M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Ce problème est extrêmement douloureux. La France a une dette terrible envers ceux qui sont morts et ceux, adultes ou enfants, qui sont malades et souffrent, encore aujourd’hui.

Depuis cinq ans, à maintes reprises dans cette assemblée, nous avons évoqué les difficultés d’application de la loi Morin. Pas même 1 % des centaines de demandes d’indemnisation déposées ont été traitées… Un ancien sénateur de la Polynésie avait déposé une proposition de loi sur ce sujet ; en vain. Au mois de juillet dernier, des associations polynésiennes ont tenu une conférence de presse au Sénat, et souligné qu’elles ne se sentaient toujours pas écoutées par le Gouvernement.

Bien sûr, il est positif que le Gouvernement aborde cette question aujourd’hui, au travers du présent amendement. Madame la ministre, vous affirmez qu’il s’agit d’une avancée. Je ne peux pas, en cinq minutes, me forger un avis fondé sur un dispositif aussi technique. Il faudra que les associations qui travaillent depuis des décennies sur le sujet se prononcent. En tout état de cause, l’argument du risque négligeable, qui est régulièrement invoqué pour rejeter des dossiers et refuser toute indemnisation, ne disparaîtra pas.

En ce qui me concerne, je voterai cet amendement pour qu’il soit dans le circuit législatif et que nous puissions continuer à travailler, notamment avec les associations de victimes, sur la base de cette ouverture. Son adoption permettra en quelque sorte de mettre le pied dans la porte. J’espère que nous pourrons ensuite avancer vite.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Pour ma part, je m’arrêterai sur les aspects positifs de cet amendement, dont l’adoption nous permettra d’avancer, fût-ce d’un tout petit pas. Certes, on peut toujours mieux faire, et il convient de s’y employer. Notre collègue Lana Tetuanui n’étant pas hostile à cet amendement, notre groupe le votera.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Le calendrier a été serré, car le Conseil d’État n’a communiqué son avis qu’en décembre dernier. Par ailleurs, nous avons cherché à sécuriser au maximum le dispositif sur le plan juridique, ce qui a demandé beaucoup de travail, eu égard à la complexité et à la gravité du sujet.

Madame la sénatrice Tetuanui, vos paroles m’ont beaucoup touchée, comme vos déclarations précédentes avaient touché le Président de la République. Vous portez sur vos épaules – elles ne sont pas si frêles ! – le poids de ce sujet ; il en est de même pour moi. Sans aller jusqu’à dire que j’en suis fière, je considère que cet amendement représente un pas en avant.

Si nous débattons aujourd’hui d’un tel amendement, c’est parce que le Président de la République, lors de sa visite en Polynésie française, a pour la première fois reconnu que les essais nucléaires avaient eu un impact sur la vie des Polynésiens. C’est un fait politique majeur.

Au travers de cet amendement, le Gouvernement entend sécuriser les choses. C’est important pour les victimes qui sont engagées dans un processus de réparation.

Il s’agit d’une étape importante. Les choses évolueront ou pas, mais je suis en tout cas heureuse de franchir avec vous tous cette première étape vers une meilleure indemnisation des victimes polynésiennes, auxquelles vont bien sûr nos pensées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UDI-UC.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 90 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 343

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.

L'amendement n° 220 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 34 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 321-36-6 du code de l’urbanisme est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’État peut transférer des terrains lui appartenant, à titre gratuit, à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte en vue de la réalisation d’opérations de constructions scolaires, de logements sociaux et d’infrastructures publiques de première nécessité.

« Jusqu’au 31 décembre 2020, le préfet de Mayotte arrête la liste des parcelles faisant l’objet du transfert. La publication de l’arrêté préfectoral emporte transfert de propriété, l’établissement public étant chargé des autres formalités prévues par les lois et les règlements.

« Un premier transfert est réalisé dans les douze mois suivant la promulgation de la loi n° ….. du ….. de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre…

Dispositions relatives au foncier en outre-mer

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement vise à créer, dans le code de l’urbanisme, un titre intitulé « Dispositions relatives au foncier en outre-mer », regroupant les mesures relatives à la réforme du foncier à Mayotte et les modalités d’attribution du foncier appartenant à l’État à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte. La création de ce titre recouvre une réforme majeure et très attendue à Mayotte.

Je salue le rapport d’information sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer remis en juin dernier par Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu. Il s’agit d’un travail remarquable, qui ne fait pas l’impasse sur les difficultés sociales et culturelles. Au contraire, sur ce sujet, il propose des pistes de réflexion qui ont très largement inspiré les amendements du Gouvernement. Il a notamment mis en exergue les difficultés particulières rencontrées à Mayotte, liées à l’absence de titres de propriété, aux indivisions et à aux occupations illégales, qui occasionnent des lenteurs dans la mise en œuvre de nombreuses politiques publiques et des retards de développement pour l’île.

Qu’il s’agisse de projets d’équipements scolaires, de routes, de complexes hôteliers, de zones d’activités, de construction de logements, les difficultés à maîtriser le foncier retardent, à l’évidence, le développement. La mise en place des services publics, l’implantation d’entreprises, la construction de logements supposent d’acquérir des terrains auprès des propriétaires. Or ceux-ci ne peuvent vendre que s’ils disposent d’un titre de propriété.

Par ailleurs, remédier au désordre foncier, c’est aussi soutenir les finances des collectivités locales. En effet, à terme, cette démarche permettra d’élargir l’assiette des impôts de ces collectivités locales. L’établissement des titres de propriété apparaît donc comme un prérequis pour le développement. Ce projet de loi est véritablement le vecteur adapté pour introduire de telles dispositions visant à accélérer le titrement, notamment à Mayotte.

Le Gouvernement a la volonté d’agir sur tous les leviers possibles pour accompagner les outre-mer, en particulier Mayotte, dans cette voie. À cette fin, il a déposé cinq amendements, dont les dispositions seront regroupées au sein d’un nouveau titre X bis. Il s’agit d’un ensemble cohérent de mesures visant à résoudre ce désordre foncier. Elles traduiront la volonté et la détermination de la Haute Assemblée et du Gouvernement d’accompagner Mayotte dans ce processus.

L’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte a été créé par la loi du 14 octobre 2015. Son décret de mise en œuvre est en cours d’examen par le Conseil d’État et l’installation de son premier conseil d’administration aura lieu au cours du premier trimestre de cette année. Cet établissement sera un acteur important de l’aménagement à Mayotte, au service des communes, des groupements de communes, du conseil départemental et de l’État. Il est donc essentiel que l’État soutienne la naissance de cet établissement. Aussi le Gouvernement a-t-il déposé un amendement visant à instaurer en sa faveur une donation en nature, par le biais du transfert de terrains appartenant à l’État qui pourraient être aménagés. Cet apport permettra à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte de démarrer ses premières opérations d’aménagement.

Je conclurai en saluant la grande détermination du sénateur Mohamed Soilihi, sans laquelle ces avancées qui profiteront à tous les Mahorais n’auraient pu être obtenues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous accueillons avec une certaine satisfaction ces différents amendements. Nous avons évoqué hier la situation dramatique à laquelle est confrontée Mayotte. Le foncier y fait indubitablement partie des sujets de préoccupation majeurs, comme dans d’autres territoires ultramarins.

Partant de ce constat, Thani Mohamed Soilihi, Robert Laufoaulu et moi-même avons formulé un certain nombre de préconisations dans le rapport d’information établi au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, sous la présidence de Michel Magras.

Cela montre une nouvelle fois combien le Sénat peut faire œuvre utile. Il importe, à cet égard, que les préconisations pertinentes contenues dans les rapports parlementaires puissent trouver, à terme, une traduction dans la loi. En l’espèce, nous avons essayé d’apporter des réponses aux problèmes épineux tenant au foncier, qui en cristallisent d’autres sur ces territoires. Il faudra nécessairement aller plus loin, car les difficultés sont légion.

L’amendement n° 220 rectifié bis vise précisément à traduire l’une des propositions émises par la délégation sénatoriale à l’outre-mer. Il tend à prévoir que l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, créé par la loi d’actualisation du droit des outre-mer de 2015, puisse bénéficier de la cession gratuite de terrains appartenant à l’État pour y réaliser des opérations de construction d’écoles, de logements sociaux et d’infrastructures publiques.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui va clairement dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Lors de sa séance du 9 décembre 2014, sur ma proposition, la délégation sénatoriale à l’outre-mer a accepté d’entreprendre une étude transversale sur le foncier, non seulement à Mayotte mais dans tous les territoires d’outre-mer. En effet, le foncier constitue un facteur de blocage pour le développement de l’ensemble des outre-mer.

Le premier volet de cette étude portait essentiellement sur la Guyane, dont l’État possède plus de 95 % du territoire, le second sur la problématique du foncier à Mayotte, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie notamment.

Le foncier à Mayotte est bloqué depuis plusieurs années, car sur son territoire coexistent deux types de propriété : la propriété de droit commun et la propriété coutumière, cette dernière n’ayant pas encore été entièrement titrée à ce jour. Or les accords de 2000 signés entre les élus mahorais et l’État prévoyaient que celui-ci régularise la situation foncière de Mayotte avant de mettre en œuvre la décentralisation, en 2006, la réforme fiscale, en 2007, puis la départementalisation. Cette étape majeure n’a pas été menée à son terme ; c’est ce qui explique le blocage actuel.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier : votre porte nous a toujours été ouverte, vos collaborateurs et vous-même avez toujours été à nos côtés pour avancer sur ces sujets. Le présent amendement va dans le bon sens. Je le voterai sans aucune réserve.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Je salue la création de ce titre nouveau consacré au foncier, qui, à l’image de l’ensemble de ce projet de loi, marque un tournant, une évolution très positive dans la manière dont le Gouvernement et le Parlement abordent les problématiques des territoires d’outre-mer. L’expression « égalité réelle » trouve ainsi tout son sens.

Le groupe socialiste et républicain votera avec enthousiasme cet amendement, qui augure d’une approche beaucoup plus adaptée à la réalité des outre-mer que ce que nous avons trop longtemps connu…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.

L'amendement n° 222 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 34 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5114-7 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi rédigée :

« Ce décret fixe les conditions de cette décote, qui peut atteindre 80 % de la valeur vénale du bien considéré. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre…

Dispositions relatives au foncier en outre-mer

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement a pour objet de renforcer la possibilité de décote lorsque l’État cède à un occupant un terrain de la bande des cinquante pas géométriques.

À Mayotte, cette zone appartient presque exclusivement à l’État, mais fait l’objet de nombreuses occupations, généralement sans titre. Cette situation est le fruit de l’histoire et d’une pression démographique extrêmement forte. Il existe donc une distorsion importante entre l’occupation et la propriété des biens. Le Gouvernement propose d’avancer dans le règlement des situations d’occupation sans titre et de procéder à une régularisation.

Le processus de régularisation, qui ne concerne que les zones urbaines ou à urbaniser actuellement régies par les articles L. 5114 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, repose sur une cession à titre onéreux. Lorsque cette cession concerne un immeuble à usage d’habitation principale personnellement occupé par le demandeur, une décote peut être pratiquée, tenant notamment compte du revenu de l’occupant et de la taille du ménage. Elle est actuellement plafonnée à 50 %.

Le processus de régularisation n’atteignant pas son objectif, principalement en raison de la faiblesse des moyens financiers des occupants, il est proposé de renforcer la décote en relevant son plafond à 80 % et en inscrivant celui-ci dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Le relèvement à 80 % du plafond de la décote pourrait apparaître comme un cadeau. Il n’en est rien. Au risque de choquer, je dirai même qu’il risque d’aboutir à une injustice.

D’après les textes, la zone littorale des cinquante pas géométriques, dits aussi « pas du roi », appartient exclusivement à l’État. Or c’est elle qui a accueilli les premiers peuplements de Mayotte. Depuis des générations, des familles vivent sur cette bande des cinquante pas géométriques, qui n’a émergé en tant que telle, dans les textes, qu’à partir de 1926. Il aura fallu attendre les années quatre-vingt-dix pour que, dans les actes administratifs et devant les juridictions, on commence à donner à cette notion une signification légale.

En tout état de cause, demander à une personne qui s’est toujours considérée chez elle et qui n’était jusqu’à présent pas obligée d’immatriculer sa parcelle d’acheter celle-ci à l’État est complètement ubuesque et incompréhensible. Même pour un euro symbolique, certains Mahorais s’y refuseront, au motif que leur famille vit depuis des générations sur cette parcelle qui, à leurs yeux, n’appartient donc pas à l’État.

Madame la ministre, j’aimerais que nous puissions avancer sur ce sujet d’ici à la commission mixte paritaire. Cet amendement va plus loin que le dispositif actuel, mais le seul relèvement de la décote ne débloquera pas la situation : les occupants resteront réticents à régulariser leur situation.

Estimer qu’aller au-delà serait coûteux pour les finances de l’État relève d’un mauvais calcul, car plus on régularisera de parcelles, plus les recettes fiscales croîtront.

M. Thani Mohamed Soilihi. En outre, je ne vois aucun gouvernement se risquer à expulser les occupants sans titre.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Je joins ma voix à celle de mon collègue Thani Mohamed Soilihi puisque la problématique est la même à Saint-Martin : les occupants d’un terrain ne comprennent pas que, l’ayant utilisé ou, en tout cas, occupé pendant des décennies, il leur soit demandé aujourd'hui de l’acheter, alors que, parfois, ils détiennent des titres.

La validité de ces titres est une autre question et c’est là l’objet de mon intervention. J’aimerais vous sensibiliser sur le fait que, dans certains territoires, la commission de validation des titres a cessé d’exister alors que le Gouvernement a prolongé la période de régularisation des cinquante pas. Ainsi, certaines personnes ont pu, auparavant, faire valoir leurs titres, alors que d’autres, par ignorance ou pour d’autres raisons, ne l’ont pas fait et se trouvent aujourd'hui pénalisées.

Madame la ministre, en tenant compte des débats aujourd'hui, porterez-vous une attention particulière à cette problématique ? Même du temps où l’État, à travers l’Agence des cinquante pas géométriques, était en charge de la régularisation des terrains, cette question n’a pu être réglée. Aujourd'hui, elle reste entière.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. D’abord, je confirme l’importance de l’engagement de Thani Mohamed Soilihi au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer depuis sa création. Dans son rapport, la délégation est allée beaucoup plus loin que le Gouvernement. Nous estimons, en effet, que les terrains qui appartiennent à l’État, à savoir la ZPG, devraient être restitués gratuitement à ceux qui l’occupent. Il me semble également, sauf erreur de ma part, que le président du département de Mayotte, lui aussi, va dans ce sens.

Par ailleurs, je rappelle que Mayotte est devenue département et que, pour cette raison, il est impératif que les occupants de terrains puissent tôt ou tard détenir un titre de propriété. En effet, à défaut de tels titres, on peut s’interroger sur la manière dont la collectivité de Mayotte pourra percevoir sa propre fiscalité locale. Les habitants en sont bien conscients. Il y a donc là une étape à franchir.

Personnellement, je pense que, si nous voulons encourager les Mahorais à devenir propriétaires du bien qu’ils occupent, il faudrait envisager bien plus qu’une décote de 80 %.

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.

M. Serge Larcher. La question des cinquante pas géométriques se retrouve dans tous les départements, même partiellement en Guyane. Nous avons le rapport de la délégation sur la question des cinquante pas géométriques. Il faut avoir à l’esprit l’ensemble de la question pour pouvoir traiter le cas particulier de Mayotte.

Les Antilles, La Réunion et la Guyane ont connu la départementalisation en 1946. La question des cinquante pas géométriques a été traitée depuis lors. Un transfert a même été prévu pour les départements de Martinique, de Guyane, de Guadeloupe et de La Réunion, ainsi que pour la collectivité de Saint-Barthélemy de la domanialité des cinquante pas géométriques de l’État à la collectivité la plus haute, la région. Donc, un texte existe, et les gens doivent comprendre que, s’ils veulent transmettre à leurs héritiers leur patrimoine, il leur faudra un titre de propriété et, par conséquent, assumer un minimum de dépenses.

Vous traitez de Mayotte, mais regardez ce qui a été fait ailleurs : il importe de ne pas créer de déséquilibres, d’inégalités dans le traitement d’un même dossier suivant les territoires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Je suis bien consciente des problèmes que pose la disparition de la commission de régulation et du fait qu’il reste des situations à régler. J’ai bien entendu, monsieur Arnell, votre interrogation.

Monsieur Larcher, la question de la zone des pas géométriques se pose effectivement dans tous les territoires, mais le problème est particulièrement aigu à Mayotte, et l’ouverture de ce chantier dans ce département est un premier pas. On a bien compris – vous l’avez tous relevé – qu’il y a là un effet levier.

En agissant sur ce levier, nous engrangeons une multitude d’effets positifs, notamment la possibilité pour les collectivités de percevoir des taxes qu’elles ne perçoivent pas aujourd'hui. Un tel processus est bon pour leur investissement, pour le service public et, surtout, pour les Mahorais eux-mêmes qui, aujourd'hui, vivent une situation d’instabilité en termes de droit de propriété d’un bien dans lequel ils ont investi.

J’ai bien entendu également les remarques formulées sur la décote. Or ce que nous faisons, c'est précisément d’adapter la décote à la réalité des ressources et à la capacité des propriétaires d’acquérir le bien. C'est la raison pour laquelle nous avons relevé le plafond de la décote à 80 % de la valeur vénale du bien.

Nous pourrions effectivement réfléchir à un accroissement de ce taux d’ici à la commission mixte paritaire et même au-delà. J’attire néanmoins l’attention sur la nécessité de ne pas ouvrir une bulle spéculative. Il faut donc réfléchir aussi à poser des limites dans le temps, à fixer des contreparties, des durées de détention de propriété, de manière à éviter toute dérive contre-productive.

M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour explication de vote.

M. Abdourahamane Soilihi. Madame la ministre, je vous ai bien entendue, mais je ne pense pas que c’est ainsi qu’on va régler le problème de Mayotte.

Mayotte est une île et tous ses villages sont côtiers. Comment voulez-vous qu’on explique à un Mahorais qui n’a pas de revenus et qui occupe une parcelle depuis des générations que, s’il veut en être propriétaire, il va devoir payer ?

Comme l’ont dit mes collègues Michel Magras et Thani Mohamed Soilihi, le conseil départemental fait un effort. Il donne des titres aux Mahorais et l’État demande aux Mahorais de payer. Madame la ministre, la décote que vous proposez ne réglera pas les problèmes à Mayotte. Il faudrait aller un peu plus loin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.

L'amendement n° 221 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 34 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est ainsi modifiée :

1° Au troisième alinéa du II de l’article 35, après le mot : « locaux » sont insérés les mots : « , de représentants des géomètres-experts » ;

2° Après l’article 35, il est inséré un article 35-1 ainsi rédigé :

« Art 35-1 – Il est créé, à Mayotte, une commission d’urgence foncière chargée de préfigurer le groupement d’intérêt public prévu au 1° du II de l’article 35.

« Elle est présidée par une personnalité qualifiée désignée par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé des outre-mer. Son président est soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts prévue à l’article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

« Ses autres membres sont ceux prévus par l’article 35 de la présente loi. Ils sont nommés par arrêté du ministre des outre-mer.

« Elle exerce les missions dévolues au groupement d’intérêt public suscité.

« La commission est dissoute de plein droit à la date d’installation du groupement d’intérêt public suscité, et au plus tard au 31 décembre 2020.

« L’État pourvoit aux moyens de fonctionnement de cette commission. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre…

Dispositions relatives au foncier en outre-mer

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement a pour objet de mettre en place une commission d’urgence foncière à Mayotte.

La situation foncière à Mayotte nécessite une intervention publique volontariste. C’est ce que nous souhaitons faire.

Sans propriétaire officiellement titré avec qui négocier, l’établissement public foncier et d’aménagement dont on a parlé, en cours de création, ne pourrait pas procéder à l’acquisition des terrains repérés pour l’accueil des projets d’aménagement et de construction. Il en est de même de toutes sortes d’opérations d’aménagement pour le développement économique, par exemple.

Actuellement, l’établissement de titres de propriété ou la sortie d’une situation d’indivision est avant tout une démarche d’initiative privée, qui est souvent difficile. C'est pourquoi un système d’accompagnement est absolument nécessaire.

La commission qu’il est proposé de créer apportera une aide aux particuliers souhaitant s’engager dans une démarche de régularisation foncière. En collectant et en analysant les éléments propres à inventorier les biens fonciers et immobiliers, en établissant des états des lieux des possessions et usages fonciers, elle offrira un concours utile aux particuliers souhaitant régulariser leur situation. Elle aidera chaque individu dans le processus d’acquisition du foncier.

Cette commission préfigurera le GIP prévu par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, qui devra lui succéder au plus tard le 31 décembre 2020. Donc, durant cette période de transition, et plutôt que d’attendre le GIP jusqu’en 2020, nous vous proposons d’installer cette commission d’urgence foncière.