M. Bruno Sido. Vous nous faites un procès d’intention !

M. Jean Desessard. Simplifier le droit de l’eau ne doit pas signifier détruire les protections environnementales.

M. Rémy Pointereau. Bien sûr !

M. Jean Desessard. Or la seule mesure de simplification explicitée dans la présente proposition de résolution vient corroborer cette inquiétude. En effet, il est proposé d’alléger les contraintes de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment l’obligation de réaliser des études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement de l’eau.

M. François Bonhomme. On ne fait pas assez d’études ?

M. Jean Desessard. Si la gestion de l’eau doit être facilitée, cela ne doit être au détriment ni des usagers ni des normes environnementales. Sur ce sujet, il existe d’autres pistes de réflexion, qui seront abordées tout au long de la semaine.

En conclusion, si le groupe écologiste considère qu’il faut agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean Desessard. … il considère également que ce pragmatisme et ce discernement doivent être dictés par un impératif de protection de l’eau face au réchauffement climatique. Cette proposition de résolution comporte des avancées, mais nous aurions aimé que soit levé le flou entourant la simplification préconisée et nous craignons une application a minima des directives européennes. C’est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. René Danesi. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce débat sur la présente proposition de résolution est d’abord l’occasion de nous interroger sur les raisons qui ont souvent conduit à légiférer, en matière de gestion de l’eau, sans pragmatisme et avec peu de discernement.

La première raison, me semble-t-il, est la disparition progressive de l’acceptation du risque. Le risque n’a plus droit de cité, et l’État doit protéger de tout, tout le temps. Or l’État et ses administrations vont au plus simple : protéger en empêchant, notamment en empêchant d’habiter.

Riverain de l’Allemagne, je constate que, dans ce pays, on fait exactement le contraire : on protège pour mieux habiter, car on n’y oppose pas développement et protection.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. René Danesi. La deuxième raison est que les études d’impact, les multiples calculs ingénieux et normes réglementaires ont fini par se substituer au bon sens et à l’expérience. Le souvenir d’une crue, transmis de génération en génération, est remplacé par un calcul de risque dont les variables diffèrent en fonction d’intérêts bien défendus, quand ce n’est pas d’une idéologie.

La troisième raison est que la gestion de l’eau est devenue un enjeu financier entre l’État, les agences de l’eau et les collectivités locales. Devant l’absence d’une stratégie claire de subsidiarité, nous voilà avec une compétence partagée cahin-caha.

La proposition de résolution de notre collègue Rémy Pointereau pointe les atteintes au bon sens et préconise la mise en œuvre de trois principes.

Le premier consiste à laisser davantage de liberté. Il faut cesser de contraindre plus que de raison, pour s’en tenir à ce qui est strictement nécessaire en termes d’intervention.

En effet, au fil du temps et des lois successives, nous n’avons cessé de demander davantage d’interventions dans la gestion de l’eau, avec toujours plus de contraintes. La conséquence est simple : aujourd'hui, il faut trois mois à une équipe de juristes pour obtenir l’autorisation de réaliser un simple arasement de banc de gravier dans un fleuve !

M. Bruno Sido. Et à quel prix !

M. René Danesi. Devant cette situation, seules deux options sont possibles : accepter une augmentation non maîtrisée des coûts ou faire l’intervention discrètement, en espérant que la police de l’eau n’en sera pas informée… Trop de lois tuent la loi !

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. René Danesi. Le deuxième principe est de revenir au bon sens. Plutôt que de détailler les directives européennes et de surréglementer, il serait plus utile d’effectuer une bonne retranscription des principes directeurs. En effet, les conséquences de l’application de certains textes de loi sont parfois surprenantes.

Par exemple, à cause de la règle de minimis, il est impossible pour une collectivité de faire simplement appel à un agriculteur pour des prestations de services environnementales, telles que le maintien en herbe, sans passer par la mise en place de « mesures agroenvironnementales ».

Le troisième principe est la subsidiarité dans la clarté. Dans un domaine aussi ondoyant et divers, mais toujours technique, que la gestion de l’eau, la subsidiarité doit être de mise. En France, la moitié des départements portent le nom d’un cours d’eau. En France, la plupart des grands gestionnaires de cours d’eau et de digues sont des syndicats mixtes dont les principaux contributeurs sont les départements. Dans ces conditions, pourquoi ceux-ci ont-ils été exclus de l’exercice de la compétence GEMAPI par la loi MAPTAM, ce qui déstabilise complètement des départements qui s’étaient bien organisés, tel le Haut-Rhin, où le conseil départemental apporte l’ingénierie et de 40 % à 70 % du montant des investissements à tous les syndicats mixtes.

Cette proposition de résolution appelle une traduction législative qui permettra aux territoires de s’organiser plus facilement, à moindre coût et souvent, in fine, pour mieux assurer la sécurité des populations urbaines et la qualité de leur alimentation en eau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution à la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA », en passant par la loi du 3 janvier 1992, le législateur a montré un souci constant des problématiques afférentes à l’eau.

Gouvernance de l’eau, gestion qualitative et quantitative de l’eau, simplification administrative : telles ont été, légitimement, les priorités de l’action publique. Pourtant, cette dernière est d’une complexité confondante. Pis, les résultats ne sont pas à la hauteur : conflits de compétences, moyens insuffisants, instabilité normative, conflits d’usages et qualité écologique défaillante sont le quotidien d’une politique publique devenue illisible.

Nous devrions pourtant avoir un objectif simple : concilier les différents usages de l’eau pour rendre les activités humaines soutenables économiquement et écologiquement.

Cet objectif est-il inaccessible ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, nous l’atteignons dans bien des cas, et ce malgré un environnement normatif erratique. La France se situe en effet au-dessus de la moyenne européenne en matière de qualité des eaux.

De fait, la gestion de l’eau est un merveilleux exemple d’une politique dont les intrications perpétuelles nous font oublier le potentiel de notre pays.

S’agissant de la gouvernance, la division du travail entre l’Agence française pour la biodiversité, qui remplace notamment l’ONEMA, le Comité national de l’eau, les agences de l’eau, les comités de bassin, les commissions locales, le préfet coordonnateur de bassin et les syndicats communaux et intercommunaux n’a rien de cohérent.

Dans un esprit identique, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré la fusion d’établissements publics, ainsi que le transfert de la compétence GEMAPI : je ne crois pas que la gestion de l’eau ait été la priorité de ces réformes de circonstance. Sinon, comment expliquer que les agences de l’eau voient leurs compétences élargies à la biodiversité terrestre ? Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’un problème de gouvernance devient un problème budgétaire…

De plus, le problème de gouvernance entraîne des dommages collatéraux. Nous sommes spectateurs de la destruction en cours des 60 000 moulins de France, au nom de la continuité écologique et au mépris de la conciliation harmonieuse des différents usages de l’eau, dans le respect du patrimoine et des obligations de notre pays. Il nous faut bien sûr être attentifs à ce que les propriétaires des moulins respectent un mode de fonctionnement permettant la remontée des poissons. Pourquoi créer des instances consultatives au niveau national, au niveau de chaque bassin hydrographique et de chaque sous-bassin, pour en arriver à une situation aussi absurde ? J’aimerais que Mme la secrétaire d'État puisse apporter une réponse à cette interrogation, ma question écrite d’avril 2016, portant sur le même sujet, n’en ayant jamais reçu…

Le même constat vaut pour l’agriculture, le rôle de l’ONEMA, qui est à la fois un guichet pour accompagner des projets et un organe répressif, puisqu’il assure la police de l’environnement, suscitant beaucoup de confusion, et parfois de ressentiment.

Nous ne pourrons pas agir avec pragmatisme et discernement dans le domaine de l’eau, comme le souhaite notre collègue Rémy Pointereau, tant que nous ne serons pas venus à bout du péché originel, si j’ose dire, que constitue cette gouvernance illisible.

Pour cette raison, et pour beaucoup d’autres que je n’ai malheureusement pas le temps de développer, je voterai, comme mon groupe, cette proposition de résolution. D’ailleurs, je crois pouvoir dire que celle-ci rencontre une forte adhésion. En particulier, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, qui a exprimé les mêmes griefs à l’endroit de la gestion de l’eau en France, formule des préconisations voisines de celles de notre collègue Rémy Pointereau. La FNCCR nous invite à poursuivre nos travaux sur ce sujet ; c’est ce que nous ferons, pour qu’enfin notre politique de l’eau soit rationnelle, d’abord, et ambitieuse, ensuite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Détraigne et Alain Bertrand applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le dépôt de cette proposition de résolution par notre collègue Rémy Pointereau. Elle fait suite à son rapport d’information établi au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

L’eau est un bien précieux, une ressource qu’il faut préserver et bien gérer, qu’il s’agisse de la nappe phréatique, des fleuves, des rivières ou des ruisseaux. Parce qu’il est réellement indispensable de connaître parfaitement les réseaux, leur histoire, leur évolution, la participation active d’interlocuteurs de proximité et de l’ensemble des partenaires est nécessaire à cette bonne gestion.

L’eau et l’assainissement font partie des priorités de l’État, des collectivités territoriales et des agences de l’eau en matière de gestion, de travaux de maintenance et d’investissements.

L’analyse des factures d’eau fait apparaître des différences importantes en termes de prix de l’eau et de mode de calcul de celui-ci. Le coût réel de l’eau est de plus en plus significatif. Au prix de l’eau net, qui inclue le coût de l’assainissement et du traitement, s’ajoutent différentes taxes et redevances, d’où une complexité croissante et des écarts de prix au mètre cube allant de un à huit, voire davantage.

En milieu urbain, le service de l’eau est souvent confié à de grands groupes qui assurent l’entretien, les travaux, la gestion et la facturation aux abonnés. Pour ma part, je témoignerai modestement en tant que maire, depuis 2001, d’une commune de 170 habitants où le service de l’eau est géré en commune isolée. Avec une station de pompage, deux réservoirs et un réseau ancien en mauvais état, la gestion de l’eau est un réel problème : crainte de coupures d’eau ou de courant interrompant la distribution, analyses d’eau à la demande de l’agence régionale de santé, dont le coût pèse sur notre budget annexe… La lutte contre les fuites requiert un engagement de tous les jours et une bonne connaissance du réseau et de ses limites. Dans ma commune, la maintenance et le dépannage vingt-quatre heures sur vingt-quatre sont confiés à un syndicat qui gère au mieux et dont les interventions reposent souvent sur la compétence des fontainiers. Cette solution a certes un coût pour notre modeste budget annexe « eau potable », mais elle nous permet de conserver une gestion de proximité.

M. Charles Revet. C’est très important !

M. Marc Laménie. C’est pourquoi de nombreux élus, en particulier dans le monde rural, souhaitent le maintien des petits syndicats. Ces derniers fonctionnent grâce à des bénévoles qui connaissent parfaitement le réseau.

M. Bruno Sido. Les agriculteurs !

M. Marc Laménie. Gérer au mieux, économiser les ressources en eau reste une priorité et une responsabilité collectives. Je soutiens naturellement cette proposition de résolution, qui répond à des enjeux fondamentaux de développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Madame la présidente, monsieur l’auteur de la proposition de résolution, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de la politique de l’eau, sujet d’importance s’il en est, au travers de l’examen d’une proposition de résolution qui fait suite au rapport de M. Pointereau relatif au bilan de l’application de la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. Ce rapport avait été débattu dans cette enceinte en octobre dernier ; j’étais alors déjà présente au banc du Gouvernement, de même que lorsque le Sénat a examiné la proposition de résolution sur les contrats de ressources. Nous poursuivons donc aujourd’hui un échange engagé il y a quelques mois.

L’exposé des motifs de la présente proposition de résolution rappelle les enjeux majeurs auxquels devait répondre la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

L’ensemble des orateurs l’ont rappelé, l’eau est une ressource précieuse, et sa gestion est un sujet complexe. Il s’agit de mettre en œuvre une politique publique permettant de répartir au mieux la ressource disponible, d’assurer sa bonne qualité pour tous les usages, y compris la production d’eau potable, de préserver les milieux aquatiques et tous les services qu’ils nous rendent, de gérer à la fois la pénurie et les inondations.

Pour être efficiente, une telle politique doit s’adapter aux réalités locales, qui sont, comme vous l’avez unanimement rappelé, très diverses. Elle doit également prendre en compte des contraintes économiques.

Nous avons parfois tendance à oublier ce caractère complexe, car, la plupart du temps, les enjeux que je viens d’évoquer sont pris en considération de façon équilibrée. Néanmoins, des crises, comme celle que connaît Mayotte actuellement, viennent parfois nous rappeler que rien n’est pleinement acquis. Le Gouvernement œuvre, avec les collectivités concernées, au rétablissement prochain d’une situation normale, ainsi que, sur le long terme, pour assurer une gestion durable de la ressource et un niveau de service d’eau potable et d’assainissement satisfaisant.

L’exposé des motifs de la proposition de résolution insiste sur la nécessité de la simplification. Je tiens à vous rassurer d’emblée : cet enjeu est partagé par le Gouvernement.

M. Bruno Sido. Cela commence bien…

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Le Gouvernement a commencé à mettre la simplification en œuvre…

M. François Bonhomme. Il vous faudrait un deuxième quinquennat !

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. … dans le domaine de l’eau comme dans d’autres, ainsi que le montrent plusieurs évolutions récentes.

M. François Bonhomme. C’est flagrant !

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Par exemple, l’autorisation environnementale remplacera, à compter du 1er mars 2017, les autorisations au titre de la loi sur l’eau, avec des délais d’instruction réduits à neuf mois, au lieu de douze à quinze mois actuellement.

Cette autorisation sera notamment applicable aux projets de retenues ou aux prélèvements d’eau au-delà d’un certain seuil. Elle remplacera l’ensemble des autorisations, déclarations et dérogations environnementales requises, et permettra une analyse de l’ensemble des impacts du projet.

Vous avez demandé une application plus stricte des directives européennes : il va sans dire que le Gouvernement compte également aller dans ce sens.

Concernant la clarification entre les cours d’eau et les fossés et leurs règles d’entretien, une instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 a demandé aux services déconcentrés de cartographier les cours d’eau, qui sont désormais définis dans le code de l’environnement. M. Alain Bertrand a signalé que, sur son territoire, ce processus était engagé ; je le remercie de ce témoignage.

Nous avons également précisé les bonnes pratiques en matière d’entretien. Je rappelle que l’entretien courant du cours d’eau et de ses berges – faucardage, élagage, enlèvement d’atterrissements ponctuels – peut être réalisé par le propriétaire riverain sans procédure préalable. En outre, l’entretien des fossés ne nécessite pas de procédure préalable particulière.

Comme l’ont rappelé MM. Bérit-Débat et Pointereau, en matière de politique de l’eau, seule une association de l’ensemble des acteurs permet d’atteindre l’efficacité.

Vous avez notamment souligné l’importance du rôle des agriculteurs dans la gestion de l’eau et vous proposez de développer des contrats avec les agriculteurs pour la prestation de services environnementaux. Pourquoi pas, mais cela devra se faire dans le respect de l’encadrement européen des aides d’État aux acteurs économiques et dans le cadre d’une démarche territoriale.

On peut constater que la politique de l’eau a une gouvernance adaptée aux différentes échelles pertinentes : au niveau national, avec le Comité national de l’eau, au niveau des bassins hydrographiques, avec les comités de bassin, au niveau des bassins versants, avec les commissions locales de l’eau.

Le débat parlementaire sur la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été l’occasion de faire évoluer la composition des comités de bassin. Je rappelle que les représentants des collectivités y ont conservé 40 % des sièges. De nombreux orateurs ont proposé de revoir cette composition. Mon avis sur ce point est extrêmement réservé. Il me semble qu’il convient maintenant de mettre en œuvre cette évolution de la composition des instances, sans y revenir sans cesse et sans affaiblir la place des collectivités dans les instances de bassin, aux côtés de l’État.

Sur un autre registre, M. Bérit-Débat a rappelé que la loi NOTRe a confié la gestion de l’eau et l’assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale. Il faut laisser le temps à cette réforme de se mettre en place et accompagner les communes, qui peuvent se sentir seules face à ce champ d’intervention. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons en mesurer pleinement l’efficacité.

La compétence GEMAPI a été attribuée au bloc communal. Ce dernier dispose toutefois de la possibilité de la transférer aux syndicats de rivière, avec les ressources financières affectées, afin de garantir une cohérence hydrographique. Le schéma retenu par le Gouvernement est donc cohérent avec les préconisations de la proposition de résolution.

Cette organisation doit permettre de limiter le morcellement de cette compétence et de faire émerger des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement. Les élus locaux y sont attachés. Étant moi-même élue d’une commune qui abrite les captages d’eau de son agglomération, je sais l’importance d’une gestion collective.

Monsieur Tandonnet, vous avez souligné la nécessité d’économiser l’eau. Il me semble que des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement, plus aptes à assurer une gestion durable du patrimoine, peuvent y contribuer, notamment en matière de prévention des fuites sur les réseaux.

Plusieurs intervenants ont appelé à soutenir financièrement les collectivités dans la lutte contre les fuites d’eau et l’amélioration de la connaissance des réseaux d’eau potable. Je rappelle qu’entre 100 millions et 200 millions d’euros ont été ou seront consacrés à cette fin par les agences de l’eau entre 2015 et 2017.

Vous l’aurez compris, nos collectivités sont au cœur des démarches territoriales à mener avec les agriculteurs pour la reconquête de la qualité de l’eau de 1 000 captages d’eau potable prioritaires. L’Agence française de la biodiversité, créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, apportera son aide, avec la mobilisation d’un centre de ressources qui permettra la diffusion d’exemples, d’outils et de méthodes pour accompagner les acteurs locaux.

En ce qui concerne les organismes uniques de gestion collective, l’eau est évidemment un facteur important pour l’agriculture, tout particulièrement dans un contexte de changement climatique qui va accroître la tension sur la ressource. Il importe donc de sécuriser le dispositif des organismes uniques de gestion collective. À ce titre, des consignes ont été données pour que leurs autorisations soient délivrées dès l’année dernière, afin qu’ils commencent à exercer leur mission.

Vous souhaitez renforcer la présence des acteurs et des professionnels au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion collective. Nous y sommes favorables par principe. Je rappelle simplement que ces organismes ont été institués au cas par cas, sur proposition des irrigants. Ce sont souvent les chambres d’agriculture qui exercent ces missions. Les organismes uniques de gestion collective peuvent d’eux-mêmes modifier leur gouvernance interne, dans la limite du maintien des conditions d’égalité et d’équité de traitement entre tous les irrigants.

Par ailleurs, une instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 a pour objet de permettre la création de retenues de substitution dans le cadre de projets de territoire partagés avec l’ensemble des acteurs concernés.

Au-delà de ces infrastructures artificielles qu’il nous faut continuer à construire, il ne faut pas oublier que la nature porte en elle-même des solutions : les zones humides permettent de stocker l’eau en période d’excédent, de favoriser la recharge des nappes et d’écrêter les crues ; leur préservation est essentielle.

L’accroissement de la ressource ne peut être le seul objectif en matière de gestion quantitative. Nous devons également travailler sur les impacts du réchauffement climatique, qui modifieront l’hydrologie et pourraient remettre en cause ces investissements assez rapidement. Les économies d’eau sont donc un levier essentiel, qui permettra de s’adapter à la rareté croissante de la ressource.

Je ne saurais achever mon propos sans parler de la politique de restauration de la continuité écologique, dont j’ai déjà eu l’occasion de débattre avec vous en octobre et en décembre. Je n’apporterai pas d’élément nouveau, car la position du Gouvernement est constante. L’objectif est de permettre la circulation des poissons migrateurs et des sédiments, tout en tenant compte des usages existants. Il n’est nullement question, je le redis, de faire table rase de tous les moulins de notre territoire !

L’effacement des seuils, solution économique et efficace sur le plan environnemental, est privilégié lorsqu’il ne remet pas en cause des usages, notamment la production hydroélectrique. Dans le cas contraire, d’autres mesures sont mises en œuvre, comme l’aménagement des seuils ou des règles de fonctionnement des ouvrages.

Dans l’ensemble de ces champs, les agences de l’eau apportent des soutiens financiers importants aux porteurs de projets : collectivités territoriales, agriculteurs, gestionnaires d’espaces naturels et particuliers. Je ne reviendrai pas sur la participation de ces agences au redressement des comptes de la Nation : nous en avons abondamment parlé lors de nos débats précédents. Je confirme simplement que, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement, 2017 sera la dernière année où un prélèvement sera opéré sur les budgets des agences de l’eau. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ça, c’est une bonne nouvelle !

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d’État. Je rejoins M. Desessard : il convient d’encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans cet esprit, les agences de l’eau lancent des appels à projets en matière d’économies d’eau, pour permettre l’éclosion de démarches innovantes. La préservation et la restauration des zones humides sont là encore un enjeu essentiel.

Vous le voyez, monsieur Pointereau, le Gouvernement a entendu vos propositions. Certaines d’entre elles rejoignent nos intentions ; cela prouve que des convergences sont possibles… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) D’autres, notamment en matière de gouvernance, appellent en revanche de notre part d’extrêmes réserves, voire un avis défavorable. Au demeurant, comme j’ai tâché de vous le démontrer, une partie des mesures que vous préconisez ont déjà reçu une traduction concrète.

Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que la préservation de l’eau, ce bien commun de la Nation, passe par une politique publique complète associant planification concertée, incitation financière, action régalienne et subsidiarité territoriale. Telle est la traduction concrète du pragmatisme et du discernement que nous appelons tous de nos vœux ! Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE) ;

Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA), ayant pour objectifs de doter la France des outils permettant d’atteindre, en 2015, l’objectif de « bon état des eaux » fixé par la DCE, d’améliorer le service public de l’eau et de l’assainissement, d’organiser l’accès à l’eau pour tous avec une gestion plus transparente et de prendre en compte l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau ;

Vu le rapport d’information de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, intitulé « Gestion de l’eau : agir avec pragmatisme et discernement », n° 807, 2015/2016 ;

Conscient que l’eau est une ressource rare, qu’elle n’appartient à personne et est la propriété de tous ;

Considérant que le thermomètre normatif en matière de gestion l’eau change trop souvent alors que l’ensemble des acteurs, usagers, consommateurs, professionnels, agriculteurs, industriels, contribuables, associations et collectivités ont fait et font des efforts considérables pour atteindre les critères fixés par la directive cadre sur l’eau (DCE) et ceux de la loi Grenelle ;

Considérant que les ponctions aux budgets des Agences de l’eau au profit du budget de l’État font peser un réel danger sur l’investissement des collectivités et donc sur l’emploi local, et ne peut que pénaliser les collectivités dans leurs travaux d’investissements, mais également dans la réalisation des engagements européens ;

Observant le manque de concertation et de directives claires sur les décisions prises, d’une diffusion de diagnostics se fondant uniquement sur les points négatifs des ouvrages, sans jamais tenir compte des apports positifs éventuels des différents ouvrages, comme par exemple la stabilité de biodiversité qu’elle permet, ou encore le potentiel de production hydro-électrique, ou le maintien d’un niveau d’eau (avec une humidité des sols) dans les parcelles jouxtant les ouvrages ;

Observant que les aires d’alimentation des captages (AAC) manquent de moyens pour leur mise en œuvre, leur fonctionnement, mais aussi d’animation locale à même d’instaurer une dynamique vertueuse, en concertation agricole; constatant que les collectivités en charge de la mise en œuvre des aires alimentations, des actions pour lutter contre les pollutions manquent de moyens financiers ;

Considérant que la suppression de la taxe finançant le fonds de garantie du risque de développement lié à l’usage des boues en agriculture ou sylviculture risque de se traduire sur le terrain par la remise en cause les plans d’épandage, et donc par d’importantes difficultés pour certaines collectivités en ce qui concerne l’élimination de leurs boues d’épuration; Observant que la profession agricole considère que cette taxe, pour les territoires où les boues sont épandues en agriculture, est une garantie nécessaire à la pérennité de cette pratique, dont les coûts de mise en œuvre sont bien supérieurs aux autres filières d’élimination des boues ;

Considérant que 20 % de l’eau traitée et mise en distribution est perdue en raison des fuites dans les réseaux d’eau potable, ce qui représente une perte annuelle d’un milliard de mètres cube, que les causes de ces fuites peuvent être liées à la vétusté des installations et des canalisations, à une corrosion naturelle, aux évolutions et mouvements des sols ou encore à la pression élevée de l’eau dans les canalisations, que le coût de financement des réseaux d’assainissement, particulièrement dans les territoires ruraux, justifient des investissements très importants, difficilement réalisable par certaines collectivités ;

Considérant le dispositif de gestion collective de l’eau introduit par la LEMA, et notamment la création des organismes uniques de gestion collective (OUGC) dans les secteurs en tension quantitative ; observant que les OUGC ne peuvent pas refuser l’accès à l’eau à un agriculteur hors de la zone de répartition des eaux (ZRE), que les périmètres de consommation restreinte ne respectent pas nécessairement les ressources ;

Considérant qu’environ un quart du territoire métropolitain est aujourd’hui inscrit en zones de répartition des eaux (ZRE), c’est-à-dire dans des sous-bassins hydrographiques caractérisés par une insuffisance chronique de la quantité d’eau mobilisable au regard des besoins à satisfaire, que ces ZRE ne sont pas tous justifiées ;

Constatant une diminution des surfaces irriguées à cause de la complexité des autorisations de pompage et des difficultés liées à l’instruction des dossiers de demande de stockage d’eau pour l’agriculture; considérant que la ressource en eau pour l’agriculture doit redevenir une priorité et considérée comme une richesse en termes de diversification des cultures (obligation européenne) et une assurance pour les récoltes, notamment pour les semences ;

Considérant la réglementation française en matière de réutilisation des eaux usées (REUT) et sa complexification par l’arrêté du 25 juin 2014 fixant des prescriptions techniques particulières pour les systèmes d’irrigation et d’arrosage par aspersion ;

Considérant que, selon la classification des cours d’eau – ruisseau, rivière, canal ou simple fossé –, les possibilités d’entretien diffèrent, qu’une demande préalable à l’entretien doit être effectuée et acceptée par les services départementaux, que les procédures administratives ne sont pas toujours d’une rapidité suffisante, que le mauvais entretien des cours d’eau est pointé comme un facteur aggravant des inondations ;

Considérant que l’arasement systématique des seuils des moulins menace de développement de la petite hydroélectricité qui représente en France une filière industrielle importante dans le domaine de l’énergie ;

Constatant que la complexité des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ne permet pas aux acteurs de l’eau d’en comprendre les fondements et de définir les modalités pratiques de mise en œuvre; observant que certains de ces acteurs semblent être sous-représentés, comme les irrigants, les jeunes agriculteurs ou les propriétaires ruraux, au sein des instances de bassin ;

Considérant que le niveau intercommunal n’est pas le mieux adapté pour l’exercice de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI), pour des raisons financières et parce qu’il ne correspond pas à la notion de bassin versant ;

Affirme l’urgence de parvenir à une meilleure gestion qualitative et quantitative de la ressource en eau ;

En conséquence, invite le Gouvernement à engager les mesures suivantes.

Pour une meilleure gestion qualitative de l’eau :

Veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au strict respect des directives européennes et fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, afin de pouvoir mesurer les progrès réels effectués en matière de politique de l’eau ;

Interdire tout prélèvement par l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau, afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau et d’atteindre les objectifs de qualité de l’eau fixés au niveau européen; appliquer le principe de « l’eau paye l’eau » ;

Favoriser les solutions au cas par cas, acceptables économiquement et socialement, ainsi que la combinaison de différentes techniques pour restaurer la continuité écologique ; inscrire les modifications de seuils dans le cadre d’actions plus globales de restauration du milieu aquatique dans son ensemble ;

Mieux utiliser les moyens du fonds de garantie boues mis en place par la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ;

Renforcer les moyens financiers pour les collectivités locales dans la protection des captages, des réseaux d’assainissement et stations d’épurations.

Pour une meilleure gestion quantitative de l’eau :

Soutenir financièrement les collectivités pour lutter contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et mettre en place un plan d’action visant à acquérir une connaissance plus approfondie de ces réseaux, rechercher et réparer les fuites ou renouveler les conduites ;

Sécuriser juridiquement les organismes uniques de gestion collective (OUGC) en clarifiant les liens entre les OUGC et les irrigants ;

Renforcer la présence des acteurs et professionnels concernés au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion ;

Promouvoir le développement de contrats avec les agriculteurs pour effectuer des prestations de services environnementaux ;

Définir des plans d’action qui concilient protection de la qualité de l’eau et potentiel de production et qui prennent mieux en compte l’évaluation des risques (inondations, sécheresse, etc.) en favorisant par exemple des bassins d’écrêtement des crues ;

Favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiages ou lorsque la situation le permet ;

Favoriser les retenues de substitution et collinaires avec la possibilité de remplissage dès lors que les niveaux d’eau sont suffisants ou excédentaires en période de crue ;

Encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau ;

Réutiliser les captages d’eau potable abandonnés pour des usages non alimentaires (irrigation, arrosage public, etc.).

Pour une simplification des procédures et l’allégement des normes applicables à l’eau :

Simplifier les procédures de nettoyage des rivières et des fossés ;

Raccourcir les procédures et alléger les contraintes d’autorisation de pompage, et de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment les obligations en matière d’études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement ;

Raccourcir les délais d’instruction pour les dossiers de création de réserves en eau et les sécuriser juridiquement ;

Compléter l’article L. 214-17 du code de l’environnement, qui concerne les obligations relatives aux ouvrages, afin de préciser que le classement des cours d’eau en liste , c’est-à-dire dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, doit permettre de concilier le rétablissement de la continuité écologique avec les différents usages de l’eau, et en particulier le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ;

Agir avec pragmatisme et discernement pour un arasement non systématique des seuils et préserver le fonctionnement des moulins qui font partie du patrimoine national.

Pour une meilleure gouvernance et planification de l’eau :

Revoir le contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux en y intégrant notamment un volet prospectif sur l’anticipation au changement climatique et en les simplifiant ;

Rééquilibrer la composition des instances de bassin sur la base d’une répartition prévoyant un tiers de consommateurs et associations agréés par l’État, un tiers de collectivités et un tiers d’utilisateurs industriels et agricoles ;

Reconnaître les propriétaires ruraux comme des acteurs environnementaux ;

Attribuer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) à une collectivité correspondant davantage à un bassin versant (département ou syndicat de rivière) à condition de leur transférer les moyens financiers pour en assurer la mise en œuvre en lien étroit avec les agences de l’eau.