrait en revanche que des avantages au vote de celle-ci ; s’il ne l’était pas, nous nous en remettrions, mesdames, messieurs les sénateurs, à la sagesse de votre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le développement de l’enseignement supérieur, chacun en convient, est un enjeu prioritaire, dans un contexte global qui est à la stagnation ou à la diminution des dépenses publiques, et qui n’épargne malheureusement aucun pays de l’Union européenne.

Le dynamisme économique dépend en effet de l’investissement dans la formation, à tous les niveaux. À ce titre, la croissance des emplois à forte intensité de connaissance et le renforcement de la capacité d’innovation des économies sont nécessaires dans une Europe qui tend à s’essouffler.

Cela passe non seulement par la mise en œuvre de politiques publiques en faveur d’une large démocratisation de l’enseignement supérieur, mais aussi par un effort accru dans le domaine de la recherche. Nous le savons, la recherche, l’innovation, la connaissance permettent la croissance économique.

Nous proposons, avec mes collègues du groupe CRC, une résolution européenne en ce sens.

Celle-ci correspond bien au sens de la stratégie Europe 2020, qui compte l’éducation parmi ses cinq grands objectifs et prévoit, d’une part, l’abaissement du taux de décrochage scolaire à moins de 10 % et, d’autre part, que 40 % au moins de la population âgée de 30 à 34 ans soit diplômée de l’enseignement supérieur.

En fixant à 2 % du PIB, pour les États membres de l’Union, le niveau des dépenses d’enseignement supérieur en 2025, la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir vise donc à permettre l’accomplissement de ces objectifs. Nous proposons, pour ce faire, que la hausse des dépenses publiques en faveur de l’enseignement supérieur ne soit pas prise en compte dans le calcul du déficit public au sens du traité de Maastricht.

Cette mesure dérogatoire, que peut décider le Parlement européen, nous apparaît nécessaire afin d’éviter le recours à la privatisation du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche, laquelle irait dans le sens d’une moindre démocratisation, et afin d’encourager le maintien du modèle d’accès à l’enseignement porté par notre pays, notamment, au sein de l’Union européenne.

Rappelons que le Parlement européen a par ailleurs adopté, en 2012, une résolution sur la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur en Europe. Cette résolution invitait les établissements d’enseignement supérieur à intégrer dans leurs programmes l’apprentissage tout au long de la vie, à s’adapter aux nouveaux défis en créant des cursus d’études reflétant les besoins du marché du travail et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de l’enseignement supérieur.

Il se trouve que dans cette même résolution le Parlement insistait pour que les États membres atteignent l’objectif d’investir 2 % du PIB dans l’enseignement supérieur. Nous nous inscrivons donc en totale cohérence avec ses objectifs.

Pourtant, si l’on s’intéresse de près aux écarts qui existent entre les États membres en matière de conditions d’accès à l’enseignement supérieur, on constate qu’ils demeurent considérables. Ainsi, les frais d’inscription en premier cycle vont de la gratuité à plus de 11 000 euros dans certains pays. Le montant des bourses sur critères sociaux varie lui aussi fortement d’un État membre à l’autre : inférieur à 1 000 euros dans la plupart des nouveaux pays membres, il dépasse 9 000 euros dans certains États membres plus anciens.

Les conditions d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur à l’échelle de l’Union ne sont donc pas encore tout à fait réunies. Et cela, chacun le comprend, pose une vraie question !

Le risque est grand, en effet, dans un contexte de concurrence accrue entre les universités et de contraction des dépenses publiques imposée dans tous les pays, de voir le développement de l’enseignement supérieur reposer de plus en plus sur les étudiants et leurs familles.

L’exemple des États-Unis, qui a été cité, montre les effets que l’on peut attendre d’une telle évolution. Certes, la dépense totale en faveur de l’enseignement supérieur y est élevée, puisqu’elle est d’environ 2,8 % du PIB, mais les conséquences sociales du recours à des frais de scolarité élevés et à l’endettement des étudiants sont lourdes. Les inégalités sont fortes entre les établissements universitaires ; la logique qui prévaut est une logique financière et concurrentielle, et, je le disais à l’instant, l’endettement des étudiants lors de leur entrée dans la vie professionnelle est considérable.

Comme l’a souligné Brigitte Gonthier-Maurin, la dette cumulée des étudiants américains dépasse le chiffre effarant de 1 000 milliards de dollars. C’est plus de 6 % du PIB des États-Unis et de nombreuses banques américaines sont exposées à ce risque bien réel. Imaginez, mes chers collègues, que le président Barack Obama, qui quittera ses fonctions dans quelques jours, a lui-même fini de rembourser son prêt étudiant au cours de l’année 2004 seulement !

Il serait inacceptable que l’Union européenne et les États membres s’engagent eux aussi peu à peu dans l’assimilation de l’enseignement supérieur à une forme de marché et dans un système qui « préempte » l’entrée dans la vie active de jeunes diplômés surendettés.

L’enseignement supérieur ne doit pas non plus se réduire à la formation d’une élite. Il doit offrir de réelles chances de réussite à tous, dans les études d’abord, puis dans la carrière professionnelle, et permettre une véritable mobilité sociale.

Par ailleurs, seul un financement essentiellement public peut garantir une authentique autonomie intellectuelle des universités – autonomie incompatible avec une logique marchande – et la poursuite d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur – démocratisation incompatible avec des droits d’inscription élevés et des bourses sur critères sociaux ne couvrant qu’une part réduite des dépenses incompressibles d’un étudiant.

Dans ce contexte, il nous paraît nécessaire d’ouvrir largement le débat et de le porter devant le Parlement européen. Refuser, au nom d’objectifs budgétaires immédiats, de soutenir le développement de l’investissement public dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche serait une erreur stratégique fondamentale pour les États membres de l’Union européenne, en particulier pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la conférence mondiale sur l’enseignement supérieur au XXIe siècle, organisée en 1998 à Paris, l’UNESCO défendait ce qui devrait être l’un des cadres prioritaires de toute action en la matière : « Le soutien public à l’enseignement supérieur et à la recherche reste essentiel pour que les missions éducatives et sociales soient assurées de manière équilibrée. »

Près de vingt ans plus tard, ce soutien public ne s’est pas démenti, mais, alors que la dépense publique moyenne en matière d’enseignement supérieur, au sein de l’Union européenne, demeure inférieure à 1,3 % du PIB, la stagnation, voire, pour certains États membres, la diminution des crédits, tend à l’emporter dans le choix des politiques publiques.

Depuis 1975, le nombre d’étudiants inscrit dans l’enseignement supérieur a pourtant plus que doublé dans les principaux pays de l’OCDE, notamment en France.

Mieux, selon l’UNESCO, à l’échelle mondiale, le nombre d’étudiants devrait s’élever à 262 millions en 2025, contre seulement 97 millions en l’an 2000. Face au défi que représentent l’intégration et la formation de ces étudiants, notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin et l’ensemble des membres du groupe CRC nous invitent à une réflexion salutaire sur l’avenir de l’enseignement supérieur au sein de l’Union européenne et sur les moyens d’en assurer un financement et une démocratisation durables. C’est ce qui ressort de l’examen de cette proposition de résolution européenne visant à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement d’avenir.

Garantir un financement pérenne de l’enseignement supérieur, c’est assurer la recherche, l’innovation et l’intelligence de demain ; chacun s’accorde là-dessus. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’éducation fait partie des cinq objectifs de la stratégie Europe 2020, adoptée le 17 juin 2010 par le Conseil européen, « en portant à 40 % au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ». Dont acte à mi-parcours. Il est probable que l’objectif de 40 % soit atteint en 2020 malgré des disparités de genre et des écarts au sein des pays membres. Mais comment maintenir cet objectif sur le long terme quand l’afflux d’étudiants ne cesse de croître ?

Nos collègues du groupe CRC proposent deux mesures de nature largement incitatives qui devraient susciter un débat plus large que la stricte discussion autour du pacte de stabilité et de croissance.

La première vise à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir et, ce faisant, à lui octroyer un objectif de 2 % du PIB des États membres à l’horizon 2025. Certes, l’action de l’Union européenne en matière d’éducation ne relève que d’une compétence d’appui, ainsi que l’ont rappelé nos rapporteurs, mais le processus de Bologne, initié en 1998, a montré que l’Union pouvait tout de même œuvrer à l’harmonisation et au rapprochement des systèmes d’enseignement supérieur, par exemple à travers la réforme licence-master-doctorat, ou LMD. Par ailleurs – faut-il le rappeler ? –, à l’heure où l’Union européenne essuie des critiques de toutes parts, le programme Erasmus concentre, lui, les louanges et demeure le seul à incarner cette notion de citoyenneté européenne, qui fait tant défaut à l’Europe. Voilà quelques jours, Le Monde y consacrait un dossier, rappelant que près de 4 millions d’étudiants européens sont partis à l’étranger, en université ou en stage depuis 1987, conférant à ce programme une réputation largement enviable au sein de l’Union européenne.

En outre, cet objectif de 2 % du PIB n’est pas une illusion, puisqu’il fait partie des préconisations issues de la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur prévue par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce document est également pour le maintien d’un financement essentiellement public de l’enseignement, afin de garantir une offre plurielle et un accès pour tous. Nous qui sommes si prompts à ériger les pays scandinaves et nordiques en modèle, ayons bien à l’esprit que trois d’entre eux, la Norvège, la Finlande et le Danemark, ont un financement presque entièrement public de l’enseignement supérieur, de l’ordre de 95 % ou plus, quand la France oscille autour de 82 %.

La seconde mesure consisterait à extraire les dépenses d’enseignement et de recherche du calcul des déficits publics. C’est le cas – mais de manière circonstancielle, à la faveur de dérogations octroyées par la Commission européenne – des dépenses de sécurité de la France pour 2015 et 2016 ou des dépenses liées aux tremblements de terre en Italie. J’entends bien les questionnements que suscite la multiplication des dérogations au pacte de stabilité et de croissance, dont notre commission des affaires européennes s’est d’ailleurs saisie voilà peu. L’amendement du Gouvernement s’en fait également l’écho.

Mais peut-on tout de même – et c’est peut-être l’un des mérites de cette résolution – s’interroger sur ce qui n’est plus, aujourd’hui, un totem ? N’oublions pas que, du Fonds monétaire international à l’OCDE, en passant par l’Observatoire français des conjonctures économiques ou du G20, de plus en plus nombreux sont ceux qui plaident pour une adaptation du pacte de stabilité et de croissance à l’aune de politiques de relance des investissements publics afin de favoriser la croissance.

En ce sens, le soutien public à l’enseignement supérieur, préparant de surcroît l’avenir des pays européens, ne pourrait-il pas gagner à faire partie d’une nouvelle génération de réformes structurelles soutenant l’investissement ?

Vous l’aurez compris, parce que cette proposition de résolution nous exhorte à soutenir un domaine crucial, elle aura le soutien de la grande majorité des membres du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à soutenir deux mesures.

Elle préconise, d’une part, que l’Union européenne et les États membres retiennent un objectif de 2 % du PIB pour les dépenses d’enseignement supérieur à l’horizon 2025 et, d’autre part, que les dépenses publiques d’enseignement supérieur ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics des États membres.

Le texte exprime la crainte de voir le développement de l’enseignement supérieur reposer de plus en plus sur les étudiants et leurs familles. Il en conclut que seul un financement essentiellement public pourrait garantir une véritable autonomie intellectuelle des universités et la poursuite d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur.

Assurément, ce texte est rempli de bons sentiments, avec lesquels il serait difficile d’être en désaccord. L’enseignement supérieur est, bien entendu, fondamental pour l’avenir de l’Union européenne. Il est certain que l’enseignement supérieur rencontre actuellement un fort besoin de financement, dans le contexte de l’augmentation du nombre d’étudiants et de la course mondiale aux talents. Il est tout aussi certain que le financement de l’enseignement supérieur en Europe évolue vers une participation privée croissante.

Cependant, s’il est légitime de s’interroger sur de tels changements, ceux-ci mériteraient tout de même une réflexion plus profonde.

D’abord, il ne faut pas oublier la diversité des situations européennes, qui résultent de choix politiques souverains.

Comme l’a souligné notre rapporteur, que je salue ici pour son travail de qualité – même s’il fut bref… (Sourires.) –, il y a, certes, un véritable modèle européen à financement public majoritaire, notamment par rapport à des pays tels que les États-Unis ou le Japon. Mais ce modèle connaît de nombreuses modulations, selon la participation des étudiants au financement de leurs études et selon les modalités des aides financières. L’importance des frais d’inscription diffère ainsi d’un pays européen à l’autre : études supérieures gratuites en Allemagne et dans les pays scandinaves, droits d’inscription faibles en France et droits élevés dans le sud du continent.

Parallèlement à ce constat, rappelons que l’éducation n’est qu’une compétence d’appui de l’Union européenne. Faire prévaloir un financement public quasi exclusif éloignerait donc l’Union du cadre de son intervention légitime.

Ensuite, sur l’application du pacte de stabilité et de croissance, le rapporteur s’oppose à une absence de prise en compte des dépenses publiques d’enseignement supérieur dans le calcul des déficits publics.

C’est également le cas du Gouvernement, qui a déposé un amendement en ce sens pour retirer de la proposition de résolution la disposition en vertu de laquelle les dépenses publiques d’enseignement supérieur ne seraient plus prises en compte dans le calcul des déficits publics des États membres au sens du traité de Maastricht. En effet, l’effort budgétaire en faveur de l’enseignement supérieur peut d’ores et déjà être relevé par la Commission européenne dans le cadre de son application flexible du pacte.

Depuis la communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne a décidé de prendre en compte de nouveaux facteurs pouvant permettre aux États de s’affranchir relativement des objectifs du pacte.

De fait, on a depuis assisté à la multiplication des clauses de flexibilité au pacte, ce qui contribue indirectement à renforcer l’opacité autour de ce dispositif sans pour autant que ces clauses apparaissent toujours efficaces. La multiplication de ces dérogations ne suscite d’ailleurs pas l’adhésion unanime du Conseil.

Sur la base d’un rapport du Conseil économique et financier de 2015, les États ont décidé d’imposer des limites claires aux clauses de flexibilité intégrées au « volet préventif » du pacte, c’est-à-dire applicables aux États dont le déficit public est en deçà de 3 % du PIB. Le Conseil a préconisé que l’écart temporaire et cumulatif des objectifs ne doive pas dépasser 0,75 % du PIB. Par ailleurs, les clauses de flexibilité ne peuvent être utilisées qu’une fois durant la période d’ajustement destinée à équilibrer les comptes publics.

Proposer une nouvelle dérogation apparaît dans le contexte actuel irréaliste et pourrait rajouter à la confusion actuelle entourant l’application du pacte de stabilité et de croissance. Plusieurs observateurs jugent que les clauses sont déjà trop nombreuses, inefficaces et opaques en l’état.

Or c’est justement vers plus de clarté que nous devons tendre. Pour autant, et même si nous partageons sur le fond l’analyse du Gouvernement, nous préférerons ne pas prendre part au vote sur son amendement.

Mme Éliane Assassi. Cela devient une habitude !

M. Claude Kern. En effet, il ne nous semblerait pas très cohérent d’amender un texte que le groupe UDI-UC entend rejeter dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne examinée aujourd’hui à la demande de nos collègues du groupe CRC nous invite à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à notre avenir.

Nous trouvons utile le symbole de cette reconnaissance, à laquelle nous devons prendre notre part, et de bon sens le souhait d’un financement accru. Sans formation de sa jeunesse, sans production de savoir, l’humanité ne grandit pas.

Les profondes mutations qui s’imposent à notre société nécessiteront de plus en plus de connaissances et de compétences. La transition énergétique, par exemple, ne se fera pas sans former les nouvelles générations.

Impossible aussi d’être contre une augmentation du financement face à la massification des effectifs d’étudiants et à l’ambition de diplômer de l’enseignement supérieur 60 % d’une classe d’âge. Nos universités, dont certaines restent sous-dotées, ne peuvent pas assurer les mêmes tâches à moyens constants avec des effectifs qui vont exploser.

À l’instar de la STRANES, comme des auteurs de ce texte, nous appelons à un financement public à hauteur de 2 % du PIB. À l’heure où un chef d’état-major de l’armée française sort de sa réserve pour réclamer un budget de la défense de 2 % du PIB non seulement pour la sécurité contre le terrorisme, mais également pour des achats d’armes et la dissuasion nucléaire, notre proposition de résolution est la bienvenue pour faire contrepoint.

Certes, nos engagements européens nous invitent à la rigueur du pacte de stabilité et de croissance, mais il y a aussi la stratégie de Lisbonne, où le mot « connaissance », que l’on oublie trop souvent, résonnait avec le mot « croissance », croissance sur laquelle les incantations multiples restent sans effet…

La proposition du groupe CRC d’une nouvelle dérogation au pacte de stabilité et de croissance a interpellé la commission des affaires européennes, qui désapprouve une complexification du dispositif et une altération du périmètre des dérogations possibles.

L’ensemble du Sénat doit comprendre que, demain, l’Europe sera cultivée, solidaire et intelligente, ou bien ne sera plus, au risque du chaos ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Dominique Gillot. Exactement !

Mme Marie-Christine Blandin. Nous savons que la droite est plutôt tentée par l’autofinancement des établissements et par la hausse des droits d’inscription.

L’autofinancement additionnel, c’est bien, et ce ne serait qu’un juste retour des sommes englouties par le crédit d’impôt recherche, le CIR. Mais l’autofinancement conditionnel, qui ne permet que des recherches rentables, des productions brevetables ou la sélection des meilleurs aux dépens de la démocratisation et du partage désintéressé des connaissances, c’est non !

Nous en connaissons les risques : abandon des disciplines sans profits rapides, comme la botanique, les sciences sociales, l’expertise sanitaire.

Nous en connaissons aussi les conséquences sur la dépendance des formations médicales par rapport aux laboratoires pharmaceutiques. Saluons au passage les neuf facultés françaises qui forment les futurs médecins et pharmaciens à garder leur indépendance : Lyon arrive en tête, suivi d’Angers.

Enfin, nous en connaissons les dérives ultimes, comme les apports de ces mécènes créationnistes aux États-Unis, qui interdisent d’enseigner Darwin et corrompent la notion de savoir au profit de la notion de croyance.

L’augmentation des droits d’inscription, elle deviendrait vite un mécanisme sélectif, voire dissuasif. Le budget d’un étudiant, c’est aussi le coût du logement, des fournitures, des transports, des soins… Nous ne voulons pas du modèle américain des études à crédit – d’ailleurs ouvertes seulement à ceux qui peuvent emprunter –, modèle que certains économistes désignent déjà comme le prochain danger de bulle explosive, à la manière des subprimes.

Certains verraient aussi d’un bon œil une lourde augmentation des frais pour les étudiants étrangers. Cette erreur nous priverait de la richesse qu’apportent les croisements d’intelligence et cantonnerait l’accès au savoir de la jeunesse des pays en développement aux fils – je dis bien aux « fils », et pas aux « filles » – de leurs notables.

Parce que l’enseignement supérieur constitue un enjeu d’avenir pour France, parce qu’il doit constituer un levier de développement économique et social pour tous, parce qu’il doit rester indépendant, il est juste que l’investissement soit public et ambitieux. C’est d’ailleurs un vrai choix, adossé à des valeurs, qui méritera d’être clarifié dans la bouche de chaque candidat.

Vous l’aurez compris, les écologistes souscrivent à la philosophie de la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir, dont le choix ne saurait être pénalisant pour les pays qui s’y engageront. C’est pourquoi nous voterons avec enthousiasme cette révolution,…

Mme Éliane Assassi. Joli lapsus ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Blandin. … cette « résolution » ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie tout d’abord Brigitte Gonthier-Maurin d’avoir déposé, avec ses collègues du groupe CRC, cette proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir.

Le comité STRANES, dont je fais partie, qui a conduit des travaux de réflexion, de comparaison et d’évaluation très fructueux avec la communauté universitaire, avec les leaders d’opinion et les partenaires européens, avait conclu que les dépenses d’enseignement supérieur et de recherche n’étaient pas des charges, mais bien des investissements.

La proposition de résolution européenne reprend la proposition 36 du rapport de la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur prévue par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce rapport a été remis le 8 septembre 2015 au Président de la République, qui en a fait la ligne de conduite de son gouvernement. Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a validé la stratégie retenue à une très large majorité, ce qui mérite d’être souligné s’agissant de cette instance un peu difficile…

Le 4 mai dernier, à la demande de mon groupe, nous avons débattu de la STRANES en votre présence, monsieur le secrétaire d’État. Considérant que la constance est une qualité dans la responsabilité politique, je soutiens cette proposition de résolution, avec l’espoir de vous convaincre de faire de même, chers collègues.

Lors de ce débat du 4 mai, la majorité sénatoriale avait exprimé son mépris pour une stratégie qualifiée de « démagogique », expliquant par exemple qu’il était « complètement impossible » de supprimer la sélection entre les deux années de master, cette proposition 15 de la STRANES n’apparaissant pour elle que comme une « préconisation pour flatter certains syndicats étudiants ».

Voilà quelques semaines, les mêmes ont changé d’avis sur ce sujet, en votant la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, amendée par mes soins avec son accord, pour y introduire les conclusions de la concertation conduite par le ministère.

Serait-il déraisonnable qu’ils fassent de même pour cette proposition de résolution européenne, qui pose la question fondamentale de la place de l’enseignement supérieur dans notre société, de son financement, et de l’effort conjugué à obtenir de l’ensemble des pays de l’Union européenne ?

Pourquoi financer plus l’enseignement supérieur ? Parce qu’il y a un impératif démographique ; parce que le monde change et, avec lui, le rapport à la connaissance et au travail ; parce que les métiers eux-mêmes changent ! Nous devons être collectivement mieux armés pour appréhender ces évolutions, afin qu’elles bénéficient au plus grand nombre et contribuent à réduire les inégalités.

La robotisation de nos industries, qui s’accélère, le développement exponentiel de l’intelligence dite artificielle et de ses usages, l’utilisation des mégadonnées sont source de développement et de progrès pour notre pays, pour autant que nous nous donnions les moyens de nous en saisir ! Pour autant que l’intelligence humaine accompagne, maîtrise ces évolutions de la science et de la technologie !

Les diplômes de l’enseignement supérieur, du brevet de technicien supérieur, ou BTS, au doctorat, sont un rempart contre le chômage.

Élever le niveau de qualification est donc une ambition et une protection. Nous devons viser l’égalité des chances dans l’accès aux diplômes du supérieur.

Les analyses de la STRANES attestent que l’investissement public est l’une des garanties de cet objectif de démocratisation, en maintenant des frais d’inscriptions réduits et un système d’aides sociales qui permette à tous ceux qui le souhaitent de poursuivre des études supérieures.

Les frais d’inscriptions cristallisent trop souvent le débat sur le financement de l’enseignement supérieur, notamment pour les ambassadeurs du sacro-saint « modèle anglo-saxon ».

Un système à financement privé, notamment par les familles, a peut-être des avantages. Il a surtout ses inconvénients : faibles mobilités sociales, creusement des inégalités entre établissements et territoires, problème macro-économique de la dette étudiante, reproduction des inégalités, attractivité restreinte des études supérieures par autocensure.

Au Royaume-Uni, l’augmentation des frais d’inscription a eu un effet de rétractation du nombre d’inscrits, donc du nombre d’étudiants et, par suite, de diplômés.

Ainsi, 40 % des étudiants sont dans l’incapacité de rembourser leurs emprunts. Comme cela a été souligné, aux États-Unis, les prêts étudiants représentent 6 % du PIB et font craindre une bulle spéculative, raison pour laquelle le Président Barack Obama proposait de réduire les droits d’inscriptions.

Après évaluations et comparaisons, la STRANES a fait le choix de conforter notre modèle de financement majoritairement public de l’enseignement supérieur, à un taux de 82 %, conformément au modèle européen. Le financement de l’enseignement supérieur allemand est à 85 % public, et cette participation peut monter jusqu’à 95 % dans certains pays scandinaves.

Ce choix serait-il le fruit d’une dérive idéologique ? Non ! Il est le résultat d’une stratégie raisonnée, basée sur la connaissance scientifique, qui constate que l’enseignement supérieur constitue un levier de croissance économique, une externalité positive.

Des travaux économétriques ont mesuré l’élasticité des dépenses d’enseignement supérieur sur le PIB. Elle est positive. Chaque année d’étude supplémentaire dans la population a un impact positif sur la croissance.

Selon l’étude de la Ligue des universités européennes de recherche sur la contribution économique des universités de recherche de 2015, chaque euro investi dans les universités françaises génère une valeur ajoutée à l’économie de près de 4 euros et, pour chaque emploi qu’elles créent directement, c’est 3,2 de plus.

Il est donc indispensable de préparer les jeunes à de nouveaux métiers, que nous ne connaissons pas encore pour la plupart, et de permettre aux actifs d’actualiser leurs compétences, voire d’en acquérir d’autres pour être mobiles, épanouis dans leur emploi, coproducteurs de croissance.

Le Gouvernement a pris au sérieux cette question en renforçant la formation tout au long de la vie.

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi travail, dont tous les décrets s’appliquent depuis le 1er janvier dernier, aura permis de mettre en œuvre le compte personnel d’activité, outil de renforcement de la sécurisation des parcours professionnels et de développement du compte personnel de formation, pour lesquels la mobilisation des acteurs de l’enseignement supérieur est fortement requise.

Les établissements d’enseignement supérieur sont conscients de leur responsabilité sociétale dans cette étape de renforcement de la formation tout au long de la vie. Ils mesurent les enjeux qu’elle recèle pour leur propre développement.

Par ailleurs, je tiens à rappeler la part de responsabilité des entreprises dans le financement des formations utiles à leur activité, nécessaires à leur performance. Investir davantage dans l’enseignement supérieur est donc un moyen supplémentaire d’accroître la relance économique de notre pays.

La part du PIB consacré à l’enseignement supérieur est actuellement de 1,49 % en France et de 1,43 % en moyenne dans l’Union européenne. Viser 2 % à l’horizon 2025 est donc non seulement souhaitable, mais réaliste.

Considérant le modèle économique de l’enseignement supérieur, reconduit par la STRANES, qui postule que l’augmentation de l’investissement public est le meilleur moyen d’atteindre cet objectif à terme, la question du maintien du pacte de stabilité est posée.

Lors des travaux du comité STRANES, le directeur adjoint de l’éducation et de la culture à la Commission européenne avait lui-même évoqué l’intérêt de fixer un objectif chiffré aux pays de l’Union européenne en matière d’enseignement supérieur, évoquant même une sortie de ces dépenses du calcul des déficits publics.

C’est une question cruciale, qui convoque l’idée que nous nous faisons de l’Europe et du rôle qu’elle doit jouer au XXIe siècle.

Les principes, s’ils doivent être observés, ne sont pas intangibles. L’appartenance loyale et déterminée à l’Europe ne doit pas empêcher un État stratège qui veut investir dans l’innovation, dans la formation tout au long de la vie, pour permettre à ses travailleurs et à ses industries d’être à la hauteur, à la pointe des évolutions numériques et industrielles et d’imaginer les révolutions de demain. La compétitivité, c’est aussi cela. L’Europe ne doit plus nous décevoir ; elle ne doit plus avoir comme seule grille de lecture le marché et sa libre concurrence !

Il s’agit de protéger nos emplois, nos salariés et assurer une vraie politique de croissance, qui a un coût. Une politique de croissance ne se résume pas à réduire les déficits et les coûts salariaux. L’Europe doit investir et permettre l’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche. L’émergence de grands champions européens est à ce prix. On ne peut pas faire comme si le monde n’existait pas autour de nous ! Cela suppose de lutter contre les critères technocratiques, qui freinent les investissements, y compris immatériels. C’est aussi une question de souveraineté.

En conclusion, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de résolution européenne, dont la mise en œuvre contribuera au renforcement de l’Union, tout autant qu’à celui de notre pays et de ses établissements d’enseignement supérieur. Je pense que ce peut être un bon appui pour le Gouvernement dans ses discussions futures avec ses partenaires de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Républicains.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, estimant, à juste titre, que le développement de l’enseignement supérieur est un élément déterminant pour l’avenir de l’Union européenne et de ses États membres, le texte que nous examinons milite pour que les dépenses publiques afférentes ne soient pas prises en compte dans l’estimation par la Commission européenne du déficit public.

Les signataires de la proposition considèrent qu’une telle disposition devrait permettre à l’Union européenne de parvenir à l’objectif de 2 % de dépenses publiques en faveur de l’enseignement supérieur.

C’est un objectif de l’Union européenne plusieurs fois rappelé dans le cadre du processus de Bologne en 1999, de la stratégie de Lisbonne en 2000 et de la stratégie Europe 2020. C’est devenu un objectif des États membres, ce que la France a prouvé avec les travaux du comité STRANES, validés par le Gouvernement en 2015. J’ai salué le rapport lors de sa présentation devant la commission de la culture.

L’enseignement supérieur dans l’Union européenne compte 20 millions d’étudiants, dans environ 4 000 établissements, et emploie 1,5 million de personnes. Les besoins de financement sont élevés, en raison d’une forte augmentation du nombre d’étudiants au sein des pays de l’OCDE. Selon les estimations, ce nombre devrait doubler en 2030.

L’action de l’Union européenne reste cependant limitée, l’éducation n’étant en effet qu’une de ses compétences d’appui. Elle s’est cependant traduite par de grands programmes d’appui, le plus connu étant Erasmus, qui fête ses trente ans. Pour la période 2014-2020, Erasmus + qui regroupe l’ensemble des anciens programmes de l’Union européenne en faveur de l’éducation, de la formation et de la jeunesse, est ainsi doté d’un budget de 14,7 milliards d’euros, soit un montant en augmentation de 40 %, ce dont nous pouvons nous réjouir.

La dépense publique en matière d’enseignement supérieur dans l’Union européenne plafonne à 1,6 % du PIB. Il est donc urgent de faire évoluer les modalités de financement de l’enseignement supérieur.

C’est la raison pour laquelle Patricia Schillinger et moi-même, corapporteurs de la proposition de résolution devant la commission des affaires européennes, avons souhaité ajouter la phrase suivante dans notre rapport : « En effet, même si la compétence éducation n’est pas une compétence principale de l’Union, compléter le cadre stratégique éducation et formation existant reste possible et même souhaitable. »

Je reste convaincue que les problématiques de l’enseignement supérieur méritent une analyse approfondie et une réflexion complémentaire.

Le rapport à mi-parcours d’Erasmus + devrait être présenté au début de l’année 2017 et pourrait donner lieu à un rapport parlementaire visant à définir une position prospective sur les enjeux, la commission des affaires européennes s’y étant engagée.

Les dépenses publiques en faveur de l’enseignement supérieur peuvent relever de deux logiques. Il s’agit en tout état de cause d’investissements et elles peuvent participer de la mise en œuvre de réformes structurelles. Aux termes de sa communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne considère qu’un État peut déroger, dans une certaine mesure, à ses objectifs budgétaires dès lors que les dépenses constatées concourent à des investissements ou à des réformes structurelles.

Depuis la communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne a décidé de prendre en compte de nouveaux facteurs pouvant permettre aux États de s’affranchir relativement des objectifs du pacte de stabilité et de croissance. Je pense à l’accueil des réfugiés. Les dépenses destinées à faire face à la crise des migrants ne devraient ainsi pas être intégrées à l’évaluation des soldes budgétaires pour les années 2015 et 2016 dans le cadre de la procédure du semestre européen.

Le président de la Commission européenne a estimé, de son côté, le 18 novembre 2015 que « les dépenses de sécurité de la France devraient être exclues des calculs entrant dans le champ des règles de l’Union européenne sur les déficits ». Plus récemment, la Commission européenne a pris en compte les dépenses liées aux tremblements de terre qui ont fragilisé l’Italie en octobre et en août derniers.

La multiplication de ces dérogations ne suscite pas l’adhésion unanime du Conseil.

Des interrogations subsistent également quant à la façon d’évaluer les réformes structurelles ou sur les limites à apporter à l’application répétée des clauses de flexibilité.

L’application de la clause d’investissement est plus encadrée : les gouvernements doivent désormais soumettre des informations détaillées sur les projets d’investissements au service de réformes structurelles.

Il apparaît dans ce contexte assez délicat de proposer une nouvelle dérogation. Il convient, en outre, de relever que plusieurs observateurs jugent que les clauses sont déjà, en l’état, trop nombreuses, inefficaces et opaques. Nos collègues Fabienne Keller et François Marc avaient déjà noté cet état de fait dans leur rapport sur la phase I de l’approfondissement de la gouvernance de l’Union économique et monétaire présenté début novembre.

La proposition de résolution européenne jointe au rapport que nous avons alors adoptée à l’unanimité relève la multiplication, depuis 2015, des clauses de flexibilité au pacte de stabilité et de croissance, cette multiplication contribuant indirectement à renforcer l’opacité autour de ce dispositif sans pour autant que ces clauses apparaissent toujours efficaces. Le texte appelait, de fait, à une clarification politique dans ce domaine.

Le débat qui nous occupe apparaît toutefois légitime et je rejoins Mme Gonthier-Maurin : il s’agit d’un investissement nécessaire à l’avenir.

Néanmoins, il importe de revenir sur certaines questions et de procéder à un examen plus approfondi sur les dépenses de l’enseignement supérieur. Il faut rechercher de nouveaux moyens pour financer cet enseignement. Certains établissements font déjà appel, avec succès, à des financements privés. Il conviendrait de mener une réflexion en ce sens et de réfléchir, notamment, à une participation des entreprises dans une perspective de formation et d’employabilité.

Pour conclure, compte tenu des réserves qui ont été émises tant par la commission des affaires européennes que par la commission de la culture, le groupe Les Républicains n’adoptera pas cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.  M. Yves Détraigne applaudit également. )

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur la proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC nous permet d’affirmer une même conviction sur toutes les travées, et c’est heureux : celle que l’enseignement supérieur est primordial pour l’avenir de l’Union européenne et des États membres. Il représente un élément clé pour construire une économie « durable, intelligente et inclusive » comme l’ambitionne la stratégie Europe 2020.

L’enseignement supérieur est en effet un levier incontesté de croissance, de recherche, d’innovation, de compétitivité et d’emploi à forte valeur ajoutée.

Tout aussi important, l’enseignement supérieur concourt au développement personnel des étudiants et les prépare à une citoyenneté active fondée sur la réflexion critique, confortant ainsi les bases d’une société ouverte et démocratique.

La coopération européenne en matière d’éducation et de formation se poursuit depuis 2010 à travers le cadre stratégique européen Éducation et formation 2020, avec, en matière d’enseignement supérieur, un objectif commun ambitieux fixé à 40 % au moins de diplômés parmi les personnes âgées de 30 à 34 ans. Selon le bilan d’étape de la Commission, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur dans l’Union européenne est ainsi passé de 33,5 % en 2010 à 38 % en 2015.

De tels objectifs nécessitent un effort de financement important et continu des États pour relever le défi, tout en préservant un accès équitable à l’enseignement supérieur.

En termes de PIB, la part des dépenses est en moyenne dans l’Union européenne de 1,43 % du PIB. Elle s’élève en France à 1,5 % et se situe dans les pays du nord de l’Europe entre 1,5 % et 1,7 %.

Pour la période de 2015 à 2020, la Commission et le Conseil ont appelé les États membres à intensifier l’investissement dans l’enseignement supérieur, d’autant que depuis le début de la crise plusieurs États membres ont réduit leurs dépenses.

On ne peut donc que souscrire à l’objectif légitime de la proposition de résolution de voir les dépenses publiques d’enseignement supérieur augmenter. Cette volonté est conforme au modèle européen basé sur un financement essentiellement public de l’enseignement supérieur, à l’exception du Royaume-Uni : selon l’étude Regards sur l’éducation 2014 de l’OCDE, le taux financement public de l’enseignement supérieur était en 2011 de 80,8 % en France, de 84,7 % en Allemagne, de 77,5 % en Espagne. Il est encore plus important dans l’Europe du Nord, avec 89,5 % en Suède et 94,5% au Danemark.

Ce modèle européen tranche au sein de l’OCDE avec d’autres options plus orientées vers le financement privé reposant sur les ménages et les étudiants, comme aux États-Unis, en Australie et au Japon.

L’intensification du financement public de l’enseignement supérieur par les États membres est donc, à mes yeux, une nécessité et ne s’oppose d’ailleurs nullement à une part croissante du financement privé, à condition qu’il ne repose pas lourdement sur les frais d’inscription, mais s’appuie sur la participation des entreprises, notamment privées.

L’OCDE note que les pays où les dépenses privées ont le plus augmenté durant la période de référence 2000-2011 sont aussi les pays où les dépenses publiques ont également le plus augmenté.

Si je soutiens l’objectif d’un accroissement des dépenses publiques d’enseignement supérieur en France et dans l’Union européenne, je pense néanmoins qu’en l’état une extension spécifique de flexibilité dans l’interprétation du pacte de stabilité et de croissance ne pourra aboutir.

La volonté de s’affranchir des règles du pacte pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB à l’horizon 2025, comme le prévoient les auteurs de la proposition de résolution, se heurte au cadre actuel défini par la Commission européenne le 13 janvier 2015. Les clauses « réformes structurelles » et « investissements » ne semblent pas correspondre, en l’état actuel, à l’ampleur des investissements nécessaires. Les dépenses d’enseignement supérieur, par leur importance et par leur nature, ne peuvent pas relever non plus de ces exceptions conjoncturelles.

Le débat doit en revanche se porter sur la nécessaire relance européenne, compte tenu de l’impact des dépenses d’enseignement supérieur sur la croissance, la compétitivité et l’emploi. Tous les sociaux-démocrates défendent en Europe une relance d’ailleurs également évoquée par le Fonds monétaire international, le FMI, le G20 et l’OCDE.

Ce débat implique une réflexion non pas tant sur l’interprétation que sur la modification du pacte de stabilité et de croissance en faveur des politiques de relance. Le think tank social-démocrate Progressive Economy et l’Observatoire français des conjectures économiques défendent l’application d’une règle d’or qui exclurait les investissements publics ayant un impact positif sur le PIB des critères de déficits européens.

Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Patricia Schillinger. C’est dans cette direction qu’il nous faut travailler plutôt que dans celle d’une très hypothétique application des clauses de flexibilité dans leur cadre actuel.

Pour ma part, je voterai l’amendement du Gouvernement et je m’abstiendrai sur le texte, car j’approuve les propos de Mme Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains.

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en ce début d’année charnière, l’examen de cette proposition de résolution européenne présentée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen permet d’aborder un sujet crucial pour notre pays : celui de la formation supérieure des jeunes.

C’est donc évoquer ceux qui construiront le futur de notre pays, et y apporteront croissance économique et rayonnement culturel.

Sans tomber dans le pessimisme, les derniers chiffres du classement de Shanghai ne classent que cinq universités et grandes écoles françaises dans le top 200 mondial. À titre d’information, trente-cinq écoles et universités britanniques ainsi que cinquante-sept établissements américains figurent dans le classement.

Si les méthodes proposées par mes collègues pour renforcer l’enseignement supérieur sont louables, il est clair qu’elles sont, en cette période de contraintes budgétaires, peu réalistes. Pour autant, il est aujourd’hui impératif de consacrer l’enseignement supérieur comme une priorité.

À la croisée des politiques publiques, notre système d’enseignement supérieur et de recherche favorise la croissance de notre pays, l’insertion professionnelle des jeunes et la formation continue des salariés des entreprises françaises.

C’est donc un enjeu à la fois de rayonnement international et de dynamisme économique des territoires.

Toutefois, la volonté de porter plus de 80 % d’une classe d’âge au bac requiert une réflexion sur l’accueil et le devenir de ces jeunes après le bac.

En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 23 % des jeunes sortent de l’université sans aucun diplôme.

En outre, seuls 26 % des étudiants français obtiennent un diplôme supérieur contre 36 % en moyenne pour les pays de l’OCDE.

Il convient donc de s’interroger sur les raisons de ces faibles résultats, car le défi n’est pas simplement financier.

La question première est de savoir si l’orientation de ces jeunes est satisfaisante. De quel niveau d’information disposent-ils pour choisir une filière ? Comment favoriser leur engagement dans les filières d’avenir qui permettront leur intégration professionnelle ?

La question corollaire de la sélection se pose naturellement, notamment pour garantir la cohérence des parcours universitaires. La flexibilité et la fluidité des parcours me paraissent essentielles. Elles sont aujourd’hui encouragées et doivent être poursuivies.

L’intégration des jeunes diplômés dans le marché du travail doit être facilitée. Les liens entre l’entreprise et les établissements supérieurs doivent être étoffés de manière à garantir l’adaptation des formations au plus près des besoins des employeurs. Il convient de développer la logique des cofinancements.

L’apprentissage est un excellent moyen. Cependant, la rencontre entre apprentis et entreprises reste dans certains cas très difficile. Le secteur de l’apprentissage bénéficie toujours d’un déficit d’image, notamment pour ce qui concerne certaines filières.

Il est d’ailleurs très intéressant de voir l’essor de la formation par l’apprentissage et l’accroissement du nombre de diplômés de bac +4 et bac +5. Valorisé par les écoles, recherché par les jeunes et les entreprises, l’apprentissage est perçu comme un vecteur d’employabilité.

De même, le développement d’école de formation porté par les branches professionnelles permet de renforcer ce lien essentiel entre les emplois et les études. Il est aussi garant de la qualité et de la lisibilité des compétences des étudiants.

L’Union des industries et métiers de la métallurgie de Normandie a, par exemple, développé une école de formation intégrée. Les industriels jouent ici un rôle pivot. Il est intéressant de relever que cette connexion se fait à une échelle locale, avec l’engagement de la région.

Enfin, l’installation d’une université ou d’une école sur un territoire est un facteur d’attractivité et un moteur pour le développement économique.

Le rôle des collectivités territoriales est crucial pour mobiliser les ressources dont elles bénéficient, comme la mise à disposition du foncier, et encourager l’installation d’un établissement d’enseignement supérieur. Ce sont des leviers qui favorisent l’implantation et permettent l’attractivité et le rayonnement.

La démarche de la ville du Havre pour renforcer la diversité de l’offre d’enseignement supérieur sur le territoire a permis à de nombreux habitants du bassin de poursuivre leurs études supérieures alors qu’ils n’auraient jamais pu se rendre dans des universités ou des écoles situées dans d’autres villes éloignées du territoire.

La reconnaissance de cette démarche innovante porte dorénavant ses fruits puisque, après Sciences Po, l’ESSEC – l’École supérieure des sciences économiques et commerciales – projette de s’installer bientôt au Havre. Cela permettra aux jeunes Havrais de suivre leur cursus universitaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Ah, Le Havre ! (Sourires.)

Mme Agnès Canayer. Il est donc indiscutable que les élus doivent se fédérer autour de projet pour permettre aux étudiants de suivre leur cursus sur le territoire.

Pour conclure, la qualité de notre enseignement supérieur, certes, peut se mesurer par les sommes investies, mais aussi par la mise en œuvre de méthodes innovantes et pragmatiques, et par les politiques de soutien local.

C’est la raison pour laquelle je voterai contre cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.  M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.

M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut bien admettre que les généreux principes fondateurs de notre république en matière d’éducation et d’enseignement se sont étiolés au fil du temps.

Cette proposition reprend l’idée d’amener les dépenses d’enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l’horizon 2025 en privilégiant les financements publics.

D’abord, je note que la commission des affaires européennes et la commission de la culture considèrent que le budget de l’État ne peut supporter à lui seul la charge induite par un tel objectif. Je rappelle qu’il s’agit d’accorder chaque année 2,5 milliards d’euros supplémentaires au budget de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, je regrette que la piste d’autres sources de financement n’ait pas été suffisamment exploitée. On parle d’égalité et de justice sociale, mais on refuse une augmentation des frais d’inscription alors que cela pourrait alimenter une hausse du nombre des étudiants boursiers. De même, la question du don via des fondations ou de la participation des entreprises n’est pas véritablement traitée.

Enfin, il est quelque peu sclérosant d’aborder la question de l’enseignement supérieur par une telle approche quantitative, car elle manque l’essentiel.

C’est parfois ce qui ressort de cette proposition de résolution. Réclamer « des sous, des sous » c’est, en l’espèce, bien réducteur par rapport à l’enjeu ! C’est un peu comme les médecins de Molière qui répètent : « Le poumon, le poumon » ! Il faut tout le bon sens de Toinette, la servante, pour ouvrir les yeux du vieil Argan, pétrifié.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est donc vous la servante ! Vous n’êtes pas le grand capital ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. François Bonhomme. C’est elle qui le sauvera de Diafoirus, le médecin charlatan, qui lui administre des saignées, des purges et toutes sortes de remèdes, dispensés par des médecins pédants et soucieux davantage de complaire à leur patient que de la santé de celui-ci !

J’ajoute que le principe même de multiplier les dérogations dans le calcul des déficits publics des États membres pour tel ou tel domaine fait perdre tout sens à force d’exception et laisse accroire qu’il y aurait une martingale budgétaire là où l’État a échoué !

D’ailleurs, l’ensemble des membres du Conseil européen nous mettent en garde contre ces dérogations et ces clauses de flexibilité qui se multiplient.

La proposition présente reprend aussi l’une des propositions du comité de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES. Il s’agit de reconnaître l’enseignement supérieur comme « un investissement nécessaire à l’avenir ». Sic… Quelle nouveauté ! Quelle audace !

M. Bernard Vera. Quelle arrogance !

M. François Bonhomme. Voilà vingt, trente, pour ne pas dire cinquante ans que cette volonté est proclamée et réaffirmée, au point de devenir un sermon, une incantation un peu lancinante

D’ailleurs, je note que, sur cette même période, les crédits publics accordés à notre système d’enseignement supérieur sont en progression continue. Pourtant, force est de reconnaître que les résultats n’ont pas suivi ! (Mme Dominique Gillot s’exclame.)

Le classement de Shanghai a été évoqué précédemment. Il nous apprend qu’en 2016 la première université française arrive en trente-neuvième position, quand bien même les esprits réfractaires à ces classements détournent le regard face à la réalité ! Marcel Gauchet exposait récemment que les tentatives de réformes molles assorties de promesses n’ont finalement abouti qu’à discréditer encore la recherche française et à faire fuir les enseignants.

L’année 2016 est la première à voir le nombre de chercheurs décroître en France d’après la Commission permanente du Conseil national des universités.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas faute de les soutenir !

M. François Bonhomme. Au-delà de la novlangue parfois exaspérante qui émaille ce rapport, je me demande si vous croyez véritablement qu’il pose les jalons d’une « refondation » à laquelle, pourtant, nous aspirons tous ?

Je dirai un dernier mot sur sa composition du comité ad hoc de la STRANES. Je le dis ici, monsieur le secrétaire d'État, parce que je vous reconnais par ailleurs un sérieux, une véritable vision et une connaissance du domaine qui vous a été confié depuis votre nomination. Ce comité, qui comprend vingt-cinq personnalités qualifiées, a été nommé par Benoît Hamon, du temps de son court passage au ministère de l’éducation nationale. Le rapport qu’il remet comprend des dizaines de pages, qui reprennent pour la plupart des objectifs généraux et déclamatoires, accompagnés parfois de propos aussi creux qu’emphatiques !

M. François Bonhomme. Certes, ce n’est pas le premier rapport de ce type, et, au pire, il ira finir sa vie au service des archives de la République, ce qui n’est pas bien grave. Mais, ce qui me choque le plus, monsieur le secrétaire d'État, c’est que ce comité se présente comme étant indépendant. (Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Dominique Gillot s’exclament.) Le rapport le souligne d’ailleurs à diverses reprises.

À propos précisément de cette indépendance maintes fois revendiquée, je voudrais quand même dire un mot des conditions de la désignation de la présidente du comité de la STRANES et de son rapporteur, particulièrement affligeantes. (Protestations sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.) La première s’avère être la belle-sœur de Benoît Hamon, son ministre de tutelle !

Mme Dominique Gillot. De tels propos sont honteux !

M. François Bonhomme. Quant au rapporteur, il a pour principale qualité d’avoir été le second de liste sur la liste socialiste aux dernières élections régionales en région Occitanie !

Mme Dominique Gillot. Ce n’était pas le cas lorsqu’il a été nommé !

M. François Bonhomme. Benoît Hamon, candidat à la primaire socialiste, souhaite moraliser la vie publique et combattre les conflits d’intérêts.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. N’avez-vous rien d’autre à dire sur le fond du débat ?

M. François Bonhomme. Vous conviendrez, madame Gillot, que ces types de pratiques affaiblissent sensiblement toutes prétentions à l’indépendance ! J’ai la faiblesse de croire que le monde de l’enseignement supérieur compte suffisamment de talents et de compétences pour éviter ce genre d’écueil.

Ce n’est qu’une raison de plus pour ne pas voter une telle proposition, à l’instar de la commission des affaires européennes et de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je ne reviendrai pas sur le fond du débat. Je respecte par définition tous les points de vue, mais je trouve les attaques ad hominem contre les responsables de la STRANES déplacées.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elles sont scandaleuses !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je les mets sur le compte d’un enthousiasme inéluctable dans des débats sur l’enseignement supérieur.

Je rappelle que ce comité a déposé un rapport qui a été adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche à une très large majorité et qu’il a mené sa mission dans des conditions qui lui ont valu un satisfecit de la part de tous ceux qui ont participé à ses travaux. Les propos de M. Bonhomme me paraissent donc inopportuns.

M. François Bonhomme. Je les confirme !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je respecte votre point de vue, mais je souhaitais exprimer également le mien devant votre assemblée ! (Mme Dominique Gillot applaudit.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Je rappelle que cette proposition de résolution européenne est examinée dans le cadre d’un espace réservé au groupe CRC qui s’achève, en principe, à dix-huit heures trente. Je peux accepter de repousser cette limite à dix-huit heures trente-cinq, voire à dix-huit heures quarante, dans la mesure où la séance a commencé avec quelques minutes de retard, mais je ne pourrai aller au-delà. Il est dix-huit heures vingt, mes chers collègues, et je vous invite donc à être concis, si vous voulez terminer l’examen de ce texte.

Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne.

proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu les conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010 adoptant la stratégie « Europe 2020 »,

Vu la stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES) définie en application de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche,

Considérant que le développement de l’enseignement supérieur dans l’Union doit s’effectuer dans des conditions garantissant l’autonomie intellectuelle des universités et assurant une réelle démocratisation de l’accès aux études supérieures,

Considérant, en conséquence, que les dépenses d’enseignement supérieur doivent être essentiellement couvertes par un financement public,

Considérant que le développement de l’enseignement supérieur est déterminant pour l’avenir de l’Union et des États membres,

Invite le Gouvernement à proposer :

– que l’Union et les États membres s’engagent à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à leur avenir et retiennent un objectif de 2 % du PIB pour les dépenses d’enseignement supérieur à l’horizon 2025 ;

– que les dépenses publiques d’enseignement supérieur ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics des États membres.

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. J’ai défendu cet amendement lors de mon intervention dans la discussion générale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Nous ne pouvons évidemment pas être favorables à l’amendement du Gouvernement, qui tend à vider de sens notre proposition de résolution.

M. le secrétaire d’État a dit qu’il existait plusieurs possibilités pour atteindre l’objectif et qu’il fallait encore les discuter, mais je constate que l’objet de l’amendement n° 1 est tout autre ! Il opère uniquement un rappel de l’orthodoxie budgétaire européenne actuelle, évidemment contraire à l’esprit de la résolution.

Pourtant, le débat sur le bien-fondé de cette orthodoxie budgétaire est ouvert dans toute l’Europe. Des discussions permanentes ont lieu entre différents gouvernements et l’Europe pour assouplir ou réviser les critères. Je pense à la Grèce, au Portugal, à l’Italie. On ne peut donc nous opposer l’impossibilité d’ouvrir en France un tel débat ; notre initiative serait au contraire une bonne occasion de le faire.

Pour les raisons de fond qui ont été exposées par Brigitte Gonthier-Maurin et pour le motif que je viens d’évoquer, nous voterons contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 87 :

Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 30
Pour l’adoption 1
Contre 29

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À ce stade, je veux dire que je ne doute pas que l’ensemble des sénateurs présents sur ces travées portent un intérêt sincère et profond à l’enjeu que représente l’enseignement supérieur pour notre jeunesse : tous, nous souhaitons en faire une priorité.

Voilà pourquoi j’estime que travailler sur ces questions mérite à la fois du sérieux, de la rigueur et du temps. Autant sur la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, de notre collègue Jean-Léonce Dupont, nous avions pu engager un travail très partagé entre les groupes, approfondir le sujet et obtenir un texte rassemblant les uns et les autres, comme l’a rappelé Mme Gillot, autant cela n’a pas été le cas ici.

Je déplore les conditions dans lesquelles cette proposition de résolution européenne, qui avait été par ailleurs rejetée par la commission des affaires européennes, a été examinée en commission de la culture. De mémoire de sénatrice, je n’avais d’ailleurs jamais connu une telle situation, à n’en pas douter extrêmement rare. J’estime que les commissions doivent pouvoir débattre de façon mieux anticipée et plus approfondie.

Mme Éliane Assassi. C’est un peu léger, comme argument !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. Personnellement, j’aurais aimé que le groupe CRC nous saisisse de ces questions en amont. Du fait du délai imparti, j’ai dû désigner le rapporteur le jour même de l’examen du rapport !

Peut-être aurions-nous pu en parler un peu plus en amont, madame Assassi. En effet, cette proposition de résolution aborde des sujets aussi sérieux que l’enseignement supérieur, les moyens qu’on doit lui dédier, l’enjeu que cela représente dans le cadre de la mondialisation, le pacte de croissance et de stabilité, ou encore les déficits publics. Tout cela nécessite tout de même un travail approfondi ! Vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous avez évoqué les différentes hypothèses qui devaient être examinées dans le cadre de la STRANES.

Dès lors, engageons-nous, à l’instar du président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, à poursuivre le travail sur ces sujets.

Mme Éliane Assassi. Nous n’en avons plus le temps !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. D’ailleurs, comme Mme Schillinger et Mme Mélot l’ont toutes deux redit, nous sommes tout à fait d’accord pour continuer à travailler sur ce sujet.

Dans les conditions actuelles, je suivrai bien sûr l’avis de Mme Mélot, qui nous conseille de ne pas adopter cette proposition de résolution. Cette position me semble sage : loin de n’être pas intéressés par l’enseignement supérieur et la recherche, nous voulons leur consacrer un travail très approfondi pour nous donner toutes les chances de réussir.

Vote sur l'ensemble

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Je ne reviendrai pas sur les explications du vote de mon groupe en faveur de cette proposition de résolution.

Je voudrais en revanche apporter un démenti, preuve à l’appui : ce qu’a insinué à la tribune notre collègue François Bonhomme est faux !

Le comité STRANES a été mis en place en février 2014. Geneviève Fioraso était ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche du 21 juillet 2012 au 5 mars 2015. Benoît Hamon a été ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche du 2 avril 2014 au 25 avril 2015. Je ne vois donc pas comment il aurait pu signer un décret de nomination en février 2014 !

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Réglez donc vos comptes plus tard !

M. François Bonhomme. La nomination a bien été faite ès qualités par Benoît Hamon comme ministre de l’éducation nationale. J’évoque d’autant plus facilement le sujet qu’il concerne quelqu’un qui revendique lui-même sa volonté de combattre les conflits d’intérêts ! Il est quand même fort que je me fasse houspiller pour avoir relevé que quelqu’un qui veut moraliser la vie politique fait exactement l’inverse lorsqu’il en a l’occasion ! Madame Gillot, excusez-moi, mais je confirme totalement mes propos !

Mme Dominique Gillot. Ils sont faux !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix la proposition de résolution européenne.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 88 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 153
Contre 187

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir
 

7

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. La commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Philippe Dallier membre du conseil d’administration du Centre scientifique et technique du bâtiment.

8

Nomination de membres de commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : M. Jean Claude Lenoir, Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Henri Tandonnet, Martial Bourquin, Yannick Vaugrenard et Jean Pierre Bosino ;

Suppléants : Mme Delphine Bataille, MM. Joël Labbé, Daniel Laurent, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, Sophie Primas et M. Bruno Sido.

Par ailleurs, il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants aux commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et, d’autre part, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires :

Titulaires : MM. Alain Milon, Gilbert Barbier, Mmes Corinne Imbert, Élisabeth Doineau, M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson et Laurence Cohen ;

Suppléants : Mmes Catherine Deroche, Colette Giudicelli, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean Louis Tourenne et Jean-Marie Vanlerenberghe.

9

Renvoi pour avis unique

Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi (n° 263, 2016-2017) relatif à la sécurité publique, pour lequel a été engagée la procédure accélérée, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

10

 
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Discussion générale (suite)

Littoral et changement climatique

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique (proposition n° 176, texte de la commission n° 267, rapport n° 266, avis n° 246).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons ce soir a pour objet de proposer des solutions concrètes à un problème qui touche progressivement les communes côtières françaises, à savoir l’érosion du trait de côte.

Les effets induits par le changement climatique vont encore accentuer ces phénomènes, dont il nous faut dès à présent anticiper les conséquences.

Avec 7 500 kilomètres de côtes, dont 1 650 kilomètres pour les départements et régions d’outre-mer, la France est particulièrement concernée par les risques littoraux.

Au total, 303 communes ont été identifiées sur le territoire métropolitain français comme prioritaires pour la mise en œuvre des plans de prévention des risques littoraux. Les risques que ces plans visent à prévenir se sont révélés de façon dramatique lors de la tempête Xynthia, en 2010.

La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a été élaborée en mars 2012. Au travers de son programme d’action portant sur les années 2012 à 2015, elle a permis une meilleure identification des aléas et du fonctionnement des écosystèmes côtiers dans leur état actuel, ainsi qu’une vision prospective de leur évolution à 10, 40 et 90 ans.

Je tiens à saluer les travaux menés par le comité national de gestion du trait de côte, que coprésident les députées Pascale Got et Chantal Berthelot, travaux qui ont conduit à cette proposition de loi, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en décembre dernier.

Ce texte vise à doter les communes concernées par l’érosion des côtes d’outils concrets et opérationnels. Ainsi, elles pourront à la fois maintenir une certaine activité humaine, essentielle pour le dynamisme social et économique des territoires, et assurer aux populations concernées une prévention des risques qui soit pragmatique et efficace.

Pour ce qui est des dispositifs liés à la gestion du trait de côte, les amendements introduits en commission au Sénat n’ont pas changé le fond de la mesure adoptée par l’Assemblée nationale.

Le dispositif ainsi proposé, qui vise à anticiper le recul inéluctable du trait de côte, donne aux communes la possibilité de maintenir des activités humaines, qu’il s’agisse de logements ou d’activités économiques – commerce, artisanat, entreprises –, dans des périmètres menacés à moyen terme par l’érosion.

Le préfet peut donc, sur l’initiative des communes concernées, utiliser les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte lors de l’élaboration des plans de prévention des risques littoraux.

Dès lors, les communes ont la possibilité de mettre en place des baux réels immobiliers littoraux, ce qui permettra d’indemniser les propriétaires installés dans des zones d’activités résilientes et temporaires en tenant compte de l’existence du risque d’érosion, tout en leur laissant la possibilité de continuer à occuper leur bien. La proposition de loi permettra ainsi, par exemple, d’apporter une solution concrète et équilibrée aux propriétaires de l’immeuble du Signal, à Soulac-sur-Mer, en Gironde, propriétaires dont la situation juridique se révèle particulièrement complexe.

Il est fondamental de ne pas perdre de vue l’objectif premier : bâtir des outils de gestion collégiale du risque, tout en offrant des mesures d’indemnisation et d’accompagnement par les pouvoirs publics qui soient efficaces et équilibrées.

En effet, je tiens à rappeler que, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, d’une part, la protection des biens par l’action publique ne constitue pas un droit, d’autre part, l’atteinte à l’intégrité physique de la propriété individuelle par les éléments naturels ne peut relever d’une responsabilité directe de l’État. À ce titre, contrairement à d’autres phénomènes naturels, l’évolution du trait de côte du fait de l’érosion est un phénomène à cinétique lente, que l’on peut donc anticiper.

Dès lors, les dispositifs de financement mis en place ne peuvent avoir pour seule origine les prélèvements sur les cotisations « habitation » des assurés, cotisations qui couvrent des phénomènes non prévisibles.

Nous en rediscuterons lors de l’examen des amendements sur l’article 13. En effet, si la mobilisation du Fonds Barnier pour financer une partie du dispositif de rachat des biens par la collectivité reste possible, la mobilisation d’autres sources par l’État comme les collectivités mérite d’être envisagée et discutée, d’une part, pour répondre à l’usage premier du Fonds Barnier et, d’autre part, pour permettre une adaptation locale plus efficace.

Lors de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale, j’avais déjà évoqué plusieurs mécanismes de soutien qui pourraient être utilisés pour une commune qui souhaiterait mettre en place des baux réels immobiliers. Il s’agit en premier lieu, à l’évidence, des contrats de plan État-régions – la dimension « risques naturels » a d’ailleurs déjà été intégrée dans plusieurs contrats de la dernière génération. L’Agence de financement des infrastructures de transports de France pourrait également apporter son concours. Enfin, une mobilisation de la redevance GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – peut également être envisagée.

Comme la gestion du trait de côte relève d’une problématique globale et nécessite une vision de long terme, le Gouvernement maintient cependant son souhait de voir mis en place un mécanisme de financement pérenne dans un contexte de nécessité d’adaptation au changement climatique.

Nous devrons évidemment discuter de la forme de ce mécanisme. En commission, vous avez finalement opté pour l’attribution au Fonds Barnier de ce rôle, alors que le Gouvernement a défendu jusqu’à présent le recours à un Fonds spécifique qui pourrait être alimenté, pour partie, par le Fonds Barnier. Nous partageons totalement l’objectif et la portée de la mesure, et je ne doute donc pas que les débats nous permettront d’aboutir au mécanisme le plus approprié.

Indépendamment du cœur de cible de cette proposition de loi, qui concerne la gestion du recul du trait de côté, j’ai pu constater, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous aviez déposé plusieurs amendements visant à modifier la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, sur divers points.

J’aborde ces sujets depuis plusieurs mois avec un grand nombre de parlementaires concernés. J’ai notamment reçu, avant l’été 2016, les parlementaires des territoires concernés par la question des dents creuses pour discuter avec eux des difficultés particulières que pose aujourd’hui l’interprétation de la loi et des multiples jurisprudences. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec eux des adaptations que je considère comme acceptables – voire nécessaire – parce qu’elles ne remettraient pas en cause l’esprit ou l’équilibre de la loi Littoral, tout en les sécurisant dans leur politique d’aménagement.

En effet, la loi Littoral est une loi majeure pour la protection, la valorisation et la gestion de nos espaces côtiers. Les auteurs de cette loi très moderne avaient une forte préoccupation de prise en compte du local, du terrain, et ont laissé une forte place à l’interprétation pour que le cadre juridique puisse être adapté avec souplesse aux évolutions dans le temps des territoires.

Or, il faut très honnêtement le reconnaître, l’administration française et les élus ont beaucoup de mal à agir dans un cadre basé sur l’interprétation et la jurisprudence, d’où les difficultés concrètes d’application que nous rencontrons.

À la suite d’un travail collégial de plus d’un an, des mesures de clarification ont été identifiées par le réseau Littoral, qui comprend élus et services de l’État. Un atelier de travail sur l’application de la loi Littoral s’est tenu le 3 novembre dernier dans les locaux de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Bretagne, à Rennes, en présence de plusieurs élus bretons et de représentants des tribunaux administratifs, pour tenter de définir un encadrement plus adapté sur la question spécifique des dents creuses.

Je soutiens un certain nombre de mesures techniques, simples et susceptibles d’apporter une réelle simplification et clarification dans la mise en œuvre de la loi Littoral, et je suis prête à leur donner suite. En revanche, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler lors de précédentes discussions, je ne reviendrai pas sur la portée et la philosophie de cette loi fondatrice en termes de préservation du patrimoine côtier français.

J’ai donc déposé un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles la densification par comblement des dents creuses est rendue possible dans des espaces qui ne peuvent pas être qualifiés de villages ou d’agglomérations, sans par ailleurs constituer des zones d’urbanisation diffuse à proprement parler.

De même, je suis favorable à l’extension de la dérogation au principe de continuité à l’ensemble des constructions nécessaires aux activités agricoles et forestières ou aux cultures marines, et non pas uniquement aux activités incompatibles au voisinage des zones habitées.

Néanmoins, je ne pourrais en aucun cas accepter des remises en cause trop larges qui dénatureraient le cadre et le fond de la loi Littoral, a fortiori dans le cadre d’une proposition de loi dont ce n’est pas le cœur et qui, je le rappelle, vise à apporter des solutions précises au problème du traitement de l’érosion du trait de côte.

Pour conclure, je tiens à souligner l’importance que le Gouvernement accorde à cette proposition de loi qui apporte des solutions concrètes à une problématique majeure qu’il convient de traiter dès maintenant.

Avec l’entrée en vigueur de l’accord de Paris et les événements qu’ont connus une partie de ces territoires, nul ne peut ignorer la nécessité d’anticiper les conséquences du réchauffement climatique sur l’évolution de nos côtes : nos concitoyens attendent des réponses rapides et solides. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’océan couvre plus de 70 % de la surface du globe. Il est particulièrement affecté par le changement climatique, qui entraîne un réchauffement de la température de l’eau, une acidification de sa composition et une dilatation de son volume.

Ce dernier effet entraîne une élévation du niveau des mers d’autant plus rapide qu’elle se combine avec la fonte des glaciers de montagne et, dans les zones polaires, des calottes glaciaires. Les experts redoutent une élévation du niveau moyen des mers de 25 à 82 centimètres d’ici à 2100, ce qui aura d’importantes conséquences pour la frange littorale, où sera concentrée 80 % de la population mondiale en 2050.

La France métropolitaine et d’outre-mer ne sera pas épargnée, même si notre pays n’est pas dans la situation de subsidence que connaissent les Pays-Bas, pour lesquels un relèvement même mineur du niveau de la mer peut entraîner la disparition d’une part conséquente de leur territoire national.

Cette élévation exposera davantage nos territoires aux risques de submersions marines et d’érosion côtière, risques dont nous devons dès aujourd’hui anticiper les conséquences.

Ainsi la politique de gestion du trait de côte a-t-elle progressivement évolué au cours des dernières années. Historiquement, on a tenté de maîtriser la nature par la construction d’ouvrages de défense contre la mer, de digues ou de brise-lames. Or ces ouvrages, qui recouvrent 20 % du linéaire côtier, se sont révélés coûteux et souvent peu efficaces, voire contre-productifs, car ils ont aggravé l’érosion à long terme ou l’ont déplacée.

Depuis les années quatre-vingt-dix, on est passé à une approche plus environnementale. On tente désormais de gérer les causes de l’érosion plutôt que ses effets en privilégiant l’anticipation, à travers, par exemple, le rechargement ou le drainage de plages et l’accompagnement de la mobilité des dunes.

En 2009, l’une des recommandations du Grenelle de la mer a été de doter la France d’une stratégie nationale et d’une méthodologie de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense contre la mer. À l’issue des travaux d’Alain Cousin, député de la Manche, cette stratégie nationale a été adoptée le 2 mars 2012, puis mise en œuvre dans le cadre d’un premier plan d’action pour les années 2012-2015. Cette stratégie est notamment à l’origine de l’appel à projets pour la relocalisation des activités et des biens lancé en 2012 dans cinq territoires fortement menacés par ces risques.

Depuis le 22 janvier 2015, cette stratégie fait l’objet d’un suivi par un comité national présidé par deux de nos collègues de l’Assemblée nationale, Pascale Got, députée de Gironde, et Chantal Berthelot, députée de Guyane, également coauteurs de la présente proposition de loi, que Pascale Got a rapportée à l’Assemblée nationale.

Le premier axe de travail du comité du suivi a porté sur l’amélioration de la connaissance de l’évolution du phénomène d’érosion et des dynamiques hydrosédimentaires. Ce volet a été en partie traduit dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et a fait l’objet d’actions prioritaires. Ces dernières ont abouti à l’élaboration de la première cartographie nationale de l’évolution du trait de côte – une seconde carte, enrichie de données plus récentes, sera bientôt publiée – et à la mise en place progressive d’un réseau national des observatoires du trait de côte.

Le second axe de travail porte sur l’élaboration de stratégies territoriales et se concrétise dans la proposition de loi que nous examinons, laquelle prévoit la mise en place d’un cadre juridique et d’outils d’aménagement du territoire prenant en compte la temporalité propre au phénomène du recul du trait de côte.

Au-delà de la nécessaire intégration de ces stratégies nationales et territoriales dans la hiérarchie des normes d’urbanisme, ce texte prévoit deux mécanismes pour concilier risques littoraux et maintien des logements et des activités dans les territoires menacés.

Le premier mécanisme est un zonage intermédiaire entre les zones rouges et les zones bleues des plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRNP : dans les nouvelles zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART, des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés, pour une durée déterminée en fonction du risque. Les modalités de préemption et de délaissement des biens dans ces zones sont adaptées afin de faciliter leur acquisition par la puissance publique et d’éviter les friches.

Le second mécanisme est un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral, dit « BRILI », lequel sera conclu dans les zones d’activité résiliente et temporaire. Ce bail permettra aux collectivités de céder la propriété temporaire d’un bien menacé à un preneur en lui concédant des droits réels.

La spécificité de ce contrat, conclu pour une durée comprise entre 5 et 99 ans, réside dans la mention du risque de recul du trait de côte et des obligations de démolition du bien en cas de réalisation de ce risque avant le terme du bail.

Ces dispositifs sont complexes, mais ils sont attendus. Ils apportent des premières réponses aux collectivités volontaires, aujourd’hui désarmées face au risque de recul du trait de côte.

Pour cette raison, notre commission a adopté une série d’amendements techniques visant à rendre plus opérationnels les mécanismes des ZART et des BRILI.

La commission s’est en revanche interrogée sur le volet financier, madame la ministre, en particulier sur la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte proposé par le Gouvernement. Le problème n’est pas tant la logique consistant à vouloir réserver le Fonds Barnier à des situations d’urgence causées par des risques naturels majeurs plutôt qu’au financement de mesures d’aménagement du littoral. Il tient davantage à l’absence de précisions sur les modalités de constitution de ce nouveau fonds, à quelques mois des prochaines échéances électorales.

M. Charles Revet. C’est très important !

M. Michel Vaspart, rapporteur. Je le dis ici : il n’est pas question d’accepter une contribution des collectivités locales en substitution du Fonds Barnier sans un minimum d’échanges et de concertation avec les associations d’élus au préalable.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Michel Vaspart, rapporteur. Dans l’attente de détails concrets sur ce nouveau fonds, sur le niveau et l’assiette de son financement, sa gestion quotidienne, son entrée en vigueur et les critères d’éligibilité, la commission a privilégié le recours au Fonds Barnier, qui présente l’avantage d’exister et dont la situation financière conduit à penser qu’il pourrait prendre en charge les dépenses induites par la gestion du risque lié au recul du trait de côte.

Madame la ministre, je m’étonne du double discours du Gouvernement. D’un côté, il souhaite limiter le recours au Fonds Barnier, s’agissant pourtant de la gestion d’un risque naturel, de l’autre, il prélève 125 millions d’euros sur les ressources de ce fonds en loi de finances afin de tenir ses objectifs en matière de déficit public !

De plus, notre commission regrette que le calendrier d’examen du texte conduise le législateur à se prononcer sur le financement d’un dispositif alors qu’il n’en mesure pas réellement l’ampleur. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, a déterminé un premier ordre de grandeur pour le bâti susceptible d’être affecté à différents horizons temporels – 2026, 2040 et 2100. Il estime que 800 bâtiments pourraient être impactés en 2040 et 4 000 à l’horizon 2100, soit 10 000 logements et 1 000 locaux d’activité. Des études plus fines étant en cours au CEREMA, il aurait été judicieux d’attendre leurs résultats.

Par ailleurs, je regrette que le calendrier d’examen de cette proposition de loi ne nous laisse pas le temps d’expertiser la situation outre-mer. En Guadeloupe et en Martinique, on dénombre toujours plusieurs milliers d’occupations sans titre de la zone des cinquante pas géométriques par des populations durablement installées, parfois depuis plus d’un siècle. Or, cette zone étant par définition la plus menacée par l’élévation du niveau de la mer, le BRILI pourrait être judicieusement utilisé pour accompagner la régularisation foncière. Qu’envisagez-vous à ce sujet, madame la ministre ?

Enfin, notre commission a estimé que cette proposition de loi ne saurait être complète sans évoquer la question de la loi Littoral. Vieille de plus de trente ans, celle-ci a été rédigée à une époque où les risques liés au changement climatique n’étaient pas pris en compte. Elle constitue aujourd’hui un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte. On se retrouve dans la situation paradoxale où des collectivités ayant élaboré des stratégies locales pour faire face à l’érosion côtière sont actuellement bloquées pour les mettre en œuvre, alors qu’elles ont répondu aux appels à projets du Gouvernement sur la relocalisation ! C’est notamment le cas à Lacanau.

Nous avons par conséquent introduit une série de dérogations à la règle d’urbanisation en continuité afin de permettre le recul stratégique des activités en autorisant notamment l’urbanisation des dents creuses dans les hameaux, la création de ZART en discontinuité ou le recul des installations agricoles, forestières et des cultures marines.

Nous avons également procédé à un alignement sur la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne, afin de permettre la construction d’annexes de taille limitée.

Toutes ces dérogations sont encadrées par de nombreux garde-fous. Elles ne sont pas applicables dans les espaces proches du rivage, c’est-à-dire en covisibilité avec la mer. Il s’agit non pas de remettre en cause la loi Littoral, mais de l’adapter aux nouveaux enjeux des espaces littoraux et de prendre en compte les graves risques juridiques encourus par les maires et les collectivités du littoral.

Je tiens à remercier Philippe Bas, président de la commission des lois et rapporteur pour avis de ce texte, d’avoir accepté la rédaction par les deux commissions d’un amendement identique sur l’urbanisation des dents creuses.

Au total, notre commission a adopté trente et un amendements, dont quinze sont présentés par la commission des lois, signe d’une collaboration de qualité, et ce dans des délais extrêmement contraints. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant de rendre compte du travail de la commission des lois, je tiens à saluer celui, remarquable, qu’a effectué le rapporteur Michel Vaspart.

M. Charles Revet. C’est mérité !

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. Nul n’en a été surpris, car nous connaissons tous ses compétences en matière de gestion du littoral. Nous avons travaillé en parfaite intelligence, ce qui n’est pas non plus surprenant.

La commission des lois s’est saisie pour avis de dix des seize articles de cette proposition de loi.

Le texte transmis au Sénat vise à répondre à un problème concret ayant tendance à s’aggraver année après année : le recul du trait de côte. Des incertitudes juridiques devaient être levées. Les difficultés d’aménagement des littoraux devaient être davantage prises en compte.

Quinze amendements ont été déposés lors de la réunion de la commission des lois ; quatorze ont été adoptés.

La commission des lois a d’abord souhaité lever un certain nombre d’incertitudes juridiques – c’est son rôle –, mais elle a aussi voulu, en tant que commission compétente en matière d’organisation territoriale, renforcer le rôle des élus locaux. À cet égard, je remercie la commission saisie au fond et son rapporteur d’avoir pris en compte l’ensemble de nos recommandations.

La commission des lois, là aussi en accord avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a également souhaité revenir sur les aménagements à la loi Littoral déjà votés à de très larges majorités par le Sénat à plusieurs reprises, faisant ainsi preuve de persévérance.

Je rappelle que nos collègues Jean Bizet et Odette Herviaux avaient fait des propositions très ambitieuses sur ce sujet. Ils avaient notamment prévu la mise en place d’une charte d’application de la loi Littoral à l’échelon régional, laquelle aurait naturellement reçu toutes les garanties de conformité aux règles qu’une grande instance nationale est chargée de faire respecter.

Les dispositions que nous proposons aujourd'hui sont beaucoup moins ambitieuses, mais de bon sens ; elles sont simples, concrètes et pratiques.

Nous proposons ainsi qu’il ne soit plus possible, enfin, de s’opposer à une construction sur un terrain libre situé au milieu de deux terrains construits à l’intérieur d’un hameau si elle respecte toutes les prescriptions du plan local d’urbanisme ou, à défaut d’un tel plan, du règlement national d’urbanisme. Cette mesure est très attendue, non seulement par les familles désireuses de construire leur maison, mais aussi, bien sûr, par les maires qui veulent raisonnablement développer leur commune.

Ce n’est pas la première fois que nous aurons à nous prononcer en faveur de cette mesure. Nous espérons, si le Sénat venait à l’adopter de nouveau, que la majorité à l'Assemblée nationale voudra bien cette fois faire évoluer sa position afin que cette disposition prenne force de loi. Il est plus que temps. Je compte naturellement sur le concours plein et entier du Gouvernement à cet effet.

Nous devons légiférer non pas en fonction de fantasmes, mais pour régler des problèmes concrets. Si nous sommes tous profondément attachés à la loi Littoral, en particulier les élus des territoires littoraux, nous ne devons pas pour autant nous interdire jusqu’à la fin des temps de l’améliorer pour tenir compte d’évolutions jurisprudentielles que nos prédécesseurs n’avaient certainement pas à l’esprit lorsqu’ils ont voté cette loi en 1986. L’interdiction de construire dans ce qu’il est convenu d’appeler les dents creuses ne figure en effet nulle part dans la loi Littoral.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. J’espère que cette solution, que je pense sage, pourra entrer en vigueur. Elle accroîtra l’intérêt de ce texte, qui règle par ailleurs beaucoup de questions, les territoires dont le trait de côte est menacé ne devant pas être privés de toute possibilité d’aménagement et d’activité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à dire que nous regrettons l’absence d’avis du Conseil d’État et d’étude d’impact sur un texte de cette importance. Je suis d’accord avec le président de la commission des lois, M. Bas : nous ne sommes pas là pour faire du dogmatisme. Cela étant dit, il est nécessaire d’être guidé par des principes généraux. Même si nous comprenons bien sûr l’urgence d’agir, cet avis et cette étude manquent à notre réflexion.

Sur le fond, l’objectif de cette proposition de loi est légitime et juste. Il s’agit d’offrir à l’État et aux élus locaux de nouveaux instruments pour faire face au recul du trait de côte lié à l’avancée de la mer. Les anticipations réalisées par le CEREMA démontrent l’ampleur du phénomène. Le législateur doit donc se saisir de ces questions. C’est urgent.

La stratégie nationale mise en place nous semble cohérente – il s’agit d’observer et d’anticiper – et il est souhaitable de lui trouver des traductions législatives. D’ailleurs, comme cela est souligné dans cette proposition de loi, les plans locaux d’urbanisme et les plans de prévention des risques naturels sont des outils très importants d’anticipation et de connaissance. Ils doivent donc être confortés.

Cette proposition de loi a largement été remaniée par la commission au Sénat, souvent pour la rendre plus opérationnelle. Même si je n’ai pas toujours été d’accord avec ce qui s’est dit en commission lors des votes des amendements, force est de constater que ce texte contient globalement des améliorations.

L’objectif est non pas d’empêcher la construction ou le maintien de constructions dans les zones touchées par les phénomènes d’érosion et de montée des eaux, mais bien de créer les conditions de l’aménagement de ces zones de manière sécurisée d’un point de vue juridique, à la fois pour les habitants et pour les élus. Or, nous le savons tous, l’aménagement de ces territoires n’est que très provisoire. Les questions essentielles restent donc la relocalisation des activités et les conditions de départ des habitants.

Nous approuvons les dispositifs favorisant une meilleure information des habitants. À cet égard, nous regrettons la suppression par la commission de l’article 8 bis, qui concerne l’information donnée par les professionnels de l’immobilier. J’ai entendu les arguments du rapporteur sur ce point, mais, honnêtement, il aurait été préférable de le conserver.

Nous approuvons la modification effectuée par le Sénat : les nouvelles zones créées doivent l’être à la demande des collectivités concernées. Pourtant, il est important que le préfet conserve un rôle déterminant dans la procédure. C’est une question de cohérence nationale et de sécurité.

Au fond, l’équation restera cependant la même : le dispositif préconisé ne fonctionnera que si les collectivités s’engagent et préemptent les terrains concernés. Cela suppose des moyens. Or, loi de finances après loi de finances, les moyens des collectivités sont amputés. Cet outil est nécessaire, mais les collectivités auront sans doute les plus grandes difficultés à s’en saisir. Concrètement, les communes et les intercommunalités, aujourd’hui en charge de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite la compétence GEMAPI, auront-elles la capacité de préempter des biens menacés et de les remettre à la disposition des particuliers via un bail réel immobilier littoral ?

Nous avons également des doutes sur les nouvelles responsabilités confiées au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, lequel aurait la charge du financement de l’ensemble de ces mesures.

À ce sujet, le rapporteur s’étonnait, avec raison, de la position du Gouvernement, qui, d’un côté, souhaite limiter le recours au Fonds Barnier, s’agissant pourtant de la gestion d’un risque naturel, et, de l’autre, prélève sur les ressources de ce fonds afin d’atteindre ses objectifs en matière de déficit public.

Plus globalement, nous notons que le budget consacré aux risques hydrauliques et naturels a été réduit entre 2012 et 2015. Le désengagement de l’État est réel. J’espère que, d’année en année, nous continuerons de dire qu’il ne faut pas puiser dans les fonds spécifiques dédiés, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? Il y a donc un hiatus important entre les déclarations d’intention, les compétences données au Fonds Barnier et l’implication réelle du Gouvernement pour lutter contre les risques naturels.

Nous avions pour notre part proposé, sur la question du trait de côte, la création d’un établissement foncier permettant notamment l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations pour gérer la problématique liée à la maîtrise foncière. Or l’État a refusé de s’engager plus avant. Nous le regrettons.

Par ailleurs, nous déplorons qu’au détour de ce texte, la commission ait ouvert la boîte de Pandore de la remise en cause de la loi Littoral, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Non !

Mme Évelyne Didier. L’objet de ce texte, comme je l’ai dit en commission, aurait dû rester circonscrit à la question du trait de côte, les dents creuses constituant une autre problématique. C’est la troisième fois au moins que ce sujet, qui concerne tout le territoire national et non pas seulement le littoral ou les zones de montagne, apparaît dans un texte.

Madame la ministre, vous vous êtes montrée à l’écoute. Nous verrons bien ce qu’il adviendra au cours du débat.

La loi Littoral a trente ans, certes, et mérite des adaptations, bien sûr, mais nous sommes convaincus que la lutte contre l’étalement urbain est impérieuse dans ces zones particulières. Le principe de l’urbanisation continue est un bon principe pour densifier en zone construite, mais la préservation de nos littoraux, ainsi que celle de tous les milieux naturels du reste, face au risque de défiguration architecturale reste d’actualité. Restons vigilants dans ce domaine. Les atteintes au littoral, lorsqu’elles sont perpétrées, sont irréversibles.

Nous serons donc vigilants concernant les dérogations proposées à la loi Littoral et nous ne voterons pas les amendements allant trop loin en ce sens. L’objectif de cette proposition de loi doit bien demeurer d’accompagner les territoires face aux phénomènes naturels qui modifient les conditions de vie autour du littoral, et non pas d’accroître la construction du littoral en question, ce qui constituerait un contresens regrettable.

Au final, cette proposition de loi est utile, car elle définit de nouveaux outils et permet un zonage spécifique prenant mieux en compte les risques d’érosion et de montée des eaux liés au changement climatique. Elle est attendue et contient des éléments positifs en matière d’information des élus et des riverains concernant la prise en compte et l’anticipation des risques, ainsi que l’adaptation des territoires au changement. Elle vise à protéger les riverains et les activités dans ces territoires.

Pour autant, des incertitudes demeurent sur le financement de ces mesures et sur la préservation de la loi Littoral. Les débats devront clarifier ces sujets en particulier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.

Mme Hermeline Malherbe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présente tout d’abord mes meilleurs vœux.

Je me félicite que le Sénat puisse débattre d’un texte spécifique aux territoires littoraux et au changement climatique.

Je ferai tout d’abord un constat. Nous assistons à une situation antagoniste : d’une part, la population vivant ou souhaitant vivre sur la côte est en augmentation ; d’autre part, l’érosion côtière a les conséquences que l’on connaît en termes de sécurité des populations et des biens, de développement économique et de l’environnement. Les enjeux pour les territoires côtiers sont donc considérables.

Nos territoires littoraux, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, représentent 5 800 kilomètres de côtes métropolitaines, mais aussi, côté ultramarin, 4 500 kilomètres de côtes en Polynésie, 3 300 kilomètres en Nouvelle-Calédonie, 1 380 kilomètres dans les Antilles et en Guyane et 460 kilomètres à La Réunion.

Mon collègue Guillaume Arnell a d’ailleurs souligné en commission qu’il était urgent de prendre en compte la diversité des problématiques des territoires d’outre-mer, lesquels sont soumis, par exemple, aux phénomènes cycloniques.

Il est donc de notre responsabilité, en métropole comme en outre-mer, d’anticiper sans excès – sans ouvrir le parapluie – une stratégie de développement durable pour notre littoral.

Dans les Pyrénées-Orientales, où nous subissons depuis plusieurs années des aléas météorologiques plus nombreux et plus intenses, les acteurs locaux prennent petit à petit la mesure des enjeux.

Ainsi, je salue les élus et les acteurs du littoral qui se sont engagés dans la réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls, gérée par le département, dans le Parc naturel marin du golfe du Lion, présidé par Michel Moly, et dans le Parlement de la mer, à l’échelon régional, lequel avait été mis en place par Christian Bourquin.

Les territoires littoraux sont à la fois dynamiques et vulnérables. Alors comment concilier un développement harmonieux de ces territoires attractifs avec l’inéluctable érosion côtière ?

La proposition de loi déposée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale vise à faire évoluer la loi Littoral de janvier 1986 sur le point précis du recul du trait de côte.

D’un point de vue réglementaire, tout d’abord, le texte introduit des avancées importantes : la reconnaissance juridique du recul du trait de côte, une meilleure anticipation et adaptation des territoires et des communes au repli stratégique, la reconnaissance des stratégies nationales, régionales et locales de gestion intégrée du trait de côte et leur nécessaire articulation avec les plans de prévention des risques naturels et les documents d’urbanisme.

Cette proposition de loi prévoit également la création de trois dispositifs.

Elle institue tout d’abord des zones d’activité résiliente et temporaire. En cas de risque de recul du trait de côte, une collectivité territoriale pourra proposer la création d’une ZART dans laquelle des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations pourront être réalisés, utilisés, exploités ou déplacés durant une durée maximale.

La proposition de loi crée ensuite un bail réel immobilier littoral, le BRILI, pour les collectivités publiques et les particuliers. Ce bail permettra la jouissance temporaire des biens situés dans une ZART.

Enfin, le texte crée des zones de mobilité du trait de côte, des ZMTC, pour protéger les écosystèmes et réguler les ouvrages de défense contre la mer – pour ma part, je trouve l’expression « contre la mer » mal choisie… Dans ces zones, la procédure de création de zones de préemption propres est simplifiée au profit du Conservatoire du littoral.

D’un point de vue financier, le texte propose la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte alimenté par les collectivités territoriales, l’État et les assureurs ; la constitution d’une garantie financière par le preneur d’un bail pour permettre la démolition de nouvelles constructions ; une indemnisation des interdictions d’habitation dues au recul du trait de côte. Ces nouveaux outils sont les bienvenus. Ils permettront aux collectivités et aux particuliers de disposer de moyens plus efficaces pour anticiper le recul du trait de côte.

Permettez-moi toutefois, au nom du groupe du RDSE, de vous livrer quelques interrogations.

L’article 9A vise à supprimer les dents creuses. Prenons garde à l’urbanisation non contrôlée ! Il faut trouver le meilleur équilibre possible entre le déploiement d’activités, la sécurité des personnes et des biens et la protection de l’environnement. Quelques possibilités et perspectives intéressantes ont été évoquées à cet égard.

Le texte tel qu’il résultait des travaux de l'Assemblée nationale prévoyait la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte, lequel a été retiré du texte par le Sénat. Faut-il créer un fonds spécifique ou bien faut-il s’en remettre au Fonds Barnier ? Qui doit payer ? L’État, les collectivités ? Sous quelle forme ? Quelles sont les modalités d’éligibilité au fonds ? Ces réponses n’ont pour l’heure pas encore reçu de réponses précises.

Ne vaudrait-il pas mieux prendre le temps de réfléchir à l’élaboration d’un mécanisme pérenne, en s’appuyant sur des études d’impact qui nous permettraient de travailler plus sérieusement ?

Dans le même ordre d’idée, l’article 9B évoque expressément la notion de « submersion marine ». Sur quels critères juridiques va-t-on s’appuyer pour caractériser cette notion ?

Des zones d’ombre subsistent sur toutes ces questions. Il me semble important de les clarifier. Le RDSE a un a priori plutôt positif sur ce texte, mais il choisira de le voter ou non à la lumière des débats qui vont suivre. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je propose à mes collègues de la commission que nous nous retrouvions à vingt heures quarante-cinq en commission pour examiner les amendements du Gouvernement.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Discussion générale (suite)

11

Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

Mme la présidente. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que M. Jean Desessard, président du groupe écologiste, a demandé, le 10 janvier 2017, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 236, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à renforcer la lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens, et déposée le 15 décembre 2016.

Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents, qui se tiendra le 18 janvier prochain.

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Demande par une commission des prérogatives d'une commission d'enquête

Mme la présidente. Par lettre en date du 11 janvier 2017 et conformément à l’article 22 ter du règlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a indiqué au président du Sénat que la commission des lois demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Cette demande sera examinée par la conférence des présidents lors de sa réunion du mercredi 18 janvier.

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Dépôt d’un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport préalable de la Haute Autorité de santé sur les expérimentations relatives à la prise en charge par télémédecine.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et à celle des finances.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Discussion générale (suite)

Littoral et changement climatique

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe UDI-UC.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est le deuxième texte « maritime » que nous examinons depuis un an. Je suis malheureusement contrainte de formuler de nouveau les regrets qui avaient déjà été exprimés lors de l’examen de la proposition de loi sur l’économie bleue, adoptée l’année dernière.

Ces deux propositions de loi portent sur des sujets qui auraient mérité une politique d’ensemble plus ambitieuse. Nous aurions d’ailleurs pu sans mal envisager l’élaboration d’un texte abordant les deux problématiques du développement de l’économie et de l’adaptation du littoral au changement climatique, qui ne me semblent pas être si éloignées l’une de l’autre.

Hélas, une proposition de loi ne peut bénéficier d’une étude d’impact complète, gage de sécurité juridique et de mise en place d’une politique fiable sur le long terme. La question de l’urbanisation en zone littorale, surtout dans la perspective du recul du trait de côte, aurait mérité la conduite d’une telle étude, sachant que le présent texte met en œuvre des procédures qui peuvent avoir de très lourdes conséquences pour nos concitoyens et les collectivités du littoral.

Toujours sur la forme, je m’interroge sur le calendrier d’examen de cette proposition de loi. Présentée en toute fin de session parlementaire, elle ne me semble pas avoir beaucoup de chances d’être adoptée. Je ne peux que regretter une nouvelle fois que nous ayons manqué de temps pour l’étudier.

Pour autant, sur le fond, elle est attendue par les élus locaux, qui se sentent démunis face à la problématique du recul du trait de côte.

Reprenant certaines des quarante mesures formulées par le comité de suivi de la stratégie nationale intégrée du trait de côte, ce texte va dans le bon sens : il crée de nouveaux outils de nature à permettre aux collectivités littorales d’appréhender le recul du trait de côte au travers de leur politique d’urbanisme.

En tant qu’élue vendéenne, plus particulièrement chargée de l’urbanisme, je tiens à saluer ce travail. La rédaction du texte qui nous est soumise aujourd’hui est, grâce aux modifications apportées par les commissions du développement durable et des lois et, bien évidemment, par le rapporteur Michel Vaspart, plus équilibrée que celle issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Les dispositifs sont sécurisés sur le plan juridique, simplifiés, et laissent davantage de liberté aux collectivités, qui pourront y recourir sur la base du volontariat.

Permettez-moi, mes chers collègues, de formuler deux remarques.

La première concerne la question de l’indemnisation, que l’article 2 bis de la proposition de loi aborde d’ailleurs directement.

Nous avons tous en tête l’exemple de l’immeuble Le Signal, en Gironde. Lors de sa construction, en 1967, cet immeuble se trouvait à plus de 200 mètres de l’océan. Aujourd’hui, de tempête en tempête, le trait de côte n’est plus qu’à quelques mètres et les habitants ont dû être évacués. Nous déplorons tous cette situation et les difficultés dans lesquelles se trouvent plongés les copropriétaires, et souhaitons bien évidemment un dénouement qui leur soit favorable.

La commission des lois a apporté des modifications au texte afin d’éviter que l’équilibre financier du Fonds Barnier ne soit remis en cause : je m’en félicite. Nous devons veiller à encadrer le plus justement possible les procédures ouvrant droit au bénéfice de ce fonds, sinon ce système ne pourra pas perdurer. La problématique du recul du trait de côte conduit, à elle seule, à se demander s’il sera suffisant à l’avenir.

Bien que les études menées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, ne soient pas encore achevées, nous savons que de plus en plus d’habitations seront touchées par ce phénomène ; l’indemnisation des propriétaires sera au cœur du problème. L’État, les collectivités sont et seront mis en cause et sollicités s’agissant de propriétés construites. La connaissance et la prise en compte du recul du trait de côte dans les politiques d’urbanisation sont indispensables. La responsabilité doit être considérée pour l’avenir, car le risque est dorénavant connu et les outils permettant sa prise en compte vont se développer. J’espère qu’en parallèle seront réalisés des ouvrages permettant de lutter contre le retrait du trait de côte : des techniques existent ; encore faut-il être en mesure de financer leur mise en œuvre.

J’en viens à ma seconde remarque, qui concerne la loi Littoral. Je comprends les réticences exprimées par certains de mes collègues à l’évocation de son adaptation. L’actualiser ne signifie pas, pour autant, remettre en cause ses fondamentaux. Nous avons l’obligation de nous assurer du respect de l’équilibre qu’elle instaure entre protection de l’environnement, d’une part, et développement économique, d’autre part.

Les articles additionnels adoptés en commission et la recherche d’équilibre qui a présidé à leur rédaction permettent de déroger au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les parties rétrolittorales des territoires des communes soumises à la loi Littoral, tout en précisant les motifs pour lesquels une collectivité peut prendre l’initiative d’élargir la bande littorale des cent mètres, et donc le champ de l’inconstructibilité absolue. Ces propositions émanent de l’excellent rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet. Je souhaite que ceux qui, à l’avenir, décideront des politiques d’aménagement de notre littoral s’en inspirent.

Mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera ce texte, car, comme je l’indiquais il y a quelques instants, il est attendu des élus du littoral. Cette approbation du texte de la commission s’accompagne d’un vœu, comme il est de saison : celui que les questions littorales et, plus généralement, maritimes fassent enfin l’objet d’une politique d’ensemble, cohérente et ambitieuse. Nos concitoyens, nos paysages et notre économie le méritent. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Charles Revet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en mars 2016, une équipe de chercheurs en climatologie de l’université du Massachusetts a publié, dans la très sérieuse revue Nature, des chiffres extrêmement alarmants concernant la montée des eaux sur notre planète. Ils estiment que l’augmentation moyenne du niveau des océans devrait être de plus d’un mètre d’ici à la fin de ce siècle et atteindre jusqu’à une quinzaine de mètres dans les siècles suivants, du fait du début de la fonte des glaces de l’Antarctique, dans le cas où les émissions de gaz à effet de serre ne seraient pas réduites drastiquement dans les toutes prochaines années.

D’autres études, dont certaines établissent d'ailleurs à une cote plus élevée la montée des eaux au XXIe siècle, insistent, elles, sur l’accélération de cette montée des eaux –actuellement de trois à quatre millimètres par an – à partir de 2030 environ, du fait de la désagrégation des landes glacières qui bloquent encore, aujourd'hui, le glissement des glaciers du Groenland vers la mer.

À ce sujet, le rapport d’information sénatorial d’octobre 2015 sur les conséquences géostratégiques du changement climatique établi par nos collègues Cédric Perrin, Leila Aïchi et Éliane Giraud pointait, lui aussi, le phénomène d’érosion côtière, qui pourrait provoquer un recul d’un mètre par an, en moyenne, du trait de côte dans le monde, et donc également en France.

C’est pourquoi l’une des propositions énoncées dans ce rapport et adoptées à l’unanimité par la commission des affaires étrangères est le « développement des études de l’évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises, intégrant l’ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes ». Par ailleurs, les auteurs du rapport préconisent la conduite d’un travail de « relocalisation des activités situées dans les zones les plus risquées ».

À l’appui de ces propositions, dans son rapport de 2015 intitulé Le littoral dans le contexte d’un changement climatique, l’Office national sur les effets du réchauffement climatique, l’ONERC, affirme que « l’anticipation doit guider toute stratégie de développement des territoires côtiers ».

L’intérêt de la présente proposition de loi n’est donc pas à démontrer. Il s’agit de prendre pleinement en considération un facteur de risque majeur, dont on ne mesure probablement pas encore totalement les incidences, y compris une dépréciation forte de la valeur des biens immobiliers qui seront menacés demain par la montée des eaux, l’échéance étant probablement assez rapprochée maintenant. Cette dépréciation n’attendra pas que l’eau arrive sur les perrons des immeubles : elle l’anticipera de plusieurs décennies. Cela veut dire que c’est toute l’économie immobilière qui peut se trouver, dès les prochaines années, totalement fragilisée par ce phénomène de montée des eaux.

En ce sens, la proposition de suppression de l’article 8 bis, qui prévoit l’information par les professionnels de l’immobilier des acquéreurs sur les risques de recul du trait de côte, suscite un léger doute quant à la réalité de la prise de conscience de ce facteur de risque extrêmement important. Adopter une telle mesure est pourtant un signal nécessaire ; nous devons, dès aujourd'hui, développer une stratégie d’anticipation économique, bien au-delà de la mise en œuvre du fonds Barnier, d’un phénomène malheureusement inéluctable, même si, à long terme, nous espérons toujours qu’une action internationale forte et résolue permettra de stabiliser le climat. Il conviendra aussi de se mettre d’accord sur le niveau prévisible de la montée des eaux au cours du XXIe siècle. C’est un exercice difficile que la France ne peut mener seule, mais on ne pourra pas en faire l’économie.

Ce sujet doit suffire à nous mobiliser totalement. Je regrette donc profondément que, ce soir, une part importante de nos débats tourne autour de l’avenir de la loi Littoral.

Toute remise en cause des dispositifs de cette loi fondamentale de préservation de nos espaces côtiers, de nos paysages et d’un de nos grands atouts touristiques devrait faire l’objet de débats approfondis et nécessite énormément de précautions.

Nous savons tous que tout assouplissement de la loi Littoral a toujours entraîné une surinterprétation de la règle, dont nous mesurons les conséquences négatives sur nos paysages. Il suffit de se promener sur nos côtes, dans le Sud comme en Bretagne, pour s’en convaincre.

De fait, l’accumulation d’amendements non accompagnés d’une réelle étude d’impact conduit à la fragilisation de certains grands principes de la loi Littoral, notamment le refus de toute discontinuité dans les aménagements.

Notre discussion de ce matin en commission a d'ailleurs montré que tous les sujets n’étaient pas mûrs. Je pense par exemple à la localisation des zones d’activités, qui ne peut plus être appréhendée à l’échelle communale depuis que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a confié aux intercommunalités la compétence en matière de développement économique. Sur un certain nombre de points qui vont être débattus ce soir, nous avons à mon sens fait preuve de précipitation.

Le groupe écologiste n’est pas opposé à des adaptations très limitées de la loi Littoral visant à remédier aux quelques situations ubuesques qui peuvent exister, mais remettre en cause de grands principes au motif de traiter un petit nombre de cas particuliers ne me semble pas de bonne politique. Cela reviendrait à altérer la substance de la loi Littoral, dont chacun reconnaît l’importance, au moins en paroles. Nous savons tous qu’une brèche dans une digue peut annoncer l’érosion d’un territoire entier : si nous ouvrons une brèche dans la loi Littoral, elle se trouvera balayée à la première tempête ; nous connaissons l’instabilité de notre météo politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Hermeline Malherbe applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens d’abord à saluer l’initiative qui a abouti au dépôt de la proposition de loi que nous allons examiner. Il s’agit, en effet, d’un texte essentiel qui mérite une attention toute particulière, puisque l’érosion côtière affecte 25 % de notre territoire métropolitain. Le territoire français compte près de 19 200 kilomètres de littoral, ce qui représente un réel atout naturel et économique, la longueur du trait de côte atteignant, quant à elle, environ 8 600 kilomètres.

Cette proposition de loi déposée par Pascale Got et les membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale vise à répondre, dans le cadre de la prévention du risque, « au besoin de préservation des espaces et de sécurisation des populations, tout en organisant les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes ».

Alors que s’est conclue à Paris, il y a un peu plus d’un an, la plus grande conférence mondiale sur le climat jamais organisée, la réalité des conséquences du dérèglement climatique s’impose à nous. L’élévation inéluctable du niveau des eaux et l’augmentation des risques qui y sont liés, comme la submersion marine ou les inondations, en sont les manifestations visibles. Elles entraînent, en particulier, l’érosion côtière et, de fait, le recul du trait de côte.

Par ailleurs, le développement constant de l’activité humaine sur ces territoires fragilisés accentue les effets de ces phénomènes déjà prégnants. La pression exercée par la construction de logements est trois fois supérieure sur le littoral à la moyenne nationale. L’INSEE évalue ainsi que la population dans ces zones connaîtra une hausse de plus de 4 millions de personnes d’ici à 2040, ce qui doit nous interpeller.

Les conséquences de ces phénomènes sont nombreuses, particulièrement sur les plans humain et économique.

Ainsi, dans mon département, la Seine-Maritime, un pan de falaise représentant plusieurs milliers de mètres cubes s’est effondré, au Tréport, en 2000 et en 2001. Plus récemment, le 26 août dernier, 50 000 mètres cubes de roches se sont écroulés sur la plage de Saint-Martin-aux-Buneaux. À chaque fois, ces éboulements constituent une menace pour les personnes et les biens. Ils affectent également les activités touristiques.

C’est la raison pour laquelle on ne peut plus faire preuve de laxisme face au phénomène d’érosion côtière au prétexte que ses effets sont continus dans le temps et moins visibles immédiatement que ceux d’une inondation. Les risques afférents, qu’ils concernent les territoires, les biens ou les populations, sont réels et inquiétants, comme je viens de le souligner. Nous en avons, désormais, pleinement conscience. Il est donc de notre devoir d’anticiper les conséquences de cette évolution.

C’est pourquoi, comme le rappellent les auteurs de ce texte, « continuer à vivre sur le bord de mer, à préserver les paysages, à développer le tourisme, les commerces, les activités implique aussi de vivre différemment et de s’adapter au phénomène de recul du trait de côte ».

L’intérêt de cet outil législatif est qu’il permet de pallier les actions et les décisions prises dans l’urgence, à la suite d’un aléa, et d’apporter une solution juridique aux élus confrontés à la problématique des relocalisations.

Certes, plusieurs textes ont déjà été mis en œuvre ces dernières années.

En effet, une « stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte » a été lancée en mars 2012, en cohérence avec la stratégie nationale pour la mer et le littoral, à la suite de la terrible tempête Xynthia.

Pour l’accompagner, un comité national de suivi, présidé par Chantal Berthelot et Pascale Got, a été mis en place le 22 janvier 2015. En octobre de cette même année, « quarante mesures pour l’adoption des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte » ont été élaborées.

Parallèlement, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a permis des avancées grâce à deux mesures phares, à savoir l’établissement annuel par l’État d’une cartographie fondée sur un indicateur national de l’érosion littorale et la reconnaissance juridique des stratégies régionales de gestion du trait de côte dans le cadre des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET, ou des schémas d’aménagement régional, les SAR.

La présente proposition de loi s’articule autour de trois axes et comprend des mesures essentielles pour s’adapter à ce phénomène, ainsi que pour prévenir ses différentes conséquences.

Le premier axe est l’élaboration de politiques d’anticipation des conséquences du changement climatique sur le littoral, en inscrivant dans la loi la notion de stratégie de gestion intégrée du trait de côte et des risques liés à son recul.

Le deuxième axe est l’identification claire du risque lié à ce phénomène de recul du trait de côte par la détermination de critères d’évolution et de gestion intégrée de ce phénomène, conduisant en particulier à la création de zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART.

Je tiens à saluer l’initiative de la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale qui a abouti à l’introduction d’un article prévoyant la mise en place d’un régime transitoire d’indemnisation des interdictions d’habitations résultant d’un risque de recul du trait de côte. Cet article a notamment été inspiré par le cas de l’immeuble Le Signal à Soulac, en Gironde. Construit à 200 mètres du front de mer en 1967, il est interdit depuis janvier 2014, du fait de l’imminence du danger. Or, il ne fait pas, pour autant, l’objet d’un dispositif d’expropriation donnant lieu à une indemnisation à hauteur du prix du bien. Il est à noter que cette affaire fait toujours l’objet d’un contentieux devant le Conseil d’État.

Le troisième axe de ce texte est l’encouragement au développement durable des territoires littoraux par la création de nouveaux dispositifs, notamment un nouvel outil de gestion du trait de côte au sein des ZART, le bail réel immobilier littoral, le BRILI. Celui-ci a pour objet de maintenir l’activité humaine dans les zones concernées par le risque de recul du trait de côte. Son fonctionnement intègre la « temporalité » de ces activités, liée à la survenance du risque.

Cette proposition de loi, dont le champ couvre aussi bien la France métropolitaine que l’outre-mer, nous paraît nécessaire et justifiée, car elle prend en compte les attentes de tous les acteurs concernés par le phénomène d’érosion côtière et de recul du trait de côte, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales, des populations ou encore des agents économiques.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc dans un souci de protection, de solidarité et de responsabilité, à l’égard tant des territoires que des personnes, en particulier des générations futures, que mon groupe votera ce texte, qui marque un véritable progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Rapin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui un texte relatif à l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique présenté par les députées Pascale Got et Chantal Berthelot.

Ce texte arrive une dizaine d’années après la publication par Roland Paskoff, géographe émérite, d’un petit livret jaune intitulé Les plages vont-elles disparaître ? Cet ouvrage, paru en 2005, année de son décès, était prémonitoire… Il nous incombe de sensibiliser davantage nos collègues parlementaires à cette grave question.

Je salue l’important travail effectué par nos rapporteurs, Michel Vaspart et Philippe Bas. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a apporté des modifications à ce texte ; j’y reviendrai, mais c’est avant tout sur la philosophie générale de ce dernier que je voudrais m’exprimer, en tant que président de l’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, et fort d’une expérience de vingt années à la tête d’une commune du Pas-de-Calais très concernée par ce sujet.

À chaque nouvelle tempête, nous constatons les effets du changement climatique. Tous les élus du littoral y sont confrontés, que ce soit en Manche, au bord de l’Atlantique, en Méditerranée ou dans les îles, en particulier en outre-mer, dont le rapporteur a fort opportunément évoqué les problématiques spécifiques dans son intervention liminaire.

Par essence, le littoral est instable et toujours en évolution. Nous avons des illustrations concrètes de ce fait au quotidien sur nos rivages, liées à l’attaque des vagues, à l’érosion éolienne, aux phénomènes naturels, auxquels s’ajoutent les effets des ouvrages de défense contre la mer, qui, construits pour protéger les côtes, ont parfois entraîné le dégraissement ou l’engraissement des plages.

Le contexte climatique a évolué, de même que les contextes démographique et économique, avec la diversification des activités traditionnelles et le développement de nouvelles activités sur le littoral.

Le formidable essor du tourisme balnéaire, l’existence d’activités traditionnelles de pêche et d’aquaculture, de construction et de réparation navale, le développement d’une économie tournée vers les seniors sont sources de nombreux emplois qu’il faut préserver et font de nos territoires littoraux des lieux de vie très animés, mais également des lieux de vie à risques.

Nous avons demandé à l’État de renforcer les efforts entrepris pour améliorer les connaissances, mieux informer les responsables locaux et le public sur les risques encourus, sans pour autant rendre impossible la vie humaine, sociale et économique dans ces territoires.

Nous avons par exemple réclamé que nos collectivités soient aidées à développer une culture du risque au sein des nouvelles populations mal informées sur les dangers de la mer. Les cartographies des risques demandées ont été établies, mais beaucoup reste à faire.

Les risques d’inondation et de submersion marine sont désormais intégrés dans l’aménagement du territoire, grâce au travail important effectué par les services de l’État et les collectivités après le drame de la tempête Xynthia.

L’adaptation à cette nouvelle réalité de nos littoraux doit se faire dans une intelligence des situations, souvent en traitant celles-ci au cas par cas, en fonction des aléas et des enjeux humains et économiques pour chaque collectivité.

Au fond, l’enjeu, ces prochaines années, sera de répondre au double défi de la protection des personnes et des biens et de la poursuite d’activités économiques durables sur notre littoral.

Une première étape a été franchie avec le lancement d’un appel à projets « relocalisation des activités et des biens », dont le bilan conduit à conclure que, à droit constant, certaines actions de relocalisation ne sont pas possibles.

Plusieurs rapports ont déjà constaté, depuis des années, la nécessité d’une adaptation du cadre législatif et réglementaire. Le recul du trait de côte, le risque accru de submersion, la nécessaire relocalisation des biens et des activités menacés, le recours aux énergies marines renouvelables, l’augmentation de la pression démographique et ses conséquences en matière d’assainissement : autant d’éléments qui n’existaient pas il y a trente ans.

Prenons le cas des stations d’épuration. On ne pouvait pas en construire sur le littoral. Devant la croissance de la population et la nécessité de réaliser de tels équipements, des solutions dérogatoires ont été trouvées. Voilà un exemple d’adaptation intelligente et raisonnée, qui doit faire école.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-François Rapin. Dans le même esprit, la construction d’infrastructures destinées à l’installation d’éoliennes en mer a été autorisée ; on peut imaginer bien d’autres innovations à venir.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’articule selon trois axes majeurs.

Le premier a trait à la création de nouveaux zonages au sein des plans de prévention des risques littoraux, les PPRL : les zones d’activité résiliente et temporaire, qui ont déjà été largement évoquées ; je n’y reviendrai pas. La députée Pascale Got m’ayant assuré du soutien de l’administration à l’instauration de ce nouveau zonage au sein des PPRL, je ne peux que me réjouir qu’un nouvel outil soit mis à la disposition des élus qui souhaiteront y recourir. Je craignais en effet que les préfets, peut-être dans un souci excessif de protection, n’ouvrent pas cette possibilité aux collectivités. Attention toutefois à ne pas complexifier la planification spatiale des territoires littoraux ! Je me félicite d’ailleurs, à cet égard, de la suppression, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, des zones de mobilité du trait de côte.

Le deuxième axe est la facilitation de la relocalisation des activités et des biens en arrière du trait de côte, par dérogation au principe de continuité de l’urbanisation. L’article 9 A, introduit sur l’initiative des rapporteurs, constitue une belle avancée.

Le troisième axe concerne l’indemnisation, notamment celle qui devrait être décidée en urgence pour traiter des situations pendantes depuis des années, comme à Soulac.

La création d’un nouveau fonds, proposée par l’Assemblée nationale, semblait hasardeuse en l’absence de source de financement pérenne identifiée. Je me réjouis donc de la suppression de cette disposition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

C’est dans cet esprit de coconstruction avec les services de l’État que nous devons adapter les territoires littoraux au changement climatique et aux risques qu’il induit, en prenant en compte toutes les potentialités économiques de nos littoraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, année la plus chaude depuis les premiers relevés météorologiques, 2016 a, hélas ! battu tous les records, avec une température moyenne supérieure de 1,2 degré à celle de l’ère préindustrielle.

Parmi les nombreux effets pervers de cette accélération du réchauffement, la fonte massive des glaces en Arctique représente une triple menace, attestée par les travaux scientifiques, en particulier ceux du GIEC : disparition d’écosystèmes fragiles, amplification du changement climatique par la réduction de l’albédo, montée du niveau de la mer et risques accrus de submersion marine.

Lors du déplacement que nous avons effectué au Svalbard en juin dernier, nous avons pu prendre directement la mesure de ces évolutions particulièrement inquiétantes, qui imposent d’agir avec détermination à deux niveaux : ceux de l’atténuation de notre empreinte climatique et de l’adaptation anticipée. C’est le sens de l’accord historique qui a été signé à Paris, et que la conférence de Marrakech a commencé à décliner en actions concrètes.

Ces démarches concertées à l’échelle internationale doivent par ailleurs nous inciter à la plus grande exemplarité dans la prise en compte nationale des enjeux de développement et d’aménagement directement liés à ces préoccupations, en particulier pour des territoires littoraux souvent oubliés.

À ces risques naturels s’ajoutent les conséquences d’une forte croissance de l’activité humaine : la densité de population des communes littorales est deux fois et demie supérieure à la moyenne hexagonale ; ces communes concentrent 40 % de la capacité d’hébergement touristique ; la pression de construction de logements est trois fois plus élevée sur le littoral qu’ailleurs ; enfin, l’INSEE estime que la population dans ces zones croîtra de plus de 4 millions de personnes d’ici à 2040.

Deuxième puissance maritime mondiale, la France doit donc mettre en œuvre des solutions efficaces pour répondre aux interrogations et aux inquiétudes légitimes des habitants, des forces vives et des élus concernés. Telle est l’ambition de la présente proposition de loi ; je ne peux que m’en réjouir en tant que sénatrice d’un département littoral.

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très beau département !

Mme Odette Herviaux. Sous-tendu par l’objectif exigeant, mais incontournable, de permettre le développement durable de nos côtes, ce texte renforce la cohérence et les moyens de l’action publique en articulant intelligemment les dynamiques locales et le cadre national de référence. Cette proposition de loi s’inscrit par ailleurs dans la continuité des nombreuses actions entreprises depuis 2012 dans le domaine de la maritimité, dont certaines faisaient suite aux recommandations que Jean Bizet et moi-même avions formulées dans notre rapport sur la loi Littoral : mise en place d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, en cohérence avec la stratégie nationale pour la mer et le littoral, mesures pour l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte, adoption de la loi de reconquête de la biodiversité comportant deux mesures phares, à savoir l’établissement annuel par l’État d’une cartographie fondée sur un indicateur national d’érosion littorale et la reconnaissance juridique des stratégies régionales de gestion du trait de côte dans le cadre des SRADDET ou des SAR, en outre-mer.

Les dispositions de la présente proposition de loi relatives à la reconnaissance des initiatives et des engagements des collectivités locales, notamment à travers les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, vont également dans le sens des préoccupations exprimées à de nombreuses reprises par les sénateurs ; nous y souscrivons donc avec conviction.

Je voudrais, à cet instant, revenir sur l’article 9A, relatif à l’urbanisation des communes littorales. Nous l’avons dit, ces dernières doivent faire face à de multiples pressions et attentes parfois contradictoires. Il faut donc veiller à trouver l’équilibre le plus juste possible entre développement territorial et préservation des espaces et des ressources naturelles. À cet égard, la problématique incontournable des dents creuses a fait l’objet d’échanges très nombreux et constructifs avec vous, madame la ministre. Je tiens à saluer votre écoute et votre ouverture sur ce dossier.

Nous l’avions écrit dans notre rapport sur la loi Littoral : les élus se plaignent surtout de l’hétérogénéité de son application, avec une sévérité, tant de la part du juge que des services de l’État, variant à la fois dans l’espace, d’un département à l’autre, et dans le temps, au gré des fluctuations doctrinales. Pour autant, s’il y a un besoin avéré de rationalisation réglementaire et de sécurisation juridique, adaptation des règles ne saurait devenir synonyme de libéralisation dérégulée. En revenant à l’esprit de la loi Littoral, ainsi que nous le préconisions dans notre rapport d’information sénatorial, il ne s’agit pas d’autoriser, ni même d’envisager un seul instant, la privatisation et le bétonnage des côtes, comme certains nous en font le procès.

Certaines dérogations s’avèrent certes nécessaires dans les parties rétrolittorales, dans le respect des règles de proportionnalité, mais nous ne pouvons approuver celles qui reviendraient à ouvrir la boîte de Pandore, au travers d’effets d’aubaine et d’un laisser-faire qui nuiraient gravement à la qualité et à la durabilité des territoires concernés. Plusieurs amendements ont donc été déposés pour rétablir ces équilibres, et nous étudierons bien entendu avec attention et bienveillance les propositions du Gouvernement.

En conclusion, je tiens à saluer le travail équilibré accompli par M. le rapporteur sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Républicains.

M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de siéger au conseil d’administration du Conservatoire du littoral depuis 2002 ; je l’ai présidé de 2008 à 2012. J’ai également eu le privilège de présider le syndicat mixte d’aménagement de la côte picarde pendant dix ans. Cette côte peu urbanisée est dans une large mesure la propriété du Conservatoire du littoral et du conseil départemental de la Somme et se trouve soumise, qu’il s’agisse de ses falaises ou de ses zones de « bas champs », aux durs aléas liés au changement climatique, qui se manifestent à la fois par la montée de la mer et par la récurrence de violentes tempêtes.

C’est dire l’intérêt que je porte à la situation de nos littoraux métropolitains et ultramarins.

Mon ADN de parlementaire, d’abord député de la baie de Somme puis sénateur de la Somme, a été particulièrement marqué par les opportunités de développement qu’offre ce littoral naturel et magnifique, mais aussi par les craintes réelles que la violence des événements climatiques fait naître à intervalles réguliers dans la population.

J’ai donc participé avec assiduité et intérêt à une part importante des travaux menés à la suite du lancement de l’appel à projets sur la relocalisation dans les territoires, première étape de la mise en place de la stratégie nationale en vigueur. Trois séminaires ont eu lieu entre février 2013 et juin 2015, le dernier, que j’ai eu le plaisir de conclure au nom de l’ANEL, étant consacré à la restitution des travaux. Le comité national de suivi, présidé par les députées Pascale Got et Chantal Berthelot, s’est ensuite constitué, et quarante propositions ont été remises à Mme Royal à l’automne 2015.

La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, dont j’ai été le rapporteur pour le Sénat, a posé les premières bases législatives de la stratégie de gestion du trait de côte, en particulier au travers de son article 112, relatif à la cartographie nationale de l’érosion du littoral, et de son article 159, relatif au rôle du SRADETT dans l’organisation de la gestion territoriale du trait de côte. Une proposition de loi fut ensuite déposée par Mmes Got et Berthelot sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 15 juillet 2016. Le Gouvernement a déclaré l’urgence et ce texte, qui fut examiné le 1er décembre 2016 par l’Assemblée nationale, vient aujourd’hui en débat au Sénat.

M. Michel Vaspart, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Il n’a pas été formellement recouru à la procédure accélérée pour ce texte.

M. Jérôme Bignon. Indiscutablement, un travail important a été accompli depuis plus de trois ans – et même avant, lors de la précédente législature, notamment sous l’impulsion d’Alain Cousin, député de la Manche –,…

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. Très beau département ! (Sourires.)

M. Jérôme Bignon. … une expérimentation menée sur cinq départements permettant de progresser vers l’élaboration d’une stratégie nationale et de dégager des règles générales. L’idée était bonne. L’un des lieux d’expérimentation m’intéressait plus particulièrement, puisqu’il s’agissait de la commune d’Ault, dans la baie de Somme, où la falaise s’effondrait lentement.

Je salue la détermination des deux députées auteurs de cette proposition de loi à aboutir à des réponses concrètes aux graves problèmes que pose le recul du littoral.

Le sujet est complexe et les modifications de notre droit proposées sont nombreuses. Je regrette que l’urgence ne nous permette pas d’approfondir certains sujets, d’autant que le Gouvernement a déposé des amendements ce soir encore.

J’ajoute que s’il est pertinent d’élaborer une proposition de loi sur un sujet simple et bien délimité, tel n’est plus du tout le cas quand le sujet devient complexe, technique. Une proposition de loi se caractérise en outre par l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État permettant d’éclairer les décisions du Parlement. Le travail remarquable accompli par les deux rapporteurs, Michel Vaspart et Philippe Bas, a toutefois permis de pallier en partie ces difficultés.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jérôme Bignon. Je voudrais dire un mot à propos de la loi Littoral. Je partage les réserves exprimées par la ministre. S’il me paraît acceptable de permettre l’urbanisation à la marge des dents creuses dans certains hameaux ou de faciliter le déplacement des installations agricoles ou des cultures marines, j’estime qu’il ne faut pas toucher à la loi Littoral, cette grande et belle loi qui a été votée à l’unanimité, ce qui n’est pas si fréquent s’agissant d’un sujet aussi conflictuel. Aller plus loin reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore ; je m’y opposerai.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, l’examen de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique nous donne l’occasion d’aborder la problématique du recul du trait de côte. Mon département, la Seine-Maritime, subit fortement les effets du changement climatique, qui se manifestent en particulier par l’érosion des falaises crayeuses de la Côte d’Albâtre.

Ainsi, au cours de l’été 2016, trois éboulements de falaise se sont produits entre Le Havre et Dieppe. Cette évolution est identifiée depuis des centaines d’années. Victor Hugo, pair de France, l’évoquait déjà ici même en 1846.

L’intensification des activités humaines sur le rivage, conjuguée aux aléas climatiques, concourt à l’accélération de ces éboulements : un million de mètres cubes de roches disparaissent chaque année en Seine-Maritime.

Le dogmatisme ne permettra pas de protéger les falaises au bord desquelles s’est forgée l’histoire de la Côte d’Albâtre, marquée par la présence des activités agricoles et de pêche. C’est par une démarche responsable et pragmatique, c’est-à-dire équilibrée, que nous pourrons relever le défi de la préservation de ce patrimoine naturel.

M. Charles Revet. Très bien.

Mme Agnès Canayer. Les élus, sur lesquels repose principalement l’élaboration de cet équilibre, doivent concomitamment faire face aux enjeux environnementaux, assurer la sécurité publique des biens et des personnes et promouvoir le dynamisme économique, agricole ou touristique de leur commune.

En Seine-Maritime, l’équilibre est souvent difficile à trouver. La tendance locale est à une sanctuarisation des bords de côte, essentiellement par rachat des terres agricoles sur une bande de 50 mètres par les communes ou le Conservatoire du littoral, voire par expropriation quand le danger encouru est trop important. Il est d’ailleurs intéressant de constater que de nombreuses initiatives, notamment sur le plan touristique, sont prises pour valoriser ce trait de côte rendu à la nature.

Les élus, responsables de la préservation de cet équilibre, sont pleinement conscients des conséquences économiques de cette sanctuarisation pour les professionnels.

Dans cette perspective, l’amendement de la commission tendant à autoriser le comblement des dents creuses apparaît pertinent pour garantir un équilibre entre préservation des espaces naturels et activité économique, notamment agricole. De même, la mise en place des zones d’activité résiliente et temporaire et du bail réel immobilier littoral permettra d’apporter des solutions pragmatiques, car temporaires et évolutives en fonction de l’état de la côte. Je soutiendrai pleinement l’amendement de la commission des lois qui prévoit d’associer le maire de la commune concernée.

En outre, s’il est essentiel que les maires soient associés à ces nouveaux dispositifs, il est impératif qu’ils bénéficient d’un niveau d’information et de formation suffisant. Les maires étant les premiers concernés, ils doivent être formés, surtout dans la perspective de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations.

En effet, certaines communes littorales, rurales pour la plupart, se sentent fortement démunies face au défi du changement climatique et aux mesures à prendre. Le déficit d’information et le manque de lisibilité de la législation viennent accentuer ce désarroi. Les élus réclament une meilleure information et une plus grande association à l’élaboration des mesures, afin de pouvoir jouer au mieux leur rôle de relais auprès des habitants. Il est intéressant de relever que le Conservatoire du littoral est perçu comme un référent par ces derniers.

Enfin, le soutien financier de l’État apparaît essentiel pour permettre aux communes de mettre en œuvre les mesures prévues. L’article 13, qui prévoit la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte, est bienvenu, pour autant que ce fonds soit suffisamment doté et ne soit pas ponctionné, à l’avenir, pour financer d’autres politiques publiques.

Dans une lettre à Adèle, Victor Hugo écrivait : « Ce que j’ai vu à Étretat est admirable. La falaise est percée de distance en distance de grandes arches naturelles sous lesquelles la mer vient battre dans les marées. C’est la plus gigantesque architecture qu’il y ait. Le tout était merveilleux. »

La préservation de nos sites côtiers admirables justifie aujourd’hui que l’on prenne des mesures pragmatiques pour relever le défi du changement climatique. Ce texte, tel qu’il a été amendé par la commission, répond à cet objectif ; c’est pourquoi je le soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC. – Mme Nelly Tocqueville applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique

Chapitre Ier

Élaborer des politiques d’anticipation du changement climatique sur le littoral

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

La section 7 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’environnement est ainsi modifiée :

1° (Supprimé)

2° Au début, il est ajouté un article L. 321-13 A ainsi rédigé :

« Art. L. 321-13 A. – La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte est définie dans un document qui constitue le cadre de référence pour la protection du milieu et la gestion intégrée et concertée des activités au regard de l’évolution du trait de côte à l’échelle d’une cellule hydro-sédimentaire et du risque qui en résulte. Elle est mise en œuvre dans le respect des principes de gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral prévue aux articles L. 219-1 et suivants ainsi qu’en cohérence avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation définie à l’article L. 566-4.

« La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte est élaborée par l’État en concertation avec les collectivités territoriales, la communauté scientifique, les acteurs socio-économiques et les associations de protection de l’environnement concernés. Elle est mise à disposition du public par voie électronique avant son adoption. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’élaboration de la stratégie, le délai dont dispose le public pour présenter ses observations et les modalités selon lesquelles ces observations sont prises en considération.

« La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte est révisée dans les formes prévues pour son élaboration tous les six ans. » ;

2° bis Sont ajoutés des articles L. 321-15 et L. 321-16 ainsi rédigés :

« Art. L. 321-15. – Des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte peuvent être élaborées par les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents en matière de défense contre les inondations et contre la mer prévue à l’article L. 211-7, afin de mettre en œuvre les principes de la gestion du trait de côte définis à l’article L. 321-13 A. Elles sont compatibles avec les objectifs définis conformément à l’article L. 321-14 lorsqu’ils existent.

« Les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte peuvent proposer la création ou la modification de zones d’activité résiliente et temporaire définies au 1° bis du II de l’article L. 562-1.

« Lorsqu’il existe une stratégie locale de gestion des risques d’inondation prévue à l’article L. 566-8, la stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte s’articule avec elle pour former des actions et opérations cohérentes. Le cas échéant, elles font l’objet d’un document unique.

« Art. L. 321-16. – Toute stratégie de gestion intégrée du trait de côte prend en compte la contribution des écosystèmes côtiers à la gestion du trait de côte. Elle fixe des objectifs relatifs à la connaissance et à la protection des espaces naturels afin de permettre à ces écosystèmes de se régénérer et de s’adapter à de nouvelles conditions environnementales, et aux processus de transports sédimentaires naturels d’accompagner ou de limiter le recul du trait de côte. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 321-14 est complété par les mots : « en cohérence avec les orientations de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte définie à l’article L. 321-13 A ».

Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

et suivants

par les mots :

à L. 219-6-1

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent code

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Chapitre II

Identifier le risque de recul du trait de côte

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
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Article 2 bis

Article 2

(Non modifié)

Le titre VI du livre V du code de l’environnement est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Évaluation et gestion du risque de recul du trait de côte

« Section 1

« Définitions

« Art. L. 567-1. – I. – Au titre du présent chapitre, le recul du trait de côte consiste en un déplacement, vers l’intérieur des terres, de la limite du domaine maritime en raison soit d’une érosion côtière par perte de matériaux rocheux ou sédimentaires, soit de l’élévation permanente du niveau de la mer.

« Ce recul du trait de côte peut s’étendre au-delà des limites du rivage de la mer tel qu’il est défini à l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques.

« II. – (Supprimé) » – (Adopté.)

Article 2
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Article 3

Article 2 bis

Le fonds mentionné à l’article L. 561-3 du code de l’environnement finance les indemnités allouées aux propriétaires et aux locataires d’un bien immeuble ayant fait l’objet d’une interdiction définitive d’habiter ou d’occuper les lieux prise en raison du risque de recul du trait de côte pour des faits intervenus avant le 1er janvier 2017.

Ces indemnités sont évaluées sans prendre en compte ce risque et leur montant maximum est fixé à 75 % de la valeur estimée de chaque bien.

I et II. – (Supprimés)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 29 est présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L’amendement n° 42 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et aux locataires

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 29.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il s’agit d’éviter un effet d’aubaine. Le mécanisme d’indemnisation ne concerne en effet que les copropriétaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 42.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 42.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’exception des immeubles dont le permis de construire a été délivré par le maire au nom de la commune, en application d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme

La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. En tant que maire de la commune concernée, Soulac, je souhaite m’exprimer sur ce dispositif d’indemnisation.

L’article 2 bis vise à sortir de l’imbroglio judiciaire les propriétaires de l’immeuble Le Signal, évacué en urgence par arrêté municipal à la suite de l’aggravation de l’érosion au droit de ses fondations. Depuis trois ans, les habitants de cette résidence sont privés de la jouissance de leur bien et réclament le bénéfice du Fonds Barnier.

On peut comprendre le préjudice affectif, moral, patrimonial et financier légitimement ressenti par ces propriétaires. Depuis l’origine, les services de l’État rejettent leur demande, au motif que l’érosion marine n’est pas un risque naturel couvert par le Fonds Barnier. La légalité de ce refus est actuellement soumise au contrôle du Conseil d’État, dont les conclusions sont attendues d’ici à un an.

Mes chers collègues, nous allons donc légiférer sur une affaire pendante devant le Conseil d’État. Si la requête aboutit, cela permettra l’acquisition de l’immeuble, sa démolition et l’indemnisation des propriétaires par voie d’expropriation.

L’article 2 bis anticipe l’hypothèse d’un rejet et vise à offrir une solution de repli aux propriétaires, en leur permettant de bénéficier d’une indemnisation à hauteur de 75 % de la valeur de leur bien.

Pour sécuriser financièrement ce dispositif spécifique, je propose de réserver ce recours aux copropriétaires d’immeubles dont le permis de construire a été délivré par l’État ; c’est le cas de l’immeuble Le Signal. Ainsi, non seulement nous préviendrons une ouverture inconsidérée du bénéfice du fonds, mais nous ciblerons le recours à la solidarité nationale sur des constructions menacées ayant fait l’objet d’un permis de construire délivré par l’État.

En cas d’ouverture du bénéfice du Fonds Barnier, la question de la démolition de l’immeuble demeurera toutefois posée, notamment en cas de désaccord entre propriétaires, car seule l’expropriation pourrait permettre de passer outre d’éventuels blocages.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. L’article 2 bis vise à régler la situation particulière des copropriétaires de l’immeuble Le Signal, à Soulac-sur-Mer, dont le permis de construire avait été délivré par l’État.

Le présent amendement permet de cibler davantage ce dispositif dérogatoire, pour éviter les effets d’aubaine. L’avis est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Il est également favorable.

Les propriétaires pourraient en effet ne pas suivre ce qui nous semble être la voie du bon sens ; il convient de se prémunir contre ce risque.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
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Article 3 bis

Article 3

L’article L. 562-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Au I, après le mot : « terrain », sont insérés les mots : «, y compris côtiers » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis D’évaluer le risque de recul du trait de côte et de délimiter, sur proposition d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales concerné, des zones d’activité résiliente et temporaire.

« Dans ces zones, les plans fixent la durée maximale pendant laquelle des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent être réalisés, utilisés, exploités ou déplacés, sous réserve que cela soit compatible avec l’exposition à d’autres risques naturels. Ils peuvent prévoir, en outre, des mesures d’interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; »

b) Aux 3° et 4°, les mots : « au 1° et » sont remplacés par les mots : « du 1° » ;

3° (Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 30, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

… – Au premier alinéa de l’article L. 562-2 du code de l’environnement, les mots : « au 1° et » sont remplacés par les mots : « du 1° ».

… – Au i) du 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, les mots : « aux 1° et » sont remplacés par les mots : « du 1° au ».

… – Au 6° de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme, après les mots : « au 1° » sont insérés les mots : « et au 1° bis ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART, trois dispositions actuellement applicables dans le cadre d’un plan de prévention des risques naturels : premièrement, la possibilité, pour les préfets, de rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée, après consultation des maires concernés, les dispositions prévues par le PPRN si l’urgence le justifie ; deuxièmement, l’obligation de démolition des constructions méconnaissant les règles d’urbanisme ; troisièmement, la possibilité de refus d’octroi d’un permis de construire ou de décision d’opposition à déclaration préalable pour les constructions achevées depuis plus de dix ans présentant des irrégularités au regard du droit de l’urbanisme.

Mme la présidente. Les amendements nos 5 rectifié bis et 23 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par M. F. Marc, Mmes Blondin et Herviaux, MM. Botrel et Cornano et Mme Claireaux.

L’amendement n° 23 rectifié est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 480-13 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « dans l’une des zones suivantes : » sont remplacés par les mots : « en dehors des zones urbaines déterminées par un document d’urbanisme ou en dehors des parties urbanisées de la commune au sens de l’article L. 111-3. » ;

2° Les troisième à seizième alinéas sont supprimés ;

3° Au dix-septième alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots « six mois ».

La parole est à M. François Marc, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.

M. François Marc. Cet amendement à vocation environnementale vise à faciliter, dans les espaces agricoles ou naturels, c’est-à-dire les zones A et N des documents d’urbanisme, la démolition des constructions dont le permis a été annulé.

La définition des espaces, notamment remarquables, montagnards ou littoraux dans lesquels la démolition est rendue possible est subordonnée à leur délimitation par un document d’urbanisme, alors que toutes les communes du territoire national ne sont pas couvertes par un tel document.

Il convient de concilier le respect de la préservation des espaces agricoles et naturels avec la nécessaire satisfaction des besoins en logements dans les espaces urbains et avec la sécurité juridique des maîtres d’ouvrage concernés, en réduisant de deux ans à six mois le délai dans lequel l’action en démolition peut être entreprise.

Cette proposition assure un juste équilibre entre les intérêts des divers acteurs et l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.

M. Ronan Dantec. Nous proposons nous aussi de ramener le délai de deux ans à six mois. Deux ans, c’est très long. Imaginons une buvette illégalement installée sur une plage : en deux ans, elle peut devenir très populaire ; un rapport de force en faveur de son maintien peut se créer, ce qui sera beaucoup moins facile avec un délai de six mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Les amendements nos 5 rectifié bis et 23 rectifié sont en trompe-l’œil : loin de renforcer la sécurité juridique en réduisant de deux ans à six mois le délai pendant lequel l’action en démolition d’un bâtiment déclaré illégal par la juridiction administrative peut être engagée, leur adoption créerait en réalité davantage de doute et d’insécurité juridique.

À l’heure actuelle, l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme liste précisément les espaces sensibles dans lesquels l’action en démolition est possible. Il s’agit, par exemple, des espaces remarquables, de la bande littorale des cent mètres, des sites Natura 2000, des sites classés. Pour éviter le gel des projets, l’action en démolition n’est pas prévue dans les autres espaces.

Ces amendements tendent à rétablir une formulation vague et non exhaustive autorisant l’action en démolition en dehors des « zones urbaines » ou des « parties urbanisées ». Leur adoption faciliterait par conséquent les démarches contentieuses de certaines associations environnementales, qui paralysent les projets. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’amendement n° 30 vise à opérer une coordination utile : le Gouvernement y est favorable.

Pour ce qui concerne les amendements nos 5 rectifié bis et 23 rectifié, le Gouvernement en souhaite le retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.

L’action en démolition a été recentrée par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; sa mise en œuvre est désormais limitée aux constructions situées dans des zones protégées, où la démolition apparaît comme incontournable. Ces zones comprennent certes des zones non urbanisées, mais également des zones urbaines, notamment des zones industrielles soumises à des plans de prévention des risques technologiques. Je ne peux donc pas être favorable à la limitation du champ de l’action en démolition aux seules zones A et N.

Par ailleurs, réduire à six mois le délai pour l’engagement de l’action en démolition s’agissant de secteurs considérés comme très sensibles nous semblerait contre-productif. Aux termes du rapport Labetoulle, « la menace d’une action en démolition a été l’un des principaux instruments qui ont permis à la France d’être préservée des dérives observées dans d’autres pays européens ».

Il ne nous semble donc pas utile de revenir sur une disposition qui a été le fruit d’un compromis atteint au Parlement après de nombreux débats. Elle n’est en vigueur que depuis un an et demi et nous ne pouvons donc pas encore évaluer de manière précise son application. Il faut lui laisser le temps de produire ses effets avant, le cas échéant, d’y revenir.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 23 rectifié n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article 3 bis

Le I de l’article L. 562-4-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte définie à l’article L. 321-15 prévoyant la création ou la modification d’une zone d’activité résiliente et temporaire a été portée à la connaissance du représentant de l’État dans le département, celui-ci décide si une révision ou une modification du plan de prévention des risques naturels prévisibles est nécessaire. » – (Adopté.)

Article 3 bis
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Article 5

Article 4

(Suppression maintenue)

Article 4
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Article 5 bis

Article 5

(Non modifié)

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 132-2 du code de l’urbanisme est complété par les mots : « , dont un document récapitulant les informations sur les caractéristiques, l’intensité et la probabilité de survenance des risques naturels existants sur le territoire concerné ». – (Adopté.)

Article 5
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Article 6

Article 5 bis

Le second alinéa du I de l’article 40 de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire est complété par les mots : « et, lorsque ces biens sont situés dans une zone d’activité résiliente et temporaire en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1, de la durée pendant laquelle les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent être réalisés, utilisés ou exploités au regard du risque de recul du trait de côte ». – (Adopté.)

Article 5 bis
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Article 7

Article 6

(Suppression maintenue)

Article 6
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Article 8

Article 7

I. – L’article L. 131-2 du code de l’urbanisme est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° En l’absence de dispositions des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou des schémas d’aménagement régionaux prévues à l’article L. 321-14 du code de l’environnement, les objectifs de gestion du trait de côte définis par la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. »

II. – (nouveau) Si le schéma de cohérence territoriale est antérieur à l’approbation ou à la modification de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, il prend en compte les objectifs de la stratégie lors de la première révision qui suit l’approbation ou la modification de cette dernière.

Mme la présidente. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – À l’article L. 131-3 du code de l’urbanisme, après les mots : « et pour le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires », sont insérés les mots : « et la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte ».

B. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À l’article L. 131-3 du code de l’urbanisme, les mots : « qui suit son approbation » sont remplacés par les mots : « qui suit leur approbation ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Il s’agit d’un amendement de cohérence, qui renvoie l’actuel II de l’article 7 à l’article L. 131-3 du code de l’urbanisme, lequel a pour objet d’organiser les liens d’opposabilité entre le SCOT et les documents qui lui sont supérieurs, en l’occurrence la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, lorsque le SCOT préexiste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Cet amendement vise à codifier, à droit constant, une mesure transitoire et de bon sens que nous avions introduite sur proposition de la commission des lois. Celle-ci tend à prévoir que, lorsque le SCOT est antérieur à l’approbation ou à la modification de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, les communes et leurs groupements ne prendront en compte les objectifs relatifs à la gestion du trait de côte que lors de la prochaine révision de leur SCOT.

L’avis de la commission est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 8 bis (supprimé)

Article 8

(Suppression maintenue)

Article 8
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Article 9 A (nouveau)

Article 8 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Les personnes mentionnées à l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce sont tenues de signaler de manière explicite à tout acquéreur, locataire ou bailleur potentiel l’existence d’un risque de recul du trait de côte pesant sur le bien dont la transaction est envisagée, lorsque ce bien est situé dans une zone d’activité résiliente et temporaire au sens du 1° bis du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Nous proposons le rétablissement de l’article 8 bis, résultant de l’adoption d’un amendement présenté par la rapporteur de l’Assemblée nationale. Cet article prévoyait que les intermédiaires immobiliers, principalement les agences immobilières et les syndics s’ils jouent un rôle, même à titre accessoire, en la matière, devront informer leurs clients du risque de retrait du trait de côte. Si une telle information n’est pas donnée dans des conditions satisfaisantes, leurs clients pourront se retourner contre eux, notamment dans le cadre de la mise en jeu d’une responsabilité contractuelle.

La suppression de cet article en commission pose problème au regard de l’esprit de la proposition de loi que nous examinons. Il s’agit de sensibiliser les agents immobiliers à l’importance de leur rôle de conseil.

Même si l’on considère qu’ils remplissent déjà ce rôle, inscrire un tel rappel dans la loi constituerait un signal fort et permettrait d’éviter des situations contentieuses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Je laisse au président Philippe Bas le soin d’expliquer pourquoi.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les agents immobiliers doivent déjà signaler tous les risques encourus aux acquéreurs ou locataires potentiels et ils peuvent être condamnés par un tribunal s’ils ne le font pas. Si l’on veut énumérer les différents risques dans la loi, alors il ne faut pas en oublier : outre l’évolution du trait de côte, il y a les éruptions volcaniques, les avalanches, les inondations… Dans sa sagesse, le législateur a adopté une formulation générale, mise en œuvre par les tribunaux.

Pour la sensibilisation des agents immobiliers, comptons plutôt sur la formation initiale ou continue. Le rôle du législateur est de poser des règles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Ce débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, où j’ai d’ailleurs été battue, n’ayant pas bénéficié d’un soutien tel que celui de M. Philippe Bas…

Sur le fond, monsieur Dantec, nous sommes d’accord, mais les risques ne se résument pas à l’érosion littorale. Par exemple, la responsabilité d’un professionnel de l’immobilier n’ayant pas informé l’acquéreur d’un bien situé dans une copropriété dégradée du montant des charges et des dettes peut être engagée. Cela arrive quotidiennement.

Les informations relatives aux risques naturels figurent d’ores et déjà, je le rappelle, dans les dossiers de diagnostics techniques annexés à la promesse de vente ou au bail de location. En outre, la responsabilité des professionnels est engagée sur le plan civil en cas de dissimulation d’information ou d’omission de vice caché du fait d’un manque de diligence.

Cet amendement est donc satisfait par le droit en vigueur. Il serait plus pertinent de travailler sur ce sujet en concertation avec les représentants des professionnels de l’immobilier, en particulier au sein du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, instance appelée à évoluer prochainement, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire sur d’autres questions, par exemple les discriminations raciales en matière de location de logements.

Nous pouvons aussi, le cas échéant, renforcer les contrôles effectués auprès des professionnels s’agissant du respect de leurs obligations en termes de délivrance d’informations. Il n’est nul besoin de légiférer sur ce point. Je peux tout à fait demander à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de rappeler aux professionnels les règles en la matière.

Il est également possible de saisir les organisations professionnelles au niveau régional afin de les sensibiliser à la nécessité, pour leurs membres, d’exposer à leurs clients les risques que vous avez évoqués.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Ce débat est tout à fait intéressant. S’agit-il véritablement d’un risque ? Que décidera le tribunal si, trente ans après l’achat d’un bien, le propriétaire se retourne contre l’agence immobilière en lui reprochant de ne pas l’avoir informé du rapprochement du trait de côte ? Je ne suis pas du tout certain qu’un tel cas s’inscrive dans le cadre actuel du risque ou du vice caché. C’est pourquoi il est nécessaire de le préciser dans la loi. Cela me paraît plus simple et plus rapide que de renforcer les contrôles, comme le propose Mme la ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. J’y insiste, monsieur Dantec, les obligations d’information sur les risques naturels sont déjà très clairement définies et les professionnels doivent prendre en compte, à ce titre, l’érosion du trait de côte dans les territoires où ce phénomène existe. La loi est très claire sur ce sujet ; c’est sur le plan de la pratique qu’il existe des marges de progrès. Il faut aussi inciter les candidats à l’acquisition ou à la location d’un bien immobilier dans une zone littorale à aller chercher l’information.

Dans le même ordre d’idées, nous connaissons malheureusement des exemples de résidences de tourisme commercialisées dans le cadre du dispositif Censi-Bouvard qui se dégradent parce que les copropriétaires ne peuvent assumer des charges dont l’importance ne leur avait pas été indiquée lors de l’achat. La meilleure façon de mettre la pression sur les professionnels de l’immobilier est de travailler avec eux : on ne peut guère m’accuser de ne pas vouloir faire évoluer les choses dans ce secteur…

J’ajoute que M. Bas a raison de souligner que, si l’on voulait énumérer les risques dans la loi, il serait extrêmement difficile d’être exhaustif. Cela pourrait même être contre-productif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 bis demeure supprimé.

Chapitre III

Encourager le développement durable des territoires littoraux

Article 8 bis (supprimé)
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Article additionnel après l'article 9 A

Article 9 A (nouveau)

L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-10. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, peuvent être autorisées en dehors des espaces proches du rivage :

« 1° La densification des hameaux lorsqu’elle respecte les proportions en hauteur et en volume du bâti existant ;

« 2° La relocalisation des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations mentionnés au 1° bis de l’article L. 562-1 du code de l’environnement dans des zones désignées à cet effet ;

« 3° Les constructions ou installations liées aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines ;

« 4° L’édification d’annexes de taille limitée à proximité d’un bâtiment existant dans des conditions définies par voie réglementaire.

« Ces opérations n’ouvrent pas de droit ultérieur à une extension de l’urbanisation. Elles sont soumises à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages.

« Les hameaux mentionnés au 1° et les zones mentionnées au 2° sont identifiés par un schéma de cohérence territoriale et délimités par un plan local d’urbanisme. Les modifications correspondantes peuvent être adoptées selon la procédure simplifiée prévue aux articles L. 143-37 à L. 143-39 du présent code pour le schéma de cohérence territoriale et aux articles L. 153-45 à L. 153-48 pour le plan local d’urbanisme.

« Le changement de destination des constructions, installations ou annexes mentionnées aux 3° et 4° est prohibé. »

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.

M. Michel Le Scouarnec. L’urbanisation des hameaux, qui va donner lieu à des débats passionnés et passionnants, aurait mérité une loi à elle seule. Cela étant, je salue la volonté très largement exprimée de trouver un consensus sur cette question afin d’apporter une réponse aux véritables drames humains vécus sur nos territoires. Contrairement aux idées reçues, il s’agit non pas de spéculateurs déçus dans leurs espérances, mais bien de personnes qui, du jour au lendemain, se trouvent privées de leur bien. Je pense notamment aux membres de l’association  Les PLUmés .

Par ailleurs – c’est un point essentiel –, les collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme se trouvent aujourd’hui exposées à des contentieux particulièrement coûteux et fréquents.

Le bon sens et la simple observation du milieu auraient dû nous permettre d’aboutir à un accord bien en amont, mais les difficultés de compréhension et d’interprétation des textes ont débouché sur l’apparition de situations ubuesques.

La notion de hameau est finalement variable d’un territoire à l’autre. De ce fait, afin de préciser les conditions d’une possible urbanisation des dents creuses situées dans les hameaux, je me félicite que nos débats puissent, au moins dans une certaine mesure, permettre de mieux définir ce qui caractérise un hameau au regard de l’organisation locale de l’habitat.

Beaucoup de choses, parfois contradictoires, ont été dites. Déclasser, dans les nouveaux plans locaux d’urbanisme, des terrains à bâtir au sein d’espaces urbanisés n’a aucun sens.

Tout le monde reconnaît l’apport positif des lois ALUR et Littoral, qui ont empêché le bétonnage et préservé l’état naturel exceptionnel de la Bretagne et d’autres régions littorales. Nous demandons non pas une déréglementation, mais une adaptation positive aux territoires.

En densifiant les hameaux existants, on peut aussi attirer de jeunes couples désireux soit de bâtir, soit de rénover de vieilles maisons, plutôt que de les concentrer dans des lotissements géants, grands consommateurs de foncier jusqu’alors cultivé.

Il était donc nécessaire de clarifier la législation et les obligations réelles des maires au regard de l’élaboration des PLU et des PLUI.

Il reste à approfondir le sujet de l’urbanisation maîtrisée et adaptée à nos territoires. La question de la consommation du foncier est fondamentale pour les régions confrontées à une forte augmentation de leur population. Comment peut-on interdire de construire dans les dents creuses dans ces conditions, surtout en reculant le trait de côte ?

La densification des dents creuses permet à la fois d’économiser du foncier agricole et de répondre aux besoins nouveaux des communes littorales pour assurer leur développement et surtout mettre en œuvre le recul du trait de côte, rendu indispensable par la montée du niveau de la mer.

Rien n’est jamais figé, pas même la loi Littoral : cela est d’autant plus vrai quand l’intérêt général de nos territoires coïncide avec celui de très nombreux citoyens.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai cet article : même s’il ne résoudra pas tout, il permettra d’apporter un peu plus de lumière et de sécurité juridique.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l’article.

M. François Marc. Les vertus de la loi Littoral ont été saluées et soulignées par tous. Il n’y a pas lieu de la remettre en cause, mais son application se heurte aujourd’hui à des difficultés assez considérables. Ainsi, la jurisprudence se révèle fluctuante et contradictoire, ce qui place les élus dans une situation d’insécurité juridique, en particulier lorsqu’ils sont amenés à élaborer un plan local d’urbanisme. Il importe donc de clarifier les choses. Tel est l’objet de l’article 9 A.

En ce qui concerne les entreprises, des solutions pourront sans doute être trouvées. La question majeure est celle de l’urbanisation des dents creuses.

M. Bas nous a indiqué que la loi Littoral n’interdisait pas de construire dans les dents creuses. Je propose de l’inscrire expressément dans la loi, en ajoutant simplement deux lignes à la rédaction de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, qui prévoit que l’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Selon les experts consultés par l’Association des maires de France, nous réglerions les difficultés en précisant que, en dehors des agglomérations et des villages, cette disposition ne fait pas obstacle opérations qui n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis : c’est l’objet de l’amendement n° 3 rectifié bis que je présenterai tout à l’heure. Cette proposition s’inspire du travail conjoint mené par des élus de tous bords au sein de l’AMF.

Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Nous allons donc consacrer le reste de la soirée à l’examen de dispositions visant à modifier la loi Littoral, alors que l’objet de la proposition de loi est la prise en compte des conséquences du changement climatique pour les territoires littoraux…

L’article 9 A suscite beaucoup d’inquiétude et d’émoi dans le monde associatif. Il relève d’un texte dédié à la révision de la loi Littoral, et non de la présente proposition de loi. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable.

En effet, cet amendement vise à supprimer un article adopté en commission sur ma proposition et celle de la commission des lois.

Cet article tend à adapter la loi Littoral, vieille de plus de trente ans et rédigée à une époque où les risques liés au changement climatique n’étaient pas pris en compte.

Cette loi, à laquelle nous sommes très attachés et qui a permis de préserver nos côtes de la pression foncière, constitue aujourd’hui un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte et au développement des territoires littoraux.

Il convient donc de l’actualiser, mais toutes les dérogations proposées sont encadrées par de nombreux garde-fous. Contrairement, peut-être, à ce que certains souhaiteraient, ces dérogations ne seront notamment pas applicables dans les espaces proches du rivage, c’est-à-dire en covisibilité avec la mer. Il ne s’agit absolument pas de remettre en cause la loi Littoral, mais de l’adapter aux nouveaux enjeux.

De plus, cet article reprend en grande partie les préconisations du rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet. En particulier, la disposition relative aux dents creuses dans les hameaux avait déjà été adoptée par le Sénat avant d’être, malheureusement, supprimée par les députés.

Sur ce sujet, il existe une forte attente des élus locaux du littoral et de la population. Nos concitoyens nous regardent !

M. Jean Bizet. Très juste !

Mme Françoise Gatel. Excellents propos !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Si je ne partage pas certaines positions de la commission, il ne me semblerait pas satisfaisant, pour autant, de supprimer purement et simplement l’article.

Beaucoup d’entre vous ont déploré un calendrier d’examen accéléré, l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, mais je rappelle qu’il s’agit d’une proposition de loi, c’est-à-dire d’un texte d’initiative parlementaire.

J’ai lancé voilà neuf mois, à la demande de nombreux sénateurs et députés, une réflexion sur les moyens d’assurer une plus grande sécurité juridique aux élus. Cette proposition de loi peut permettre des progrès, mais elle ne réglera pas toutes les questions qui se posent au sujet de l’application de la loi Littoral. Ce n’est d’ailleurs pas son objet.

Si l’application de la loi Littoral suscite aujourd’hui nombre de critiques, c’est surtout, selon moi, parce qu’elle est devenue plus effective qu’elle ne l’était auparavant, grâce en particulier à l’implication croissante des services de l’État et des élus. Ses effets prescriptifs sont sans doute plus importants que ce qui avait été imaginé au départ.

Lorsqu’ils élaborent leurs documents d’urbanisme, les élus demandent aux services de l’État de les accompagner dans cette démarche en leur apportant un soutien et des conseils. Or, certains documents d’urbanisme élaborés en suivant les prescriptions de l’État ont été annulés… Je ne suis pas d’une région littorale, mais, pour avoir beaucoup travaillé sur ces questions, je puis vous dire que cela tenait parfois au fait qu’ils ne respectaient pas du tout l’esprit de la loi Littoral en matière d’urbanisation.

La notion de dent creuse n’est pas juridique et peut être appréciée diversement. La principale difficulté est en réalité de définir ce qu’il y a entre le hameau et le village, de distinguer entre les zones qui ne doivent plus être urbanisées et celles qui devraient l’être, en raison par exemple de l’existence de réseaux, le cas des agglomérations et des villages étant quant à lui réglé par la loi.

Nous souhaitions, avant même que cette proposition de loi ne soit déposée, stabiliser la doctrine, la jurisprudence étant parfois contradictoire. C’est dans cette perspective que j’organise, depuis près d’un an, des ateliers juridiques en région et des échanges avec les magistrats de l’ordre administratif et les associations d’élus.

Dans ce contexte, si certaines propositions de la commission me paraissent aller trop loin, je ne crois pas pour autant souhaitable de supprimer purement et simplement l’article. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement n° 20, au profit de celui que je présenterai dans un instant.

Mme la présidente. Monsieur Dantec, l’amendement n° 20 est-il maintenu ?

M. Ronan Dantec. Les explications de Mme la ministre montrent bien que la question n’est pas simple. Nous avons besoin de temps et d’une étude d’impact. Je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Il peut parfois y avoir des avis divergents au sein d’un même groupe… (Sourires.) Initialement, je comptais voter cet amendement. En effet, il ne me semblait pas judicieux d’aborder ce sujet au détour de l’examen d’une proposition de loi relative aux conséquences du changement climatique et au trait de côte, sans l’appréhender dans sa globalité. Les mots n’ont pas le même sens selon les régions, et les situations sont très diverses.

Ma collègue Odette Herviaux m’a expliqué certaines choses, qui m’ont été exposées différemment par un autre collègue : mon information n’est décidément pas complète, et c’est la raison pour laquelle j’étais encline à voter cet amendement de suppression, afin de nous donner le temps de la réflexion. Même si nous vivons actuellement une période de forte incertitude politique, le monde ne va pas s’arrêter, le Parlement retravaillera après les élections. Réglons maintenant la question du recul du trait de côte, pensais-je, et remettons à plus tard l’examen de celle de l’urbanisation des dents creuses.

Cependant, à écouter certains de mes collègues, j’ai bien compris que l’exaspération commençait à monter en Bretagne. Dont acte. Je n’aime guère prendre une décision sans être parfaitement informée, mais je vais faire confiance à Mme la ministre, qui nous a indiqué avoir beaucoup travaillé sur le sujet et fait réaliser des études de cas approfondies et dont je ne me permettrais pas de remettre en cause les convictions en matière de défense de l’environnement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 121-8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages et, à titre exceptionnel, en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.

« En dehors des espaces proches du rivage, le plan local d’urbanisme peut également identifier des secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération, dans lesquels les constructions et installations sont autorisées.

« Un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, villages, secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération et hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. » ;

2° L’article L. 121-10 est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-10. – Par dérogation à l’article L. 121-8, le plan local d’urbanisme peut délimiter des zones dans lesquelles la relocalisation des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations mentionnés au 1° bis de l’article L. 562-1 du code de l’environnement peut être autorisée, en dehors des espaces proches du rivage.

« Le plan local d’urbanisme est soumis à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord fixe les modalités de démantèlement et de remise en état des terrains d’assiette libérés. Il est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. » ;

3° L’article L. 121-11 est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11. – Par dérogation à l’article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. Le changement de destination de ces constructions et installations est interdit.

« L’article L. 121-8 ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. La commission a souhaité créer des dérogations, pour permettre notamment la relocalisation des installations agricoles. Nous partageons son analyse, mais souhaitons préciser, au travers de cet amendement, de nouvelles possibilités d’urbanisation dans les communes littorales introduites par l’article et, surtout, organiser leur mise en œuvre, de sorte qu’elles ne conduisent pas à un développement non maîtrisé de l’urbanisation de territoires à forts enjeux environnementaux et économiques.

Le 1° de l’amendement vise à assouplir les conditions dans lesquelles la densification par comblement de dents creuses est rendue possible dans des espaces qui ne peuvent être qualifiés de villages ou d’agglomérations.

Aujourd’hui, le cas des villages et agglomérations et celui des espaces qui en sont très éloignés sont réglés. Le gros des contentieux porte sur les espaces intermédiaires. Soit on persiste à ne pas sécuriser juridiquement la situation de ces espaces, en estimant qu’il suffit de s’en remettre aux documents d’urbanisme, quitte à ce que le juge prononce des annulations ; soit on décide de préciser les choses dans la loi, pour permettre une densification intelligente de zones délimitées par les PLU qui ne sont pas considérées comme des villages ou des agglomérations, faute de disposer des services et équipements correspondants et de répondre à la définition juridique, mais qui comportent un certain nombre de constructions et dont l’urbanisation permettrait notamment de limiter la consommation foncière, les zones qui ne sont plus urbanisables au titre de la loi Littoral étant sanctuarisées.

Le 2° de l’amendement répond directement à la problématique de la relocalisation des activités et des biens immobiliers à la suite du recul du trait de côte. Il reprend la rédaction introduite en commission, en précisant que l’autorité administrative de l’État devra donner son accord, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, au plan local d’urbanisme, et non projet par projet. Nous craignons en effet que la rédaction actuelle de l’article 9 A ne laisse planer un doute sur ce point.

Enfin, le 3° reprend la possibilité introduite par la commission pour les constructions et installations nécessaires aux activités agricoles, forestières et de cultures marines et l’insère à l’article L. 121-11 du code de l’urbanisme, qui traite spécifiquement de la problématique agricole. La possibilité d’édifier des annexes en dehors des agglomérations, des villages et des secteurs qu’il serait désormais possible de densifier est supprimée, car il nous semble qu’y recourir contribuerait de manière substantielle au mitage des territoires littoraux.

S’agissant de la procédure à suivre pour l’évolution correspondante des documents d’urbanisme, c’est le droit commun qui doit s’appliquer. Je rappelle que le recours à la procédure de révision à modalités allégées, d’une durée moyenne d’un an, sera possible dans un grand nombre de situations.

Ces propositions sont le fruit du travail fait en commission, ainsi que de celui que nous menons depuis neuf mois, après avoir été saisis par un grand nombre de parlementaires et d’élus locaux. Nous avons analysé les jurisprudences et les plans locaux d’urbanisme en cours d’élaboration. Nous avons également eu des échanges avec les magistrats des juridictions administratives sur leur propre compréhension des documents d’urbanisme actuels. Nous pensons que ces propositions assureront davantage de sécurité juridique aux territoires concernés et permettront des avancées très concrètes.

Si l’on veut ouvrir un débat global sur la loi Littoral, cela suppose d’engager une concertation beaucoup plus large, sur la base des travaux de l’ANEL et de l’Association des maires de France.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 44, présenté par M. Le Scouarnec, est ainsi libellé :

Amendement n° 36, alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages.

« En dehors des espaces proches du rivage, le plan local d’urbanisme peut également identifier des secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération, dans lesquels les constructions et installations sont autorisées si elles n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. S’il va dans le bon sens, l’amendement du Gouvernement ne nous satisfait pas pleinement. Il n’apporte pas suffisamment de précisions, notamment, sur la notion de hameau ni sur celle de hameau nouveau.

Nous sommes convaincus de la nécessité de préserver les terres agricoles et de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Le présent sous-amendement a pour objet de supprimer la notion de hameau nouveau, qui suppose la création de nouveaux foyers d’urbanisation mal définis, afin de favoriser la densification des hameaux existants, en permettant le comblement des dents creuses dans le cadre des PLU ou des PLUI. Cela répond à une demande très largement exprimée par les élus locaux : ils souhaitent non pas qu’on les autorise à créer de nouvelles zones d’habitation, mais que les dents creuses des hameaux existants puissent devenir ou de redevenir constructibles. Parallèlement, il me paraît essentiel de poursuivre les efforts pour réduire la taille des parcelles, afin de préserver les paysages.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. F. Marc, Mmes Blondin et Herviaux, M. Botrel et Mme Claireaux, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-10. – Par dérogation à l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières, aux activités économiques et aux services publics présentant un intérêt général peuvent être autorisées en dehors des espaces proches du rivage avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. »

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je tiens tout d’abord à saluer le volontarisme de Mme la ministre sur ce sujet sensible pour nos communes littorales. J’espère que nos débats déboucheront in fine sur des avancées concrètes.

L’amendement n° 4 rectifié bis, qui reprend des propositions de l’AMF, concerne les entreprises et les artisans. C’est un sujet majeur, car nos communes côtières perdent beaucoup d’emplois, la loi Littoral empêchant certaines entreprises de s’y développer comme elles le souhaiteraient.

Je ne saurais manquer de citer l’exemple de la commune de Plouvien, dans le Finistère, qui, pour contourner la loi Littoral et permettre le développement d’une entreprise agroalimentaire de 400 salariés, a cédé gratuitement à la commune voisine, après deux années de procédure, les 200 mètres de bande littorale qu’elle possédait …

Que des communes soient contraintes de recourir à ce genre d’artifice pour permettre aux entreprises de maintenir leurs emplois sur place ou aux artisans de créer les locaux nécessaires à leur activité est difficilement acceptable. Nous souhaitons attirer l’attention sur cette situation. Je sais que Jean Bizet présentera des amendements relevant du même esprit. (M. Jean Bizet et Mme Maryvonne Blondin applaudissent.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. L’amendement n° 36 du Gouvernement revient sur des dérogations au principe de continuité de la loi Littoral adoptées par notre commission avec l’appui de la commission des lois. Vous comprendrez donc, madame la ministre, que je ne puisse émettre un avis favorable.

Je tiens néanmoins à saluer publiquement votre esprit d’ouverture, car, jusqu’à présent, nous nous voyions plutôt opposer une fin de non-recevoir par les services de l’État dès lors que nous commencions à évoquer les difficultés posées par l’application de la loi Littoral…

S’agissant du comblement des dents creuses dans les hameaux, le Gouvernement propose de s’en tenir aux critères fixés par la jurisprudence du Conseil d’État, tout en la sécurisant au moyen de zonages dans les PLU. Il s’agit d’un petit pas en avant, mais qui ne permettrait en rien de résoudre les problèmes rencontrés actuellement par les élus locaux.

L’amendement n° 36 tend également à supprimer la dérogation pour la construction de petites annexes, que la commission a introduite par parallélisme avec la mesure adoptée pour les communes de montagne dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, en décembre 2016.

Seul point positif, je me félicite de ce que cet amendement ne touche pas à la dérogation pour les activités agricoles et retienne les propositions que j’ai formulées s’agissant du recul des biens menacés par la montée des eaux, notamment pour les ZART. La précision relative aux modalités de démantèlement et de remise en état des terrains d’assiette libérés figure d’ailleurs dans l’amendement n° 31 de la commission.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 44, j’émets également un avis défavorable, même si je suis bien évidemment favorable à la suppression du dispositif relatif aux hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. En effet, ce dispositif ne peut fonctionner, compte tenu notamment de l’attitude adoptée par les architectes des bâtiments de France sur ce type de dossiers. J’observe que l’amendement n° 3 rectifié bis de M. François Marc prévoit également la suppression de cette notion.

Quant à l’amendement n° 4 rectifié bis, il est satisfait par la rédaction de l’article 9 A adoptée par la commission en ce qui concerne les activités agricoles, forestières et les cultures marines.

S’agissant des activités économiques et des services publics présentant un intérêt général, je partage la volonté exprimée d’assouplir le mécanisme de la loi Littoral, mais la rédaction proposée n’est pas satisfaisante sur le plan juridique. Sur le fond, elle permettrait également de construire des centres commerciaux en covisibilité avec la mer, ce qui est peut-être un peu excessif…

Je propose aux auteurs de cet amendement de le retirer au profit de l’amendement n° 16 de Jean Bizet, qui tend à instaurer une dérogation pour la création de zones d’activités économiques et dont la rédaction, plus satisfaisante, s’inscrit dans le cadre du dispositif dérogatoire de l’article 9 A.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Si nous avons manifestement un désaccord, monsieur le rapporteur, je ne pense cependant pas qu’il porte sur le fond ; nous cherchons tous des solutions qui soient satisfaisantes.

La rédaction proposée par la commission pour l’article 9 A permet la densification sans réserve de tous les hameaux. Or il me semble qu’il faut établir une distinction entre les hameaux les plus importants, qui ne sont pas considérés comme des villages parce qu’ils ne remplissent pas les critères retenus par la jurisprudence en termes d’offre de services, et les autres. Ce sujet n’est pas spécifique à la loi Littoral ou à la loi Montagne : il intéresse l’urbanisation d’une manière générale.

C’est pourquoi nous avons présenté une autre rédaction, de nature à régler les problèmes de sécurisation juridique tout en limitant les dérogations. Je ne suis pas en mesure de vous livrer aujourd’hui les éléments chiffrés que vous m’avez demandés parce qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée, ce texte étant une proposition de loi.

Je remercie M. Le Scouarnec d’avoir voulu sous-amender l’amendement du Gouvernement, ce qui tendrait à prouver que sa rédaction n’est pas entièrement mauvaise… Je ne peux être favorable à la suppression de cet outil que constituent les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, les HNIE, même si son utilisation n’est pas pleinement satisfaisante aujourd’hui. La loi prévoit d’ailleurs que le recours à ce dispositif a vocation à rester exceptionnel, le PLU devant en préciser les conditions. J’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, même si je reconnais qu’il respecte largement l’esprit de l’amendement du Gouvernement.

Quant à l’amendement n° 4 rectifié bis, ses auteurs soulèvent des questions très importantes.

En ce qui concerne les activités économiques, l’outil des STECAL, les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, doit être utilisé pour « pastiller » les objectifs de relocalisation. Du débat que nous avons eu avec les élus du littoral, il ressort que cet outil est le plus adapté. La relocalisation de certaines activités, notamment agricoles, est déjà prévue par la loi. Les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui sont, me semble-t-il, plus techniques que législatives : je pense notamment aux déchetteries, incinérateurs et installations de traitement des eaux usées, pour lesquels il n’existe pas actuellement de dérogation générale. Sur le terrain, on a pu observer des différences d’appréciation très difficiles à comprendre. Il faudra que nous parvenions à une rédaction satisfaisante en deuxième lecture. Pour les éoliennes, je crois que nous sommes parvenus à élaborer des solutions. La question des stations d’épuration, soulevée par plusieurs députés, devra trouver également des réponses, même si le sujet est extrêmement complexe.

Enfin, pour les autres activités, je rappelle que la logique de la loi et des politiques d’aménagement tend à une mutualisation et à une prise des décisions au niveau de l’intercommunalité.

En conclusion, les propositions des auteurs de l’amendement n° 4 rectifié bis me semblent intéressantes, mais celui-ci est déjà en partie satisfait. Sur les aspects plus techniques, nous devrons trouver une rédaction plus précise. J’émets donc un avis défavorable, mais pas trop… (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour explication de vote.

Mme Nelly Tocqueville. L’amendement du Gouvernement nous paraît très intéressant. Comme vient de le reconnaître M. le rapporteur, il témoigne d’un véritable esprit d’ouverture. Il faut certes trouver des solutions aux problèmes posés par les dents creuses, mais nous ne sommes pas favorables à l’introduction de dérogations trop larges, qui reviendraient à remettre en cause les fondements mêmes de la loi Littoral. Les principes de continuité du bâti et de préservation de nos espaces littoraux doivent demeurer. Nous ne souhaitons pas ouvrir une boîte de Pandore qu’il serait peut-être bien difficile de refermer ensuite.

L’amendement du Gouvernement constitue un compromis. Concernant la dérogation en matière de constructions ou installations liées aux activités agricoles, sa rédaction est plus encadrante. Quant à la dérogation pour la construction d’annexes de taille limitée à proximité des bâtiments existants, il ne nous semble pas justifié de l’intégrer dans ce texte. Il nous paraîtrait intéressant d’aborder ce sujet au travers d’une proposition de loi spécifique, en mesurant les éventuels impacts de telles dispositions, ainsi que les effets d’aubaine pouvant en résulter.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Ce débat me conforte dans l’idée que j’ai eu raison de proposer la suppression de l’article…

Je voterai contre ces amendements, même si celui du Gouvernement traduit un effort pour parvenir à un compromis. Construire en certains endroits éloignés du bord de mer ou jouxtant une zone urbanisée peut se justifier, mais, en tout état de cause, on ne saurait traiter tous les espaces de la même manière. S’agissant des territoires très mités, le concept de dent creuse n’est pas très clair : autoriser le comblement partout pourrait mener à l’apparition d’un cordon d’urbanisation dans l’arrière-pays. La proposition du Gouvernement devrait au moins permettre d’éviter une telle dérive, sous réserve du contenu du décret en Conseil d’État auquel renvoie l’amendement. Ajoutons que les juristes apprécieront l’emploi de l’adjectif « significatif »…

Bref, la réflexion n’est pas mûre. Fondamentalement, la loi Littoral pose le principe selon lequel le paysage est un bien commun. Cela signifie que sa préservation doit prévaloir sur les éventuels projets de construction et s’impose aux élus. Ce bien commun ne peut pas être géré à l’échelon communal ; il faut des règles extrêmement strictes, qui n’existent pas encore.

En outre, l’habitat doit aussi faire l’objet d’une approche intercommunale, qui manque beaucoup à notre réflexion. L’amendement du Gouvernement est tout de même meilleur que le texte de la commission, mais la réflexion ne me semble pas suffisamment aboutie.

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi est examinée dans le cadre d’un espace réservé au groupe socialiste et républicain qui s’achève en principe à minuit. Compte tenu du fait que la discussion a commencé avec quelque retard, je peux accepter que nous dépassions légèrement cet horaire, mais je lèverai en tout état de cause la séance au plus tard à zéro heure vingt. Je vous prie donc de prendre cet élément en compte si vous souhaitez vraiment que nous achevions ce soir l’examen en première lecture de ce texte.

La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Je souhaite réagir aux propos de Mme la ministre. Comme tous mes collègues, je ne conteste pas le bien-fondé de la loi Littoral, mais, en présentant leurs vœux pour la nouvelle année, de nombreux maires de communes littorales des Côtes-d’Armor m’ont fait part de leur préoccupation. La question du comblement des dents creuses suscite l’incompréhension de nos concitoyens et, souvent, des polémiques et des contestations.

Vous avez évoqué les PLU et le pastillage, madame la ministre. Dans une commune que M. le rapporteur connaît bien, Trébeurden, un pastillage a été mis en place dans le cadre de l’élaboration du PLU en accord avec les services de l’État : cela n’a pas empêché des associations de le contester, et le PLU a finalement été annulé…

Concernant les STECAL, l’administration oppose que l’utilisation de ce dispositif doit rester exceptionnelle. Dès lors, on ne peut guère envisager de recourir à cette possibilité.

Enfin, vous avez évoqué la nécessité de mieux définir la doctrine. En 2010, lorsque j’ai accompagné un maire du Trégor au ministère de l’environnement, il était déjà question d’établir une doctrine commune entre les départements de la région Bretagne, qui ne pratiquaient pas tous la même politique. Ce problème ancien empoisonne la vie des communes et des élus. Les PLU sont attaqués, comme à Pleslin, par toutes sortes de gens dont les recours sont parfois assez peu fondés, si ce n’est par la volonté de ne pas avoir de voisins…

M. Jean Bizet. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Ma voix sera quelque peu dissonante par rapport à celle de mon collègue Ronan Dantec. Je tiens cependant moi aussi à saluer les efforts accomplis par Mme la ministre pour essayer de donner une réponse maintenant l’encadrement le plus précis possible. Le recours à un décret en Conseil d’État devrait apporter une sécurité juridique réelle. La rédaction n’est peut-être pas encore aboutie, mais je voterai l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. La majorité des membres de notre groupe voteront l’amendement du Gouvernement.

Notre collègue Dantec a tout à fait raison : le littoral est un bien commun, que l’on ne peut pas utiliser comme s’il s’agissait d’un bien privé.

Pour autant, je me rallie à la proposition de Mme la ministre, car je sais d’expérience que, dès lors que des décisions sont attaquées et qu’une jurisprudence diverse et variée émerge, la loi doit intervenir à nouveau. C’est dispensable si l’on ne veut pas que l’application de la loi diffère d’un endroit à un autre, avec des risques de contentieux qui se multiplient.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 44.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 4 rectifié bis.

M. François Marc. J’ai entendu les engagements pris par Mme la ministre, qui a bien conscience qu’il y a sans doute lieu d’améliorer la rédaction d’ici à la deuxième lecture. Mon amendement ne se raccrochant pas au texte de la commission, je le retire au profit de celui qu’a déposé Jean Bizet.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9 rectifié ter, présenté par MM. Cornano, Karam, Desplan, Lalande, Antiste et J. Gillot, est ainsi libellé :

Avant l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-8. – L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages. »

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Il me plaît de rappeler à titre liminaire qu’il est fondamental de prendre en compte la diversité des territoires d’outre-mer. Il s’agit avant tout de trouver un équilibre entre développement économique, agricole et touristique et préservation des espaces naturels.

La faculté donnée de densifier les hameaux existants délimités par les SCOT et par les PLU rend superflue celle de créer des foyers d’urbanisation dans des sites totalement vierges de toute construction. La suppression des hameaux nouveaux intégrés dans l’environnement constituerait un signal fort de l’attachement du législateur à la protection des espaces agricoles et naturels du littoral.

Mme la présidente. Les amendements nos 3 rectifié bis et 22 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 3 rectifié bis est présenté par M. F. Marc, Mmes Blondin et Herviaux, M. Botrel et Mmes S. Robert et Claireaux.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En dehors des agglomérations et des villages, cette disposition ne fait pas obstacle aux opérations qui n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis. »

La parole est à M. François Marc, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.

M. François Marc. Cet amendement, essentiel à nos yeux, s’inspire des conclusions du rapport réalisé par Odette Herviaux et Jean Bizet.

Pour simplifier les choses et sécuriser l’application de la loi Littoral, il y a deux solutions.

La première est d’instaurer une multitude de dérogations dans la loi, comme le propose la commission.

La seconde, sans doute plus simple, consiste à compléter l’article phare de la loi Littoral par deux lignes précisant que ladite loi ne s’oppose pas à la densification des hameaux. La jurisprudence évoluera alors nécessairement en conséquence. Aujourd’hui, le juge administratif retient parfois une interprétation quelque peu radicale du texte, comme en témoigne la jurisprudence Porto-Vecchio.

À l’inverse, par une décision en date du 30 décembre dernier, le Conseil d’État, après cinq ans de procédure, a donné raison au maire de Locquirec contre le préfet, le préfet de région et le ministère, qui avaient annulé un permis de construire accordé dans la bande littorale.

Pour éviter ces interprétations divergentes, fluctuantes, parfois aléatoires qui créent un véritable imbroglio, il convient de compléter la loi comme le prévoit cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

M. Ronan Dantec. Cet amendement relève d’une approche paysagère, ce qui correspond à l’esprit de la loi Littoral. Il tend à tenir compte des caractéristiques du bâti. Son adoption permettrait de limiter les risques de dérives. Il serait utilement complété par l’amendement n° 7 rectifié bis de M. Cornano, qui propose une définition des hameaux, permettant ainsi de réduire le champ de la notion de dent creuse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 9 rectifié ter. Le hameau nouveau intégré à l’environnement constitue une dérogation au principe de l’urbanisation en continuité de la loi Littoral. Comme le rappelle le rapport Bizet-Herviaux, cette notion n’est pas définie clairement, ce qui laisse une large marge d’interprétation au juge administratif. En pratique, cet outil est rarement utilisé, en raison des coûts liés à la nécessité d’installer de nouveaux réseaux et du risque juridique qui entoure cette notion. Il est donc effectivement préférable de s’appuyer sur le comblement des dents creuses des hameaux existants pour développer raisonnablement l’urbanisation des parties rétrolittorales des communes littorales.

Je demande le retrait des deux amendements identiques, sinon l’avis sera défavorable. De façon quelque peu étonnante, ces amendements ne distinguent pas les espaces proches du rivage. Ils vont donc au-delà de ce que nous proposons. Permettre l’urbanisation des dents creuses des villages ou des hameaux proches du rivage remettrait sérieusement en cause, de notre point de vue, la loi Littoral.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 9 rectifié ter. Les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement sont un outil voulu par le législateur, fruit d’un travail important. Il ne me paraîtrait vraiment pas opportun de le supprimer sans le remplacer par un autre dispositif, même si j’ai bien entendu qu’un certain nombre d’entre vous n’étaient pas parvenus à le mettre en œuvre.

Quant aux deux amendements identiques, l’ouverture que leurs auteurs préconisent est vraiment très large ! Je rappelle qu’il est conforme à l’esprit de la loi Littoral qu’une marge très importante soit laissée à l’interprétation et aux choix locaux. Pour autant, messieurs Marc et Dantec, l’élargissement que vous proposez va bien au-delà de la jurisprudence Porto-Vecchio. Je ne suis pas certaine que cela corresponde à vos convictions de fond.

Je reconnais que le sujet est difficile. Le taux d’artificialisation des communes littorales est 2,7 fois supérieur à la moyenne métropolitaine. Surtout, elle est beaucoup plus rapide, même aujourd’hui. Je n’en fais reproche à personne, car la pression des habitants et des acteurs économiques en faveur de la construction est réelle sur ces territoires. Nous devons néanmoins chercher à préserver ce qui rend ces territoires si beaux et attractifs.

C’est pourquoi je demande le retrait des deux amendements identiques, faute de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je vais retirer l’amendement n° 22 rectifié, en soulignant toutefois qu’il visait à introduire une approche paysagère qui manque sans doute à votre proposition, madame la ministre. Permettez-moi de vous suggérer de la prendre en compte d’ici à la deuxième lecture.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié est retiré.

Monsieur Marc, maintenez-vous l’amendement n° 3 rectifié bis ?

M. François Marc. Non, je le retire également, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. F. Marc, Mmes Blondin et Herviaux, M. Botrel et Mmes S. Robert et Claireaux, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

en dehors des espaces proches du rivage

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Il s’agit d’un amendement d’appel. Qu’est-ce qu’un « espace proche du rivage » ? Selon la jurisprudence de ces dernières années, la limite se situerait entre 300 mètres et 2 kilomètres de la mer, la moyenne s’établissant à 1,7 kilomètre. Tout cela est peu clair…

Le rapporteur a recouru tout à l’heure à la notion de covisibilité avec la mer : une telle formulation paraît plus simple et me conviendrait parfaitement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. L’avis est défavorable.

Dans mon esprit, la covisibilité est l’élément déterminant, mais tel n’est pas forcément toujours, bien entendu, le point de vue du juge administratif. Si l’on tolérait demain la création d’une zone d’activités sur un espace présentant une covisibilité avec la mer, la loi Littoral se trouverait totalement remise en cause. Or je crois pouvoir dire que l’ensemble des élus du littoral, à quelques exceptions près, n’ont pas envie de bétonner. Nous voulons tous préserver la loi Littoral. Il faut donc faire très attention, car les marges de manœuvre sont assez étroites. J’ai voulu établir un texte équilibré, qui respecte l’esprit de la loi Littoral, à savoir concilier protection des espaces naturels et développement. Aujourd’hui, la jurisprudence ne s’attache qu’à la protection, ce qui a conduit à tout bloquer. Ainsi, à côté de Saint-Brieuc, la construction d’un collège dans une dent creuse d’un village est refusée, bien qu’il n’y ait pas de covisibilité avec la mer. On connaît partout des exemples de cet ordre ! Il est grand temps de faire évoluer les choses.

Je le répète, pour moi, c’est la covisibilité qui importe. La situation n’est pas la même au Mont-Saint-Michel et sur les côtes varoises.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur Marc, supprimer l’expression « espace proche du rivage » ouvrirait une possibilité générale.

Il y a la bande littorale des 100 mètres. Par ailleurs, les espaces proches du rivage sont définis dans les PLU ou dans les SCOT selon certains critères, relatifs par exemple à la covisibilité avec la mer ou à l’urbanisation. Il y a ensuite les zones remarquables, puis l’arrière.

Les espaces proches du rivage sont donc définis essentiellement par les documents d’urbanisme locaux.

J’ai déjà des réserves sur l’écriture actuelle de l’article 9 A ; si en plus on supprime la référence aux espaces proches du rivage…

Mme la présidente. Monsieur Marc, l'amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?

M. François Marc. Si c’est le critère de la covisibilité qui importe, nous sommes tous d’accord. En revanche, si l’on fixe la limite à deux kilomètres du rivage, cela pose problème.

On me dit que les PLU définissent ces espaces, mais si la loi pouvait être plus précise à cet égard, ce n’en serait que mieux. Il faut réduire les marges d’interprétation qui conduisent aujourd’hui à tant de contentieux.

Pour autant, je retire cet amendement d’appel.

Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Karam, Desplan, Lalande, Antiste et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

hameaux

insérer les mots :

constitués d’un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Afin de bien distinguer le hameau du village, il convient que le législateur en donne une définition au moins sommaire, en reprenant celle qui a été donnée par le Conseil d’État s’agissant du hameau nouveau intégré dans l’environnement. Cela est nécessaire pour éviter un débat sur l’interprétation du texte et prévenir toute dérive.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il est proposé de définir le hameau en reprenant les critères de la jurisprudence du Conseil d’État : un petit nombre de constructions de faible importance proches les unes des autres. Une telle définition crée plus de complexité qu’elle n’en résout, en laissant toute marge d’interprétation au juge administratif pour déterminer si les constructions sont suffisamment proches ou non. Sur ce fondement, le juge administratif pourrait remettre en cause les zonages des hameaux prévus dans les PLU et, par conséquent, empêcher le comblement des dents creuses. Tel n’est évidemment pas l’objectif.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’avis est également défavorable.

Le Sénat a précédemment repoussé un amendement du Gouvernement qui aurait permis d’avancer sur cette question. Cette proposition va extrêmement loin et son adoption remettrait en cause l’équilibre du texte.

Mme la présidente. Monsieur Cornano, l’amendement n° 7 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jacques Cornano. Je suis satisfait de pouvoir aborder ce point ce soir. Les ministres qui se rendent à Pointe-à-Pitre, aux Abymes ou à Basse-Terre ne vont jamais dans les îles pour comprendre ces problématiques. La définition des hameaux que vous donnez n’est pas applicable sur ces îles. Nous avons voulu bloquer 131 hectares de terres à Marie-Galante pour y installer de jeunes agriculteurs, mais il a été impossible d’inscrire ce projet dans le PLU. Je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Monsieur Cornano, nous avons adopté un amendement visant précisément à désolidariser des zones urbanisées les constructions agricoles. Le texte vous donne satisfaction.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après la référence :

au 1° bis

insérer les mots :

du II

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes Tocqueville et Herviaux, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano, Filleul, J.C. Leroy, Madrelle, Miquel, Roux et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

II. – L’article L. 121-11 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. Le changement de destination de ces constructions et installations est interdit.

« Les dispositions de l’article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus.

II. – Alinéas 6 et 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Cet amendement porte sur une disposition introduite en commission par les rapporteurs qui vise à assouplir les règles de construction dans les communes littorales.

Si nous pouvons comprendre la nécessité de régler le problème des dents creuses, nous estimons néanmoins que les dérogations introduites en matière de constructions ou installations liées aux activités agricoles et celles portant sur la construction d'annexes de taille limitée à proximité des bâtiments existants ne peuvent demeurer en l’état.

Cet amendement vise à préciser le champ de la dérogation prévue au présent article.

Mme la présidente. Les amendements nos 8 rectifié bis et 21 sont identiques.

L'amendement n° 8 rectifié bis est présenté par MM. Cornano, Karam, Desplan, Lalande, Antiste et J. Gillot.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Après le mot :

existant

insérer les mots :

légalement édifié

La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.

M. Jacques Cornano. Le « bâtiment existant » n’est pas simplement une construction qui existe en fait ; c’est aussi une construction légalement édifiée. Un bâtiment construit sans autorisation ou dont le permis a été annulé ne constitue pas une construction existante légalement édifiée.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 21.

M. Ronan Dantec. Il a très bien été défendu par mon collègue Jacques Cornano. Il existe dans ce pays un certain nombre de bâtiments qui ne sont pas tout à fait légaux, mais très « existants »…

Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 5° La création de zones d’activités économiques dans des conditions définies par voie réglementaire.

II. – Alinéa 8, première phrase

Remplacer la référence :

au 2°

par les références :

aux 2° et 5°

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Nous proposons d’autoriser la création de zones d’activités économiques en dehors des espaces proches du rivage, c’est-à-dire hors de toute covisibilité avec la mer. Ces zones devront être identifiées par un SCOT, délimitées par un PLU, et leur création n’ouvrira pas de droit ultérieur à une extension de l’urbanisation. Celle-ci sera soumise à l’accord de l’administration, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, et ne devra pas porter atteinte à l’environnement ou aux paysages.

Ces garde-fous permettront de conserver l’esprit de la loi Littoral. Cet amendement est dans le droit fil du rapport qu’Odette Herviaux et moi-même avons rendu en 2013 et qui avait été adopté, je le rappelle, à l’unanimité, y compris donc par Ronan Dantec et Laurence Rossignol…

M. Ronan Dantec. C’est dire ! (Sourires.)

M. Jean Bizet. En effet !

Cet amendement répond en outre à la préoccupation exprimée par notre collègue Évelyne Didier, car son adoption permettrait aux élus locaux de reprendre la main.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 13 rectifié, qui revient sur un choix délibéré de notre commission, appuyé par la commission des lois.

Les amendements nos 8 rectifié bis et 21 visent à préciser que les annexes de taille limitée ne pourront être installées qu’à proximité d’un bâtiment légalement édifié. Sur le fond, j’approuve cette disposition de bon sens, mais il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Le pouvoir réglementaire pourra préciser à quelles conditions ces annexes pourront être construites. Il va de soi qu’un bâtiment illégalement édifié ne pourra bénéficier de cette dérogation. Nous avons émis un avis de sagesse, par gentillesse…

Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 16 de M. Bizet, qui vise à autoriser la création de zones d’activités économiques en dehors des espaces proches du rivage, c’est-à-dire hors de toute covisibilité avec la mer, en prévoyant de nombreux garde-fous. Il s’inscrit dans la logique de la loi Littoral, qui est un texte d’aménagement et de développement équilibrés des territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 13 rectifié. Il nous semble très important d’étendre cette dérogation au principe d’extension en continuité à l’ensemble des constructions agricoles et forestières ou nécessaires aux cultures marines.

S’agissant des deux amendements identiques, une construction illégale est réputée inexistante. On a souvent raison de dire que les lois relatives à l’urbanisme sont trop bavardes : n’en rajoutons donc pas sur ce point.

L’avis est défavorable.

Enfin, au-delà du débat de fond sur les moyens de maintenir l’activité économique sur le littoral, ce qui est un enjeu essentiel pour ces territoires, j’ai un désaccord avec M. le rapporteur à propos de l’amendement n° 16. En permettant l’implantation en discontinuité de l’urbanisation des activités économiques dans des conditions définies par voie réglementaire, cet amendement ne pose absolument pas de limites. Son dispositif est beaucoup plus large que celui de l’amendement gouvernemental que vous avez rejeté… Il faudra revenir sur ces dispositions pour les encadrer.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je voterai l’amendement de Jean Bizet.

La loi Littoral a plus de trente ans, nos PLU sont beaucoup plus récents : comment peut-on aujourd’hui accepter que des zonages soient systématiquement remis en question, ce qui entraîne de longues procédures ? Les PLU et les PLUI devraient intégrer les dispositions de la loi Littoral, mais tel n’est pas le cas, puisque les zonages validés depuis moins de dix ans sont systématiquement remis en cause par les services de l’État. Il y a un vrai problème d’instruction des PLU.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Aux termes de l’amendement n° 13 rectifié, « les dispositions de l’article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation des travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus ». Cela veut dire que toute extension d’exploitation se trouvera compromise. Je tiens à alerter sur ce point. L’adoption d’une telle disposition ne pourra que freiner le développement économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.

M. Jérôme Bignon. J’ai indiqué, lors de la discussion générale, que ma position de principe sur la loi Littoral était, d’une manière générale, plus stricte que celle qui prévaut aujourd’hui. J’ai bien compris que des adaptations étaient nécessaires dans un certain nombre de régions. Ce débat a une connotation très « bretonne »… (On le conteste sur diverses travées.)

M. Jean Bizet. Et normande !

M. Jérôme Bignon. Soit !

L’amendement n° 16 va très au-delà des concessions que j’avais envisagé de faire par rapport à ma position sur la loi Littoral. J’ai fait tous les efforts possibles pour ne pas me désolidariser de mon groupe, mais je ne peux aller jusque-là.

Je partage tout à fait ce qu’a dit Mme la ministre ; je me suis d’ailleurs retenu de voter son amendement ! Je m'en suis abstenu par solidarité avec mes collègues, mais je vais finir par le regretter !

Sur les activités économiques, je veux dire que nous avons voté récemment la loi NOTRe et que toutes les communes sont aujourd'hui membres d’une intercommunalité. Ainsi, des zones d’activité économique vont être créées sur des intercommunalités et certaines communes qui en font partie ne seront peut-être pas concernées par la loi Littoral. Avec cet amendement, on autorisera des constructions au bord du littoral, certes sans covisibilité, mais on fera néanmoins courir des risques inutiles par rapport à la protection de la zone sur le littoral. Cela ne me paraît pas très cohérent avec ce que nous avons voté il y a quelque temps. Je pense qu’une réflexion approfondie sur ce sujet aurait été nécessaire.

En tout cas, en ce qui me concerne, je voterai contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Dans le prolongement du propos de ma collègue Annick Billon, je veux dire que voilà en effet aujourd'hui trente ans que nous expérimentons la loi Littoral. Il serait sans doute temps, à l’instar de ce qui a été fait tout à fait récemment pour la loi Montagne, de procéder à une révision de cette loi.

En effet, à l’usage, des difficultés d’application apparaissent très clairement partout. À chaque fois, des tabous semblent surgir, qui bloquent un certain nombre de projets. Ces tabous, ces difficultés, on les connaît dans les territoires littoraux. On voit bien qu’il y a des aberrations en matière de constructibilité et de développement économique. Si l’on veut éviter qu’il ne se passe plus rien sur un certain nombre de territoires littoraux, il faudra bien permettre à certaines activités de s’y développer.

François Marc évoquait tout à l’heure un exemple tout à fait édifiant : sur la commune de Plouvien, une entreprise agroalimentaire qui a déjà un ensemble bâti très important ne peut s’étendre, alors même que du site où elle est implantée, on ne voit guère la mer. Toutes ces considérations d’aménagement du territoire deviennent absolument désastreuses, car elles contraignent à déplacer un certain nombre d’activités des zones littorales vers les zones intérieures.

Il est donc temps de prendre conscience de cette réalité : oui, il y a des aberrations ! On évoque bien souvent les espaces proches du littoral, mais où allez-vous développer les cultures marines si ce n’est à proximité de la mer ? Il est bien évident qu’il faut que les ostréiculteurs puissent continuer à exercer leur métier au plus proche de la mer parce que c’est de cela qu’ils vivent ! Et si l’on empêche quelque projet que ce soit de se concrétiser, eh bien, il ne se passera plus rien et petit à petit, les activités s’arrêteront ! C’est une des difficultés qu’il faudra examiner lors du prochain quinquennat.

La mer représente un potentiel et un gisement d’emplois tout à fait important et on ne l’exploitera que si on peut réaliser un certain nombre de projets au bord de la mer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Charles Revet. C’est totalement vrai !

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.

Mme Hermeline Malherbe. Je vais finir par reconnaître que M. Dantec avait raison en disant qu’il ne fallait pas évoquer ce sujet et s’en tenir à la discussion sur le trait de côte.

M. Ronan Dantec. Je vous l’avais dit !

Mme Hermeline Malherbe. Nous avions une proposition, la commission et le Gouvernement étaient parvenus à un consensus tout à fait acceptable. Et là, on entend des choses complètement aberrantes par rapport à la loi Littoral. Je conviens que nous pourrons retravailler cette loi, à un autre moment. Oui, il faudra faire des propositions pour la faire évoluer, mais, pour l’heure, nos débats donnent l’impression qu’un autre projet de loi va sortir de l’article 9 A. Il me semble que tel n’est pas le sujet aujourd'hui et il est bien dommage d’en arriver là !

Que l’agriculture marine se pratique dans la mer et non pas dans l’arrière-pays, c’est un fait. En revanche, d’autres activités peuvent être exercées ailleurs que sur la côte, à cinq, dix ou quinze kilomètres, et, croyez-moi, beaucoup de communes sont prêtes à recevoir ces activités pourvoyeuses d’emplois ! Et cela permet de faire travailler tout le monde !

Donc, attention à ce que l’on dit !

M. Michel Canevet. Il ne faut rien comprendre pour dire des choses pareilles !

Mme Hermeline Malherbe. C’est vous qui ne comprenez rien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Il est temps de se calmer ! Ne poussons pas trop loin, sinon, cela ne va pas aller, et pour personne !

Je le répète, nous sommes complètement, les uns et les autres, dans l’imprécision, dans l’impréparation et nous sommes en train de toucher à des textes fondamentaux, comme des gamins – pardonnez-moi l’expression ! Ce n’est pas sérieux !

Sur l’économie – puisque vous pensez dur comme fer qu’invoquer l’environnement signifie aller contre l’économie –, M. Bignon vient de dire que l’intercommunalité s’est emparée de la compétence économique. Cela signifie en effet que des communes de l’arrière-pays sont prêtes à recevoir de l’activité. Oui, mais les choses de la mer n’ont rien à voir avec le littoral !

M. Loïc Hervé. Elle est bien bonne, celle-là !

Mme Évelyne Didier. Pardonnez-moi, j’ai été excessive dans mon expression ! Je la retire parce qu’on ne va pas ajouter de la complexité à la complexité ! Convenez, mes chers collègues, que nous sommes dans l’à-peu-près depuis une demi-heure ! Arrêtons là, cessons d’en rajouter !

Il est temps d’aller se coucher ! Vous aviez raison, monsieur Dantec, il aurait mieux valu en rester au trait de côte !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je pense qu’il faut raison garder !

Je voudrais vous rappeler que, dans le texte adopté en termes identiques par la commission des lois et la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, un certain nombre de garanties sont précisées.

Ainsi, les constructions qui peuvent être autorisées en dehors des espaces proches du rivage requièrent l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État est nécessaire, celui-ci étant refusé si « les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou au paysage ».

Vous devez donc apprécier l’amendement de notre collègue Jean Bizet comme il se doit : il vise à ajouter une cinquième possibilité de déroger aux dispositions prévues à l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, mais sans aucunement revenir sur les réserves et garanties que je viens rappeler.

C'est la raison pour laquelle il ne faut pas s’inquiéter d’une éventuelle dégradation de l’aspect de notre littoral. En effet, les constructions autorisées ne se situeront pas sur le littoral ; elles seront en dehors des espaces proches du rivage. De plus, quel que soit l’endroit où elles se trouvent par rapport à la mer, il ne faut pas qu’elles soient de nature à porter atteinte à l’environnement ou au paysage.

Par ailleurs, elles doivent naturellement respecter toutes les autres prescriptions contenues dans le plan local d’urbanisme ou, à défaut, dans le règlement national d’urbanisme.

C'est la raison pour laquelle nos débats sur cet amendement ne devraient pas s’enflammer. La proposition que formule son auteur me paraît utile pour le développement des communes du littoral. En effet, c’est très bien de tout renvoyer à l’intérieur des terres, mais il faut aussi penser à ces communes !

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous cache pas ma gêne de plus en plus forte sur un texte de loi qui, je tiens à le redire, traite de l’érosion du trait de côte et sur lequel vous proposez des modifications sensibles.

Je viens d’aller relire, car je ne l’avais pas tout à fait en tête, le texte tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale, notamment son article 9 A. Et je viens de prendre connaissance de l’article 9 A tel qu’il sera rédigé si vous adoptez ces amendements.

Je veux le dire ici sincèrement devant des parlementaires qui ont cette préoccupation environnementale, vous allez trop loin dans la remise en cause de la loi Littoral sans que nous ayons fait un travail sérieux de concertation. Et je ne parle pas de ce qui a été dit par M. Bignon sur la question de la place de l’intercommunalité dans l’activité économique, sujet que je veux à mon tour souligner.

Cette proposition de loi a été élaborée dans le prolongement d’un rapport très important consacré au traitement de l’érosion du trait de côte. Je le dis franchement, l’enjeu essentiel de cette proposition de loi est de traiter des questions que nous ne savons pas résoudre aujourd'hui, notamment l’indemnisation des propriétaires du Signal à Soulac, et d’autres sujets à venir. C’est pour cette raison que le Gouvernement l’a soutenue et y a travaillé.

J’ai organisé des réunions en urgence hier parce que j’étais prête à avancer. Oui, je voulais faire des propositions, mais là, objectivement, les choses sont en train de déraper ! Il nous reste une demi-heure pour débattre du fonds Barnier ou d’autres fonds d’indemnisation et il me semble que nous devrions avancer dans la discussion des articles suivants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je suis extrêmement surpris d’entendre la ministre nous dire que nous allons trop vite et trop loin. Voilà trente ans qu’a été promulguée la loi Littoral, et nous ne voulons rien d’autre que la peaufiner tout doucement, car c’est un excellent texte. Voilà notre état d’esprit. Cependant, on ne peut pas accepter que depuis trente ans, les juges l’écrivent tout doucement, au fil du temps, à la place des élus. C’est tout !

Madame la ministre, vous avez fait quelques efforts au travers de l’article 36, que je dois saluer. Au-delà de votre propre action, il faut bien le dire, une certaine partie de votre administration que je connais bien, à savoir la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, fait de l’immobilisme depuis trente ans. Et « l’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter », comme le disait quelqu’un…

Je suis désolé : il nous faut avancer parce qu’il est nécessaire que le temps politique se mette au diapason du temps économique. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié bis et 21.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour les opérations mentionnées au 2°, cet accord fixe les modalités de démantèlement et de remise en état des terrains d'assiette libérés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. L'article 9 A prévoit une série de dérogations au principe de continuité de la loi Littoral. L'une d'elles vise à faciliter l'éloignement vers les terres des biens menacés par l'érosion littorale qui seront relocalisés dans un nouveau périmètre d'accueil, plutôt que leur recul en « saut de puces » tous les cinq ou dix ans. Ce dispositif permettrait, par exemple, de débloquer la situation à Lacanau, où la règle de continuité empêche la relocalisation.

Pour autant, il convient de s'assurer du démantèlement effectif des constructions et installations qui seront relocalisées, ce que propose le présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 A, modifié.

(L'article 9 A est adopté.)

Article 9 A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 9 B (nouveau)

Article additionnel après l'article 9 A

Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Pellevat, Canevet, Carle, César, Chasseing, Cigolotti, Commeinhes, B. Fournier et Gabouty, Mme Garriaud-Maylam, MM. L. Hervé et Huré, Mmes Imbert et Joissains, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre et Longeot, Mme Lopez et MM. Médevielle et Revet, est ainsi libellé :

Après l’article 9 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les communes touristiques et stations classées de tourisme, définies par les articles L. 133-13 et suivants et R. 133-37 et suivants du code du tourisme, les coefficients d’occupation des sols déterminés par le plan local d’urbanisme en application du 13° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, peuvent, après délibération de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, être applicables à toutes les demandes de permis et à toutes les déclarations préalables déposées entre une date que ladite délibération fixe et la première révision ou modification de ce plan approuvée après la publication de la loi n° … du … portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Cet amendement, qui vise à rétablir le coefficient d’occupation des sols à la suite de la loi ALUR, avait été adopté dans le cadre de la loi Montagne par notre Haute Assemblée malgré les avis défavorables du Gouvernement et de la commission.

En commission mixte paritaire, nous l’avions borné jusqu’ à la prochaine délibération du conseil municipal pour éviter les risques juridiques.

Cet amendement, nous l’avons déposé après avoir reçu des demandes de la part de stations de montagne et de communes touristiques. Elles nous signalaient que la suppression des COS a provoqué de nombreuses constructions sur les emprises foncières, entraînant, de ce fait, des coûts importants en termes d’aménagement, notamment pour les réseaux.

Pour faire suite aux amendements déposés dans le cadre de la loi Montagne notamment par Loïc Hervé, le ministre Jean-Michel Baylet a diligenté une mission ministérielle. Nous attendons encore ses résultats et le problème demeure sur ce sujet. J’aimerais que cet amendement puisse être adopté, comme cela avait été le cas lors de la loi Montagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir temporairement le coefficient d’occupation des sols dans les communes touristiques. Il avait été adopté par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, contre l’avis de la commission des affaires économiques et du Gouvernement.

Le lien avec la gestion du trait de côte est un peu ténu ! (Sourires.) Par conséquent, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le rapporteur, vous êtes très gentil ! En effet, le lien est plus que ténu entre la loi Littoral et les communes ou stations classées touristiques visées par l’amendement ! Je pense que là, on est extrêmement loin du sujet !

Je ne vais pas rouvrir ce soir le débat sur le COS. Je j’avais suivi par procuration, devant mon écran, lors de la diffusion des discussions parlementaires sur la loi Montagne.

Je rappelle – si ma mémoire ne me fait pas défaut – que le COS a été supprimé en 2014. D’après ce que m’ont dit beaucoup de parlementaires, un débat très appuyé a eu lieu en commission mixte paritaire pour trouver la solution in fine que vous avez adoptée ensemble sur la loi Montagne.

Pour parler très sincèrement, il me semble que vous auriez pu choisir un autre cadre que celui d’une proposition de loi sur l’érosion du trait de côte pour représenter cet amendement !

Sur le fond, j’y suis très opposée. Aujourd'hui, il faut, à mon sens, utiliser les outils qui sont à la disposition des élus locaux, notamment le PLU.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Cet amendement me semble répondre à la situation d’un certain nombre de stations. Comme mon collègue Pellevat l’a dit, le débat a eu lieu dans le cadre de la loi Montagne.

S’agissant du lien avec le littoral, je rappelle que, à Chamonix, il y a la mer de Glace ! Peut-être le lien est-il plus fort qu’on ne l’imagine… (Sourires.)

En tout cas, la situation est dramatique dans un certain nombre de territoires, où la suppression du COS a fait exploser les constructions. Il y a urgence, je l’avais déjà dit au moment du débat sur la loi Montagne.

Madame la ministre, vous n’apportez aucune réponse de fond, ni sur le plan juridique ni sur le plan technique. Le ministre Jean-Michel Baylet a missionné un certain nombre de hauts fonctionnaires pour expertiser la manière dont on peut répondre aux questions qui se posent dans les communes de Chamonix, du Grand-Bornand et dans d’autres stations confrontées à une situation d’urgence.

Vous savez que le calendrier sur les questions de PLU sera important au cours de l’année 2017. Il faut apporter une réponse législative aux problèmes que rencontrent nos collègues élus locaux.

J’attendais du Gouvernement une position plus ouverte. Madame la ministre, je vous laisserai aller dire aux maires des différentes communes concernées que le droit actuel permet de répondre aux situations qu’elles vivent !

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour explication de vote.

M. Cyril Pellevat. Je veux apporter quelques éléments pour répondre à Mme la ministre. Effectivement, le PLU permet aujourd'hui de corriger les éléments du COS, notamment autour des bâtiments.

L’article tel qu’il était rédigé à l’issue des débats au Sénat rétablissait totalement le COS. Dans le cadre de la commission mixte paritaire et des accords qui l’ont précédée, nous l’avions borné jusqu’à la prochaine délibération du conseil municipal et la prochaine révision du PLU.

Aujourd'hui, il y a urgence ! Madame la ministre, je ne suis pas d’accord avec ce que vous avez dit. Je le répète, nous nous étions mis d’accord avec les députés en commission mixte paritaire pour borner cet amendement, qui devait passer et être conservé, mais qui était « dealé » par rapport aux unités touristiques nouvelles. Il n’y a même pas eu de débat en commission mixte paritaire sur cet article !

M. Daniel Raoul. C’est un pur cavalier !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 9 A.

Article additionnel après l'article 9 A
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Articles additionnels après l'article 9 B

Article 9 B (nouveau)

Après les mots : « lorsque des motifs liés à », la fin de l’article L. 121-19 du code l’urbanisme est ainsi rédigée : « la protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l’érosion des côtes, la prévention des risques naturels liés à la submersion marine ou la préservation des sites et paysages et du patrimoine le justifient. » – (Adopté.)

Article 9 B (nouveau)
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Article 9

Articles additionnels après l'article 9 B

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Grand, Calvet, Milon, Revet et Doligé, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Imbert et MM. César, Charon, Chaize, Chasseing, A. Marc, Vasselle, B. Fournier, Lefèvre et Huré, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 9 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux articles L. 121-9, L. 121-14 et L. 121-18 du code de l’urbanisme, après le mot : « caravanes », sont insérés les mots : « ainsi que de terrains à vocation de logements temporaires pour les salariés saisonniers agricoles dans le cadre d’une activité agricole le nécessitant ».

II. – En conséquence

Intitulé du chapitre III

Après le mot :

durable

insérer les mots :

et économique

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Le logement des salariés agricoles temporaires est un problème récurrent dans les départements du sud de la France où la plupart des productions agricoles nécessitent une main-d’œuvre importante au moment des récoltes. À l’intérieur des villages, la pression immobilière est telle qu’il n’existe pas de logements vacants pour de l’habitation temporaire. Dans les zones à vocation d’accueil touristique, les rythmes de vie sont très différents et inadaptés à la cohabitation. Cette main-d’œuvre est pourtant nécessaire, voire indispensable à l’économie de la filière agricole concernée, ainsi qu’à l’économie des territoires.

Afin d’éviter des solutions anarchiques, il est indispensable, tant pour les entreprises agricoles que pour les populations, d’organiser le logement de ces salariés.

Cet amendement permettrait aux collectivités, lors de l’élaboration ou la révision des PLU, de prévoir l’ouverture de terrains à vocation de logements temporaires pour les salariés saisonniers agricoles, comme cela existe déjà pour les terrains de camping ou de stationnement de caravanes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. La remarque qui valait pour l’amendement précédent vaut pour celui-ci également : il n’y a pas de lien avec la gestion du trait de côte ! Pour autant, je comprends la problématique qu’il soulève, relevée par ailleurs dans le rapport de Mme Herviaux et de M. Bizet, lequel suggérait la dérogation proposée par cet amendement. Il précisait toutefois que plusieurs garde-fous étaient nécessaires pour éviter le durcissement de ces habitations temporaires, notamment en se référant uniquement à des structures d’habitat léger.

Il faudrait aussi recenser précisément les besoins – ce qui, à ma connaissance, n’a pas été fait – afin d’être certain de ne pas assouplir la loi Littoral pour résoudre un problème très ponctuel d’un pays de l’Hérault.

Madame la ministre, disposez-vous d’éléments sur ces points soulevés déjà de longue date, mais qui n’ont pas obtenu de réponse à ce jour ?

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’amendement sur les zones touristiques que le Sénat vient d’adopter dans un texte de loi sur l’érosion du trait de côte me semble très clairement être un cavalier. Au-delà du débat de fond, je m’interroge sincèrement sur l’avenir de cette proposition de loi, dans ces conditions !

J’en reviens à l’amendement n° 1 rectifié, dont je ne dirai pas qu’il est un cavalier. Il me paraît avoir un lien avec la question, mais il dépasse l’aspect littoral.

J’en avais déjà parlé à l’Assemblée nationale et je tiens à le redire : il revient au SCOT et au PLU de planifier les capacités d’accueil, en particulier sur les communes littorales où le foncier est en effet très contraint.

Le SCOT du pays de l’or prévoit des dispositions visant à faciliter l’accueil des travailleurs saisonniers dans le respect de la loi Littoral, à savoir une intégration prioritaire dans le tissu urbain et villageois et exceptionnellement dans le cadre d’une entité nouvelle intégrée à l’environnement qui pourra intégrer quelques constructions destinées à héberger des travailleurs saisonniers.

C'est la raison pour laquelle l’amendement nous semble déjà satisfait par les capacités qu’offre le document d’urbanisme. Peut-être faut-il donner aux territoires des aides ou des instructions plus précises dans le cadre des conseils que nous pouvons leur apporter. Il ne nous semble pas, monsieur le sénateur, que vous avez besoin d’une évolution législative sur ce sujet.

Je vous suggère, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Revet, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Charles Revet. En fonction de ce qu’a dit Mme la ministre, je le retire. Peut-être pourrons-nous revenir sur le sujet ultérieurement.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

L'amendement n° 28, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Après l'article 9 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 121-32 du code de l’urbanisme, les mots : « effectuée comme en matière d’expropriation » sont remplacés par les mots : « réalisée conformément au chapitre IV du titre III du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent code ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 9 B.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 rectifié est présenté par M. F. Marc, Mme Blondin, MM. Botrel et Cornano et Mme Claireaux.

L'amendement n° 24 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales est supprimée.

La parole est à M. François Marc, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.

M. François Marc. Il s’agit d’un amendement de simplification administrative. On peut considérer qu’il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 24.

M. Ronan Dantec. Je peux, moi aussi, considérer que cet amendement est défendu, tout en disant que nous avons tous la tentation d’user de notre droit à la parole : nous pouvons tous intervenir une demi-heure. On pourrait très bien bloquer ce travail. Nous allons faire le pari de l’Assemblée nationale parce qu’il est besoin d’avancer sur le trait de côte, mais la tentation existe ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur les deux amendements.

Sur le fond, il est vrai que les SCOT et les PLU ont déjà pour rôle de préciser l’application territoriale de la loi Littoral sur les communes littorales. Pour autant, le dispositif invoqué n’est qu’une faculté – et non une obligation – offerte au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET. Celle-ci permet de prendre en compte la dimension géographique de la loi Littoral, qui dépasse largement celle du SCOT, dans les documents d’urbanisme des régions volontaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’avis est défavorable.

Tout d’abord, il ne nous semble pas opportun de modifier des dispositions législatives au moment où les régions sont en train de s’engager dans l’élaboration des SRADDET.

De plus, en tout état de cause, la disposition que vous souhaitez supprimer ne confie pas aux SRADDET le soin de préciser finement les dispositions du volet urbanisme de la loi Littoral. Il les invite à faire preuve de vigilance sur le territoire des communes littorales quant aux questions de protection de l’environnement. La nuance me paraît très importante. Vraiment, le SRADDET ne peut pas faire ce que vous laissez entendre qu’il pourrait faire !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 24.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Articles additionnels après l'article 9 B
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 9 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 9

(Non modifié)

Au premier alinéa du II de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, après le mot : « humaine », sont insérés les mots : « , ou d’accroître l’exposition aux risques naturels prévisibles faisant l’objet d’un plan de prévention des risques prévu à l’article L. 562-1, ». – (Adopté.)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 10

Article 9 bis

(Non modifié)

À la fin du 5° de l’article L. 215-8 du code de l’urbanisme, la référence : « de l’article L. 324-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 321-1 ou L. 324-1 ».

Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au premier alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, les mots : « institués par le présent titre » sont remplacés par les mots : «institués par les chapitres Ier à IV et par le chapitre VI du présent titre ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Cet amendement vise à rectifier la rédaction de l’article L.210-1 du code de l’urbanisme, qui concerne les droits de préemption, à la suite de la recodification du livre 1er du code de l’urbanisme.

Le but est de sécuriser totalement l’exercice de ce droit de préemption des espaces naturels sensibles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.

(L'article 9 bis est adopté.)

Article 9 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 11

Article 10

Le paragraphe 4 de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un article L. 3211-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3211-16-1. – Les immeubles du domaine privé de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et des établissements publics fonciers ne peuvent être aliénés lorsqu’ils sont situés dans une zone établie en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement en raison d’un risque de recul du trait de côte. Ils peuvent toutefois être cédés ou échangés par ces personnes ou sociétés entre elles ou cédés au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou échangés avec lui. » – (Adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 12

Article 11

(Non modifié)

Le chapitre VII du titre VI du livre V du code de l’environnement, tel qu’il résulte de la présente loi, est complété par une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Aménagement du territoire

« Art. L. 567-2. – La réduction de la vulnérabilité des territoires face au risque de recul du trait de côte peut être réalisée au moyen d’actions ou d’opérations d’aménagement définies à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et d’opérations de préemption et de réserve foncière prévues au livre II du même code.

« Art. L. 567-3. – La préemption est possible dans toute zone d’activité résiliente et temporaire définie au 1° bis du II de l’article L. 562-1 aux conditions suivantes :

« 1° L’acte de vente du bien qui fait l’objet de la préemption comporte une clause précisant si une préférence sera accordée au vendeur en cas de conclusion future d’un bail réel immobilier littoral pris en application des articles L. 567-4 à L. 567-28 sur ce bien ;

« 2° Le prix fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation tient compte de l’existence du risque de recul du trait de côte et de l’affectation prévue d’un bien situé dans une zone d’activité résiliente et temporaire en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1 au jour où il a été acquis par son propriétaire.

« Par exception au 2° du présent article, il n’est pas tenu compte du risque pour la détermination du prix des biens affectés à une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. » – (Adopté.)

Article 11
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 12 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 12

Le chapitre VII du titre VI du livre V du code de l’environnement, tel qu’il résulte de la présente loi, est complété par des sections 3 et 4 ainsi rédigées :

« Section 3

« Bail réel immobilier littoral

« Sous-section 1

« Définition

« Art. L. 567-4. – Constitue un bail réel immobilier littoral le bail de droit privé par lequel l’État, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales, un établissement public foncier, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou une société publique locale compétente pour mener des opérations d’aménagement ou de construction consent à un preneur des droits réels sur tout ou partie d’un immeuble ne relevant pas du domaine public situé, au moment de la conclusion ou de la prorogation de ce bail, dans une zone d’activité résiliente et temporaire définie par un plan de prévention des risques naturels en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1.

« Le bail réel immobilier littoral est régi par la présente section. Toute clause contraire est réputée non écrite.

« Le droit réel porte sur le sol, sur les constructions existantes et sur les constructions nouvelles et améliorations réalisées par le preneur.

« Le bail fait l’objet d’un acte notarié.

« Art. L. 567-5. – La durée du bail réel immobilier littoral est comprise entre cinq et quatre-vingt-dix-neuf ans. Son terme, librement fixé par les parties, ne peut être postérieur au terme de la durée définie à la première phrase du deuxième alinéa du 1° bis du II de l’article L. 562-1. Le bail ne peut faire l’objet d’une tacite reconduction.

« Dans la limite de la durée maximale et dans les conditions fixées par le premier alinéa, sa durée peut être prorogée de façon expresse au-delà du terme convenu si le risque de recul du trait de côte ne s’est pas réalisé à cette date.

« Sous-section 2

« Droits et obligations des parties au contrat de bail réel immobilier littoral

« Art. L. 567-5-1 (nouveau). – Le bail ne peut comporter de faculté de résiliation unilatérale à l’initiative d’une partie.

« Paragraphe 1

« Droits et obligations du bailleur

« Art. L. 567-6. – Sauf stipulation contraire, le bailleur est tenu à l’égard du preneur des mêmes obligations que celles du vendeur d’immeuble à l’égard d’un acheteur, prévues par le chapitre IV du titre VI du livre III du code civil et par la section 2 du chapitre unique du titre VII du livre II du code de la construction et de l’habitation.

« Art. L. 567-7. – (Supprimé)

« Art. L. 567-8. – Sauf stipulation contraire, en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral, le bailleur s’acquitte des frais de démolition des constructions existant le jour de la conclusion du bail et des constructions mises à la charge du preneur dans le contrat.

« Paragraphe 2

« Droits et obligations du preneur

« Art. L. 567-9. – Le preneur à bail réel immobilier littoral ne peut consentir un bail ou titre d’occupation de toute nature conférant des droits réels sur l’immeuble qui lui a été donné à bail et sur les constructions édifiées par le preneur.

« Art. L. 567-10. – Sauf stipulation contraire, le preneur peut, après information préalable du bailleur, surélever, réhabiliter, améliorer, rénover ou démolir toutes les constructions existantes ou à venir et édifier de nouvelles constructions, à condition de n’opérer aucun changement qui diminue la valeur de l’immeuble. Toute réalisation de construction nouvelle à l’initiative du preneur est subordonnée à la constitution d’une garantie financière destinée à lui permettre d’assurer les obligations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 567-12. Le contrat comporte une clause relative à la constitution et aux modalités de cette garantie.

« Art. L. 567-11. – Les constructions existantes restent la propriété du bailleur pendant toute la durée du bail ; les constructions et améliorations réalisées par le preneur en cours de bail sont la propriété de ce dernier. Toutefois, le bailleur et le preneur peuvent convenir de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions à venir.

« Art. L. 567-12. – Sauf stipulation contraire, en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral, le preneur déplace hors de la propriété du bailleur ou démolit les constructions et améliorations réalisées à son initiative, ou s’acquitte des frais de déplacement ou de démolition de ces constructions et améliorations.

« Sauf stipulation contraire, en l’absence de réalisation du risque de recul du trait de côte au terme prévu par le bail réel immobilier littoral, et en l’absence de prorogation de ce dernier, le preneur cède au bailleur les constructions et améliorations dont il est propriétaire.

« Art. L. 567-13. – Le preneur acquiert des servitudes actives et consent aux servitudes passives indispensables à la réalisation des constructions.

« Art. L. 567-14. – (Non modifié) Le preneur peut jouir librement de l’immeuble et des installations ou constructions qui font l’objet du bail, dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la destination de l’immeuble et à l’état dans lequel il a été convenu que ces constructions seraient remises en fin de bail.

« Le contrat de bail peut déterminer les activités accessoires qui pourront être exercées dans l’immeuble objet du bail et peut subordonner à l’accord du bailleur tout changement d’activité.

« Art. L. 567-15. – Le preneur doit maintenir en bon état d’entretien les constructions existant lors de la conclusion du bail et celles qu’il réalise pendant la durée de celui-ci. Il n’est pas obligé de les reconstruire s’il prouve qu’elles ont été détruites par cas fortuit, force majeure, ou qu’elles ont péri par un vice de la construction antérieur à la conclusion du bail.

« Art. L. 567-16. – (Non modifié) Le droit réel conféré au preneur peut être hypothéqué. Ce droit peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière.

« Art. L. 567-17. – (Non modifié) Le preneur est tenu de toutes les charges, taxes et impôts relatifs tant à l’immeuble donné à bail qu’aux constructions existantes et aux constructions nouvelles qu’il a réalisées.

« Art. L. 567-18. – Le prix du bail réel immobilier littoral est constitué d’un loyer payé à la signature du bail ou à toute autre date fixée par les parties.

« Le prix du bail peut également être constitué en tout ou partie par le transfert au bailleur de la propriété d’immeubles ou de fractions d’immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles, ou encore par la réalisation de travaux, constructions ou ouvrages sur un immeuble du bailleur autre que celui objet du bail réel immobilier littoral.

« Art. L. 567-19. – (Non modifié) Le preneur ne peut se libérer du loyer, ni se soustraire à l’exécution des conditions du bail réel immobilier littoral en délaissant l’immeuble.

« Sous-section 3

« Cession du droit au bail réel immobilier littoral

« Art. L. 567-20. – Le preneur peut céder sur tout ou partie de l’immeuble son bail réel immobilier littoral ou l’apporter en société, après accord du bailleur. Le cessionnaire ou la société est alors titulaire des mêmes droits et des mêmes obligations que le cédant. Ce dernier reste garant des obligations portant sur l’achèvement des constructions qu’il s’était engagé à réaliser.

« Art. L. 567-21. – (Non modifié) Pour tout projet de cession, l’acquéreur reçoit de la part du cédant une offre préalable d’acquisition mentionnant expressément le caractère temporaire du droit réel, sa date d’extinction, et reproduisant les dispositions de la présente section.

« Le cédant est tenu de maintenir son offre préalable pour une durée d’au minimum trente jours à compter de sa réception par l’acquéreur potentiel. Cette offre préalable ne peut être acceptée par l’acquéreur potentiel, par la signature d’une promesse de vente ou d’une vente, avant l’expiration d’un délai de dix jours à compter de sa réception.

« Les règles fixées au présent article sont prescrites à peine de nullité de la vente.

« La preuve du contenu et de la notification de l’offre pèse sur le cédant.

« Art. L. 567-22. – (Non modifié) Les dispositions des articles L. 271-1 à L. 271-3 du code de la construction et de l’habitation relatives à la protection de l’acquéreur sont applicables aux actes conclus en vue de l’acquisition des droits réels afférents à un immeuble à usage d’habitation, objet du bail réel immobilier littoral.

« Sous-section 4

« Baux et titres d’occupation

« Art. L. 567-23. – (Non modifié) Le preneur peut librement consentir des baux et titres d’occupation de toute nature ne conférant pas de droits réels sur l’immeuble loué et sur les constructions qu’il a édifiées. Ces derniers s’éteignent de plein droit et sans indemnité au terme du contrat ou, en cas de réalisation anticipée du risque, au jour de sa réalisation conformément à l’article L. 567-25.

« Art. L. 567-24. – I. – Lorsque le preneur décide de mettre en location l’immeuble faisant l’objet d’un bail réel immobilier littoral, le contrat de location reproduit, sous peine de nullité, les dispositions des articles L. 567-4, L. 567-5 et L. 567-23, la date d’extinction du bail réel immobilier littoral, son effet sur le contrat de bail en cours et le risque d’extinction anticipée.

« À peine de nullité, la mention manuscrite “Je déclare savoir que je devrai quitter les lieux en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant la fin du bail et en tout état de cause à la fin du bail” doit figurer sur le contrat de bail conclu en application du présent I.

« II. – (Supprimé)

« Sous-section 5

« Résiliation du bail réel immobilier littoral

« Art. L. 567-25. – I. – Le bail réel immobilier littoral s’éteint à la date prévue au contrat. Il est résilié de plein droit par anticipation soit dans le cas prévu à l’article L. 567-26, soit en cas de réalisation anticipée du risque de recul du trait de côte. Ce risque est constitué par l’existence, sur l’immeuble objet du contrat, d’un arrêté de péril tirant les conséquences d’un recul du trait de côte.

« II. – Sauf stipulation contraire, la valeur non amortie des immobilisations et autres pertes subies par le preneur et par le bailleur en raison de la réalisation anticipée du recul du trait de côte reste à la charge de chacune des parties.

« Art. L. 567-26. – (Non modifié) À défaut pour le preneur d’exécuter ses obligations contractuelles, notamment en cas de défaut de paiement du prix non régularisé six mois après une mise en demeure signifiée par acte extrajudiciaire, le bailleur peut demander la résiliation par le juge du bail réel immobilier littoral.

« Art. L. 567-27. – (Supprimé)

« Art. L. 567-28. – (Non modifié) Les servitudes passives, privilèges, hypothèques ou autres charges nés du chef du preneur s’éteignent à l’expiration du bail réel immobilier littoral.

« Section 4

«Dispositions communes

« Art. L. 567-29. – (Non modifié) Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre. »

Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 22

1° Après le mot :

constructions

insérer les mots :

qu’il a

2° Supprimer les mots :

par le preneur

II. - Alinéa 24, seconde phrase

Après la seconde occurrence du mot :

constructions

insérer les mots :

et améliorations

III. - Alinéa 46

1° Première phrase

Remplacer le mot :

loué

par les mots :

qui lui a été donné à bail

2° Seconde phrase

a) Supprimer le mot :

anticipée

b) Après le mot :

risque

insérer les mots :

avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral

IV. - Alinéa 47

Remplacer le mot :

sous

par le mot :

à

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence réactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Après les mots :

tels immeubles

supprimer la fin de la phrase.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une disposition dont la conformité au droit européen n’est pas assurée. Elle permet en effet au preneur de s’acquitter du prix du bail en réalisant des travaux sur un immeuble autre que l’immeuble objet du bail. Cela revient à créer une dérogation à l’obligation pour une personne publique d’avoir recours à une procédure de passation de marchés publics pour faire réaliser les travaux, ce qui ne semble pas justifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 34, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 52

1° Deuxième phrase

a) Supprimer le mot :

anticipée

b) Compléter cette phrase par les mots :

avant le terme prévu

2° Dernière phrase

a) Remplacer les mots :

constitué par l’existence, sur l’immeuble objet du contrat,

par les mots :

considéré comme réalisé dès la publication

b) Après le mot :

péril

insérer les mots :

concernant l’immeuble objet du contrat et

II. - Alinéa 53

a) Supprimer le mot :

anticipée

b) Après le mot :

côte

insérer les mots :

avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision de la procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 13

Article 12 bis

(Non modifié)

I. – L’article 44 quindecies du code général des impôts est applicable, à l’exclusion de toute exonération de charges sociales, aux entreprises nouvelles signataires d’un bail réel immobilier littoral.

II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. L'amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le présent amendement vise à supprimer l’article 12 bis, qui étend l’exonération d’impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR, prévue à l’article 44 quindecies du code général des impôts aux entreprises nouvelles signataires d’un bail réel immobilier littoral, le BRILI, même si elles ne sont pas situées en ZRR.

Le régime du bail réel immobilier littoral est un outil très pertinent, mais il suit une logique totalement différente. L’article 12 bis conduit à brouiller le dispositif fiscal des zones de revitalisation rurale. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de le supprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. L’article 12 bis a été introduit par les députés, sans opposition du Gouvernement, pour créer une incitation économique à la conclusion d’un bail réel immobilier littoral.

Je découvre aujourd'hui, le jour même de la discussion du texte en séance publique, que le Gouvernement souhaite supprimer cet article, objet de cet amendement.

Pour nous donner le temps d’approfondir cette question, je vous propose au contraire, madame la ministre, de maintenir cet article en adoptant l’amendement rédactionnel et de précision qui suit. Nous pourrons ainsi y revenir en deuxième lecture.

J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 40.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 35, présenté par M. Vaspart, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Supprimer le mot :

nouvelles

2° Compléter cet alinéa par les mots :

créées après la promulgation de la présente loi

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Vaspart, rapporteur. Cet amendement a été défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12 bis, modifié.

(L'article 12 bis est adopté.)

Article 12 bis (Texte non modifié par la commission)
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Article additionnel après l’article 13

Article 13

I A. – (Supprimé)

I. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s’appliquent aux mouvements de terrain côtiers jusqu’à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2022. »

II. – (Non modifié) À compter de la date fixée par le décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, et au plus tard le 1er janvier 2022, la seconde phrase du même alinéa est ainsi rédigée :

« Ces dispositions ne s’appliquent aux mouvements de terrain côtiers qu’en l’absence de plan de prévention des risques naturels prescrit. »

III. – Après le premier alinéa du I de l’article L. 561-3 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sur les territoires soumis au recul du trait de côte, il finance les acquisitions de biens effectuées dans le cadre d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 567-2, dès lors que ces biens étaient soumis à un risque inférieur à dix ans au jour de l’ouverture de cette opération. Il finance également les dépenses liées à la limitation de l’accès à ces biens et à leur démolition éventuelle, à l’exception des constructions édifiées après approbation du plan de prévention des risques, dans une zone d’autorisation d’activité résiliente et temporaire définie à l’article L. 562-1. Il finance enfin l’indemnisation des pertes relatives à la réalisation anticipée du risque de recul du trait de côte prévu dans les contrats de bail réel immobilier littoral pris en application des articles L. 567-4 à L. 567-28. »

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Tocqueville et Herviaux, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano, Filleul, J.C. Leroy, Madrelle, Miquel, Roux et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La section 7 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’environnement est complétée par un article L. 321-… ainsi rédigé :

« Art. L. 321- – Il est créé un fonds d’adaptation au recul du trait de côte. Sur les territoires soumis au recul du trait de côte, il finance les acquisitions de biens effectuées dans le cadre d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 567-2, dès lors que ces biens étaient soumis à un risque inférieur à dix ans au jour de l’ouverture de cette opération. Il finance également les dépenses liées à la limitation de l’accès à ces biens et à leur démolition éventuelle, à l’exception des constructions édifiées après approbation du plan de prévention des risques, dans une zone d’autorisation d’activité résiliente et temporaire définie à l’article L. 562-1. Il finance enfin l’indemnisation des pertes relatives à la réalisation anticipée du risque de recul du trait de côte prévu dans les contrats de bail réel immobilier littoral pris en application des articles L. 567-4 à L. 567-28. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s’appliquent aux mouvements de terrain côtiers jusqu’à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2022. »

III. – À compter de la date fixée par le décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, et au plus tard le 1er janvier 2022, la seconde phrase du même deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« Ces dispositions ne s’appliquent aux mouvements de terrain côtiers qu’en l’absence de plan de prévention des risques naturels prescrit. »

La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Cet amendement vise à rétablir la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte, supprimé lors de l’examen du texte par la commission de l’aménagement du territoire du Sénat.

M. le rapporteur a en effet estimé que nous ne disposions pas de suffisamment d’informations sur les modalités de constitution de ce fonds. À ce titre, selon lui, nous ne pouvions donc pas en voter la création.

Cette position peut se comprendre. C’est pourquoi la version initiale de la proposition de loi a été rétablie, qui prévoit le recours au fonds de prévention des risques naturels majeurs, le Fonds Barnier, pour la prise en charge des acquisitions amiables de biens soumis à un risque de recul du trait de côte dans le cadre d’opérations d’aménagement réalisées par les collectivités.

Un consensus semble cependant émerger sur la pertinence de créer un fonds spécifique au recul du trait de côte, afin de réserver le Fonds Barnier aux situations d’urgence.

À l’Assemblée nationale, Mme la ministre a esquissé les modalités de fonctionnement de ce fonds, et notamment ses sources de financement, qui seront triples : État, collectivités territoriales, assureurs. Elle a néanmoins reconnu que des questions restaient en suspens et que des réponses y seraient apportées.

C’est pourquoi nous proposons ici le rétablissement de la création de ce fonds, en espérant que le Gouvernement puisse nous apporter les précisions nécessaires sur son fonctionnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Sur proposition du Gouvernement, les députés ont prévu la création d’un nouveau fonds d’adaptation au recul du trait de côte, au motif que le Fonds Barnier serait davantage réservé à des situations d’urgence qu’au financement de mesures d’aménagement du littoral. Cependant, aucun détail n’est fourni sur le niveau et l’assiette du financement de ce nouveau fonds, sa gestion quotidienne, son entrée en vigueur ou les critères d’éligibilité.

Par conséquent, la commission a rétabli la prise en charge par le Fonds Barnier des acquisitions amiables de biens soumis à un risque de recul du trait de côte dans le cadre d’opérations d’aménagement réalisées par les collectivités.

Le Fonds Barnier présente l’avantage d’exister et sa situation financière conduit à penser qu’il pourrait prendre en charge les dépenses induites par la gestion du risque lié au recul du trait de côte. Mais je reste néanmoins ouvert à toute proposition, madame la ministre, pourvu qu’elle soit suffisamment documentée et crédible, à quelques mois des prochaines échéances électorales. Il faut notamment prendre garde que la gestion et le financement du nouveau fonds reposent uniquement sur les collectivités territoriales.

Je maintiens donc, sur cet amendement, l’avis que j’avais déjà fait valoir en commission, ce que Nelly Tocqueville comprendra sûrement : défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à rétablir le fonds adopté à l’Assemblée nationale.

Je précise d’ailleurs que le Gouvernement n’est pas le seul à vouloir recourir à un fonds différent du Fonds Barnier pour traiter ce type de situations. Un grand nombre de parlementaires tiennent absolument, en effet, à ce que le périmètre d’intervention du Fonds Barnier se limite à ce pour quoi il a été créé.

Le débat à l’Assemblée nationale a donc porté sur l’opportunité d’élargir les missions affectées au Fonds Barnier, ce qui pose des problèmes particuliers, ou de créer un fonds spécifique visant à prévenir les risques n’entrant pas, pour l’heure, dans le périmètre du Fonds Barnier, plutôt que sur la question du financement.

Le Fonds Barnier a été pensé pour indemniser les victimes de catastrophes naturelles. Or l’érosion, vous le savez, est un phénomène se déroulant sur un temps long. D’où notre volonté de défendre la création d’un fonds dédié.

C’est aussi le sens des amendements nos 41 et 43 déposés par le Gouvernement.

L’amendement n° 41 vise à introduire une dégressivité dans le temps de l’indemnisation des propriétaires de biens exposés au recul du trait de côte pour inciter les acteurs à traiter les problèmes le plus en amont possible.

L’amendement n° 43, quant à lui, tend à souligner le nécessaire accompagnement financier des zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART, et du bail réel immobilier littoral.

Vous posez une question, monsieur le rapporteur, qui va au-delà du débat de ce soir : vous craignez en effet que les collectivités territoriales ne se retrouvent seules à financer le fonds dont nous voulons voir la création. Mais l’État peut avoir la même inquiétude !

C’est une question épineuse ; il suffit de s’intéresser au cas particulier de l’immeuble Le Signal pour s’en convaincre. Et ce n’est qu’un exemple : combien y aura-t-il demain ?

En l’état actuel du droit, ni l’État ni les collectivités territoriales ne sont responsables. La lecture des recours juridiques faits par les copropriétaires du Signal montre à quel point, d’ailleurs, cette situation est vécue comme une folle injustice. Au bout du compte, en effet, ce sont eux, les habitants, qui se retrouvent dans la difficulté, car leur bien est devenu inhabitable du fait de l’érosion et a donc perdu toute sa valeur.

Il faut par conséquent mettre en place une solution pour indemniser ces personnes, mais aussi toutes celles qui, à l’avenir, ne manqueront pas d’être dans un cas similaire, même si de nombreux territoires, instruits de cet exemple particulier, ont entamé des travaux de prévention, mais aussi d’identification des bâtis concernés, au-delà même des études menées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA. Pour certains territoires, en effet, la situation se compliquera non pas dans vingt ans, nous en avons parlé, mais dans dix ans.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.

M. Ronan Dantec. C’est sur cette question, mes chers collègues, que nous aurions dû passer le plus de temps. C’est le cœur du texte !

Pour ce qui est du trait de côte, notre approche est encore trop orientée sur les risques ; l’exemple du Signal nous le montre. Or là n’est pas l’enjeu. Demain, des dizaines de milliers d’habitations sur le littoral connaîtront une perte progressive de valeur. Je ne suis pas sûr que la manière que nous avons d’aborder la question de l’indemnisation réponde à cette question. L’accompagnement bancaire des personnes s’étant endettées pour l’acquisition d’un bien ne valant plus grand-chose, la perte de valeur immobilière globale d’un territoire : voilà les vrais problèmes posés par la montée des eaux.

Il y a certes des situations d’urgence. C’est pour y faire face que le Fonds Barnier a été créé, pas pour affronter la perte progressive et régulière de valeur d’une bonne partie du littoral français.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

II. – À compter de la date fixée par le décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, et au plus tard le 1er janvier 2022, le 1° du I de l’article L. 561-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s’appliquent également aux mouvements de terrain liés au recul du trait de côte ; dans ce cas, jusqu’en 2032, la contribution du Fonds de prévention des risques naturels majeurs ne peut excéder 75 % de la valeur du bien estimée sans prendre en compte le risque ; à partir de 2032, cette contribution ne peut excéder 50 % de la valeur du bien estimée sans prendre en compte le risque. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L’amendement n° 43, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sur les territoires soumis au recul du trait de côte, il finance dans la limite de 75 % les acquisitions de biens effectuées dans le cadre d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 567-2, dès lors que ces biens étaient soumis à un risque inférieur à dix ans au jour de l’ouverture de cette opération. Il finance également dans les mêmes conditions les dépenses liées à la limitation de l’accès à ces biens et à leur démolition éventuelle, à l’exception des constructions édifiées après approbation du plan de prévention des risques, dans une zone d’autorisation d’activité résiliente et temporaire définie à l’article L. 562-1.

« Il finance enfin dans les mêmes conditions l’indemnisation des pertes relatives à la réalisation anticipée du risque de recul du trait de côte prévu dans les contrats de bail réel immobilier littoral pris en application des articles L. 567-4 à L. 567-28. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Je tiens à le redire à Mme la ministre : je suis tout à fait disposé à discuter de la création d’un fonds dédié et à étudier les précisions qu’elle sera amenée à faire sur ce point.

Je rappelle également que le meilleur garant de la solidarité sur le plan national reste l’État. C’est aussi l’État qui peut négocier, à l’échelle internationale, des conséquences de la montée des eaux. Il est donc normal qu’il soit en première ligne pour ce qui est de la responsabilité juridique entraînée par ces situations. C’est en tout cas la position de la commission.

L’amendement n° 41 vise à maintenir le financement par le Fonds Barnier des expropriations de biens liées au recul du trait de côte jusqu’en 2022, avant de basculer dans le financement d’acquisitions amiables plafonnées à 75 % jusqu’en 2032, puis 50 % au-delà. Ce faisant, il reporte la charge, semble-t-il, sur les collectivités territoriales, même si cela n’est pas précisé. Si tel était le cas, cela ne serait pas acceptable : les collectivités territoriales n’ont pas à financer les conséquences de l’élévation du niveau de la mer.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mêmes causes, mêmes effets : elle est également défavorable à l’amendement n° 43.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l’amendement n° 41.

Mme Évelyne Didier. Quelques mots seulement, pour ouvrir une piste de réflexion sur ces sujets.

Je lis dans l’objet de l’amendement n° 41 que le Fonds Barnier « est, de plus en plus, un levier d’accompagnement des collectivités locales dans l’amélioration de la prévention du risque » et de la gestion des difficultés posées par certains terrains, dans le cadre des plans de prévention des risques naturels, ou PPRN.

Or les collectivités situées dans des secteurs miniers, par exemple, ou connaissant des risques d’inondation, gèrent ces difficultés en étant épaulées par un établissement foncier, qui les aide notamment dans leurs politiques d’acquisition.

C’est à mon sens une piste à creuser : donner de nouvelles missions aux établissements publics fonciers existants. Cela offrirait aux collectivités le temps, quatre ou cinq ans, de se retourner, au lieu de devoir acheter brutalement les biens concernés. Cette gestion de long terme me semble intéressante.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13.

(L’article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 14

Article additionnel après l’article 13

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Percheron, Vandierendonck, Delebarre, Madrelle et Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement s’engage à remettre au Parlement avant la fin de l’année 2017 un rapport dans lequel seront étudiées la faisabilité et les conditions de mise en œuvre d’une écotaxe d’un euro la tonne de sable et autres produits dérivés, achetée ou utilisée en France pour la construction de bâtiments, d’aménagement ou d’infrastructures, alimentant le fonds national des risques naturels majeurs et destinée à lancer des appels à projets innovants visant à encourager le développement de constructions ou de matériaux de construction plus économes en sable, le recyclage de déchets de chantier, un urbanisme littoral adapté à la reconstitution des plages et la mise en place d’observatoires locaux du changement climatique sur les territoires littoraux.

La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. L’heure est à Tacite plus qu’à Cicéron : je tâcherai donc d’être très bref.

La banquise fond ; la mer avance irrésistiblement. Et curieusement, depuis un siècle, les peuples – européens notamment – migrent vers la mer, de façon là aussi presque irrésistible. Le débat passionnant que nous avons ce soir, qualifié par certains de « breton » – adjectif qui ne me dérange pas –, traite donc de l’exception littorale française.

Je sais, mes chers collègues, qu’on ne bâtit pas sur du sable, surtout à cette heure. En revanche, on construit beaucoup grâce à lui. Des plages de la Manche et de l’Atlantique, on tire 7 millions de tonnes de sable, dont 95 % servent à faire du béton. Nous savons que cette extraction a des conséquences sérieuses pour l’écosystème marin – turbidité, courant de fond, chalutage – et in fine pour les plages, dont l’image en pâtit. Tout cela alors que le tourisme, à l’époque de l’image reine et de la civilisation des loisirs, sera une des grandes industries françaises de ce siècle.

Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport, avant la fin 2017, sur l’opportunité de créer une écotaxe d’un euro par tonne de sable extrait, afin d’abonder le fonds Barnier. Ce fonds pourrait ainsi financer la résilience de l’urbanisme littoral et la recherche accélérée et approfondie sur de nouveaux matériaux de construction économes en sable, entre autres missions.

Cet amendement est aussi motivé par des considérations nostalgiques, auxquelles j’associe, s’il le permet, Jean-François Rapin. Nous, élus du Pas-de-Calais, nous sommes en effet retrouvés un peu seuls en première ligne quand il s’est agi, il y a quelques mois, de financer la renaissance d’une commune touristique attachante, Wissant – il y avait urgence : la commune avait été ravagée par la tempête – et la modernisation du deuxième port de voyageurs de Calais. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Le sujet est très intéressant, mais l’amendement vise à demander au Gouvernement la confection d’un rapport.

Or l’article 99 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août dernier prévoit déjà la remise, dans un délai d’un an, d’un rapport visant à évaluer l’impact environnemental et économique sur le littoral et l’écosystème marin des activités d’exploration ou d’exploitation des ressources minérales - il n’est donc pas nécessaire d’en demander un deuxième !

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 13
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article additionnel après l’article 14 (début)

Article 14

(Suppression maintenue)

Article 14
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article additionnel après l’article 14 (fin)

Article additionnel après l’article 14

Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « faveur », sont insérés les mots : « de comités départementaux, interdépartementaux ou régionaux des pêches maritimes et des élevages marins au sens des articles L. 912-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, de comités régionaux de la conchyliculture au sens des articles L. 912-6 et suivants du même code, ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Cet amendement vise à ajuster à la marge la loi NOTRe pour permettre aux départements d’intervenir au soutien des comités des pêches et de la conchyliculture.

Pour gagner du temps, je vous laisse le soin d’en lire le dispositif, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je crois que nous pouvons nous mettre d’accord sur son utilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vaspart, rapporteur. Les bras m’en tombent, madame la ministre : c’est un cavalier, mais l’avis de la commission est favorable ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 14.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

(La proposition de loi est adoptée.)

Article additionnel après l’article 14 (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
 

15

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 12 janvier 2017 :

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze :

Débat sur le thème « Faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? » ;

Débat sur la situation de l’hôpital.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 12 janvier 2017, à zéro heure quinze.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD