Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La disposition proposée est bienvenue, puisqu’elle permettra de lever un risque de contentieux au niveau européen. La commission a donc émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

Article additionnel après l’article 4 quater
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux  réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 5

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 5
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux  réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, permettez-moi simplement une petite réflexion sur l’autoconsommation.

D’un côté, l’autoconsommation représente une opportunité pour les consommateurs : elle permet, logiquement, de réduire les coûts.

De l’autre, elle constitue un risque pour les systèmes électriques. En effet, l’exonération de CSPE et, jusqu’à un certain plafond, de la taxe locale sur l’électricité induit des pertes de recettes fiscales pour les syndicats et les communes. En outre, l’autoconsommation impacte les réseaux : il faut ajuster les courbes de production et de consommation. En effet, les personnes connectées feront appel aux réseaux dans les moments de pointe, par exemple lors des grands froids d’hiver, puisqu’elles n’auront pas assez d’électricité produite localement. C’est une contrainte qu’il faudra gérer. C’est un peu comme les personnes qui ont une source, mais qui sont reliées au réseau d’eau potable : elles n’utilisent celui-ci que durant l’été, en période de sécheresse.

Il faut tout de même dire que l’autoconsommation vise un public de bobos.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les paysans ? Les agriculteurs ?

M. Jean-Claude Requier. En effet, l’installation des équipements nécessite d’avoir quelques moyens.

Malgré tout, je pense que le projet de loi est bon. Les membres du RDSE le voteront donc à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Le débat que nous avons eu cet après-midi est important. Un travail très intéressant a été réalisé sur ce texte. D’ailleurs, nous avons voté certains amendements.

Cependant, la philosophie générale du texte, la discussion générale, l’examen des amendements ou encore les propos que vient de tenir M. Requier nous confortent dans l’opinion que, petit à petit, nous sommes en train de démanteler le système de production et de distribution d’électricité qui a été bâti à la Libération.

Pour certains, le fait que les choses aient évolué, le développement des énergies renouvelables justifient la mise en cause de ce système. Je ne comprends pas cette argumentation : parce qu’il y a les énergies renouvelables, parce qu’il est nécessaire de défendre l’environnement, nous avons plus que jamais besoin d’un système national qui organise et régule toute la production d’électricité !

Aujourd'hui, tout le monde déplore qu’il soit très compliqué de faire venir la fibre optique dans telle ou telle région. Si l'on n’avait pas cassé France Télécom, nous n’en serions pas là ! Et La Poste n’est pas en reste : comme je le lisais encore tout récemment, on a annoncé à un monsieur résidant en haut d’un petit village de l’Ardèche qu’on ne pourrait plus monter lui livrer son courrier. C’est la même logique qui est à l’œuvre aujourd'hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Ce projet de loi va contribuer à la réussite de la transition énergétique. En effet, il permettra la mise en œuvre de solutions pertinentes, innovantes, qui répondent, par ailleurs, à une attente sociétale véritable. Il adresse un signal fort en direction de l’autoconsommation, dont il accompagne le développement, en le maîtrisant, en l’encadrant, en anticipant sa progression, tout en évitant certaines dérives possibles.

Par ailleurs, ce texte devrait booster le développement des énergies renouvelables. Ainsi, la réfaction tarifaire des coûts de raccordement – c’est l’un des éléments essentiels en matière de politique énergétique – va contribuer à lever les freins et les obstacles au développement des énergies renouvelables.

De même, les dispositions en faveur de l’éolien en mer sécuriseront les porteurs de projets en cas de non-respect des délais de raccordement.

Le groupe socialiste votera ce texte, d'autant plus que la plupart de nos amendements ont été adoptés. Nous en remercions le Gouvernement, M. le rapporteur et le Sénat. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme mes collègues du groupe socialiste, je vais soutenir ce projet de loi.

Je veux répondre à ceux qui estiment que favoriser l’autoconsommation fragiliserait le système énergétique français global et l’esprit qui a prévalu à la Libération, visant à permettre à chacun, sur tout le territoire, d’avoir accès à l’énergie.

Les craintes qui s’expriment sont précisément celles qui, depuis plusieurs années, font de la France l’un des mauvais élèves de l’Union européenne en matière d’autoproduction d’énergie. C’est notamment vrai dans certains secteurs ruraux.

Je pense que nous avons tout intérêt à développer l’autoconsommation dans le cadre du mix énergétique. C’est de la production locale ; c’est du 100 % made in France. (Sourires.)

La complexité sera alors de rendre cette autonomie, choisie, et non subie – chacun décide s’il veut ou non être producteur et autoconsommateur –, compatible avec l’intérêt général. Le système qui nous est proposé vise précisément à permettre l’autoconsommation tout en préservant l’intérêt général et le bon fonctionnement de notre système électrique.

La plupart des pays qui sont parvenus à un taux élevé d’autoconsommation sans déstabiliser leurs réseaux ont beaucoup travaillé sur des méthodes de stockage de l’énergie nettement plus autonomisées et individualisées. Il faudra y réfléchir. On sait que l’avenir énergétique, c’est aussi la bonne gestion du stockage énergétique. Il me semble que nous devons continuer à travailler dans ce sens, innover et financer de la recherche sur l’ensemble des mécanismes de stockage énergétique.

Enfin, notre collègue Montaugé a soulevé une question qui touche à nos fondamentaux républicains : comment garantit-on l’autonomie, la capacité d’autoconsommation et d’autoproduction, tout en faisant vivre la péréquation tarifaire ? De fait, il ne faut jamais oublier l’idéal d’égalité républicaine.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 311
Contre 21

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux  réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
 

14

Nomination d’un membre représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et républicain a présenté une candidature pour représenter la France en qualité de membre suppléant à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Marie-Françoise Perol-Dumont membre suppléant représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

15

Nomination d’un membre d’une commission

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée, et je proclame Mme Évelyne Rivollier membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Jean-Claude Frécon, décédé.

16

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

(Mme Françoise Cartron remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

17

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurité publique
Discussion générale (suite)

Sécurité publique

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurité publique
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurité publique (projet n° 263, texte de la commission n° 310, rapport n° 309, avis n° 299).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour l’examen du projet de loi relatif à la sécurité publique, dont chacun, dans cet hémicycle, mesure l’importance.

En premier lieu, je souhaite revenir sur le contexte et les objectifs qui ont présidé à l’élaboration de ce texte, ainsi que sur les grandes lignes qui en assurent l’équilibre.

À cet égard, je veux remercier d’emblée le rapporteur, François Grosdidier, ainsi que les membres de la commission des lois, tout particulièrement son président, Philippe Bas, mais aussi Jacques Bigot et René Vandierendonck, pour leur engagement et la très grande qualité du travail préalable que nous avons pu faire ensemble. Cela nous a permis de consolider le projet de loi, dans un esprit constructif et profondément républicain.

Important, ce texte l’est avant tout pour les policiers et les gendarmes, qui sont chargés de la protection quotidienne de nos concitoyens, sur la voie publique, dans les commissariats de police et dans les brigades de gendarmerie. Ils accomplissent un travail absolument indispensable sur l’ensemble du territoire national, dans des conditions souvent difficiles, parfois même éprouvantes.

Depuis maintenant plus de deux années, les policiers et les gendarmes de France sont en effet présents sur tous les fronts à la fois, notamment celui de l’antiterrorisme, tout en continuant de lutter avec la même détermination contre la délinquance du quotidien, la criminalité organisée et les différents types de trafics qui empoisonnent la vie de certains quartiers.

Chaque jour, ils sont en toute première ligne pour garantir la paix publique, entretenir le lien de proximité avec les Français, les accueillir dans les commissariats et dans les brigades, écouter leurs angoisses et leurs craintes, réaliser des interventions de toute nature au cours de la même journée. Face à des phénomènes d’insécurité parfois enracinés de longue date dans certains territoires, ils font preuve d’un professionnalisme de chaque instant en dépit des accès de lassitude qu’il est bien légitime d’éprouver lorsque l’on est confronté au caractère endémique de certaines formes de délinquance.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité du quotidien est la condition même de l’exercice de nos libertés fondamentales partout en France. Elle constitue également un enjeu décisif de justice, et c’est largement sur les épaules des policiers et des gendarmes de la sécurité publique, au sens large de l’expression, que repose cette exigence.

Ainsi, ces femmes et ces hommes sont directement au contact des drames et des injustices qui traversent notre société, au contact des pires noirceurs que celle-ci est capable d’engendrer. Par là même, ils se trouvent de plus en plus souvent exposés, sont victimes d’agressions de toute sorte, parfois d’une extrême gravité, au seul motif qu’ils portent l’uniforme et incarnent l’autorité publique, ce qui suffit désormais dans quelques endroits à faire d’eux des cibles.

Bien sûr, chacun sait que le métier qu’ils exercent et la vocation qu’ils ont embrassée sont par définition dangereux. Quiconque s’engage dans les forces de sécurité s’expose au risque d’être blessé ou même tué au nom de la protection des Français. Toutefois, il nous faut bien admettre aujourd’hui qu’un nouveau palier a été franchi dans la violence à laquelle policiers et gendarmes sont confrontés.

Je pense bien entendu à l’attaque de Viry-Châtillon, le 8 octobre dernier, commise par des délinquants en bande organisée dans l’intention de tuer quatre policiers en mission. Sous la conduite de l’autorité judiciaire, les services de police judiciaire ont rapidement progressé. Au terme d’investigations minutieuses, leur travail a entraîné ces derniers jours la mise en examen et l’incarcération de plusieurs individus soupçonnés d’avoir participé à cette tentative d’assassinat. Je veux le dire ici très clairement : aucun fait de cette nature ne doit rester impuni !

Je pense également à l’assassinat du commissaire Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider à leur domicile de Magnanville, le 13 juin 2016, par un terroriste qui se réclamait de Daech.

Je pense enfin au major de gendarmerie Christian Rusig, tué en mission en novembre dernier près de Tarascon-sur-Ariège, alors qu’il s’apprêtait à contrôler un véhicule suspect. Refusant d’obtempérer, le conducteur l’avait violemment percuté de façon délibérée dans l’intention évidente de le tuer.

L’année dernière, vingt-six policiers et gendarmes ont perdu la vie en service, tandis que plus de 16 000 d’entre eux ont été blessés. Je précise qu’un très grand nombre d’entre eux ont été victimes d’agressions qui les prenaient explicitement pour cible, certains assaillants n’hésitant pas à utiliser des armes à feu.

C’est bien parce que le Gouvernement doit tenir compte de ce contexte général et de la montée en puissance des enjeux liés à la sécurité que sa politique en la matière a consisté depuis 2012 à renforcer les moyens humains, matériels et juridiques qui sont accordés aux forces de l’ordre et qui leur permettent d’accomplir leurs missions avec efficacité. C’est ce à quoi se sont employés mes prédécesseurs, Manuel Valls, puis Bernard Cazeneuve. C’est également le but que je me suis donné à mon tour depuis le jour où j’ai été nommé à la tête du ministère de l’intérieur.

Je ne reviendrai pas en détail sur la hausse des budgets de fonctionnement de la police et de la gendarmerie nationales entre 2012 et 2017, car vous connaissez aussi bien que moi cette évolution budgétaire.

Le projet de loi relatif à la sécurité publique constitue l’ultime étape parlementaire de ce processus de renforcement de la sécurité des Français, en cohérence totale avec l’ensemble des décisions prises jusqu’à présent.

Bien sûr, nous faisons face à un contexte qu’il ne s’agit pas d’occulter. À l’automne dernier, de nombreux policiers – la plupart d’entre eux étaient gardiens de la paix – ont manifesté leur malaise face au quotidien que je décrivais il y a quelques instants et dans lequel ils affirment ne plus se reconnaître, alors même qu’ils risquent bien souvent leur vie pour accomplir les missions qui sont les leurs. Dans le cadre de la lutte antiterroriste, les policiers et les gendarmes ont été en outre amenés à consentir de nombreux sacrifices. Cela a sans nul doute contribué à amplifier le malaise. Enfin, la tentative d’assassinat de Viry-Châtillon a constitué en quelque sorte l’élément déclencheur du mouvement.

Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité apporter deux réponses principales.

Tout d’abord, des concertations inédites ont été organisées dans les commissariats sur l’initiative des préfets et sous l’égide des directeurs départementaux de la sécurité publique. Depuis maintenant plusieurs mois, une grande concertation a également été conduite dans le même esprit au sein de la gendarmerie pour recueillir les doléances et les propositions des personnels, afin d’améliorer leurs conditions de travail, notamment les conditions d’exercice de leurs missions de sécurité publique. Je recevrai d’ici à la fin de la semaine les conclusions de cette double concertation et serai évidemment à la disposition du Parlement, singulièrement de la Haute Assemblée, dans le courant du mois de février pour détailler les propositions que nous entendons formuler après avoir tiré les principaux enseignements issus de ces concertations.

Ensuite, nous avons mis en œuvre un grand plan de 250 millions d’euros pour la sécurité publique, annoncé dès le 26 octobre dernier. Ce plan a lui-même été décidé dans le cadre d’un dialogue constant avec les organisations syndicales et en tenant compte des premiers résultats provenant des concertations.

Je ne reviens pas dans le détail sur ce plan. Vous le savez, il repose sur deux volets : d’une part, un volet matériel et, d’autre part, un volet législatif, celui-là même qui est soumis à votre examen aujourd’hui. Ce dernier volet correspond en tout point aux engagements que le Gouvernement a pris à l’égard des policiers et gendarmes de France et, donc, à l’égard des Français.

Avec ce texte, nous entendons répondre à deux exigences.

Il s’agit, première exigence, de proposer un texte cohérent sur les enjeux qui s’attachent à la sécurité publique, c’est-à-dire un texte qui réponde à une situation précise et dont l’objectif consiste à ajouter les dernières mesures qui faisaient jusqu’alors défaut à notre dispositif global, tout en procédant à quelques ajustements nécessaires. Ce n’est donc pas, j’y insiste, un texte fourre-tout qui collecterait in extremis toute une série de mesures hétéroclites.

Il s’agit, seconde exigence, d’aboutir à un consensus, car, chacun en conviendra, la protection et la reconnaissance du travail des forces de l’ordre constituent des enjeux d’intérêt général. Je sais que c’est là une préoccupation qui vous tient également à cœur. Je souhaite que ce texte puisse marquer notre volonté commune de répondre à un enjeu d’importance vitale, quelle que soit la manière dont le débat se déroulera dans les prochains mois.

Ce projet de loi est équilibré : il tient compte à la fois des impératifs opérationnels auxquels sont confrontées les forces de l’ordre et des exigences en matière de respect des libertés publiques et de l’État de droit. C’est la raison pour laquelle il a reçu l’approbation du Conseil d’État comme celle des instances représentatives des personnels de la police et de la gendarmerie.

Trois mesures législatives résultent du plan pour la sécurité publique. Avant de les évoquer, je veux rappeler que les réflexions conduites dans le cadre de ce plan se poursuivent, notamment celle qui porte sur le traitement des procédures d’usage des armes ou encore celle qui a trait à l’échange d’informations entre magistrats, policiers et gendarmes dans le souci permanent de maintenir la solidité des liens qui les unissent, tout en préservant le rôle de chacun.

Une première mesure consiste à proposer un cadre commun d’usage des armes pour l’ensemble des forces de sécurité, afin d’unifier les règles applicables et de les adapter aux situations auxquelles les effectifs sont confrontés. Il s’appliquera aux policiers et aux gendarmes, ainsi qu’aux douaniers et aux militaires déployés dans le cadre de réquisitions – je pense bien sûr à l’opération Sentinelle. Je précise évidemment que le cadre général de la légitime défense est maintenu. Les membres des forces de l’ordre l’ont d’ailleurs tout à fait intériorisé. Je veux ici leur rendre hommage pour le courage et le sang-froid dont ils font preuve dans l’accomplissement de leurs missions.

Dès lors, notre objectif est de clarifier, de stabiliser et de moderniser les conditions d’usage des armes dans un contexte où, comme je l’ai dit, les effectifs font face à une violence de plus en plus importante. Nous le faisons dans le but de mieux protéger les forces de l’ordre, et ce dans un cadre juridique scrupuleusement conforme à l’État de droit. À cet égard, le projet de loi, directement inspiré des travaux de grande qualité menés par la commission présidée par Hélène Cazaux-Charles, présente toutes les garanties nécessaires en tenant compte des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, notamment celles qui concernent le respect des conditions d’absolue nécessité et de proportionnalité.

Les dispositions figurant dans le présent projet de loi viennent ainsi compléter celles que nous avions déjà prises dans le cadre de la loi du 3 juin 2016, mesures autorisant les policiers, les gendarmes et les militaires déployés à faire usage de leur arme en cas d’« absolue nécessité », dès lors qu’ils sont confrontés à un « périple meurtrier », et ce afin de prévenir tout risque de réplique lors d’une tuerie de masse. Par cohérence, un transfert de ces dispositions dans le code de la sécurité intérieure est prévu dans le texte qui vous est présenté aujourd’hui.

Avec ce texte, dont la qualité a été soulignée par le Conseil d’État, nous avons souhaité parvenir à un point d’équilibre. Les débats en commission, nourris des auditions réalisées, ont suscité des interrogations sur certains points. Je souhaite que nous y répondions ensemble en gardant toujours à l’esprit la nécessité d’un équilibre.

Toujours au sujet de l’article 1er, je veux dès à présent dire quelques mots concernant les polices municipales, même si nous aurons bien sûr l’occasion d’y revenir au cours de la discussion.

Nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sont ou bien ont été maires. Je comprends donc votre intérêt particulier pour une question qui nous a d’ailleurs conduits à faire évoluer de manière significative les derniers textes examinés dans nos assemblées. Il y a quelques instants, j’évoquais les policiers et les gendarmes tués dans l’exercice de leurs missions. Je n’oublie pas non plus les policiers municipaux qui ont perdu la vie dans des circonstances dramatiques similaires. Nous avons tous à l’esprit le sort de Clarissa Jean-Philippe, membre de la police municipale de Montrouge, et celui d’Aurélie Fouquet, jeune policière municipale de Villiers-sur-Marne.

C’est parce que les policiers municipaux sont eux aussi confrontés au danger en raison de l’uniforme qu’ils portent que le Gouvernement a considérablement développé, au cours de ces cinq dernières années, les moyens matériels et juridiques dont ils disposent.

M. Bruno Le Roux, ministre. En effet, notre volonté a toujours été d’accompagner les maires dans la modernisation de leur police municipale, le financement de leurs équipements, tout en soutenant la rénovation de leur cadre d’emploi. Sur le plan juridique, trois lois et sept décrets ont ainsi contribué à renforcer les polices municipales. Je veux brièvement rappeler deux textes essentiels.

Le décret du 28 novembre 2016 élargit la gamme des armes de catégorie B auxquelles les agents concernés peuvent recourir et autorise le port de l’arme de poing à la ceinture pour les trajets compris entre le poste de police municipale et le centre d’entraînement au tir, sous réserve que les agents portent leur uniforme et se déplacent en véhicule sérigraphié.

Le décret publié le 23 décembre 2016 permet aux policiers municipaux, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, d’utiliser des caméras individuelles pour enregistrer leurs interventions. L’objectif est ainsi de prévenir les incidents et d’apaiser les tensions pouvant survenir à la suite de ces interventions.

Il faut continuer à réfléchir ensemble à ce que nous pouvons apporter aux policiers municipaux, en raison des risques qu’ils prennent dans l’accomplissement de leurs missions. Je me suis moi-même rendu à Nancy, vendredi dernier, pour signer une trentaine de conventions de coordination entre les forces de sécurité intérieure et les polices municipales de Meurthe-et-Moselle, dans le cadre d’une véritable coproduction de sécurité.

Cette reconnaissance du travail des polices municipales, leur professionnalisation et le rôle essentiel qu’elles jouent ne doivent pas non plus conduire à une confusion des missions. Le travail que nous avons réalisé ensemble nous permet là encore de clarifier cette question. Lorsque l’association Villes de France indique que la police municipale doit continuer à agir en complémentarité, et non en substitution des forces de police de l’État, je partage évidemment ce point de vue. Je pense d’ailleurs qu’il est très largement partagé sur ces travées.

Je resterai donc très vigilant à ce que cette reconnaissance ne crée aucune confusion, dès lors que les missions confiées aux uns et aux autres demeurent aujourd’hui fort différentes. À cela s’ajoute au sein des polices municipales une forme d’hétérogénéité des structures, des missions, des équipements et des doctrines, dont nous devons aussi tenir compte. Le Gouvernement sera toutefois ouvert à des dispositions susceptibles de consolider l’action des polices municipales, dès lors que celles-ci, je le répète, ne créent pas davantage de confusion.

La deuxième évolution majeure que nous proposons vise à protéger l’identité des policiers et des gendarmes, dès lors que sa révélation constitue un danger pour eux-mêmes ou pour leur famille. Tel est l’objectif du numéro d’immatriculation administrative auquel les policiers et les gendarmes seront autorisés à recourir en lieu et place de leur état civil pour s’identifier dans les procédures pénales et sous certaines conditions.

C’est un dispositif qui, je le rappelle, existe déjà en matière de lutte antiterroriste. Dans les cas exceptionnels où la connaissance de l’état civil de l’enquêteur serait indispensable à l’exercice des droits de la défense, le juge pourra, bien entendu, ordonner la révélation de ces informations. Des dispositifs similaires existent chez certains de nos voisins européens, et la Cour européenne des droits de l’homme admet que ce type de dispositif puisse être utilisé, sous réserve que les droits de la défense soient respectés, ce à quoi nous avons veillé.

De même, afin d’assurer la protection de l’identité des auteurs de décisions administratives en lien avec le terrorisme, l’administration sera autorisée à ne notifier à la personne concernée qu’une ampliation anonyme de l’acte, tout en aménageant les règles du contradictoire en matière contentieuse.

Enfin, la troisième évolution que nous souhaitons vise à doubler les peines encourues en cas d’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique, en les alignant sur celles qui sont prévues en cas d’outrage à magistrat.

S’en prendre à un policier national ou municipal, ou à un gendarme, c’est tout simplement s’en prendre à la République. Comme les magistrats, les policiers et les gendarmes jouent un rôle absolument indispensable au bon fonctionnement de notre société et de notre État de droit.

Au cours de vos discussions, vous avez identifié d’autres évolutions législatives susceptibles de contribuer au renforcement de l’autorité des dépositaires de l’autorité publique. Le Gouvernement les examinera évidemment avec beaucoup d’intérêt et d’attention.

Le texte comporte en outre des dispositions ajustant des mesures d’ores et déjà en vigueur. Avec l’article 4, nous entendons ainsi compléter les dispositions de la loi Savary du 22 mars 2016 pour tirer les conséquences des enquêtes administratives touchant des salariés occupant des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes au sein d’entreprises de transport. Nous l’évoquerons certainement au cours de nos débats, mais je tiens dès à présent à rappeler que les dispositions que nous souhaitons introduire dans le texte servent à consolider le dispositif déjà existant.

Par ailleurs, nous souhaitons améliorer l’articulation entre les procédures judiciaires et les mesures de contrôle administratif, lesquelles permettent de contrôler les personnes ayant rejoint ou cherché à rejoindre un théâtre d’opérations terroristes à l’étranger dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français.

Enfin, nous prévoyons d’ouvrir de manière strictement encadrée la possibilité d’un armement des agents de sécurité privée exerçant des activités de protection des personnes, lorsque celles-ci sont exposées à des risques exceptionnels d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité physique.

Le projet de loi contient également deux articles qui relèvent plus particulièrement du ministère de la justice, ainsi qu’un article concernant le ministère de la défense. Je laisserai bien sûr le soin au garde des sceaux de présenter les articles 8 et 9 en indiquant simplement que, comme pour le reste du texte, le Gouvernement a souhaité intégrer ces articles dans un souci d’efficacité et de complémentarité, afin d’aider les acteurs qui contribuent à la sécurité publique.

S’agissant de l’article 10, enfin, qui relève du ministère de la défense, il concerne le service militaire volontaire et vise à créer un statut spécifique combinant celui de militaire et celui de stagiaire de la formation professionnelle.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures figurant dans ce projet de loi. Je veux à nouveau souligner leur importance pour les forces de l’ordre. Être policier national ou municipal, être gendarme, ce n’est pas exercer un métier comme les autres. C’est accepter d’être confronté à la violence dans ses manifestations parfois les plus extrêmes. C’est accepter d’exposer son intégrité physique, et parfois même sa vie, au nom de l’intérêt général. C’est précisément parce que les policiers et les gendarmes acceptent d’encourir de tels risques que nous nous devons de leur offrir la garantie d’une protection vigilante et juridiquement incontestable. C’est là tout simplement renforcer la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Mercier et Mme Catherine Troendlé applaudissent également.)