Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la menace maximale, constante et durable qui pèse sur notre pays mobilise nos forces de sécurité de façon éprouvante. Les actes terroristes survenus sur notre territoire depuis plus de deux ans ont tous révélé la nécessité de donner à nos forces de sécurité tous les moyens utiles dans le domaine du renseignement, pour pouvoir prévenir dans le domaine de la lutte opérationnelle, pour pouvoir neutraliser, sans oublier une réponse pénale précise et ferme pour punir et empêcher que l’horreur ne se réitère.

Monsieur le ministre, vous le savez, le Sénat n’a jamais failli, comme l’a rappelé le président du Sénat à l’occasion de ses vœux la semaine dernière. Nous avons pris toute notre part de responsabilité dans le combat contre ce fléau en donnant aux forces de sécurité et à la justice des moyens pour une plus grande efficacité.

Le groupe auquel j’appartiens aurait souhaité aller plus loin et plus vite. Le Gouvernement nous a entendus pour partie, mais bien tardivement. Je pense à la création de deux nouveaux délits terroristes – le délit d’entrave au blocage des sites incitant à la commission d’actes de terrorisme et celui de consultation habituelle de tels sites – ou bien à la création d’un régime procédural spécifique permettant d’empêcher l’accès des personnes condamnées pour terrorisme à la libération conditionnelle, que nous avions proposée dès février 2016 à travers la proposition de loi du président Bas et que le Sénat avait adoptée, sans votre consentement, cependant que vous en actiez en définitive la nécessité en juin dernier.

Hors de toute polémique sur la méthode employée par le Gouvernement, notre conscience républicaine nous implique et nous impose de poursuivre nos efforts collectifs, sans faiblesse, pour plus d’efficacité.

Si nous avons accepté d’apporter des réponses immédiates, à la suite des tragiques événements passés, nous n’avons cessé de vous rappeler la nécessité de renforcer les moyens donnés aux personnes dépositaires de l’autorité publique. En effet, l’autorité de l’État, nécessaire pour protéger les Français, passe par ces personnes dévouées, au service de l’État et, surtout, de tous les Français.

Il est urgent, monsieur le ministre, de rétablir cette autorité. Nous ne pouvons nous contenter de communiqués de presse, comme celui de la semaine dernière, annonçant tout bonnement que, « depuis 2012, nous observons une tendance globale à la baisse des principaux indicateurs statistiques de délinquance », ou qu’il n’y aurait plus de « zone de non-droit ».

Comment expliquer que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales relève que, pour l’année 2016, la violence sur notre territoire est en hausse de 4 % ? Il faut dire les choses telles qu’elles sont.

Nous devons aux Français un discours de vérité, celle que nous connaissons tous, celle que les représentants de l’autorité publique constatent dans leur activité quotidienne, celle que les Français veulent connaître. Oui, la violence augmente ! Oui, l’autorité publique, singulièrement celle de l’État, est affaiblie, pour ne pas dire contestée, parfois ! Oui, la délinquance gangrène les rapports sociaux, faute de sanctions effectives !

Nous avons donc besoin de l’ensemble des forces vives de ce pays, qui doivent s’engager dans la voie de la coopération, à tous les niveaux de la chaîne, depuis le renseignement, la surveillance, l’interpellation, la neutralisation, jusqu’à la sanction pénale, qui doit être certaine et effective.

Sans remettre en cause la compétence des agents, qui effectuent un travail minutieux et opérant, il est utile de donner la possibilité aux services spécialisés, notamment aux services de renseignement, d’échanger avec l’autorité judiciaire lorsque les procédures concernent les infractions terroristes.

Nous allons mieux armer, dans ce texte, la police nationale et les polices municipales, alors que, depuis cinq ans, la justice pénale a parfois été désarmée. La délinquance ne peut être maîtrisée en l’absence de sanction, de vision globale et de confiance dans le terrain.

Voilà quel a été le cri des policiers à l’automne dernier ! Leur action volontariste n’a souvent pas été suivie d’effets, l’impunité révélant un manque d’autorité de l’État.

La profession policière est par définition à risques, mais ces agents ne se sont pas engagés dans la police pour devenir des cibles, à l’image de ces hommes enfermés dans leur voiture en feu et ne pouvant se défendre. Il faut en effet que la peur change de camp !

Tous les policiers vous le diront : saisir sa crosse de pistolet, c’est le début d’un très long marathon administratif, procédural et parfois judiciaire. Pour certains, c’est même le début des ennuis.

Le texte que la commission des lois nous propose d’adopter est pertinent à plusieurs titres, notamment parce qu’il répond à cette exigence nouvelle d’implication généralisée des forces vives de notre pays.

Ce texte répond à une demande des personnels opérationnels qui, aux termes de la rédaction initiale du texte proposé par le Gouvernement, craignaient de ne pas être suffisamment sécurisés juridiquement pour agir : le cadre proposé est plus lisible et répond aux exigences d’absolue nécessité et de proportionnalité, auxquelles nous sommes tous fermement attachés.

Au regard de la place fondamentale que la police municipale occupe dans la sécurité de nos concitoyens, comme l’avaient, dès 2012, relevé nos collègues François Pillet et René Vandierendonck dans un rapport d’information, la commission des lois a élargi le bénéfice d’une partie des dispositions relatives à l’usage des armes aux policiers municipaux autorisés à porter une arme.

La question de l’armement n’est pas nouvelle pour la sécurité privée, mais les différents secteurs sont soumis à des régimes très divers. Certes, les principes constitutionnels s’opposent à ce que l’exercice d’une activité privée de sécurité empiète sur les prérogatives de puissance publique. Pourtant, le juge constitutionnel n’a jamais invalidé les règles qui assurent le contrôle et la solidité de la profession. C’est pourquoi permettre l’armement des agents privés de protection rapprochée uniquement dans les cas où il est rendu strictement nécessaire pour assurer la protection d’une personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie est une mesure d’efficacité. La sécurité privée est en pleine mutation.

N’oublions pas que tous ces secteurs de la sécurité publique sont composés d’hommes et de femmes qui agissent avec professionnalisme au service de leurs concitoyens. Nous devons naturellement les accompagner. Là est sans doute un peu le point faible de ce texte, qui ne prévoit pas d’actions de formation supplémentaires.

Avant de conclure, je dirai un mot du « spectre des revenants ». Un grand quotidien a titré la semaine dernière en employant cette expression. Puis, les magistrats du pôle antiterroriste du parquet de Paris, auxquels je tiens à rendre un hommage particulier, n’ont cessé de la répéter.

Ce spectre n’est pas qu’un mirage lointain. Cela fait des mois que la majorité sénatoriale milite pour que ces hommes et ces femmes qui sont partis combattre les symboles de la liberté soient pris en charge à leur retour en France, afin que leur présence sur notre territoire ne soit pas une menace pour la République. L’UCLAT, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, évalue à 700 le nombre de Français sur zone irako-syrienne et à 1 000 le nombre de velléitaires candidats au départ, qui risquent d’alimenter un terrorisme endogène.

Si les frontières sont aujourd’hui de plus en plus difficiles à franchir et les départs sur zone moins nombreux, une question reste très préoccupante : celle de ces mineurs que le procureur Molins assimile à de « véritables bombes à retardement ». Le présent texte ne répond que partiellement à cette problématique. Ne faudrait-il pas envisager, en complément de la prise en charge par la protection de l’enfance, une prise en charge psychiatrique de ces enfants qui n’auront bien souvent connu qu’une conception de société glorifiant la haine et des valeurs que nous bannissons ?

Enfin, pour ce qui concerne les vétérans du djihad, la difficulté de l’ensemble de la chaîne de sécurité et pénale réside dans l’évaluation du risque que représentent, désormais, les individus suivis. Il est donc judicieux de prévoir que les mesures de contrôle administratif des personnes revenant des théâtres d’opérations de groupements terroristes ne puissent être levées à l’occasion d’une poursuite judiciaire pour un autre motif que le terrorisme.

Mes chers collègues, grâce au travail précis, pertinent mené par notre collègue François Grosdidier et à son écoute, le Sénat va adopter un texte répondant pour partie à l’épreuve humaine et physique subie quotidiennement par nos forces de sécurité intérieure. Les élus du groupe Les Républicains, auquel j’appartiens, le voteront avec confiance. Toutefois, nous ne cesserons de l’affirmer : la lutte contre le terrorisme, comme la lutte contre la délinquance classique, ne peut s’entendre que dans une politique de sécurité liée à une politique pénale ferme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, apparemment, le présent texte satisfait l’essentiel des membres de cet hémicycle. M. le ministre de l’intérieur se félicitera sans doute que le Gouvernement ait demandé que cette lecture commence au Sénat… (Sourires.)

Mis à très rude épreuve, les policiers ont incontestablement le sentiment de ne pas être entièrement soutenus et compris par la population. On ne rappelle pas assez souvent les difficultés de leur métier, les menaces dont ils font l’objet, qui pèsent sur leur vie et même sur celle des membres de leur famille. Sans doute cette situation explique-t-elle les importants mouvements qui ont eu lieu.

Mes chers collègues, souvenons-nous des débats qui ont précédé la loi du 3 juin 2016. Nous étions persuadés d’avoir atteint un équilibre, notamment grâce à la rédaction élaborée par notre rapporteur, Michel Mercier, pour répondre à la demande des forces de l’ordre au sujet de la notion de péril. En fait, il n’en était rien. Les policiers ont demandé à obtenir davantage de précisions, et ils ont exprimé la volonté que ces dernières figurent dans « leur code », à savoir le code de la sécurité intérieure. Les dispositions que nous avions adoptées relevaient, elles, du code pénal. Pour les appliquer, il fallait donc préalablement s’assurer qu’une infraction avait été commise.

Le présent texte a donc vocation à rassurer les policiers. Cela étant, je ne suis pas sûr que, juridiquement, il les rassurera toujours totalement.

Le projet de loi a également vocation à calmer l’inquiétude des forces de police quant à l’interprétation que les magistrats pourraient donner de leur rôle. On l’a clairement perçu en auditionnant les représentants des policiers : ces derniers ont l’impression que les magistrats ne comprennent pas les difficultés qu’ils éprouvent sur le terrain. À mon sens, ce sentiment n’est pas fondé, en particulier pour ce qui concerne les procureurs, les juges d’instruction et, a fortiori, les magistrats chargés de la lutte contre le terrorisme.

D’ailleurs, la question ici posée n’est pas réductible à celle du terrorisme. À Viry-Châtillon, il ne s’agissait pas de terroristes : bien sûr, des actes épouvantables ont été commis, mais ils l’ont sans doute été par de jeunes délinquants ordinaires. Le projet de loi traite donc de nombreuses formes de criminalité. Il doit préciser dans quelles conditions les policiers et, au-delà, toutes les forces de l’ordre doivent exercer leurs missions, tout en respectant les règles édictées par la Cour européenne des droits de l’homme.

Monsieur le ministre, dans l’étude d’impact, vous rappelez la jurisprudence établie par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l’homme. Or cette jurisprudence est beaucoup plus nuancée que certains le font croire.

Les notions d’« absolue nécessité » et de « proportionnalité » sont conformes à la convention européenne des droits de l’homme, ce grand texte que la France – il ne faudrait pas l’oublier – avait appelé de ses vœux. Trop souvent, on attribue à cette convention des interdictions qu’elle n’énonce pas. En particulier, vous avez rappelé que, dans son arrêt Guerdner, rendu le 17 avril 2014, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée quant à la conformité des règles établies, en la matière, par la législation française. Dans les faits, il y a donc moins de difficultés que l’on ne pense.

En parlant avec les policiers de la base, on constate que les problèmes viennent parfois des relations avec la hiérarchie. Certains soulignent que, sitôt après avoir fait usage de leur arme, ils sont confrontés aux inspections internes. Dans ce cadre, ils peuvent être placés en garde à vue, ce qui n’est pourtant pas une nécessité : il y a sans doute d’autres moyens d’enquêter.

Les policiers sont bien conscients qu’ils doivent rendre des comptes lorsqu’ils font usage de leur arme. Néanmoins – cela a été rappelé, notamment par le Conseil d’État –, à travers ce projet de loi, il est nécessaire de leur assurer une bonne formation. Cette dernière doit porter, non seulement sur le tir, mais sur les conditions dans lesquelles ils peuvent utiliser leur arme. Dans ces moments de très grand stress, qu’un précédent orateur a rappelés, on n’a pas le temps de lire et d’analyser un texte complexe. Quand on s’initie à la conduite d’un véhicule automobile, on apprend à être réactif face à des événements surprenants. Une formation similaire est nécessaire pour les membres des forces de l’ordre. Le Conseil d’État a eu raison de le rappeler.

Je suis tenté de dire que le projet de loi est un texte de clarification, mais non de changement. Il est d’ailleurs à espérer qu’une trop grande clarification n’ait pas d’effets négatifs. Reste que cette clarification était souhaitée et, à mon sens, le texte est équilibré. D’une part, il répond aux exigences de la convention européenne des droits de l’homme en faisant référence aux critères d’absolue nécessité et de proportionnalité. D’autre part, il vaut pour tous ceux qui sont conduits à utiliser des armes au nom de la République, pour la défense des personnes et des biens. Il s’agit à la fois des gendarmes, des policiers, des militaires et des douaniers.

Reste la question des policiers municipaux.

Monsieur le rapporteur, la proposition que vous avez émise à ce sujet nous satisfait. Elle vise les cas de légitime défense. De plus, elle permet d’indiquer aux policiers municipaux que nous, sénateurs, représentants des collectivités territoriales, sommes conscients qu’ils sont de plus en plus souvent appelés à épauler la police nationale dans des missions de sécurité. Je ne peux pas oublier tout ce que les policiers municipaux de Strasbourg ont fait, pendant tout le marché de Noël, pour sécuriser les lieux, aux côtés des militaires et de la police nationale.

Nous avons déposé un amendement qui a pour objet de corriger une curiosité de la législation : les policiers municipaux à qui l’on demande de sécuriser une manifestation peuvent contrôler le contenu des sacs, mais non procéder à des palpations. Or des agents de sécurité privée peuvent le faire. Voilà l’exemple d’une anomalie à laquelle il faut mettre un terme. Saisissons l’occasion que nous fournit ce texte. Il me semble que, sur ce sujet, la commission a émis ce matin un avis favorable.

Je voudrais appeler l’attention sur la difficulté juridique que soulève l’article 2, lequel a pour objet l’anonymisation.

René Vandierendonck et moi-même avions envisagé de confier au procureur de la République le soin d’accorder l’autorisation. Cette piste n’a pas été retenue par la commission ; je ne la défendrai donc pas de nouveau ce soir.

Cela étant, monsieur le ministre, vous avez raison de chercher, par voie d’amendement, à revenir au texte du Gouvernement. En effet, il faut impérativement sécuriser les procédures d’anonymisation. Certes, il est nécessaire d’assurer la protection des personnes, mais il faut également éviter qu’un dossier n’arrive un jour devant la Cour de cassation, voire devant la Cour européenne des droits de l’homme et qu’elles aboutissent à cette conclusion : la procédure n’était pas conforme.

Sur cette question comme sur les précédentes, soyons extrêmement prudents. Prenons en considération les difficultés qui peuvent survenir, non seulement pour les policiers et leur famille, mais aussi pour les magistrats et toutes les personnes en contact avec la grande délinquance – je songe non seulement au terrorisme, mais aussi à la mafia. L’ensemble de ces acteurs doivent être protégés par le biais d’une anonymisation.

Monsieur le garde des sceaux, sauf erreur de ma part, nous aborderons plus tard le sujet de la sécurisation des abords des établissements pénitentiaires. On préconise d’étendre cette action à la voie publique. Selon moi, on ne peut pas, à ce jour, demander à l’administration pénitentiaire d’assurer une sécurisation au-delà de l’emprise foncière des centres pénitentiaires.

Monsieur le président de la commission, j’ai l’occasion de vous accompagner fréquemment sur le terrain dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice. Nous avons vu combien l’administration pénitentiaire a pu être mise en difficulté dès lors que les transferts de détenus ont cessé d’être de la compétence du ministère de l’intérieur. Les personnels du ministère de l’intérieur s’en sont trouvés soulagés, mais aux dépens des agents relevant de la Chancellerie. Soyons très vigilants !

Tant que les personnels pénitentiaires ne seront pas en nombre suffisant, on ne pourra pas envisager que la sécurisation, autour des établissements pénitentiaires donnant sur la voie publique, soit assurée par des personnels relevant du ministère de la justice.

Sur de tels sujets, il faut se montrer modeste et constructif. Il faut être à l’écoute des personnels, ce qui est le rôle des parlementaires. Il faut également garder à l’esprit que, derrière les personnels, il y a la hiérarchie, et que cette dernière fait elle aussi l’objet de fortes attentes. J’ai été très sensible à cet aspect de la question.

Enfin, il faut assurer les moyens nécessaires. M. Buffet l’a rappelé, en évoquant « l’ensemble des forces vives » de la police et de la justice. À ce titre, je n’ai qu’une inquiétude : que ceux qui, aujourd’hui, viennent nous donner des leçons en nous disant « Vous n’avez pas fait assez, vous n’avez pas fait assez vite » ne pensent pas suffisamment à conserver toutes ces forces vives. Je ne perds pas une occasion de rappeler combien de magistrats ont été recrutés ces temps derniers, dans quelles proportions ont été renforcés les moyens de l’administration pénitentiaire et de la police.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Eh oui !

M. Jacques Bigot. Ces efforts sont indispensables, et il ne faudrait surtout pas y renoncer. Nous devons veiller à ce que les moyens de la République soient préservés, sinon nos lois seront vaines ! (Mme Catherine Di Folco et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Roux, ministre. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos propos unanimes visant à rendre hommage aux forces de l’ordre et au travail qu’elles mènent. M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis ont rappelé la situation de tension à laquelle elles sont confrontées depuis plus de deux ans, et que nous connaissons bien, en raison de la menace terroriste. On pourrait également rappeler les conditions dans lesquelles nos forces de l’ordre sont appelées à protéger notre territoire et à contrôler les flux migratoires, lesquels n’ont jamais été aussi forts depuis la Seconde Guerre mondiale. Même si des différences d’appréciation se sont ensuite fait jour au sujet du présent texte, je tenais à souligner vos propos unanimes et les remerciements que vous leur avez adressés.

Tout ce qui permet une évolution de l’usage des armes dans ce texte répond à la fois à des impératifs opérationnels et, bien entendu, au strict respect de l’État de droit dans tout ce qui le compose, non seulement notre droit interne, mais aussi les conventions internationales auxquelles nous sommes soumis.

Je salue l’esprit constructif, qui pourrait même devenir un esprit de consensus, dont bénéficie le présent texte.

Monsieur Guérini, soyez-en assuré, je ne me satisferai jamais assez que les voix du groupe du RDSE soient apportées à la majorité socialiste. En votant en ce sens, ce n’est pas la majorité gouvernementale que vous confortez, mais les policiers et les gendarmes. Nous sommes tous comptables des conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions.

MM. Bigot, Buffet et Mercier ont souligné à juste titre que le projet de loi était nécessaire. Il permet, comme les six textes qui ont été adoptés depuis 2012, de prendre en compte un environnement en plein bouleversement, notamment quant à la nécessité d’assurer des moyens et des outils à nos services de renseignement. Il n’y a là aucune volonté d’agir dans l’émotion. Il s’agit de répondre à des problèmes qui se posent à nos forces de sécurité. Ces différents textes devront d’ailleurs certainement continuer à évoluer au cours des prochains mois et des prochaines années. Aussi, je me félicite des marques d’ouverture exprimées par tous ceux qui mènent ce travail constructif.

M. Rachline a quitté cet hémicycle. Peut-être est-il allé demander aux policiers et aux gendarmes si ce projet de loi était « un texte de com’ » ? Quoi qu’il en soit, je lui dis, par l‘intermédiaire du compte rendu, que ses interventions sur ces questions sont justes là pour faire semblant : faire semblant de s’occuper de la sécurité des Français, faire semblant de porter un regard bienveillant sur les forces de l’ordre. Quand on ne vote absolument aucun texte en matière de sécurité, je ne suis pas sûr qu’on puisse qualifier de « com’ » un projet de loi qui découle d’une concertation étroite, sur le terrain, avec les policiers et les gendarmes. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Concernant la formation, je rappelle qu’une direction centrale de la formation et du recrutement de la police nationale a été créée ; chaque fois que les policiers participent à une séance de tir, des rappels sont formulés quant à l’usage des armes, quant à la manière dont nos textes les régissent. L’article 1er nous permettra sans doute d’échanger sur l’ensemble de ces sujets.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à ce stade, je tiens à vous remercier de nouveau de l’esprit dans lequel ce débat s’engage. Je salue le travail préalable mené par la commission. M. le garde des sceaux et moi-même en sommes persuadés : le Gouvernement a fait un bon choix en commençant l’étude de ce texte nécessaire avec la Haute Assemblée ! (M. Jacques Bigot applaudit.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurité publique.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la discussion générale est close. Nous passons donc à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à la sécurité publique

Chapitre Ier

Usage des armes par les forces de l’ordre

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurité publique
Article 2

Article 1er

I. – Le titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Règles d’usage des armes

« Art. L. 435-1. – Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l’article L. 211-9, faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :

« 1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ;

« 2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ;

« 3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix à des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations, ils ne peuvent contraindre ces personnes à s’arrêter que par l’usage de leurs armes et qu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer probable la perpétration par ces personnes d’atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt, autrement que par l’usage de leurs armes et qu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer probable la perpétration par ces conducteurs d’atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

« 5° Dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.

II. – Au premier alinéa de l’article L. 214-2 du même code, après les mots : « police nationale », sont insérés les mots : « et les militaires de la gendarmerie nationale ».

III. – (Non modifié) L’article L. 214-3 du même code est abrogé.

III bis (nouveau). – La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du même code est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est complété par les mots : « et règles d’usage des armes » ;

2° Il est ajouté un article L. 511-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-5-1. – Les agents de police municipale autorisés à porter une arme selon les modalités définies à l’article L. 511-5 peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 435-1 et dans les cas prévus au 1° du même article. »

IV. – Le titre II du code des douanes est ainsi modifié :

1° Le 2 de l’article 56 est ainsi rédigé :

« 2. Ils peuvent en faire usage dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. » ;

2° Le 2 de l’article 61 est ainsi rédigé :

« 2. Ces derniers peuvent faire usage de matériels appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre chargé des douanes, pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l’article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure. »

V. – L’article L. 2338-3 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 2338-3. – Les militaires de la gendarmerie nationale peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. Ils peuvent également faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du même code.

« Les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du présent code peuvent faire usage de leurs armes et immobiliser des moyens de transport dans les mêmes conditions.

« Les militaires chargés de la protection des installations militaires situées sur le territoire national peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure et dans les cas prévus aux 1° à 4° du même article et immobiliser des moyens de transport dans les conditions prévues à l’article L. 214-2 du même code. »

VI. – (Non modifié) L’article 122-4-1 du code pénal est abrogé.

VII (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article 12 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi rédigé :

« Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d’une arme à feu, que dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, ou en cas de tentative d’évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu’ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée. »